IL FAUT TENIR COMPTE DE LA DIVERSITE DES CONTEXTES SANS L'UTILISER POUR JUSTIFIER DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME, ESTIMENT LES DELEGATIONS
Communiqué de Presse
AG/SHC/290
IL FAUT TENIR COMPTE DE LA DIVERSITE DES CONTEXTES SANS L'UTILISER POUR JUSTIFIER DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME, ESTIMENT LES DELEGATIONS
19961122 MATIN AG/SHC/290 La Troisième Commission poursuit son débat sur les questions relatives aux droits de l'hommeLa Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission) a poursuivi ce matin son débat général sur l'ensemble des questions relatives aux droits de l'homme.
Au cours du débat, certaines délégations ont souligné la nécessité de prendre en considération les diversités régionales, culturelles et historiques lors de l'examen de la situation des droits de l'homme. D'autres, par contre, ont souligné que ces différences ne devaient pas être utilisées pour justifier les violations des droits de l'homme. De nombreuses délégations ont affirmé des violations des droits de l'homme dans tous les pays et que chacun doit faire son examen de conscience. Plusieurs délégations se sont, en outre, insurgées contre les tentatives de certains pays d'imposer leur modèle de société.
Les représentants de l'Inde, de Cuba, de la République arabe syrienne, des Iles Marshall et de la Nouvelle-Zélande sont intervenus au cours du débat L'Observatrice de la Palestine a également pris la parole.
La Commission poursuivra ses travaux sur ces questions cet après-midi à 15 heures.
Débat général
M. PRAKASH SHAH (Inde) a rappelé que, l'année dernière, sa délégation a engagé tous les pays à coopérer afin de promouvoir les droits de l'homme, à ne pas politiser la question, à être impartial, non sélectif et juste, à combattre le terrorisme et à créer des mécanismes qui soient à la fois impartiaux, crédibles et représentatifs de toutes les régions. Sa délégation est déçue qu'il n'y ait pas eu de réels progrès en ce sens. Certains pays continuent à violer les droits civils et politiques tandis que d'autres refusent de reconnaître le droit économique. Les enfants sont toujours exploités et les minorités religieuses maltraitées. Certains pays continuent à soutenir le terrorisme, à politiser la question des droits de l'homme, à être sélectif dans leur approche. Les espoirs de l'Inde d'une moralité internationale des droits de l'homme fondée sur un esprit constructif de coopération plutôt que sur l'imposition d'idées et la confrontation, ont été déçus. Le principe d'universalité, d'individualité et d'interdépendance est central.
L'Inde continue à dénoncer les normes doubles, caractéristiques de l'attitude de certains pays de l'Ouest. Elle regrette la tendance qui utilise les droits de l'homme pour renforcer la division Nord-Sud et imposer une pression politique sur de nombreux pays en développement. Au catalogue des défauts de l'approche occidentale, l'Inde ajoute le manque de perspective historique et de sens de l'autocritique. Il est aussi regrettable de confondre les symptômes du sous-développement avec des violations conscientes des droits de l'homme. Il faudrait une approche plus constructive et efficace qui tente de créer un environnement dans lequel les individus ne soit pas obligés de vivre dans des situations de misère, de conflit ou de violations des droits de l'homme. Dans ce contexte, le représentant a souligné l'interdépendance du développement, de la démocratie et des droits de l'homme. L'Inde a toujours privilégié les principes complémentaires de démocratie et de développement.
Le représentant a relevé les dangers du militantisme politique qui, au nom de la défense des droits de l'homme, risque de rompre l'équilibre fragile du tissu social qui s'est patiemment mis en place dans les sociétés multiethniques et multireligieuses. Une promotion équilibrée des droits de l'homme devrait se faire notamment par celle de la démocratie qui permet de réconcilier les droits individuels et collectifs. Il faut aussi promouvoir le respect de la loi et le développement des institutions nationales des droits de l'homme. L'Inde a privilégié les institutions nationales des droits de l'homme qui contribuent activement à la protection de ceux-ci. Les droits sociaux et économiques doivent également être garantis.
