AG/SHC/272

TROISIEME COMMISSION : APPEL A LA CONSCIENCE UNIVERSELLE POUR SAUVER LES ENFANTS PIEGES DANS LES CONFLITS ARMES

8 novembre 1996


Communiqué de Presse
AG/SHC/272


TROISIEME COMMISSION : APPEL A LA CONSCIENCE UNIVERSELLE POUR SAUVER LES ENFANTS PIEGES DANS LES CONFLITS ARMES

19961108 APRES-MIDI AG/SHC/272 "Pendant que les gouvernements hésitent, les enfants meurent", dit Mme Machel, auteur de l'Etude relative à l'impact des conflits sur les enfants

Mme Graça Machel, Experte chargée par le Secrétaire général d'une Etude sur l'impact des conflits armés sur les enfants, a présenté vendredi après- midi son rapport sur cette question devant la Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission), en présence notamment du Président de l'Assemblée générale, M. Razali Ismail, du Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, du Sous-Secrétaire général pour les droits de l'homme, M. Ibrahima Fall, de la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, Mme Carol Bellamy et de l'Administrateur du Fonds des Nations Unies pour le développement (PNUD), M. James Gustave Speth.

La guerre viole tous les droits des enfants et ses effets destructeurs sur ceux-ci ont trop longtemps été considérés comme de "regrettables mais inévitables effets secondaires", a déclaré Mme Machel. Nous devons revoir nos principes moraux. La communauté internationale doit mettre fin à l'inertie politique qui permet l'escalade des conflits jusqu'à des situations telles que celle qui a pu se développer dans la région des Grands Lacs, en dépit des signaux d'alarme répétés. Récemment les Chefs d'Etat de l'Afrique centrale ont estimé que le Conseil de sécurité devrait autoriser la création et l'envoi immédiat d'une force de protection humanitaire neutre au Zaïre, a rappelé Mme Machel, qui a estimé qu'il était urgent d'agir pour empêcher qu'un autre génocide n'ait lieu. Pendant que les gouvernements hésitent, les enfants meurent. Nous pouvons changer cette situation. Il ne nous reste que deux choses à trouver : la force morale et la volonté politique.

Selon l'étude, au cours des dix dernières années, les conflits armés ont fait parmi les enfants 2 millions de morts et trois fois plus de blessés graves ou d'invalides.

Le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, qui avait nommé Mme Machel en juin 1994, a affirmé que la mise en oeuvre immédiate des recommandations de l'étude contribuerait fortement à atténuer les souffrances

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des enfants prisonniers du conflit qui sévit dans la région africaine des Grands Lacs et permettrait d'accélérer la recherche de solutions à long terme aux problèmes complexes de cette sous-région. Des milliers d'enfants sont en danger de mort, a-t-il averti, appelant la communauté internationale à faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir la répétition du génocide de 1994 et une nouvelle crise des réfugiés dans la région.

La Directrice exécutive de l'UNICEF a, elle aussi, préconisé la mise en oeuvre immédiate des recommandations du rapport dans cette région afin de prévenir un nouveau génocide, des déplacements massifs de population, la séparation des familles, la faim, la maladie et les traumatismes.

Les représentants du Mozambique, de l'Irlande (au nom de l'Union européenne), du Portugal, du Botswana, de l'Uruguay, des Etats-Unis, des Pays-Bas, du Cameroun, du Costa Rica, du Burundi et de la Jamahiriya arabe libyenne ont fait des déclarations.

Mme Bellamy et M. Fall ont ensuite ouvert le débat sur la promotion et la protection des droits de l'enfant.

La Commission se réunira à nouveau lundi matin à 10 heures. Elle clôturera dans la matinée son débat sur le Programme d'activités de la Décennie internationale des populations autochtones et poursuivra, dans l'après-midi, son débat sur la promotion et la protection des droits de l'enfant.

Documentation

Etude sur l'impact des conflits armés sur les enfants (A/51/306)

Cette étude a été établie par Mme Graça Machel, expert désigné par le Secrétaire général, le 8 juin 1994. Elle a été entreprise avec la collaboration du Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance. Dans la note par laquelle il transmet l'étude, le Secrétaire général indique qu'il compte que l'Assemblée générale accordera toute son attention aux mécanismes requis pour suivre de près et contrôler la mise en oeuvre des conclusions et recommandations qu'elle adoptera sur cet important sujet. Dans cette étude, Mme Graça Machel propose aux Etats Membres et à la communauté internationale les éléments d'un programme d'action détaillé en vue d'améliorer la protection de la prise en charge des enfants dans les conflits et d'empêcher l'apparition de ces conflits.

