DH/G/472

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME CLÔT LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SEPTIÈME SESSION

8 novembre 1996


Communiqué de Presse
DH/G/472


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME CLÔT LES TRAVAUX DE SA CINQUANTE-SEPTIÈME SESSION

19961108 COMMUNIQUE FINAL DH/G/472 Il adopte des observations sur les rapports de l'Allemagne, du Danemark, du Gabon, du Pérou, de la Suisse, et du Royaume-Uni sur Hong Kong

Genève, 8 novembre -- Le Comité des droits de l'homme a terminé, ce matin, les travaux de sa cinquante-septième session, qui s'est tenue à Genève du 21 octobre au 8 novembre 1996 à Genève.

Le Comité a adopté ses observations finales sur les rapports présentés au cours de la session par les États parties suivants : Allemagne, Danemark, Gabon, Pérou, Suisse et Royaume-Uni, ce dernier pays présentant un rapport spécial sur Hong Kong à la demande du Comité.

Dans ses observations sur Hongkong, le Comité estime que la Chine, qui n'est pas partie au Pacte, a l'obligation d'appliquer ses dispositions à Hongkong après le retour du territoire à la souveraineté chinoise, le 1er juillet 1997, et qu'elle devra présenter au Comité des rapports sur Hongkong. Il considère en effet que les traités relatifs aux droits de l'homme sont liés au territoire et que les États sont liés aux obligations contractées en vertu du Pacte par l'État prédécesseur». Le Comité a souhaité que le prochain rapport sur Hongkong soit présenté en 1999.

Le Comité regrette que le Pérou n'ait pas appliqué les recommandations préliminaires faites par le Comité lorsqu'il avait examiné le rapport péruvien à sa dernière session, notamment celles qui concernent la pratique des «juges sans visage» pour les procès menés dans le cadre de la lutte antiterroriste et le jugement de civils par des tribunaux militaires.

La Suisse, qui présentait son rapport initial, devrait retirer sa réserve à l'article 26 du Pacte, qui limite l'applicabilité du principe de l'égalité de toutes les personnes devant la loi. Le Comité note avec préoccupation que dans de nombreux domaines, l'égalité entre hommes et femmes ne s'est pas encore réalisée dans la pratique, notamment dans le secteur privé. Le Comité est en outre préoccupé par les nombreuses allégations de mauvais traitements lors d'arrestations ou au cours de la garde à vue, en particulier à l'égard de ressortissants étrangers.

S'agissant de l'Allemagne, le Comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne les allégations de mauvais traitements dont seraient responsables des fonctionnaires de police, en particulier contre des étrangers en Allemagne. Il exprime sa préoccupation devant la discrimination qui semble frapper les personnes appartenant à certaines sectes et les fonctionnaires de l'ancienne RDA.

Le Comité recommande au Danemark que des mesures soient prises pour améliorer la situation en ce qui concerne la détention préventive et l'isolement dans les pénitenciers. Il demande que la police anti-émeutes n'ait recours aux chiens policiers lors de manifestations.

Le Comité salue le processus démocratique qui s'est engagé au Gabon et la détermination des autorités en faveur du multipartisme. Il note que les coutumes et traditions, en particulier en ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, constituent un obstacle à la pleine application du Pacte. Parmi ses recommandations, il suggère en particulier que la durée de la détention provisoire soit réduite, que des enquêtes indépendantes soient menées sur les plaintes contre la police et que la police devienne une institution civile, non militaire.

Le Comité s'est réuni en séances privées, à plusieurs reprises au cours de la session, pour examiner les plaintes émanant de particuliers qui estiment être victimes d'une violation de l'un des droits énoncés dans le Pacte par un État qui est partie au Pacte et qui a également ratifié le Protocole facultatif s'y rapportant ou y a adhéré. Les décisions du Comité sur les communications examinées au cours de la session seront rendues publiques ultérieurement.

Le Comité des droits de l'homme tiendra sa prochaine session du 24 mars au 11 avril 1997 à New York. Il examinera alors les rapports présentés par les pays suivants : Bolivie, Colombie, Inde, Géorgie et Liban, ainsi qu'un rapport du Portugal sur le territoire de Macao.

Observations finales concernant le rapport de l'Allemagne

Le Comité note que l'extension du système politique, économique et social de la République fédérale d'Allemagne au territoire de l'ancienne République démocratique allemande (RDA) posait des problèmes nouveaux, difficiles et sensibles en matière de droits de l'homme. Il salue le rôle de la Cour constitutionnelle dans la protection des droits des particuliers, l'adoption de la deuxième Loi sur l'égalité de traitement pour la promotion de la femme dans l'administration publique fédérale et les efforts déployés pour combattre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, tout en regrettant que ces problèmes subsistent.