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La promotion de la tolérance notamment par l'éducation, du respect du pluralisme et de la diversité est essentielle. Il est capital de traiter chaque individu de la même façon que ce soit d'un point de vue légal, politique ou économique. La xénophobie, le nationalisme et le terrorisme sont les menaces principales des droits de l'homme. L'Inde condamne les "normes doubles" de certains pays par rapport au terrorisme Le terrorisme ne doit pas être justifié au nom du droit à l'autodétermination et menacer l'unité d'Etats souverains indépendants. L'Inde n'hésitera pas à combattre le terrorisme pour assurer la protection des droits de l'homme de sa population.
Mme SOMAIA BARGHOUTI, Observatrice de la Palestine, a souligné que les pires violations des droits de l'homme étaient celles commises collectivement contre tout un peuple, un groupe, une race ou une ethnie, et, en premier lieu, l'occupation étrangère, la privation du droit à l'autodétermination, les punitions collectives et la saisie des ressources naturelles et des richesses d'un peuple. Tout ceci est une description précise des violations des droits de l'homme auxquelles sont soumis les Palestiniens par Israël, la puissance d'occupation, a-t-elle affirmé. "Imaginez un peuple sous occupation militaire étrangère, avec des étrangers qui s'installent sous protection armée, confisquent leurs terres et construisent sur ces terres, volent l'eau et se déplacent en armes en terrorisant la population, avec l'objectif de coloniser le pays d'ici à la fin du siècle. C'est ce qui nous arrive, et ce n'est qu'un aspect des violations collectives des droits de l'homme commises contre notre peuple", a affirmé l'observatrice.
A tout cela, il faut ajouter toutes sortes de violations des droits de l'homme individuelles : détention, emprisonnement, exécutions sommaires, assassinats, obstructions à la liberté de mouvement et aux moyens de survie, a-t-elle poursuivi, estimant que ces politiques et pratiques ne peuvent que mener à des conséquences dangereuses menaçant le processus de paix.
Il est honteux qu'Israël ait toujours refusé de coopérer avec le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, a-t-elle affirmé, soulignant, par ailleurs, la nécessité que celui-ci travaille dans le cadre du mandat qui lui a été donné par la Commission Israël demeure la puissance occupante et la quatrième Convention de Genève reste applicable à tous les territoires occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem, a-t-elle déclaré.
Avec le début du processus de paix et la signature de la Déclaration de principes en 1993, les Palestiniens avaient espéré et cru que les violations des droits de l'homme cesseraient rapidement Malheureusement, la réalité est différente. Malgré cela, le peuple palestinien reste engagé dans le processus de paix et continue d'espérer que celui-ci aboutira, que la situation sur le terrain changera positivement, en particulier en ce qui concerne les droits de l'homme et leurs conditions de vie. C'est la voie qui permettra au processus de paix d'aboutir à une paix juste et durable au Proche-Orient, a-t-elle conclu.
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M. JUAN ANTONIO FERNANDEZ (Cuba) a déploré le manque d'humanisme, de transparence, d'objectivité, de dialogue et de coopération ainsi que l'absence de vision commune des problèmes qui caractérisent les discussions dans cette Commission. Il a regretté avoir été le témoin ces derniers temps de tant d'arrogance de ceux qui tentent de s'ériger en juges intransigeants des droits de l'homme dans le monde, et qui critiquent les uns et distribuent des certificats de garantie d'impunité aux autres. Jamais un pays du Sud ne peut être cité en exemple, à moins que cela ne soit la volonté du Nord. Chose incroyable, alors qu'il a enfin été reconnu par la communauté internationale tout entière, le droit au développement fait déjà l'objet de tentatives de réinterprétation de la part de certains Etats. Les pays du Nord qui ont construit leur richesse aux dépens des pays du Sud, sont, tous les jours, responsables de la violation systématique et flagrante du droit à la vie de ceux qui ont faim, violation qui fait plus de 12 millions de victimes par an. Ces pays, qui ne connaissent pas la faim, voudraient faire croire que nous sommes les seuls responsables de nos maux et que notre pauvreté est la conséquence des déficiences de notre nature humaine. Ils ne font rien pour alléger la faim dans le monde Cuba, a poursuivi le représentant, soutient les efforts du Haut Commissaire aux droits de l'homme en vue de renforcer l'efficacité du mécanisme des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme et espère que l'Assemblée générale, lors de son examen des questions relatives à la restructuration du Centre pour les droits de l'homme, tiendra dûment compte de l'avis de tous les Etats Membres.
