LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DE LA BOLIVIE
Communiqué de Presse
DH/N/196
LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DE LA BOLIVIE
19970325 Les membres du Comité demandent des précisions sur le traitement des plaintes pour tortureLe Comité des droits de l'homme, réuni ce matin sous la présidence de Mme Christine Chanet (France), a entamé l'examen du deuxième rapport périodique de la Bolivie. Il a entendu Mme Katia Saucedo Paz, Sous-secrétaire aux droits de l'homme au Ministère de la Justice de Bolivie, qui a présenté oralement un rapport et a précisé que le Gouvernement bolivien a adopté des réformes constitutionnelles afin de transformer les structures archaïques de l'Etat. Ces réformes sont complétées par des mesures sociales et éducatives. Toutefois les systèmes judiciaire et pénitentiaire ne fonctionnent pas encore de façon adéquate, ce qui a entraîné un manque de confiance de la population et des retards dans l'administration des peines. C'est pourquoi depuis février 1996 une grande réforme pénale a été mise en place qui vise à combattre les retards judiciaires. La représentante a ajouté que la réforme partielle du code pénal, entreprise le 10 mars dernier a pour but d'éliminer notamment la peine capitale du Code pénal. En ce qui concerne la diversité ethnique, la réforme qui se met en place envisage notamment de permettre aux communautés autochtones d'avoir leur propre droit commun. La délégation bolivienne a ensuite répondu aux points soulevés par le groupe de travail présession.
Formulant des observations et questions, les membres du Comité se sont réjouis du caractère franc du rapport présenté par la Bolivie. Toutefois plusieurs d'entre eux ont souhaité obtenir des éclaircissements sur le respect des droits fondamentaux de la personne et notamment le droit à la vie. La question du suivi des plaintes pour torture a été abordée. Notant l'importance des violences policières, certains experts ont demandé ce que le gouvernement bolivien entreprenait pour lutter contre cette violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a été mis en avant que les violences policières touchent plus les populations autochtones. D'autres experts ont estimé que si la tentative de limiter le recours à la prévention préventive est louable, cette formule pouvait également aller à l'encontre du Pacte, privant les prévenus de leur droit à la défense.
Le Comité reprendra l'examen du rapport de la Bolivie, cet après-midi à 15 heures.
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Documentation
Rapport de la Bolivie
Le deuxième rapport périodique de la Bolivie (CCPR/C/63/Add.4), indique que les garanties constitutionnelles sont respectées, les conventions internationales relatives aux droits de l'homme sont suivies d'effet et que les différentes réformes mises en oeuvre par les pouvoirs publics pour moderniser l'Etat et promouvoir le progrès social sont appliquées dans le cadre des lois et de la Constitution. La Bolivie dispose librement de ses richesses et ressources naturelles, exception faite de la production et de la commercialisation de la feuille de coca, régies par les conventions internationales et la loi bolivienne. La commercialisation de la coca donne lieu à une perception d'impôts, en conséquence, il existe une feuille de coca légale et une autre illégale. Cependant, de vastes secteurs de la population considèrent que la feuille de coca constitue une ressource naturelle du peuple bolivien, et qu'elle doit donc être utilisée conformément aux intérêts nationaux. C'est à cette conception que l'on doit la forte opposition du monde paysan à l'éradication des cocaïers dans les zones de production excédentaires et illicite.
Malgré tous les efforts déployés par l'actuel gouvernement pour garantir le bien-être de tous les secteurs de la population bolivienne, on doit déplorer la persistance d'abus à l'encontre de certaines ethnies, dans les zones éloignées des centres peuplés. C'est notamment le cas du peuple guarani, dont de nombreux représentants sont la proie de véritables systèmes d'exploitation de la part des grands propriétaires terriens du sud-est bolivien. Devant cette situation, le sous-secrétariat aux droits de l'homme du Ministère de la justice a décidé la création d'une commission en vue de faire respecter les droits du peuple guarani.
