En cours au Siège de l'ONU

AG/590

DES APPELS EN VUE D'UNE PLUS ETROITE COOPERATION AVEC LE TRIBUNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE ENTENDUS A L'ASSEMBLEE GENERALE

19 novembre 1996


Communiqué de Presse
AG/590


DES APPELS EN VUE D'UNE PLUS ETROITE COOPERATION AVEC LE TRIBUNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE ENTENDUS A L'ASSEMBLEE GENERALE

19961119 MATIN AG/590 Elle rend hommage à la mémoire de Ahmed Zaki (Maldives) et Paul Lusaka (Zambie)

L'Assemblée générale a repris, ce matin sous la présidence de M. Razali Ismail (Malaisie), le cours de ses travaux en examinant le troisième rapport annuel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1992, point 50 de son ordre du jour.

Présentant le rapport du Tribunal, M. Antonio Cassese, Président du Tribunal international sur l'ex-Yougoslavie, a déclaré que depuis le précédent rapport, de nombreux progrès ont été réalisés, mais que subsistent des difficultés quotidiennes quasi insurmontables du fait du manque de coopération de la part de certains Etats et entités de l'ex-Yougoslavie, qui ne répondent pas aux injonctions du Tribunal d'arrêter les inculpés. Cette situation explique l'écart entre les 43 personnes inculpées et les 7 effectivement détenues. Il a de nouveau lancé un appel pressant à tous les pays, et particulièrement à l'entité yougoslave, de coopérer pleinement avec le Tribunal.

Les représentants des pays suivants sont intervenus au cours du débat : Italie, Autriche, Irlande, Malaisie, Bosnie-Herzégovine, Pays-Bas, République islamique d'Iran, Belgique, Turquie, Etats-Unis, Allemagne, ex-République yougoslave de Macédoine, et Slovénie.

Les intervenants se sont félicités de l'augmentation des activités du Tribunal. Ils ont toutefois déploré que de nombreux individus poursuivis trouvent refuge dans des pays qui refusent de coopérer, contrairement à ce qui était prévu dans l'Accord de Dayton. Ils ont souligné la contribution que le Tribunal pouvait apporter à l'instauration d'une paix durable dans les Balkans et rappelé que le principe d'impunité ne saurait être toléré.

(à suivre - 1a)

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Le représentant de la Bosnie-Herzégovine a rappelé, quant à lui, que lorsque les Bosniaques étaient victimes de la purification ethnique, de la torture, des viols et du génocide, les pays les plus puissants de l'Organisation avaient refusé toute intervention en Bosnie, préférant apporter une aide humanitaire et promettre que justice serait faite. Maintenant que la guerre a cessé, les criminels, qu'ils soient ou non inculpés, sont toujours libres, exercent toujours le pouvoir et minent la paix.

En début de séance, l'Assemblée générale a rendu hommage à la mémoire de Ahmed Zaki (Maldives), décédé le 15 novembre 1996 et qui fut représentant permanent de la délégation des Maldives de 1979 à 1983 et de 1994 à 1996, ainsi que Premier Ministre des Maldives de 1972 à 1975. Un hommage a également été rendu à la mémoire de Paul Lusaka (Zambie), qui fut Président de l'Assemblée générale de 1984 à 1985, Président du Conseil de sécurité et Président du Conseil économique et social.

Dans son hommage, le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali s'est dit profondément attristé par la disparition de Ahmed Zaki, représentant de la République des Maldives aux Nations Unies, ainsi que par celle de Paul Lusaka, de Zambie. Après avoir retracé le parcours de Ahmed Zaki, le Secrétaire général a déclaré que sa mort, après une longue maladie, était une grande perte pour les Maldives et pour la communauté internationale toute entière. Il a ensuite retracé les principales étapes de la vie publique de Paul Lusaka et a rappelé qu'il avait été Président du Conseil de sécurité en 1979, de l'ECOSOC en 1981, Président de l'Assemblée générale lors de la trente-neuvième session et qu'il manquera à la famille des Nations Unies toute entière.

Les représentants du Cameroun, du Liban, de l'ex-République yougoslave de Macédoine, de la Jamaïque et de la Belgique, au nom des différents groupes régionaux ainsi que le représentant des Etats-Unis, au nom du pays hôte ont également salué la mémoire des défunts et ont rappelé leur dévouement envers l'Organisation et envers la paix et la sécurité internationale. Le Représentant permanent adjoint des Maldives et le Chef de la délégation de la Zambie ont exprimé leurs remerciements à l'Assemblée générale pour les condoléances exprimées en cette circonstance.