Au cours des dix dernières années, on estime que les conflits armés ont fait parmi les enfants 2 millions de morts, et trois fois plus de blessés graves ou d'invalides, souvent par l'explosion de mines. D'innombrables autres ont été forcés d'être le témoin d'horribles actes de violence, voire d'y participer. Pour affligeants que soient ces chiffres, plus troublante encore est la conclusion qu'il faut en tirer : l'on se trouve, de plus en plus, aspiré dans un vide moral. Les enfants sont massacrés, violés et brutalisés, les enfants sont exploités comme soldats; ils sont affamés et exposés à des brutalités extrêmes. Une terreur et une violence aussi généralisées reflètent une victimisation délibérée des enfants. Il ne semble pas que l'humanité puisse sombrer plus loin. La conclusion la plus fondamentale de l'étude est qu'il n'y a tout simplement pas place pour les enfants dans les conflits. La communauté internationale doit condamner cette attaque contre les enfants pour ce qu'elle est : intolérable et inacceptable.

Soulignant que les enfants sont à la fois notre raison de lutter pour éliminer les pires aspects des conflits et notre meilleur espoir de réussite, l'expert rappelle que le monde a un instrument unique pour protéger les enfants : la Convention sur les droits de l'enfant, ratifiée par virtuellement tous les pays.

L'expert remarque que la nature et les caractéristiques des conflits armés contemporains ont accru les risques qu'ils présentent pour les enfants. La distinction entre combattants et civils s'estompe dans les combats menés de village à village ou dans les combats de rue. Les enfants recherchent une protection mais les conflits et un changement social violent ont affecté les réseau de protection sociale des familles et des communautés.

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La prolifération d'armes légères bon marché a facilité le recrutement d'enfants comme soldats. Les nouvelles armes sont si légères que de jeunes enfants peuvent les utiliser et si simples qu'elles peuvent être démontées et remontées par un enfant de dix ans. Le commerce international d'armes a fait des fusils d'assaut des articles bon marché et faciles à se procurer, de sorte que les communautés les plus pauvres ont désormais accès à des armes meurtrières pouvant transformer un conflit localisé en un sanglant massacre. Par ailleurs, la diffusion rapide de l'information a transformé à des égards importants le caractère de la guerre moderne. Les médias internationaux sont fréquemment influencés par l'une ou l'autre des parties au conflit, par les réalités commerciales et par l'intérêt que le public porte à l'action humanitaire. L'image d'enfants affamés ou de camps surpeuplés de réfugiés peut être frappante, mais elle ne contribue guère à susciter un appui en faveur d'efforts de reconstruction et de réconciliation à long terme.

Outre l'introduction et la conclusion, le rapport est divisé en six sections : comment mitiger l'impact des conflits armés sur les enfants (section II); mesure dans laquelle les normes en vigueur relatives à la protection des enfants sont suffisantes et bien adaptées (Section III); reconstruction et réconciliation (Section IV); prévention des conflits (Section V); mécanismes d'application (Section VI).

La Section II documente certains des effets les plus graves qu'ont les conflits armés sur les enfants et comporte des exemples précis, l'intention n'étant pas de condamner plus particulièrement tel ou tel groupe, gouvernement ou mouvement. L'une des tendances les plus alarmantes des conflits armés est que des enfants y participent comme soldats. Il ressort d'une série de 24 études de cas que les gouvernements ou les armées d'insurgés ont, dans différentes régions du monde, recruté des dizaines de milliers d'enfants. La plupart sont des adolescents, mais il peut souvent s'agir d'enfants de moins de 10 ans, voire plus jeunes encore. Si la majorité d'entre eux sont des garçons, des filles sont recrutées elles aussi. Certains sont simplement appelés sous les drapeaux, d'autres sont recrutés de force ou kidnappés, et d'autres encore sont forcés à rejoindre les rangs de groupes armés pour défendre leur famille.

Les enfants se sentent parfois obligés de s'enrôler pour leur propre protection. Entourés de violence et de chaos, ils se sentent plus sûrs une arme à la main. Dans certaines sociétés, une vie militaire peut être la formule la plus attrayante. Souvent, ces enfants rejoignent les groupes armés de l'opposition après avoir été harcelés par les forces gouvernementales. Souvent, l'activité guerrière est glorifiée. En Sierra Leone, l'expert a rencontré de jeunes soldats se vantant fièrement du nombre d'"ennemis" qu'ils avaient tués. Comme cela s'est passé en Afrique du Sud ou dans les territoires occupés, ils peuvent se joindre à la lutte pour la recherche d'une liberté politique. Après le recrutement, les enfants sont généralement,

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pour l'essentiel, traités comme les adultes, y compris pour ce qui est d'un bizutage souvent brutal. Si les enfants des deux sexes peuvent au début se voir confier des tâches auxiliaires, ils se voient rapidement plongés au coeur des combats, où leur manque d'expérience et d'entraînement les laisse particulièrement exposés. Les enfants qui ont été délibérément exposés à des scènes horribles sont plus susceptibles de commettre des actes de violence eux-mêmes et risquent davantage de rompre avec la société. Dans nombre de pays, par exemple en Afghanistan, en Colombie, au Mozambique et au Nicaragua, des enfants ont même été forcés de commettre des atrocités contre leur propre famille ou leur propre communauté.