L'égalité juridique étant expressément reconnue par la Constitution, il n'est fait aucune distinction entre les hommes et les femmes, quels que soient leur niveau d'instruction, leur profession ou leur revenu.
Toutefois en raison d'usages anciens et de pesanteurs difficiles à surmonter, actuellement l'égalité juridique effective de l'homme et de la femme n'est pas complète. La femme reste franchement minoritaire à tous les niveaux de la prise de décision. Il faut noter un effort contre cette discrimination avec le projet de loi contre la violence domestique qui permet de faire constater les voies de fait commises dans le milieu familial et de les sanctionner. La loi pénale en vigueur vient contredire le principe d'égalité de tous devant la loi dans la mesure où elle pèse de manière unilatérale sur les couches sociales défavorisées et où elle laisse les puissants impunis. Sous couvert de légalisme, la sélectivité commence au sein
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même de l'institution policière dans la mesure où celle-ci choisit arbitrairement les personnes qui doivent être mises à la disposition de la justice. Faute d'infrastructure, d'organisation policière suffisante et de moyens en général, il est pratiquement impossible d'instruire tous les crimes et délits.
En matière de corruption, le système actuellement en vigueur quant aux responsabilités aggrave la situation dans la mesure où il fait obstacle à une prompte et transparente administration de la justice en cas de manquement de la part des fonctionnaires publics. La suspension des obligations contractées en vertu du Pacte peut être effective en cas d'état de siège. Cette mesure extraordinaire suspend alors les droits et garanties des personnes convaincues de comploter contre l'ordre public en cas de grave péril imputable à des troubles internes ou à la guerre. Le 18 avril 1996, l'état de siège a été déclaré en Bolivie par suite de graves troubles provoqués par des dirigeants du corps enseignant opposés à la loi de réforme de l'enseignement.
Les actions des trois pouvoirs de l'Etat visent à renforcer la démocratie dans le plein respect des droits de l'homme. Dans cet esprit, l'actuel gouvernement a supprimé la prison pour dettes en matière pénale. Jusqu'ici, l'article 334 du Code de procédure pénale disposait que "si le condamné ne possède pas de biens que l'on puisse saisir, il sera procédé à sa prise de corps et à son placement dans un établissement pénal approprié jusqu'à ce qu'il ait effectivement remboursé les dommages causés". Ainsi une fois purgée leur peine, les condamnés pouvaient rester indéfiniment en prison tant qu'ils n'avaient pas acquitté le montant des dommages-intérêts correspondant au délit ou au crime dont ils s'étaient rendus coupables.
L'article 70 de la Constitution consacre le droit à la vie, comme droit principal et fondamental. Ainsi l'article 17 dispose qu'il "n'existe ni peine infamante, ni mort civile". Bien que le Code pénal en vigueur conserve la peine de mort pour les crimes d'assassinat, de parricide et de trahison, la Constitution est la loi suprême et en conséquence la peine de mort n'existe pas en Bolivie. La torture ou autres traitements cruels sont formellement interdits par la Constitution. On n'en relève pas moins des cas de torture, principalement dans le cadre des enquêtes policières consécutives à des crimes ou à des délits. Le gouvernement s'est associé aux travaux d'une commission parlementaire chargée d'instruire les cas de torture dans la police, en vue d'en traduire les auteurs devant les tribunaux.
Les droits fondamentaux à la liberté et à la sécurité des personnes sont expressément protégés par la Constitution. Devant les carences, les incohérences et les insuffisances du Code de procédure pénale qui ont entraîné un recours abusif à la détention préventive, le Ministère de la justice a élaboré un projet de loi de garantie judiciaire contre les retards de la justice pénale, afin de mettre un terme au fléau que constitue la lenteur de
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la justice dans un pays où les prisons renferment 85% de détenus qui n'ont pas été condamnés. Ce projet devrait être voté en décembre prochain. Pour les individus ayant été illégalement arrêtés ou détenus, le Ministère de la justice est en train de préparer l'installation de la Caisse de réparation prévue par le Code pénal.