L'Assemblée générale achèvera, cet après-midi à partir de 15 heures, son débat sur le rapport du Tribunal international de l'ex-Yougoslavie et devrait entamer l'examen du point 30 de son ordre du jour, relatif à la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et la Ligue des Etats arabes, ainsi que le point 40 sur la situation en Amérique centrale : processus d'établissement d'une paix ferme et durable et progrès réalisés dans la structuration d'une région de paix, de liberté, de démocratie et de développement.

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Rapport du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 : note du Secrétaire général transmettant le troisième rapport annuel du Tribunal international

L'Assemblée générale était saisie du troisième rapport annuel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (A/51/292). Le rapport présente une première partie relative aux principales activités du Tribunal, à ce jour, tant au niveau des chambres, que du Bureau du procureur et du Greffe. La deuxième partie énonce les mesures prises par les Etats.

L'éventail des tâches du Tribunal est très étendu car, outre ses fonctions strictement judiciaires, il doit remplir de nombreuses autres fonctions du fait qu'il ne peut compter sur un Etat pour accomplir toutes ces fonctions annexes qui sont indispensables pour l'administration de la justice. Ainsi le Bureau du Procureur doit instruire les dossiers, dresser les actes d'accusation mais également exercer les poursuites devant les Chambres du Tribunal. Il doit également gérer son propre centre de détention, financer et administrer son propre dispositif d'aide judiciaire. Etant donné le développement des activités judiciaires du tribunal, il faut absolument une seconde salle d'audience, car sinon, avec le procès déjà en cours, le droit de passer rapidement en jugement risque d'être compromis.

Le rapport porte sur la période allant du 31 juillet 1995 au 31 juillet 1996, qui correspond pour le Tribunal au passage du stade de la mise en train au stade opérationnel. Le Tribunal comporte trois organes : la Magistrature assise, qui se compose de 11 juges répartis entre deux Chambres de première instance et une Chambre d'appel, le Bureau du Procureur et le Greffe. Depuis mai 1996, les Chambres de première instance siègent en permanence et sont de plus en plus actives, du fait notamment que le premier procès a été engagé, que deux dossiers sont au stade de la mise en accusation et qu'un quatrième dossier en est au stade de la sentence, l'accusé ayant avoué sa culpabilité. En outre, les juges ont confirmé 10 actes d'accusation rendus publics, dirigés contre 35 individus au total et ont délivré des mandats d'arrêt à l'encontre de tous les accusés. Les Chambres ont également été occupées par des affaires dans lesquelles il n'a pas été possible de remettre à l'accusé le mandat d'arrêt délibéré par le Tribunal. Pour remédier à cet état de fait, elles ont, dans cinq cas, délivré un mandat d'arrêt international qui a été adressé à tous les Etats Membres de l'Organisation ainsi qu'aux autres Etats et entités conformément à l'article 61 du Règlement du Tribunal.

Au cours de l'année passée, la Chambre d'appel a siégé pour la première fois et s'est prononcée sur un appel préjudiciel interjeté par la défense au motif que le Tribunal n'était pas légalement constitué, qu'il n'avait pas la primauté par rapport aux tribunaux nationaux compétents et que la compétence,

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en raison de la matière, lui faisait défaut. La Chambre d'appel a rejeté ces conclusions d'appel dans une décision qui fera date puisque c'est la première fois qu'un organe d'appel international se prononce sur l'état actuel du droit pénal international et du droit international humanitaire.

Le rapport indique également que le Bureau du Procureur a considérablement développé ses travaux sur le terrain depuis la signature de l'Accord de Dayton qui a donné à son personnel la liberté de mouvement nécessaire pour mener des investigations dans des zones jusque-là inaccessibles. C'est pourquoi, le Procureur a étoffé le bureau de Sarajevo et a créé une équipe d'appui pour la collecte de renseignements sur les fugitifs qui coordonne l'action de diverses autorités de police nationales et internationales.

Le troisième organe du Tribunal, le Greffe, responsable de la gestion, du dispositif d'aide judiciaire à l'intention des accusés et de l'aide aux victimes et aux témoins, s'est efforcé d'affiner ses procédures.