Selon l'expert, l'une des priorités les plus urgentes est manifestement de faire en sorte qu'aucun jeune de moins de 18 ans ne serve dans les forces armées. Le processus de réinsertion doit aider les enfants à poser de nouvelles bases dans la vie, compte tenu de leurs capacités individuelles. La réinsertion sociale ne peut être efficace que si l'on peut compter sur l'appui des familles et de la communauté. Or, la trame familiale est aussi usée par les conflits, aussi bien physiquement que psychologiquement, et les familles sont souvent plus pauvres que jamais. L'éducation, et spécialement l'achèvement des études primaires doivent revêtir une priorité élevée.

Le passage à un mode de vie non violent sera difficile. Tel est particulièrement le cas lorsque les frustrations causées par la misère et l'injustice persistent. Le défi, pour les gouvernements comme pour la société civile, sera par conséquent de mettre l'énergie, les idées et l'expérience des jeunes au service de l'édification d'une société nouvelle après le conflit.

L'expert présente une série de recommandations concernant la question de l'enfant soldat, notamment : lancer une campagne mondiale qui, tendrait à éliminer la conscription d'enfants de moins de 18 ans. Les médias devraient eux aussi être encouragés à dénoncer l'utilisation qui est faite des enfants comme combattants et à militer en faveur de leur démobilisation; les organes des Nations Unies, les institutions spécialisées et institutions de la société civile internationale devraient entamer auprès des gouvernements, des forces non étatiques et de leurs partisans internationaux une diplomatie silencieuse afin d'encourager la démobilisation immédiate des militaires n'ayant pas atteint l'âge minimum et le respect de la Convention des droits de l'enfant; tous les accords de paix devraient comporter des dispositions spécifiques concernant la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants soldats. La communauté internationale doit d'urgence appuyer les programmes, y compris les programmes de plaidoyer et les programmes de services sociaux, tendant à promouvoir la démobilisation et la réinsertion des enfants soldats dans la communauté; les Etats devraient s'employer à achever l'élaboration du protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant relatif à la participation des enfants aux conflits armés afin de porter à 18 ans l'âge minimum du recrutement et de la participation aux forces armées.

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L'expert souligne par ailleurs qu'au moins la moitié de tous les réfugiés et personnes déplacées sont des enfants. A une époque cruciale et vulnérable de leur vie, ils ont été brutalement déracinés et exposés aux dangers et à l'insécurité. Pendant les déplacements, des millions d'enfants ont été séparés de leur famille, maltraités, exploités et enlevés par des groupes militaires ou bien ont péri de faim et de maladies. Pendant la fuite, après les dangers du conflit, les familles et les enfants continuent d'être exposés à de multiples dangers physiques. Il est fréquent que les enfants se trouvent séparés de leurs parents. Comme ces derniers sont pour l'enfant la principale source de sécurité psychologique et physique, la séparation des familles peut avoir un impact social et effectif dévastateur. Les enfants non accompagnés sont particulièrement vulnérables et exposés aux mauvais traitements, aux actes de violence, à un recrutement de force dans les forces armées, à des violences sexuelles et à bien d'autres risques. Pour les parents, l'évacuation peut alors sembler être la solution la meilleure, mais cela n'est fréquemment pas le cas. En Bosnie-Herzégovine, par exemple, les évacuations ont souvent été organisées à la hâte sans guère de documentation. L'évacuation crée également un risque à long terme pour les enfants, notamment le traumatisme de la séparation de la famille et le risque accru de faire l'objet d'un trafic ou d'être illégalement adoptés. Dans les camps de réfugiés ou de personnes déplacées, les femmes et les adolescentes sont particulièrement vulnérables et même les enfants les plus jeunes peuvent être affectés lorsqu'ils doivent être les témoins des mauvais traitements infligés à une mère ou à une soeur. L'environnement qui caractérise les camps est souvent très militarisé. Dans certains cas, des enfants ont été enlevés des camps, de force ou subrepticement, pour être emmenés dans un pays tiers à des fins d'"éducation politique" ou d'entraînement militaire. Dans plusieurs cas, les gouvernements des pays hôtes ont enrôlé des enfants réfugiés dans leurs forces armées. Les enfants déplacés qui restent dans leur propre pays sont exposés à un environnement dangereux. Leur situation est souvent pire que celle des réfugiés. En outre, l'apatridie est un risque pour les enfants réfugiés vu qu'il peut être difficile pour eux d'établir leur identité et leur nationalité. Depuis la fin de la guerre froide, nombre de gouvernements ont répugné davantage à accorder asile et ont même essayé d'empêcher les personnes à la recherche d'un asile de parvenir jusqu'à leurs frontières. L'une des conséquences des politiques actuelles est qu'un certain nombre de personnes à la recherche d'un asile, y compris les enfants, sont détenues pendant que leur situation est étudiée. La recherche d'un asile ne peut pas être considérée comme une infraction ou un crime mais, dans certains cas, femmes et enfants sont incarcérés avec des délinquants. Pour les familles et les enfants de réfugiés ou de personnes déplacées qui rentrent dans leur communauté d'origine, la réinsertion peut être fort difficile. Dans les pays bouleversés par de nombreuses années de conflits, des conflits surgissent souvent entre rapatriés et résidents. Une autre difficulté majeure tient au fait que les femmes chefs de ménage peuvent, lors de leur retour, perdre leurs droits de propriété et la garde de leurs enfants.