Si la Constitution proclame que tout être humain a la personnalité juridique sans distinction d'aucune sorte, ces principes ne sont pas encore appliqués avec toute la rigueur souhaitable par le régime pénitentiaire. Du fait de l'inadaptation des établissements pénitentiaires, la population pénale est placée dans les mêmes conditions, sans aucune séparation. Pour éviter le séjour prolongé des mineurs dans les prisons, l'article 4 du projet de loi de garantie judiciaire prévoit que le juge ne pourra ordonner la détention préventive des mineurs que dans le cas des crimes et délits pour lesquels le maximum de la peine privative de liberté prévue par la loi est de 5 ans ou plus. Certains articles de la loi relative aux stupéfiants sont attentatoires au principe de présomption d'innocence, notamment les articles qui interdisent les exceptions préalables et préjudiciaires et refusent aux inculpés le bénéfice de la liberté provisoire.
En ce qui concerne, les droits de la famille et de l'enfant, malgré des dispositions constitutionnelles et une politique de la famille, il existe des lois et des situations qui battent en brèche ces garanties. C'est ainsi que certaines dispositions légales privilégient l'intimité et l'autonomie de la famille, créant un climat de permissivité sociale à l'égard de la violence domestique au point de lui conférer l'impunité. Toutefois le Parlement a promulgué, le 18 octobre 1994, une loi qui porte ratification et approbation de la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre les femmes. D'autres part, le Parlement est en train de débattre d'un projet de loi contre la violence domestique.
En ce qui concerne le droit des minorités ethniques, la Bolivie, pays pluriethnique, leur a octroyé des droits spéciaux, tels que l'affectation de zones géographiques réservées à leur usage exclusif et à leur conservation. Un décret a notamment créé une commission chargée de rédiger un projet de loi sur les populations autochtones de l'Oriente et de l'Amazonie qui fixera les droits et les devoirs, ainsi que les règles devant régir les relations entre leurs structures traditionnelles de gouvernement interne et le régime politique et administratif de la République.
Présentation du rapport par l'Etat partie
Mme KATIA SAUCEDO PAZ, Sous-secrétaire aux droits de l'homme au Ministère de la Justice de Bolivie, a précisé que le Gouvernement bolivien a adopté des réformes constitutionnelles afin de transformer les structures archaïques de l'Etat. Ces réformes sont complétées par des mesures sociales et éducatives. Les systèmes judiciaire et pénitentiaire ont été, par moment,
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mis à rude épreuve, ce qui a entraîné une perte de confiance de la population et des retards importants dans l'imposition des peines. C'est pourquoi la Bolivie était récemment encore l'un des pays avec l'un des plus forts pourcentages de détenus non encore jugés. Cette situation porte atteinte aux droits de l'homme et viole l'Etat de droit, c'est pourquoi plusieurs mesures ont été prises, notamment le 15 décembre 1994, la suppression de l'emprisonnement pour dettes. La situation des mineurs passant en justice est également préoccupante et aujourd'hui la politique est réorientée vers la réinsertion et l'éducation.
Depuis février 1996, une grande réforme pénale a été mise en place qui vise à combattre les retards judiciaires et notamment les situations où les peines d'emprisonnement imposées sont inférieures à la durée de la détention préventive. Ainsi en un an, 30% des personnes en prison ont pu être libérées. Auparavant le taux des personnes emprisonnées mais non jugées était de 91%, contre 59,8% aujourd'hui. Depuis décembre 1995, la loi sur la violence dans les foyers a été adoptée et depuis 1989, la Bolivie a adhéré à la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La réforme s'accompagne de mécanismes opérationnels de mise en application, tel le Programme de défense publique, restructuré en 1995 et qui a pour but, grâce à l'assistance judiciaire gratuite, que la justice soit assurée pour les personnes les plus démunies. La défense publique met en oeuvre une série de formules qui garantit le droit de la défense. Depuis 1994, 48 000 cas ont ainsi été traités, conduisant à 27 000 libérations. Un mécanisme pilote de défense judiciaire dans une région où l'on produit la feuille de coca a également été mis en place, car les habitants de ces régions sont réduits, à cause du trafic de drogue, à exercer une activité délictueuse qui les met en opposition à la loi.