Il ressort du rapport, que le Tribunal demeure fortement tributaire de la coopération des Etats pour accomplir son mandat. L'Accord de Dayton l'a aidé à mieux jouer son rôle, notamment en mettant expressément à la charge des Etats et des entités de l'ex-Yougoslavie l'obligation de coopérer avec le Tribunal. Néanmoins, certains éléments continuent de s'abstenir de coopérer pleinement, en particulier la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et la Republika Srpska qui se sont refusées à arrêter et à remettre au Tribunal les individus mis en accusation pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou actes de génocide, tels Karadzic, Mladic et Kordic. Il est donc impératif que la communauté international fasse comprendre aux Etats et entités qu'ils doivent soutenir le Tribunal et coopérer pleinement avec lui, faute de quoi les objectifs visés par le Conseil de sécurité ne pourront être atteints. On peut noter, à cet égard, que divers Etats, dont l'Autriche, la Croatie et la Hongrie, ont promulgué une législation d'application qui a officialisé la coopération avec le Tribunal.

Le rapport demande à la communauté internationale de rester vigilante à l'égard d'une proposition particulièrement dangereuse de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et de la République Srpska, visant à ce que les personnes déjà mises en accusation par le Tribunal soient jugées dans ces territoires et non pas déférées au Tribunal. Cette manoeuvre, laissant planer l'ombre de l'impunité, pourrait violer la primauté du Tribunal en portant atteinte aux résolutions du Conseil de sécurité et à l'Accord de Dayton.

Débat

M. ANTONIO CASSESE, Président du Tribunal international pour l'ex- Yougoslavie, a déclaré que depuis le précédent rapport, de nombreux progrès ont été réalisés. Aujourd'hui le conflit armé a pris fin et un terme a été

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mis à la violence, ce qui a eu des répercussions bénéfiques sur le Tribunal et permis de détenir 7 personnes dans son centre de détention de La Haye. Deux procès seront engagés dans les mois à venir et le premier procès, celui de M. Tadic, est sur le point de s'achever, a-t-il précisé. Pour la première fois, depuis Nuremberg et Tokyo, la justice internationale se fait et la responsabilité des individus qui violent les principes fondamentaux de l'humanité est une réalité concrète. Le Tribunal ne reste pas impuissant face aux obstacles opposés par certains pays ou certains individus et il a déjà, à cinq reprises, eu recours à la procédure spéciale prévue à l'article 61. Toutefois il subsiste des difficultés quotidiennes quasi insurmontables du fait du manque de coopération de la part de certains Etats et entités de l'ex-Yougoslavie, qui ne répondent pas aux injonctions du Tribunal d'arrêter les inculpés. Cette situation explique l'écart entre les 43 personnes inculpées et les 7 effectivement détenues. Il a lancé à nouveau un appel pressant à tous les pays, et particulièrement à l'entité yougoslave, afin qu'ils coopèrent pleinement avec le Tribunal pour que des engagements envers le Tribunal, prévus à l'Accord de Dayton, ne restent pas lettre morte. Il a ajouté qu'il s'agissait principalement de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et de la République Srpska. En revanche, il s'est félicité des lois adoptées par la Bosnie-Herzégovine et la Croatie permettant de livrer les accusés, y compris leurs propres ressortissants au Tribunal et il espère que cette attitude coopérative survivra à la transition vers des institutions régulières.

Répondant aux critiques de partialité envers les Serbes adressées au Tribunal, il a rappelé que le Tribunal jugeait des individus et non pas des peuples, des nations ou des Etats et était ainsi par nature non discriminatoire, ne s'enquérant d'aucune religion, nationalité ou appartenance ethnique. Quant aux différentes organisations non gouvernementales qui estiment que le Tribunal ne se contente que de poursuivre les exécutants mineurs et non les véritables instigateurs des crimes et atrocités, il a répondu que la mise en accusation des subordonnés permettait d'établir des preuves à l'égard des dirigeants à l'échelon militaire et politique. Abordant le reproche selon lequel le Règlement et le code de fonctionnement du Tribunal ont été trop amendés, il a indiqué que chaque fois que les juges doivent combler les lacunes du statut du Tribunal, ils le font dans les limites des principes prévus par le Conseil de sécurité. Il a ajouté qu'il est nécessaire d'amender le Règlement à la lumière de l'expérience de fonctionnement du Tribunal et des faits nouveaux qui sont apparus. Le Règlement ne pouvait pas être parfaitement cohérent et clair dès le départ, a-t-il reconnu. Le problème majeur demeure, malgré tout, le manque de coopération de certains pays, ce qui constitue une véritable pierre d'achoppement dans la réalisation de la justice internationale. Certes le droit international est limité par la politique internationale, mais la justice internationale ne saurait capituler devant certaines exigences politiques et il s'est engagé à faire tout ce qui est légalement permis pour que l'exigence à long terme de la justice internationale l'emporte sur les intérêts politiques à court terme de quelques Etats.