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L'expert soumet plusieurs recommandations concernant les enfants de réfugiés et de personnes déplacées dans leur propre pays, notamment : dans toutes les situations d'urgence, il convient d'accorder la priorité à l'adoption de procédures tendant à assurer la protection et la survie des enfants non accompagnés; des programmes de recherche des familles devraient être organisés dès le début des programmes de secours; dans toute la mesure du possible, les enfants non accompagnés devraient être confiés à la famille élargie et à la communauté plutôt que d'être placés en établissements; L'UNICEF, le HCR, la FAO et l'OIT devraient se pencher d'urgence sur la situation des ménages dirigés par des femmes et définir les grandes lignes des politiques et des programmes à mettre en oeuvre pour les protéger et les aider. Il est essentiel que les donateurs appuient ce principe.

L'expert indique qu'en période de conflit armé, les femmes et les adolescentes sont continuellement exposées aux viols ainsi qu'à d'autres types de violences sexuelles, dont prostitution, humiliations et mutilations sexuelles, trafic et violence au foyer. Les adolescentes sont particulièrement exposées pour différentes raisons dont leur taille et leur vulnérabilité, les garçons sont affectés eux aussi et, souvent, le cas de jeunes garçons qui ont été violés ou forcés à se prostituer n'est pas déclaré. Le plus souvent, le viol est utilisé comme d'autres formes de torture, comme une arme tactique pour humilier et saper le moral de la population considérée comme ennemie. En période de conflit armé, le viol est utilisé pour terroriser les populations ou pour forcer les civils à fuir. Souvent, les violences sexuelles sont utilisées comme moyen de purification ethnique, l'idée étant de rendre les victimes enceintes. Les enfants originaires de zones de conflit ont fait l'objet d'un trafic et ont été obligés à travailler dans des bordels d'autres pays, et ont été transportés du Cambodge en Thaïlande, par exemple, et de Géorgie en Turquie. Dans les cas de réfugiés du Zaïre, l'expert a entendu parler bien souvent de filles que leur famille avait poussées à se prostituer. Les enfants peuvent également devenir victimes de la prostitution après l'arrivée des forces de maintien de la paix. Au Mozambique, après la signature du traité de paix, en 1992, les militaires de l'Opération des Nations Unies au Mozambique (ONUMOZ) ont recruté comme prostituées des filles de 12 à 18 ans. Après qu'une commission d'enquête eût confirmé ces allégations, les militaires en question ont été rapatriés. L'exploitation sexuelle a un impact dévastateur sur l'épanouissement physique et émotif des enfants.

L'expert soumet une série de recommandations concernant l'exploitation et les violences sexuelles, notamment : des systèmes clairs et aisément accessibles devraient être mis en place au sein aussi bien des structures militaires que des populations civiles pour que les victimes de mauvais traitements sexuels puissent porter plainte; la codification du viol en tant que crime de guerre doit être éclaircie, cet acte doit faire l'objet de poursuites et il doit être réprimé en conséquence.

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L'expert rappelle d'autre part qu'aujourd'hui, les enfants, dans 68 pays au moins, vivent au milieu de la contamination créée par plus de 110 millions de mines antipersonnel, auxquelles il convient d'ajouter des millions de munitions non explosées, bombes, obus et grenades. L'Angola, sur le territoire duquel se trouvent, selon les estimations, 10 millions de mines antipersonnel, compte 70 000 amputés, dont 8 000 enfants. Les enfants africains vivent sur le continent qui comporte le plus de mines - il y en a au moins 37 millions dans 19 pays d'Afrique - mais, à des degrés divers, tous les continents sont touchés. Les mines antipersonnel et les munitions non explosées posent un danger particulier pour les enfants, spécialement parce que ceux-ci sont naturellement curieux et enclins à ramasser tous les objets étranges qu'ils peuvent trouver sur leur chemin. Même lorsqu'ils savent qu'il y a des mines, les petits enfants les détectent plus difficilement que les adultes. Pour les enfants, les mines risquent de devenir si familières qu'ils oublient qu'elles sont des armes meurtrières. Dans le Nord de l'Iraq, les enfants utilisent parfois des mines comme roues pour les modèles de camions qu'ils construisent une mine, lorsqu'elle explose, fait généralement plus de mal à l'enfant qu'à l'adulte. Pour les survivants, les problèmes médicaux causés par l'amputation sont souvent sérieux, les membres d'un enfant qui grandit se développant plus vite que les tissus avoisinants et exigeant des amputations répétées. A mesure qu'ils grandissent, les enfants ont aussi régulièrement besoin de nouvelles prothèses. Les longs traitements médicaux sont extrêmement coûteux pour la famille et pour la société en général.