La représentante a indiqué que la réforme partielle du code pénal, entreprise le 10 mars dernier, a pour but d'éliminer notamment la peine capitale du Code pénal. Elle vise également à développer le système de conversion des peines privatives de liberté en peines dites de jour, afin que les personnes qui n'ont pas les moyens de verser une caution pour leur libération provisoire ne soient pas contraintes de croupir en prison.
En ce qui concerne la diversité ethnique, celle-ci est reconnue dans le Code de procédure pénale. La réforme qui se met en place envisage notamment de permettre aux communautés autochtones d'avoir leur propre droit commun. Le projet de Nouveau code de procédure pénal prévoit que l'Etat respecte les coutumes autochtones, et préfère le recours à des sanctions autres que l'emprisonnement dans les cas impliquant des individus autochtones. Mme Paz a expliqué qu'il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l'administration de la justice, telle l'élaboration d'instruments normatifs qui devront permettre à la Bolivie de mettre en place des institutions de protection des droits fondamentaux, comme par exemple un Tribunal constitutionnel.
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Commentaires de la Bolivie
Répondant aux questions figurant sur la liste adoptée par le Comité des droits de l'homme (CCPR/59/LST/BOL/2), Mme Katia Saucedo Paz a précisé qu'en ce qui concerne l'état de siège, le Président de la République le proclame avec l'assentiment du Parlement. Des enseignants et autres groupes politiques avaient organisé une marche visant à compromettre le bon déroulement des services publics. Par un décret du 11 juillet 1995, l'état de siège a été proclamé à l'échelle nationale. La Commission des droits de l'homme a exigé une enquête sur les mesures qui ont conduit à l'état de siège. Le pouvoir exécutif peut décider de renforcer les effectifs des forces armées. Il peut éloigner les responsables syndicaux dans certaines régions de province. Les immunités diplomatiques ne sont pas suspendues pendant l'état de siège.
S'agissant de l'usage d'armes par la police, Mme Saucedo Paz a expliqué que le Ministère de l'intérieur est l'autorité chargée de surveiller le bon déroulement de l'ordre public. L'usage des armes est réglementé conformément aux dispositions du Pacte international des droits civils et politiques. Le régime pénitentiaire est sur le point d'être transféré au ministère de la justice. Faisant référence à la peine capitale, Mme Saucedo Paz a indiqué qu'elle a été éliminée et la peine maximale en vigueur est de 30 ans. On a rarement recouru à la peine de mort en Bolivie. Le gouvernement bolivien a ratifié le Protocole II relatif à l'abolition de la peine de mort et la Convention interaméricaine relative à la peine de mort. La peine capitale ne figure plus désormais dans le code pénal bolivien.
Abordant la question de la torture, des exécutions extrajudiciaires et des arrestations et détentions arbitraires, Mme Rosaly Ledezma, Membre de la Commission des réformes pénales législatives au Ministère de la justice, a indiqué que le cadre constitutionnel en vigueur en Bolivie interdit ces pratiques. Lorsque des violations des droits de l'homme ont été constatées, des mesures coercitives à l'encontre des fonctionnaires responsables ont été prises. Les aveux obtenus sous la torture sont déclarés nuls.