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M. FRANCESCO PAOLO FULCI (Italie) a noté que pour la première fois depuis les procès de Nuremberg et Tokyo, la justice criminelle internationale est rendue concrètement par le Tribunal sur l'ex-Yougoslavie. Le rapport fait état de difficultés rencontrées par le Tribunal, alors que les Accords de Dayton ont confirmé et renforcé les obligations des Etats de coopérer pleinement avec le Tribunal. Le fait que certains Etats et entités de l'ex- Yougoslavie ne remplissent pas leurs obligations, continue de représenter un obstacle majeur pour la poursuite et le châtiment de ceux qui sont responsables des crimes les plus graves commis contre l'Homme. Le représentant a rappelé que l'Italie, qui a toujours soutenu l'action et le rôle du Tribunal, ne peut que réitérer son appel à ce que les parties coopèrent avec le Tribunal de la façon la plus effective. Il a déclaré qu'il n'y avait aucune justification à ne pas exécuter les mandats d'arrêt et ainsi discréditer le Tribunal. Il faut donc que les Etats adoptent les mesures législatives, administratives et judiciaires nécessaires à l'exécution rapide des décisions du Tribunal. Un support financier adéquat est aussi indispensable.

Le représentant a remarqué que son pays avait constamment plaidé pour la création d'une Cour criminelle internationale permanente et avait récemment renouvelé sa proposition de tenir en 1998 en Italie une conférence diplomatique pour adopter les statuts d'une telle Cour.

M. ERNST SUCHARIPA (Autriche) a noté avec satisfaction que le dernier rapport du Tribunal international sur l'ex-Yougoslavie fait état d'une augmentation croissante des activités du Tribunal. Cette augmentation a nécessité une intense activité législative dans la mesure où il a fallu fixer les règles pour l'administration de la justice. Le représentant s'est inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle la poursuite des activités du Tribunal va à l'encontre du processus de paix, et plus précisément des Accords de Dayton et de Paris. M. Sucharipa a déploré que les personnes poursuivies aient pu trouver refuge dans des pays dont les autorités refusent de coopérer avec le Tribunal. Aussi, l'objectif principal et irrévocable de la communauté internationale doit-il être de faire en sorte que tous les criminels de guerre soient jugés par le Tribunal. Pour ce faire, le représentant a exhorté le Tribunal et plus particulièrement son Procureur général à respecter le principe de non-sélectivité et, à cet égard, il a regretté que des criminels notoires comme Arkan et Seselj n'aient toujours pas été inculpés.

Le représentant a estimé que le bon fonctionnement du Tribunal dépend de la coopération des Etats. Pour sa part, l'Autriche entend poursuivre sa coopération étroite avec le Tribunal en lui fournissant des preuves matérielles et en lui remettant des suspects. L'Autriche est disposée à examiner activement d'autres façons d'aider le Tribunal à s'acquitter de ses importantes fonctions. Elle regrette que certains Etats n'aient pas adopté les mesures législatives nécessaires. Elle invite instamment tous les Etats et toutes les entités à se doter de ce type de législation et à coopérer pleinement avec le Tribunal. En effet, le refus de coopérer avec le Tribunal et de remettre à la Justice les personnes poursuivies, viole les Accords de Dayton et ne saurait être toléré.

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M. JOHN H.F. CAMPBELL (Irlande) a réitéré l'appui total de son pays au travail du Tribunal et à exhorté toutes les parties à coopérer étroitement afin de traduire les criminels devant la justice et d'accomplir ainsi une obligation fondamentale qui conditionne la stabilité et la paix dans la région. Or des progrès sont plus nécessaires que jamais au lendemain des élections en Bosnie-Herzégovine et des révélations sur les exécutions massives. Aujourd'hui, les familles des victimes autant que la communauté internationale se tournent vers le Tribunal pour qu'il soit mis fin à l'impunité des auteurs de ces atrocités. C'est pourquoi il est inquiétant de constater que des personnes suspectées de crimes de guerre restent en liberté et ce, malgré les obligations faites par la résolution 827 du Conseil de sécurité aux parties de se soumettent aux ordres du Tribunal.