L'expert présente des recommandations spécifiques concernant les mines terrestres et les munitions non explosées, notamment : les gouvernements devraient immédiatement promulguer des lois nationales interdisant totalement la fabrication, l'utilisation, le commerce et le stockage de mines terrestres; ils devraient appuyer la campagne menée en faveur d'une interdiction mondiale, au moins des mines antipersonnel, lors de la prochaine Conférence des Etats parties à la Convention sur l'utilisation de certaines armes classiques, en 2001; les gouvernements doivent fournir des ressources suffisantes pour appuyer des programmes humanitaires à long terme de déminage; les pays et les sociétés qui ont tiré profit de la vente de mines devraient être spécialement tenus de verser des contributions aux fonds constitués pour financer des programmes humanitaires de déminage et des programmes de sensibilisation.

Le rapport traite principalement des conflits armés mais un problème très voisin, qui a aussi de sérieuses incidences sur les enfants, est celui de l'imposition de sanctions économiques qui, ces dernières années, ont été considérées comme une solution de rechange à la guerre, à la fois moins chère et non violente. Dans la pratique, les sanctions se sont avérées jusqu'à présent être des instruments peu précis. Les exceptions humanitaires sont généralement ambiguës et sont interprétées de façon arbitraire et contradictoire. Les sanctions entraînent souvent des pénuries de ressources;

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perturbent la distribution de vivres, de produits pharmaceutiques et d'articles d'hygiène. Les études qui ont été réalisées à Cuba, en Haïti et en Iraq après l'imposition des sanctions ont fait apparaître une augmentation rapide de la proportion d'enfants souffrant de malnutrition.

L'expert soumet des recommandations concernant les sanctions : la communauté internationale devrait instituer des mécanismes de suivi et d'évaluation de l'effet des sanctions sur les enfants qui soient efficaces; les programmes d'assistance humanitaire des institutions spécialisées des Nations Unies et des ONG ne devraient pas être soumis à l'approbation du Comité des sanctions du Conseil de sécurité.

L'expert soumet également des recommandations spécifiques concernant: la santé et la nutrition, la guérison psychologique; et l'éducation.

En ce qui concerne les normes en vigueur et leur application (Section III), l'experte recommande notamment aux gouvernements d'adopter des mesures législatives nationales pour assurer une application efficace des normes pertinentes, y compris la Convention sur les droits de l'enfant, les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels et la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et leurs Protocoles y relatifs. Dans la section consacrée à la réconciliation (Section IV), l'expert souligne que les commissions de la vérité, commissions des droits de l'homme et les groupes de réconciliation peuvent beaucoup aider les communautés à panser leurs blessures. L'expert pense que la communauté internationale devrait élaborer des méthodes plus systématiques pour appréhender et châtier les individus coupables d'avoir violé les droits des enfants. Permettre aux coupables de jouir de l'impunité ne peut que déboucher sur le mépris de la loi et un nouveau cycle de violence.

Dans la section traitant de la prévention des conflits (Section V), l'expert souligne que le meilleur moyen de protéger les enfants est d'empêcher le déclenchement de conflits armés. Il faut s'attaquer aux causes profondes de la violence et promouvoir des schémas de développement humain qui soient à la fois durables et équitables. Chacun doit avoir le sentiment qu'il a son mot à dire dans la prise de décisions, un accès égal aux ressources, la possibilité de participer pleinement à la vie civile et politique et la liberté d'affirmer sa propre identité et d'exprimer pleinement ses aspirations.

En conclusion, le rapport cite l'évêque Desmond Tutu : Nous voulons une société où l'être humain soit plus important que les possessions matérielles, où les enfants constituent un bien précieux et où puissent régner la compassion et le souci du prochain.

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L'Addendum au rapport (A/51/306/Add.1) contient une série d'annexes, qui présentent les textes des déclarations des consultations régionales sur l'impact des conflits armés sur les enfants dans la corne de l'Afrique et en Afrique orientale, centrale et australe (Addis-Abeba, 17-19 avril 1995); dans la région arabe (Le Caire, 27-29 août 1995); en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale (Abidjan, 7-10 novembre 1995); en Asie et dans le Pacifique (Manille, 13-15 mars 1996); et en Amérique latine et dans les Caraïbes (Bogota, 17-19 avril 1996).