En ce qui concerne la liberté et la sécurité de la personne, Mme Paz a indiqué que l'article 9 du pacte est respecté car en décembre 1994 une loi a été promulguée interdisant d'emprisonner les gens pour les obliger à remplir leurs obligations matrimoniales. Le régime des mesures d'exécution des peines a été fortement modifié, notamment avec le principe de ne pas ordonner de peine d'emprisonnement dans les cas de non-paiement de dettes. Il est prévu également que les personnes qui ne peuvent pas verser l'argent prévu pour leur caution soient tout de même libérées. Aujourd'hui pour qu'une personne soit placée en détention préventive, il faut que la peine encourue soit supérieure à 4 ans et qu'il y ait un danger de fuite ou d'obstacle fait à l'instruction. Auparavant les audiences des juges n'étaient pas tenues dans les délais de 24 heures prévus dans le cadre de l'habeas corpus. Désormais si le juge ne se prononce pas dans les 24 heures succédant à la demande, on part du principe qu'il s'est prononcé en faveur du prévenu et la personne sera donc remise en liberté.
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Le Gouvernement bolivien a reconnu que la loi antistupéfiant pouvait avoir certains aspects anticonstitutionnels et pouvait porter atteinte aux droits fondamentaux. C'est pourquoi elle a été modifiée. Les personnes n'avaient pas la possibilité de bénéficier d'un régime de liberté provisoire tant que la Cour suprême ne s'était pas prononcée. La modification apportée permet de faire valoir le principe de la présomption d'innocence. L'ancienne loi disposait en outre que toutes les décisions prises par le juge de première instance devait donner lieu à une consultation préalable de la Cour suprême. Cette disposition a été éliminée, car elle entraînait des retards importants. Un système de défense publique a été mis en place. Dans les zones de production de la feuille de coca, un autre système de protection a été développé par l'intermédiaire des bureaux des droits de l'homme, qui se composent d'un médecin et d'un avocat, et a pour but d'assurer le respect des droits fondamentaux des personnes. L'utilisation de la torture pour recueillir des aveux est inadmissible également dans ces cas et est irrecevable.
Les conditions de détention sont difficiles en Bolivie et toutes les lois adoptées dans le Nouveau plan pénal visent à améliorer la situation carcérale et à garantir le respect de la procédure, notamment en réduisant les retards dans les jugements. De nouvelles prisons sont actuellement en construction, notamment à Cochabamba. Le Ministère de la Justice emploie également des mesures de grâce contre l'emprisonnement des mineurs, l'emprisonnement pour dettes et s'efforce de dédommager les personnes victimes d'une détention préventive abusive. En ce qui concerne les mineurs, la loi prévoit que la détention préventive des moins de 18 ans doit être appliquée si la peine encourue est de plus de 5 ans. Des efforts sont déployés pour établir un système de rééducation, avec notamment des ateliers de formation. Toutefois des difficultés budgétaires empêchent d'appliquer pleinement ce projet. Il n'est pas possible d'avoir un système de classement et de séparation des détenus, notamment entre les adultes et les mineurs, faute de moyens financiers et de place. Le Ministère de la justice a également mis en oeuvre une campagne d'information destinée aux personnes emprisonnées afin qu'elles puissent avoir une meilleure connaissance de leurs droits.
Mme Ledezma, poursuivant sur la situation carcérale a rappelé qu'à plusieurs reprises des détenus ont protesté contre les conditions de détention. A ce sujet, le Gouvernement a mis en place avec la Croix-Rouge internationale, un système de visite des prisons afin que les conditions humanitaires des prisons soient objectivement évaluées. Par ailleurs, pour réduire l'engorgement des prisons, il est recouru à des mesures permettant aux condamnés de courte durée de bénéficier d'un sursis, à condition qu'ils se soumettent à certaines règles. Se référant à la non-discrimination, Mme Saucedo Paz a rappelé que la Constitution de la Bolivie reconnaît ce droit à toute population autochtone. Les populations autochtones ont accès à la vie publique au même titre que le reste de la population bolivienne. Elles ont accès à tout poste public. Reprenant la parole, Mme Ledezma a indiqué que le
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gouvernement bolivien a mis en place un secrétariat chargé des questions liées à l'égalité des sexes. L'enseignement est assuré dans les deux langues pratiquées dans le pays, à savoir l'espagnol et la langue autochtone. La loi relative à la réforme agraire d'octobre 1996 prévoit l'égalité des droits en matière de propriété foncière, en faveur des femmes. Elle prévoit en outre que l'éducation assure l'épanouissement des hommes et des femmes.