Tout refus fait au Tribunal est inacceptable et s'est fermement opposé à toute tentative de juger sur le territoire même de l'ex-Yougoslavie les personnes inculpées par le Tribunal. Il a renouvelé l'appui de son pays et de ses partenaires européens, au tribunal et a appelé les organisations internationales à étudier la manière dont elles peuvent contribuer plus activement aux travaux du Tribunal. Il a remercié le Gouvernement des Pays- Bas, pour le soutien financier et technique qu'il apporte au tribunal en qualité de pays hôte et a rappelé que l'Irlande lui avait également apporté un soutien financier ainsi que logistique en mettant à la disposition du Tribunal des équipes d'investigation.

M. HASMY BIN AGAM (Malaisie) a noté avec satisfaction qu'en dépit des obstacles, le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie a commencé son premier procès et que deux autres sont prévus pour cette année. Tout en se félicitant de la coopération offerte par la République de Bosnie-Herzégovine, il a déploré le refus de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), et de l'entité serbe d'obtempérer aux ordres du tribunal. Le représentant, a trouvé encore plus inquiétant le fait que deux criminels de guerre notoires, MM. Karadzic et Mladic n'aient pas été arrêtés et déférés devant le tribunal de La Haye, comme convenu par les Accords de Dayton. La délégation de Malaisie en appelle à la communauté internationale afin qu'elle prenne les décisions appropriées, y compris des mesures coercitives afin d'obliger la République fédérative de Yougoslavie et l'entité serbe à honorer leurs obligations à l'égard du Tribunal.

Le représentant a demandé à la communauté internationale de rester vigilante envers la proposition dangereuse de la République fédérative de Yougoslavie et de la République Srpska d'usurper les prérogatives du tribunal en instituant leur propre tribunal. Ce serait violer la primauté du Tribunal de La Haye, les résolutions du Conseil de sécurité et les Accords de Dayton.

M. MUHAMED SACIRBEY (Bosnie-Herzégovine) a rendu hommage au travail réalisé par le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Il a indiqué que, pour son pays,le Tribunal ne constitue pas un simple tribunal international menant des activités spécifiques en Bosnie-Herzégovine.

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Le représentant, après avoir souligné que tant la nouvelle Constitution que les législations adoptées par le Parlement montrent que la Bosnie entend se conformer aux exigences du Tribunal, a rappelé que les pays qui ont parrainé les Accords de Dayton et de Paris, en particulier les membres du Groupe de contact, se sont eux aussi engagés à respecter pleinement l'autorité du Tribunal. Le Tribunal, a-t-il insisté, est un élément essentiel de justice, de réconciliation et de paix durable et ne doit pas servir comme un instrument quelconque de revanche.

Le représentant a rappelé que lorsque les Bosniaques étaient victimes de la purification ethnique, de la torture, des viols et du génocide, les pays les plus puissants de l'Organisation ont refusé toute intervention en Bosnie, préférant apporter une aide humanitaire et promettre que justice sera faite. Cependant, maintenant que la guerre a cessé, les criminels, qu'ils soient ou non inculpés, sont toujours libres, exercent toujours le pouvoir et minent la paix. Les victimes, quant à elles, se voient une nouvelle fois présenter des excuses et expliquer les raisons pour lesquelles elles ne méritent pas justice. Tout en rendant hommage aux efforts déployés pour créer le Tribunal, le représentant s'est demandé pour quelles raisons aucun des 60 000 hommes lourdement armés de l'IFOR présents en Bosnie n'est parvenu à arrêter un criminel de guerre. A son avis, la réponse doit être trouvée dans les paroles prononcées par les commandants politiques et militaires de la Force qui ont ouvertement déclaré qu'en aucun cas les soldats originaires du Nébraska, de Lyon ou de Manchester ne devraient risquer leur vie pour appréhender un criminel de guerre.

M. Sacirbey a rappelé que le Tribunal a inculpé plusieurs suspects et confirme ces inculpations en lançant des mandats d'arrêt internationaux; il a rédigé des rapports identifiant clairement les pays et autorités étatiques qui refusent de coopérer avec lui. Pour sa part, en dépit de difficultés démographiques et politiques, le Gouvernement bosniaque continuera à coopérer pleinement avec le Tribunal et à rendre justice grâce à son système judiciaire national. Pourtant, il lui est bien difficile et particulièrement pénible de constater que les plus puissants rendent justice de façon sélective. C'est pourquoi, la Bosnie souligne la nécessité de redonner à la justice la place qui lui revient au sein des priorités internationales et de fournir au Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, l'appui requis.