Rapport du Secrétaire général sur l'état de la Convention relative aux droits de l'enfant (A/51/424)

La Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale en 1989, est entrée en vigueur le 2 septembre 1990. Au 15 août 1996, 187 Etats avaient ratifié la Convention ou y avaient adhéré et 2 Etats l'avaient signée.

En 1994, l'Assemblée générale avait recommandé que le nombre des sessions annuelles du Comité des droits de l'enfant soit porté à trois à partir de 1995, de même que celui des sessions du groupe de travail précession.

En décembre 1995, la Conférence des Etats parties à la Convention a porté à 18 le nombre d'experts membres du Comité. Cette modification, qui a été approuvée par l'Assemblée générale, entrera en vigueur dès qu'elle aura été acceptée par une majorité des deux tiers des Etats parties.

A sa cinquante-deuxième session, la commission des droits de l'homme a adopté une résolution dans laquelle elle prie notamment les groupes de travail chargés d'élaborer des projets de protocoles facultatifs à la Convention concernant la participation des enfants aux conflits armés et la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie de se réunir chacun pendant une période de deux semaines, ou moins si possible, avant la cinquante-troisième session de la Commission pour continuer à s'acquitter de leur mandat.

* Le Comité des droits de l'enfant, créé aux termes de la Convention, se réunit régulièrement pour suivre les progrès accomplis par les Etats parties dans le respect de leurs obligations.

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Présentation du rapport sur l'impact des conflits armés sur les enfants Déclarations et commentaires concernant ce rapport

Le Président de l'Assemblée générale, M. RAZALI ISMAIL (Malaisie), a souligné l'immense brutalité des faits décrits dans le rapport de Mme Graça Machel et "dont nous, gouvernements et individus, sommes capables envers les plus innocents et les plus vulnérables". Les enfants peuvent effacer les divisions entre les individus et jeter des ponts entre les pays, a-t-il affirmé, aussi est-ce avec stupéfaction et horreur que nous réalisons l'ampleur de la trahison dont ils ont été victimes et que nous prenons mesure de ce qui doit être fait pour protéger leurs droits les plus fondamentaux, le droit à la vie.

L'utilisation des enfants dans les conflits, comme acteurs, cibles ou otages, est si vile que nos consciences devraient en ressentir la plus grande indignation, a-t-il souligné. Il est essentiel que les Nations Unies aillent au-delà de la simple prescription de solutions et forcent la volonté politique d'entreprendre des actions pour mettre fin aux traitements brutaux infligés aux enfants, a-t-il affirmé, soulignant la responsabilité première des gouvernements et des décideurs politiques, à la fois des pays développés et des pays en développement. Il a souligné le rôle du commerce des armes qui perpétue et profite de la violence et souffrances comme catalyseurs des agressions. Les événements récents dans la région africaine des Grands Lacs en sont la preuve, a-t-il affirmé, appelant les gouvernements et les sociétés à réglementer le commerce des armes. Il a déploré le fait que les gouvernements soient plus préoccupés de protéger les droits des fabricants d'armes, sous le prétexte qu'ils défendent des emplois, que de protéger le droit des personnes, le droit des enfants à vivre dans un monde sans conflits armés ni violence.

Les gouvernements n'ont pas mobilisé les ressources financières et humaines adéquates et n'ont pas non plus montré la compassion, l'engagement et l'opiniâtreté nécessaires pour remplir leur devoir moral, politique et social envers les enfants, a affirmé M. Ismail. Il a émis l'espoir que les idées et recommandations contenues dans le rapport seront la source d'une inspiration nouvelle pour entreprendre des actions. Tous les grands mouvements de protestation contre l'agression, la ségrégation et l'exclusion ont été la somme d'un grand nombre d'actes individuels et collectifs des communautés et nations, a-t-il souligné. Il a estimé que la communauté internationale pouvait trouver la compassion et la ténacité nécessaires pour protéger tous les enfants du monde. Il a estimé qu'il fallait agir dans les écoles, sur les lieux de travail et auprès des gouvernements. "J'espère que les enfants, comme ceux de la petite ville de Malaisie d'où je viens, se rendront compte de la disparité entre la sécurité, le confort et le luxe matériel dont ils jouissent et la situation des millions de leurs contemporains qui sont tués de manière violente et dont les perspectives de vie sont particulièrement moroses face au canon d'un fusil, ou pris dans des cycles de terreur infinis", a-t-il conclu.

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"Nous vivons un moment historique", a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, M. BOUTROS BOUTROS-GHALI. Pour la première fois, la communauté internationale a sous les yeux une évaluation complète de la souffrance des enfants qui sont piégés dans des conflits armés. En tant que telle, l'étude réalisée sous la conduite remarquable de Mme Graça Machel est une contribution vitale à la longue quête pour la paix de l'humanité. Mme Machel, dont la propre famille et la nation ont souffert des tragiques conséquences de la guerre, mérite notre plus profonde gratitude.