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Le Comité exprime sa préoccupation devant les mauvais traitements dont se sont rendus responsables des fonctionnaires de police, en particulier contre des étrangers, des membres des minorités ethniques et des demandeurs d'asile. Il recommande la création de mécanismes indépendants chargés, dans toutes les régions du pays, d'enquêter sur les plaintes pour mauvais traitements par la police. Il demande des programmes plus complets et intensifs de formation de la police et d'éducation de la jeunesse dans le cadre des efforts pour lutter contre le racisme et la xénophobie. Le Comité souhaite par ailleurs une définition plus large de la notion de minorité. Il exprime sa préoccupation de ce que l'appartenance à certaines sectes interdit le recrutement dans la fonction publique de certains Länder. Il demande, s'agissant des fonctionnaires de l'ancienne RDA, que ces personnes ne soient pas exclues de la fonction publique pour leurs opinions politiques.

Observations finales concernant le rapport Danemark

Le Comité note que les normes établies par le Pacte sont, dans l'ensemble, respectées. Le Comité salue la ratification récente du deuxième Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort, les pouvoirs accordés à l'ombudsman, la création de nombreuses organisations nationales des droits de l'homme et la mise en place d'un nouveau système d'enquête sur les plaintes portées contre la police.

Le Comité exprime sa préoccupation devant la durée excessive des procédures de règlement des demandes d'indemnisation des membres de la minorité autochtone du Groenland suite au déplacement qui leur a été imposé en raison de la construction d'une base militaire à Thule. Il recommande que des mesures soient prises pour améliorer la situation en ce qui concerne la détention préventive et l'isolement dans les pénitenciers. Il demande une meilleure formation des fonctionnaires de police dans les opérations anti- émeutes et encourage le Danemark à cesser d'utiliser des chiens policiers au cours de manifestations. Il recommande par ailleurs des amendements à la réglementation sur la regroupement des familles pour les immigrés et les réfugiés.

Observations finales concernant le rapport du Gabon

Le Comité salue le processus démocratique qui s'est engagé au Gabon et la détermination des autorités en faveur du multipartisme. Il se félicite de la création d'un Ministère de la communication, de la culture, des arts, de l'éducation populaire et des droits de l'homme et de l'annonce faite par la délégation de la création prochaine d'une commission nationale des droits de l'homme. Il note que les coutumes et traditions, en particulier en ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, constituent un obstacle à la pleine application du Pacte.

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Le Comité recommande que le Pacte soit incorporé à l'ordre juridique gabonais de façon à ce que ses dispositions puissent être invoquées directement devant les tribunaux. Il demande que la commission nationale des droits de l'homme soit créée et dotée de pouvoirs étendus et d'un rôle dans la formation en matière de droits de l'homme. Des mesures devraient être prises pour favoriser la participation des femmes dans la vie politique, économique et sociale du pays et pour surmonter la discrimination qui résulte des lois coutumières. Les dispositions relatives à l'instauration de l'état d'urgence doivent garantir le respect des droits fondamentaux. La durée de la détention provisoire doit être réduite. Les enquêtes sur les plaintes contre la police doivent être réalisées par des organes indépendants. La police doit devenir une institution civile, non militaire. Les conditions de détention dans les prisons doivent être améliorées. Le Comité a exprimé sa préoccupation en ce qui concerne les restrictions imposées à la liberté d'expression.

Observations finales concernant le rapport du Pérou

Le Comité constate certains progrès depuis le début de l'examen du rapport, lors de sa session de juillet 1996, à Genève. Il salue l'entrée en fonctions du Tribunal constitutionnel et du Bureau du défenseur du peuple, ainsi que la création de la Commission des droits de la femme et d'autres institutions de promotion de la condition de la femme.

Le Comité regrette toutefois que le Pérou n'ait pas appliqué les recommandations préliminaires faites par le Comité lorsqu'il avait examiné le rapport péruvien à sa dernière session, notamment en ce qui concerne la pratique des «juges sans visage», les lois d'amnistie et le jugement de civils par des tribunaux militaires. Il déplore le manque de recours utiles en matière d'indemnisation pour les victimes de violations des droits de l'homme par des agents de l'État. Reconnaissant que le terrorisme pose un grave problème au gouvernement et aux citoyens, le Comité souligne que les mesures adoptées pour le combattre ne doivent pas être contraires aux normes fondamentales des droits de l'homme et au droit à un jugement équitable. Il demande l'adoption d'une législation permettant aux partis politiques de mener leurs activités en toute liberté et garantissant la liberté d'association.