Le traitement des questions des droits de l'homme par cette Commission continue de faire l'objet d'une politisation croissante, a poursuivi le représentant. Selon lui, la situation des droits de l'homme dans L'Europe des quinze, celle-là même qui a prétendu nous présenter en 45 minutes les situations les plus préoccupantes des droits de l'homme dans le monde, et le monde se résumant au Sud dans cet exercice, a-t-il dit, mérite toute l'attention de la communauté internationale : la xénophobie, le racisme, et le fascisme sous leurs nouvelles formes s'y consolident dangereusement. Des mesures d'exception et de sévères sanctions pour de prétendues menaces à l'ordre constitutionnel et à la sécurité publique y sont prises; la situation dans les prisons y laisse fortement à désirer, tandis que les dénonciations de torture et de mauvais traitements sont nombreuses.
Au Canada, le développement économique rapide n'a pas profité aux populations autochtones, qui sont toujours au bas de l'échelle sociale, a affirmé le représentant Cuba, tout en reconnaissant que le Japon et l'Australie ont fait des progrès en faveur de leurs minorités, lance un appel urgent à ces deux pays pour qu'ils coopèrent plus étroitement avec les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies, et en particulier avec l'organe pertinent pour les questions relatives aux droits des minorités. Les Etats-Unis détiennent le record en matière de violations des droits de l'homme, et de déni de la dignité humaine. Le rêve américain continue d'être
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un cauchemar tragique pour des millions de personnes; l'injustice, l'inégalité et la discrimination à l'encontre de millions d'Afro-américains, de Latino- Américains, d'Asiatiques et des populations autochtones sont criantes; pour plusieurs millions de personnes, les droits à l'alimentation, à la santé, au logement, à l'éducation, et à vivre dans la dignité, ne sont rien d'autres que des chimères. Le lieu le plus représentatif de la situation des droits de l'homme dans ce pays est son système judiciaire et pénal : il y a plus d'1,2 million de personnes dans les prisons du pays qui a le triste privilège de détenir les records en matière de taux d'incarcération, et d'ampleur du système pénal pour la jeunesse. En outre, selon les statistiques mêmes du Ministère de la justice, l'incarcération des noirs est six fois supérieure à celle des blancs, ce qui illustre la codification du racisme de ce système. Si cette tendance continue, d'ici à l'an 2010 la majorité absolue des hommes afro-américains seront en prison ou dans des camps de rééducation.
M. FAYSSAL MEKDAD (République arabe syrienne) a estimé qu'il fallait traiter la question des droits de l'homme de manière globale, juste et équitable, en prenant en considération les traits régionaux particuliers et le fait que chaque nation a son histoire et sa culture. La Constitution de la Syrie garantit, pour sa part, les droits économiques, culturels et sociaux de la personne humaine; elle garantit à chaque personne le droit à exercer tous ses droits, dont l'application relève de l'Etat. La Syrie a signé plus de 11 instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, a-t-il affirmé, soulignant que le processus démocratique en constante évolution en Syrie respecte les dispositions de ces instruments ainsi que les normes internationales dans ce domaine. Il a aussi mis l'accent sur le respect des droits culturels et religieux, ainsi que sur le pluralisme politique Les Syriens peuvent exercer leurs droits politiques en choisissant leurs représentants au Parlement; les organisations non gouvernementales, ainsi que toutes les organisations démocratiques ont également la possibilité de se faire entendre, a-t-il affirmé, soulignant l'objectif de parvenir à une égalité économique et sociale de toutes les couches de la population Le représentant a souligné, par ailleurs, l'importance accordée au rôle des femmes dans la société.
Il s'est étonné, par ailleurs, qu'Israël parle de droits de l'homme tout en occupant des territoires et en usurpant les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en utilisant la torture, le meurtre, les déplacements de population et la destruction et en exerçant un terrorisme d'Etat pour réprimer les droits des Palestiniens dans les territoires occupés, sur le Golan et dans le sud du Liban. Il a rejeté l'utilisation par Israël du mot "terroristes" pour qualifier ceux qui résistent à l'occupation, soulignant la légitimité de la lutte menée par ces derniers Israël viole les droits de l'homme, y compris le droit au développement, le droit de penser et de parler librement, cela a été prouvé, a-t-il indiqué.