Cette étude constitue une contribution importante à l'ensemble de principes de coopération internationale, qui ont été développés au cours des trois siècles derniers, dans le but de prévenir les conflits, de limiter la brutalité de la guerre, et de fournir des secours aux victimes.

Elle pose un défi fondamental au système des Nations Unies tout entier, et tout spécialement à la communauté humanitaire quant à la manière dont il faut répondre aux violations des droits des enfants dans les situations de conflits armés. Le résultat du travail accompli par Mme Machel et son équipe, est le fruit d'un véritable dialogue mondial. Elle nous permet de comprendre les nombreuses ruses utilisées par la guerre pour perpétrer ses crimes à l'encontre des membres les plus vulnérables de la société.

Investir dans les enfants est la voie qui nous mènera au développement durable, a déclaré le Secrétaire général. C'est peut être aussi celle qui peut nous conduire à la paix. Nous devons joindre nos efforts pour mettre fin à la guerre et à la violence dans la famille humaine, les visages d'enfants doivent devenir les emblèmes sur les bannières des nouveaux mouvements pour la paix. Nous devons mettre fin à la prolifération de la guerre et de la haine, a-t-il encore dit, refuser d'infliger aux nouvelles générations les atrocités indicibles et les privations cruelles qu'ils ont connues durant ce siècle.

La situation dans la région des Grands Lacs africains, et à l'est du Zaïre, nous préoccupent profondément, a poursuivi le Secrétaire général. Des milliers d'enfants sont en danger de mort. Les combats ont une fois de plus causé des pertes tragiques au sein de populations civiles, en majorité parmi les réfugiés, dont la majorité sont des femmes et des jeunes enfants. La communauté internationale doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir une répétition du génocide de 1994, et une crise de réfugiés qui a déstabilisé et dévasté cette partie du monde. Une mise en oeuvre immédiate des recommandations de Mme Machel contribuerait grandement à atténuer les souffrances des enfants prisonniers de cette crise; l'adoption de ces recommandations permettrait aussi d'accélérer la recherche de solutions à long terme aux problèmes complexes de cette sous-région.

L'étude de Mme Machel jette une lueur intense sur l'absurdité de la haine et de l'injustice, a encore dit le Secrétaire général, lançant un appel urgent aux Etats Membres pour qu'ils examinent avec soin chacune des recommandations proposées.

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Mme GRACA MACHEL, Expert désigné par le Secrétaire général pour réaliser une étude sur l'impact des conflits armés sur les enfants, a indiqué que l'Etude qu'elle était venue présenter, en plus d'être le témoignage de millions d'enfants victimes des atrocités des conflits armés, était le témoignage de la crise morale fondamentale dans laquelle était plongée notre civilisation. Elle a expliqué l'immense souffrance et le désespoir dont elle avait été le témoin et qu'elle avait sentis chez de nombreux enfants rencontrés au cours de l'odyssée personnelle qu'elle venait de traverser ces deux dernières années. Cette immense souffrance et ce désespoir, a-t-elle dit, c'est la voix de cette petite fille de neuf ans, au Sierra Leone, violée par des soldats et forcée d'assister au massacre de toute sa famille; c'est cette mère cambodgienne anxieuse, qui a vu sauter son enfant sur une mine alors qu'elle venait juste de rentrer chez elle après des années d'exil; ce sont les remords amers de cet ancien enfant soldat de 15 ans, pleurant son enfance perdue et hanté par sa participation à trois années d'une violence indicible; c'est l'errance de cette petite Bosniaque de 13 ans, après avoir été délibérément stérilisée, dans un hôpital où elle avait été conduite pour se faire extraire des éclats de balle dans une jambe.

La guerre viole tous les droits des enfants, a souligné Mme Machel. Les blessures qui leur sont infligées, qu'elles soient physiques, psychologiques ou le fait de violences sexuelles, sont des affronts à chaque effort humanitaire inspiré par la Convention sur les droits de l'enfant. L'impact de telles horreurs sur chacun des enfants qui les ont vécues, ainsi que sur chaque famille, chaque communauté n'est pas mesurable. Il est trop facile de l'oublier. Les effets destructeurs des conflits armés sur les enfants ont trop longtemps été excusés, étant considérés comme de "regrettables mais inévitables effets secondaires de la guerre". Il est pourtant inéluctable que dans la réalité, les enfants sont devenus des cibles que les adultes en ont décidé ainsi consciemment et délibérément. Dans les conflits armés, il n'y a pas de sanctuaire pour les enfants. Ces derniers ne sont en sécurité nulle part; cela est intolérable et doit être condamné comme tel.