M. N. H. BIEGMAN (Pays-Bas) a remarqué que la tâche du Tribunal international criminel pour l'ex-Yougoslavie était tout sauf facile et qu'elle était même hautement compliquée. Toutefois le Tribunal mûrit rapidement, ce qui est un processus qui connaît des hauts et des bas. Il est clair que le Tribunal ne partage rien de commun avec les Cours criminelles habituelles, que ce soit les problèmes de langue ou les témoins qui ne veulent pas coopérer, sans compter que ce Tribunal doit compter aussi avec les problèmes politiques.

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Le représentant s'est déclaré déçu par le fait que, en dépit des Accords de Dayton, il n'ait pas été possible pour la communauté internationale d'appréhender les premiers suspects de crimes dans l'ex-Yougoslavie à cause du refus de la part des Etats ou entités yougoslaves de le faire. Le représentant a déclaré qu'il ne partageait le point de vue selon lequel ce serait un grave échec pour le Tribunal si MM. Karadzic et Mladic ne sont pas appréhendés. Cependant, il est évident que le jugement de ces deux hommes est une priorité pour le Tribunal dans la mesure où cela faciliterait la solution d'autres cas qui pourraient profiter des faits légalement établis par ces procédures. Cela signifierait surtout que les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre ne seront pas laissés impunis.

M. KAMAL KHARRAZI (République islamique d'Iran) a rappelé que l'ampleur des crimes commis en ex-Yougoslavie et les lacunes du droit international humanitaire avaient conduit à la création d'une institution judiciaire unique, établie par un traité et qui avait soulevé des espoirs tels que certains avaient pu oublier que ce type d'institution intervient après l'événement, lorsque les hostilités ont pris fin. Il ne fait aucun doute que les résultats du Tribunal aideront à panser les plaies ouvertes par les atrocités infligées aux Bosniaques musulmans par les Serbes et que le fonctionnement efficace du Tribunal contribuera à la restauration de la paix et de la sécurité dans la région. A cet égard, il s'est réjoui de ce que le Tribunal soit désormais pleinement opérationnel, que le premier procès ait eu lieu et a remercié le Président, les juges et les membres du Tribunal pour leur dévouement à la cause de la justice. Cependant, au regard du nombre et de la gravité des atrocités commises dans les Balkans, le procès et la condamnation de quelques criminels et la mise en accusation de quelques autres ne peuvent être suffisants pour que les objectifs du Tribunal puissent être considérés comme atteints. Le Tribunal détient une responsabilité historique, a-t-il ajouté et il doit redoubler d'efforts pour remplir pleinement le mandat que le Conseil de sécurité lui a confié.

La communauté internationale ne peut pas tolérer que certains Etats de l'entité yougoslave se montrent récalcitrants et refusent d'arrêter et de traduire devant le Tribunal les principaux inculpés. Une telle attitude pourrait mener d'ailleurs à la réapparition des hostilités. La tâche du Tribunal est comparable aux efforts déployés par l'humanité pour vaincre sa nature brutale, et pour qu'elle devienne réalité, il est essentiel que toutes les nations soient coopératives, mais aussi que les Nations Unies et le Conseil de sécurité, en particulier, prennent les mesures nécessaires pour persuader les Etats réfractaires d'obéir aux injonctions du Tribunal et de faire en sorte que les exigences de la justice internationale l'emportent sur les intérêts de quelques Etats. Les coupables de conduite inhumaine ne doivent pas être traités avec impunité.

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M. DIRK WOUTERS (Belgique) a estimé que par la création des tribunaux ad hoc, la communauté internationale s'est dotée de mécanismes juridictionnels de nature à mettre fin à une situation d'impunité dont bénéficiaient, jusqu'à présent et trop souvent, les auteurs de violations graves du droit international. Malgré un bilan largement positif, et compte tenu des difficultés que continue à rencontrer le Tribunal, on ne peut se défaire du sentiment que des progrès restent à réaliser. L'absence de coopération des parties, notamment dans l'arrestation des inculpés, contrairement à ce qui est prévu par les Accords de Dayton, reste à la fois décevant et inquiétant. Un autre danger potentiel risque de miner l'autorité du Tribunal. C'est la proposition de certaines parties de poursuivre sur le territoire de l'ex- Yougoslavie même, des personnes déjà mises en accusation par le Tribunal. La délégation de la Belgique estime que la mise en oeuvre de telles propositions pourrait conduire à l'impunité de certains accusés.