Observations finales concernant le rapport de la Suisse

Le Comité exprime sa satisfaction à la Suisse pour son rapport initial détaillé et complet, dont il souligne la qualité. Le Comité constate qu'il n'y a pas de facteurs ou de difficultés particuliers susceptibles de faire obstacle à l'application effective des dispositions du Pacte en Suisse, à l'exception du maintien par la Suisse de ses réserves à certains articles du Pacte. Le Comité note avec satisfaction que le Pacte fait partie intégrante de l'ordre juridique suisse, avec un statut supérieur aux lois internes, que ses dispositions sont invocables directement devant les tribunaux par les

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particuliers et que les juges peuvent s'y référer directement. Il note que les tribunaux suisses, et notamment le Tribunal fédéral, se sont déjà référés de nombreuses fois aux dispositions du Pacte.

Le Comité regrette le maintien de la réserve faite par la Suisse à l'article 26 du Pacte, qui limite l'applicabilité du principe de l'égalité de toutes les personnes devant la loi. Le Comité note avec préoccupation que dans de nombreux domaines, l'égalité entre hommes et femmes ne s'est pas encore réalisée dans la pratique, notamment dans le secteur privé. Le Comité est préoccupé par les nombreuses allégations de mauvais traitements lors d'arrestations ou au cours de la garde à vue, en particulier à l'égard de ressortissants étrangers ou de citoyens suisses d'origine étrangère, et, en parallèle, des rapports portant sur le manque de suivi des autorités au sujet de plaintes pour mauvais traitements par la police. Il regrette la possibilité dans différents cantons de la détention au secret, pour des périodes allant de 8 à 30 jours, voire dans certains cas pour des périodes indéterminées. Il regrette également l'absence dans la plupart des cantons de garanties légales, telles que la possibilité de contacter un avocat dès l'arrestation et d'être examiné par un médecin indépendant.

Le Comité note avec préoccupation que la Loi fédérale sur les mesures de contrainte, entrée en vigueur en janvier 1995, permet, dans certains cas, la détention administrative de ressortissants étrangers sans autorisation de séjour ou d'établissement. Le Comité note que ces délais sont largement excessifs, notamment dans le cas de la détention en vue du renvoi. Le Comité recommande également que des mesures soient prises afin de permettre le regroupement familial des travailleurs étrangers qui résident en Suisse dans un bref délai après l'obtention du permis de séjour.

Observations finales concernant le rapport sur Hongkong

Dans ses observations sur Hongkong, territoire dépendant au sujet duquel le Royaume-Uni a présenté un rapport spécial à la demande du Comité, le Comité estime que la Chine, qui n'est pas partie au Pacte, a l'obligation d'appliquer ses dispositions à Hongkong après le retour du territoire à la souveraineté chinoise, le 1er juillet 1997, et qu'elle devra présenter au Comité des rapports sur Hongkong. Il considère en effet que les traités relatifs aux droits de l'homme sont liés au territoire et que les États sont liés aux obligations contractées en vertu du Pacte par l'État prédécesseur.

La protection assurée par le Pacte depuis 1976 est un droit acquis de la population de Hongkong, quel que soit le gouvernement qui exerce l'autorité sur le territoire. En outre, la Déclaration commune sino-britannique signée en 1984 fait obligation à la Chine d'appliquer et de respecter pleinement le Pacte.

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Le Comité a aussi estimé que la Chine devrait maintenir en l'état le Conseil législatif de Hongkong, élu l'an dernier, et respecter l'ordonnance relative à la Déclaration des droits adoptée par le Gouvernement de Hongkong.

Le Comité des droits de l'homme

Le Comité des droits de l'homme est composé de 18 experts élus pour une période de quatre ans par les États parties au Pacte et siégeant à titre individuel. Le Comité est actuellement composé comme suit : M. Fransisco José Aguilar (Costa Rica), M. Nisuke Ando (Japon), M. Tamas Ban (Hongrie), M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati (Inde), M. Marco Tulio Bruni Celli (Venezuela), M. Thomas Buergenthal (États-Unis), Mme Christine Chanet (France), Lord John Mark Alexander Colville (Royaume-Uni), M. Omran El-Shafei (Égypte), Mme Elizabeth Evatt (Australie), M. Laurel Francis (Jamaïque), M. Eckart Klein (Allemagne), M. David Kretzmer (Israël), M. Rajsoomer Lallah (Maurice), M. Andreas V. Mavrommatis (Chypre), Mme Cecilia Medina Quiroga (Chili), M. Fausto Pocar (Italie) et M. Julio Prado Vallejo (Équateur).

M. Aguilar Urbina est Président du Comité. Les Vice-Présidents sont MM. Ban, El-Shafei et Bhagwati. Mme Chanet est le Rapporteur.

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