Mme Saucedo Paz a indiqué qu'une loi de 1994 concernant la violence dans les familles garantit des droits à la femme et aux enfants mineurs. La participation des femmes à la vie économique atteint 39%. Une bonne proportion des avocats sont des femmes. Le sous-secrétariat chargé de la question des femmes a encouragé une participation plus active des femmes à la vie politique. Faisant remarquer que les populations autochtones constituent la majorité de la population nationale, la représentante a indiqué que leur participation devient de plus en plus active dans la vie publique et politique du pays. On compte deux candidats autochtones au poste de vice-président. Le ministère de la justice a mis au point une justice communautaire mieux adaptée aux différends éventuels au sein des minorités.
En ce qui concerne l'interdiction du travail forcé, des mesures ont été prises, notamment, afin de réglementer le travail domestique, qui est souvent le cadre d'une exploitation des personnes les plus démunies. Désormais, le personnel de maison a droit au repos, à des jour fériés, à une durée du travail limitée et à la possibilité de bénéficier d'une assurance sociale. La situation particulière des Guaranis a fait l'objet d'une enquête de la part d'une Commission parlementaire et des procédures pénales pertinentes devraient être prises contre les contrevenants. Le Ministère de la justice a pris des mesures pour obtenir un financement international pour créer un bureau des droits de l'homme, composé d'un médecin et d'un avocat, auprès de ces populations. En matière d'interdiction du travail forcé, le Code pénal prévoit que l'on ne peut pas forcer quelqu'un à purger sa peine par l'exécution d'un travail ou de prestation de service. Le travail des mineurs est une caractéristique des pays pauvres, telle la Bolivie, car le travail des adultes n'apporte pas de ressources suffisantes pour assurer leur subsistance. Les autorités boliviennes s'efforcent d'éviter le travail des moins de 12 ans et de proposer une formation pour les 13 et 15 ans. Il ne sert toutefois à rien d'avoir une loi interdisant le travail des enfants si les conditions minimales d'existence pour ces enfants ne sont pas remplies. En Bolivie, il y a deux écoles de pensée, une qui prône l'interdiction complète du travail des enfants, une autre qui le valorise à condition que les conditions de travail soient bonnes et qu'un programme d'éducation et de formation soit mis en place parallèlement. Le Gouvernement a mis au point un projet pertinent qui fixe à 12 ans l'âge minimum pour l'emploi et prévoit une série de garanties pour les travailleurs indépendants. Ce projet comporte des articles de transition, qui permettent, sous certaines conditions, à des enfants de moins de 12 ans de travailler. Les employeurs, de leur côté, ont mis en place des programmes d'enseignement technique destinés aux enfants qui travaillent, ainsi que des mesures en faveur de leur protection sociale et sanitaire.
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Observations et questions formulées par les membres du Comité
Un expert a noté avec satisfaction que des progrès importants en matière de droits de l'homme ont été réalisés par le gouvernement bolivien. Il a regretté que la demande d'assistance faite par la Bolivie au Centre des droits de l'homme pour mieux garantir les droits de l'homme n'a pas eu de suite. L'expert a demandé des précisions sur les mesures prises par le gouvernement bolivien pour réparer les violations du droit à la vie. Les violences de la police sont malheureusement plus intenses à l'égard des populations autochtones. Dans les cas de condamnation pour torture, y a-t-il eu des poursuites au sujet de la répression des manifestations de Potosi en 1995 ? Se référant aux articles 6 et 9 du Pacte et l'emploi d'armes par la police, un expert a demandé s'il existe des règles sur le recours aux armes de la part des forces de sécurité. Quel est le mécanisme en place pour faire enquête sur les plaintes à l'encontre de la police? Que peut répondre le Gouvernement aux déclarations des ONG qui estiment qu'il y a une complète impunité de la police.