En dépit de ces difficultés, ou précisément en raison de celles-ci, la délégation de la Belgique tient à exprimer son soutien le plus ferme au travail du Tribunal. La Belgique estime que cette juridiction est une balise morale pour la communauté internationale, qui doit servir à la guider dans la recherche d'un monde plus juste. La Belgique considère que l'acquis du Tribunal devra être développé et consolidé dans les années à venir. Cet effort est particulièrement justifié au moment où la communauté internationale prépare la création d'une Cour criminelle internationale permanente. Il serait en effet regrettable que le Tribunal ad hoc pour l'ex-Yougoslavie perde son élan à ce moment précis. Dans cet esprit, la Belgique demande instamment à tous les Etats de collaborer pleinement avec le Tribunal et d'adopter la législation nécessaire à cet effet. Pour sa part, elle s'est dotée d'une législation interne qui lui permet d'assurer toutes les coopérations nécessaires avec le Tribunal. La Belgique est également disposée à apporter sa contribution au programme de protection des témoins.

M. HUSEYIN E. CELEM (Turquie) s'est félicité des développements positifs qui ont eu lieu sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, mais a indiqué que l'avenir restait chargé de menaces car des revers sur la voie de la stabilité et de la paix sont encore possibles. La complète mise en application de l'Accord de Dayton peut avoir des effets positifs sur le bon fonctionnement du Tribunal. Une condition à la réalisation totale des Accords de Dayton est également que les parties en respectent pleinement les exigences, et parmi elles l'obligation de coopérer avec le Tribunal. Ainsi le refus de collaborer de la République Srpska et de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) constitue une véritable violation de l'Accord. Ces deux entités doivent donc respecter les injonctions du Tribunal, d'autant que celui-ci ne juge que des personnes et non des Etats.

Il s'est félicité du travail effectué par le Tribunal depuis l'an passé, notamment en ce qui concerne la décision de la Chambre d'appel, repoussant l'argument selon lequel le Tribunal avait été établi illégalement et n'avait

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pas la primauté sur les cours nationales compétentes. L'autorité du Tribunal a ainsi été renforcée et il a été montré qu'aucun pays ne pouvait échapper ou ignorer ses demandes. Il a ajouté que pour que la paix triomphe, il fallait que la justice prévale.

M. JAMES HORMEL (Etats-Unis) a fait sien le point de vue du Président du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, M. Cassese, en ce qui concerne la mauvaise volonté de la part des Etats de coopérer pleinement avec le Tribunal. Les victimes des atrocités en ex-Yougoslavie et la communauté internationale ont attendu trop longtemps pour que les personnes poursuivies soient arrêtées et traduites devant le Tribunal de La Haye. Le représentant a noté que l'application des Accords de Dayton est décevante sur de nombreux points, particulièrement en ce qui concerne les crimes de guerre. Le représentant a rappelé que les Etats-Unis avaient maintenu une pression constante sur les Etats et entités de la région afin qu'ils se conforment aux obligations qu'ils ont eux-même souscrites lors des Accords de Dayton et qu'ils ont réaffirmé de nombreuses fois depuis.

Le Secrétaire d'Etat Warren Christopher a insisté à Paris sur le fait que la coopération avec le Tribunal est une condition essentielle pour chaque partie qui cherche à rejoindre la communauté internationale. Le représentant a encouragé tous les Etats Membres à placer la coopération avec le Tribunal au premier plan de leurs politiques et dans leurs relations avec les parties aux Accords de Dayton. Il a aussi réitéré son appel à la communauté internationale pour qu'elle fournisse une assistance financière au travail du Tribunal. Le représentant a exprimé ses félicitations et son admiration au Président Cassese pour son travail à la tête du Tribunal.