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Le représentant a estimé que la chose la plus grave sur le plan international était l'utilisation des droits de l'homme pour parvenir à des objectifs en faveur d'intérêts politiques spécifiques qui n'ont rien à voir avec des objectifs humanitaires. Il a estimé que pour assurer un véritable respect des droits de l'homme, on ne pouvait utiliser une politique de deux poids, deux mesures, et qu'il fallait, par ailleurs, éliminer les pratiques racistes et inhumaines, comme l'épuration ethnique, l'occupation étrangère et les déplacements de population. Il a prôné le respect des droits sociaux et économiques, le droit au logement et à la santé, ainsi qu'à des procès justes et des magistrats indépendants. Il a aussi rejeté toute utilisation de la coercition et toute ingérence dans les affaires internes d'un pays sous prétexte de défendre les droits des individus. Il a appelé les organes des Nations Unies chargés des questions relatives aux droits de l'homme et, en particulier, les Rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme, à ne pas s'écarter de leur mandat, et mis l'accent sur la nécessité d'accorder la priorité aux violations massives des droits de l'homme.
Mme NEIJON REDWARDS (Iles Marshall) a indiqué que personne n'était parfait en matière de respect et de protection des droits de l'homme Mais personne ne peut non plus justifier des atteintes et des violations de ces droits en invoquant un certain contexte historique, culturel, ethnique et religieux ou sa souveraineté et son intégrité territoriale. Il est de notre devoir d'examiner d'une manière très critique la façon dont nos gouvernements respectent et protègent les droits de l'homme, et d'accepter les critiques des autres, et en particulier celles des Rapporteurs spéciaux et autres experts des droits de l'homme des mécanismes des Nations Unies. Aux Iles Marshall, le profond respect de la diversité des traditions culturelles a permis le renforcement de la promotion et de la protection des droits de l'homme. C'est ce que l'on appelle chez nous "la voie pacifique", a dit la représentante, qui a expliqué que c'est à la volonté du peuple que les Iles Marshall devaient ce vaste processus de consultations entre les groupes aux traditions différentes ainsi que la complémentarité du respect et de la promotion de la diversité et des droits de l'homme. Nous ne voulons pas donner de leçon aux autres mais nous partageons les préoccupations de ceux qui ont attiré l'attention sur les personnes dont les droits sont violés, bafoués, ou déniés, a-t-il conclu.
M. MICHAEL POWLES (Nouvelle-Zélande) a rappelé que son pays accorde une place essentielle à la promotion et à la protection des droits de l'homme. La Nouvelle-Zélande estime que les Gouvernements sont responsables pour assurer le respect de ces droits. Le représentant a regretté que, malgré des progrès notables, il y ait toujours des violations des droits de l'homme La Nouvelle-Zélande regrette le manque de progrès au Nigéria et appelle le Gouvernement à relâcher les nombreux prisonniers politique détenus. En ce qui concerne le Myanmar, la Nouvelle-Zélande lance un appel en vue de la réconciliation nationale nécessaire au respect des droits de l'homme et
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au progrès économique. Le respect des libertés politiques est, dans ce contexte, fondamental. Le Gouvernement du Myanmar devrait permettre la visite du Rapporteur spécial dans le pays.
La Nouvelle-Zélande est profondément troublée par la situation dans la région des Grands Lacs et en particulier par les menaces que cette situation fait peser sur les droits de l'homme des citoyens du Burundi, du Rwanda et du Zaïre; en ex-Yougoslavie, a également dit le représentant, tout en reconnaissant les progrès accomplis, nous restons préoccupés par la persistance des violations; nous lançons un appel urgent à toutes les parties pour qu'elles respectent pleinement les dispositions de l'Accord de paix de Dayton.
Le représentant s'est dit encouragé par l'attitude coopérative adoptée par l'Iran envers le Rapporteur spécial, ainsi que par sa requête d'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme; il s'est dit inquiet quant à la détérioration de la situation des droits de l'homme en Afghanistan. Il a loué les progrès réalisés au Cambodge, tout en soulignant que la situation dans ce pays restait fragile, et qu'il était nécessaire d'y renforcer le système judiciaire; il a également évoqué la situation des droits de l'homme en Iraq, et souligné l'importance des arrangements régionaux en matière d'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme.
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