Faisant référence à la torture, un autre expert a demandé d'expliquer la procédure d'enquête applicable. Qui prouve qu'il y a eu torture? Est-ce qu'une personne agit ex-officio en la matière? Lorsqu'une procédure n'a pas abouti, cela suppose qu'il existe une certaine culpabilité susceptible de peine, a fait observer l'expert. A ce jour, il y a encore 28 disparus en Bolivie.
Bien que la peine capitale ne soit pas en vigueur en Bolivie, le code pénal la prévoit toutefois pour certains crimes. Est-ce que le gouvernement bolivien envisage de reprendre les dispositions du Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort - auquel il a adhéré - dans la législation pénale nationale? Comment les autorités vérifient-elles les aveux.
Un autre expert a estimé que les retards dans l'administration de la justice sont inacceptables et il a demandé à savoir sur l'initiative de qui des personnes sont remises en liberté suite à la nouvelle loi. Ces types d'affaires sont-ils systématiquement portés à l'attention des juges par les autorités carcérales. A quel niveau une personne arrêtée a-t-elle accès à un défenseur? La règle normale devant être qu'une personne arrêtée devrait pouvoir recourir à un avocat qui de son côté pourrait être en contact régulier avec elle afin de prévenir la torture. A quel moment, les personnes interpellées ont-elles connaissance de leurs droits? Le rapport laisse supposer que la détention préventive vise à empêcher toute tentative de fuite.
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Un expert a demandé des précisions sur les maisons de sécurité, qui selon certaines sources d'information seraient des lieux de torture. Il n'y a pas concordance entre la situation juridique et la réalité. Malgré tout, y a-t-il une collaboration et un dialogue entre le Gouvernement et les ONG pour mettre en place des programmes de formation ? Les rapports et enquêtes des ONG oeuvrant pour les droits de l'homme sont-ils publiés ?
En ce qui concerne la dernière déclaration d'état de siège, quand a-t-il été proclamé et pourquoi certaines arrestations ont eu lieu avant? Par ailleurs combien de personnes ont été arrêtées pour trouble sur la voie publique, ces personnes ont-elles vu leurs droits à comparaître dans les 48 heures respecter ? Combien d'entre elles ont été condamnées?
Il subsiste des lacunes dans la législation qui régit l'élimination de la culture du coca. Les mesures répressives prises contre les cultivateurs révoltés ne constituent pas une solution. Il faudrait envisager plutôt une culture de remplacement. Quel est le véritable rôle de l'agence chargée du contrôle des stupéfiants en Bolivie? Est-ce que le poste d'ombudsman a été pourvu?
Pour ce qui est de la non-discrimination, l'expert a demandé à savoir si le gouvernement a pris des mesures sur le plan culturel. Comment le droit des minorités à utiliser leur propre langue est-il garanti ? Notamment par les institutions d'Etat et par les tribunaux ? A l'exception du culte catholique, toute autre pratique religieuse est interdite. Il s'agit là d'une discrimination religieuse contraire aux dispositions du Pacte relatif aux droits civils et politiques.
Faisant observer que le taux de mortalité maternelle est très élevé, principalement en raison des avortements provoqués, un expert a demandé à savoir les mesures qui sont prises pour protéger les femmes, notamment dans les cas de grossesse non voulue. Un membre du Comité a demandé que la délégation bolivienne fournisse de plus amples informations sur les mesures visant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes.
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