M. GERHARD WALTER HENZE (Allemagne) après s'être grandement félicité du rapport du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, a mis l'accent sur l'obligation qu'ont les Etats de coopérer avec le Tribunal. A cet égard, il a rappelé que la base morale et juridique sur laquelle repose le mandat du Tribunal, tel qu'il a été précisé dans la résolution 827 du Conseil de sécurité, consiste à engager la responsabilité individuelle de ceux qui se sont rendus coupables de crimes de génocide, de guerre ou de crimes contre l'humanité. A cet égard, le respect de la règle de droit, le maintien de la société civile et la reconstruction des pays ravagés par la guerre constituent les questions essentielles. Selon lui, ce n'est qu'en traduisant les criminels en justice que l'on pourra instaurer une paix et une réconciliation durables dans les Balkans.

Le représentant a insisté sur le fait que le Tribunal dépend de la coopération des Etats. L'obligation légale de coopérer figure à l'Article 29 du Statut du Tribunal et la promptitude des Etats à remettre à la justice ou à déférer les personnes inculpées et contre lesquelles des mandats d'arrêt internationaux ont été lancés, conditionne le succès des activités du Tribunal. L'Allemagne estime que la communauté internationale doit se conformer à cette

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disposition si l'on veut que le Statut du Tribunal ne reste pas lettre morte. Il en va non seulement de la crédibilité du Tribunal qui est largement menacée, mais aussi de celle des Nations Unies. L'Allemagne exhorte, par conséquent, tous les Etats à poursuivre leur soutien actif au Tribunal.

M. DENKO MALESKI (ex-République yougoslave de Macédoine), déplorant la violation continue du droit international dans les Balkans, a expliqué ce phénomène par le fait que les coupables n'ont jamais été inquiétés. Les luttes pour le pouvoir à l'intérieur des Etats et entre eux ont engendré des responsables politiques qui ont imposé aux populations de la région plusieurs conflits ethniques sanglants au cours de ce siècle. Ainsi, alimentées par la haine ethnique dissimulée dans différentes idéologies, les politiques nationalistes ont peu à peu ravagé la région. Il ne faut cependant pas exagérer l'influence de cette continuité historique. En effet, le XXème siècle aura aussi été marqué par les progrès réalisés par la justice et la démocratie. Le représentant a indiqué que l'une des façons de mettre un terme à l'effusion de sang et à la misère consiste à élaborer des codes de conduite et à mettre en place des institutions judiciaires permettant de rendre la justice, car sans justice, il n'y aura pas de paix durable dans les Balkans.

Le représentant a souligné l'importance des activités du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie pour le maintien de la paix dans les Balkans. Il a rappelé que par le passé, l'amnésie était la seule façon de traiter des atrocités commises par les différents groupes ethniques. Mais, ce passé n'a pas cessé de nous hanter, a déclaré le représentant. C'est pourquoi, a-t-il poursuivi, cette fois, avec l'aide du Tribunal, nous devons poursuivre ceux qui ont violé le droit humanitaire afin de promouvoir la réconciliation entre les peuples des différents groupes ethniques. L'Ex- République yougoslave de Macédoine est consciente des difficultés que rencontre le Tribunal, en raison notamment de l'absence de coopération de certains Etats et du manque de ressources. Or, le travail mené par le Tribunal représente le premier acte de réconciliation dans les Balkans. Justice doit être faite, pour la mémoire des victimes et l'avenir de nos enfants, a conclu le représentant.

M. DANILO TURK (Slovénie) a noté que, comme l'indique le rapport à l'Assemblée générale, le Tribunal était devenu totalement opérationnel, deux ans après la mise en place de ses structures logistiques et normatives. Les crimes de guerre commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine ont choqué la conscience de l'humanité et la décision du Conseil de sécurité de mettre en place le Tribunal était une décision historique. Il est probable que les succès futurs du Tribunal contribueront à mettre en place un tribunal permanent.

Le représentant s'est déclaré satisfait de la grande variété des tâches déjà accomplies par le Tribunal, notamment en ce qui concerne la protection des témoins et le financement du Tribunal. Le représentant s'est félicité de

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ce qu'un nombre croissant d'Etats au nombre desquels la Slovénie aient adopté des législations pour renforcer la coopération avec le Tribunal. Le représentant a regretté que le niveau de coopération avec le Tribunal de la part des Etats et entités connaisse de si grandes variations. Il a trouvé encourageant que la Bosnie-Herzégovine ait coopéré avec le Tribunal et a regretté que la République Srpska et la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne veuillent pas en faire de même, d'autant plus que les deux principaux accusés, MM. Karadzic et Mladic n'aient pas été arrêtés et qu'ils continuent à exercer une influence dans la vie publique.

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