En tant qu'individus et en tant que membres de la communauté internationale, nous devons prendre des mesure pour protéger les enfants de l'impact des conflits armés. Nous devons remettre en cause nos principes moraux, et nos accords en matière de "conduite de la guerre", a affirmé Mme Machel. Des générations entières d'enfants grandissent sans avoir jamais rien connu d'autre que la violence. Nous devons briser ce cercle vicieux. Nous savons tous que seule une action concertée et soutenue permettra de promouvoir et de protéger les droits des enfants affectés par les conflits armés. Bien sûr, il n'y a pas grand chose de nouveau dans tout cela. Ce qui est nouveau, cependant, aujourd'hui, c'est la possibilité qui nous est offerte d'opérer ensemble un changement décisif. Nous ne devrions pas manquer de saisir cette occasion.

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La Communauté internationale doit mettre fin à l'inertie politique qui permet l'escalade des conflits jusqu'à des situations telles que celle qui a pu se développer dans la région des Grands Lacs, en dépit des signaux d'alarme répétés. Pendant que les gouvernements hésitent, les enfants meurent. Il y a trois jours, à Nairobi, les Chefs d'Etats des pays voisins du Zaïre ont accepté que le Conseil de sécurité autorise l'établissement et le déploiement immédiat d'une force neutre de protection humanitaire. Je sais combien de telles décisions peuvent être difficiles à prendre, a déclaré l'Expert; mais si l'on veut empêcher la répétition d'un génocide, il faut une action décisive immédiatement.

Afin que les enfants soient placés au centre de l'action de la communauté internationale pour les droits de l'homme, l'action humanitaire, la paix, la sécurité et le développement, a dit Mme Machel, j'ai recommandé la nomination d'un Représentant spécial du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés. Ce dernier jouerait un rôle de catalyseur des efforts en faveur des enfants touchés par les conflits armés, et chercherait à renforcer la prise de conscience sur le sort de ces derniers, tout en encourageant l'adoption de mesures pour améliorer leur situation.

Avant tout, a encore dit l'Expert, le rapport que vous avez aujourd'hui devant vous est un appel à l'action. C'est un appel en faveur d'une nouvelle moralité, qui replacerait l'enfant là où il a vraiment sa place : au coeur de toutes nos préoccupations. Protéger les enfants de l'impact des conflits armés relève de notre responsabilité à tous, gouvernements, organisations internationales, membres de la société civile, et simples individus. Nous pouvons changer la situation de ces enfants. Pour ce faire, il ne nous reste que deux choses à trouver : la force morale et la volonté politique. Lors de l'une des consultations régionales qui se sont tenues dans le cadre de la réalisation de l'étude, a dit Mme Machel, un enfant m'a demandé : Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les choses changent? Je suis restée avec cette question en suspens depuis lors. C'est une question que chacun de nous devrait se poser, une question qui doit nous amener à savoir l'occasion qui nous est donnée de nous racheter de ce crime moral dont nous sommes tous responsables. Nos enfants ont le droit de vivre dans la paix.

Mme CAROL BELLAMY, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a affirmé que le rapport présenté donnait espoir à tous les enfants, et en particulier à ceux qui sont pris dans des conflits armés. Ce rapport souligne que le monde ne veut plus rester passif lorsque des enfants paient le prix de l'incapacité des adultes à résoudre leurs conflits pacifiquement. Et, il suggère que la rhétorique est peut-être en train de faire place à des actions positives en faveur des enfants, avant, pendant et après les conflits, a-t-elle affirmé. Les enfants ont besoin de la paix, la guerre est la violation ultime de leurs droits, le déni absolu de leurs rêves, a-t-elle déclaré, soulignant l'engagement de l'UNICEF depuis un demi siècle en faveur des enfants.

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De l'est du Zaïre au nord de l'Ouganda, de Bosnie au Libéria, les équipes de terrain de l'UNICEF sont les témoins de première main de l'impact terrible de la guerre sur les enfants. Beaucoup est fait pour soulager leurs douleurs, mais nous savons qu'on peut encore faire beaucoup plus, a-t-elle assuré. Soulignant que le Fonds avait participé au financement du rapport, en collaboration avec le Centre pour les droits de l'homme, et avait publié, par ailleurs, l'an dernier un Agenda des enfants contre la guerre, elle a approuvé les recommandations du rapport et invité la communauté internationale à les mettre en oeuvre dès à présent. "Je ne vois pas de meilleur endroit pour le faire que dans la région africaine des Grands Lacs, où nous devons empêcher un nouveau génocide, des déplacements massifs de population, l'éparpillement des familles, la faim, la maladie et les traumatismes", a déclaré la Directrice de l'UNICEF.

Parmi les recommandations figurant dans le rapport, elle a estimé qu'il fallait d'urgence nommer un Représentant spécial du Secrétaire général chargé d'assurer le suivi du rapport, éliminer les mines antipersonnel, mettre fin au recrutement des enfants soldats et à leur participation dans les conflits, adapter l'aide humanitaire aux besoins particuliers des enfants et, notamment mettre tout en oeuvre pour garder les familles ensemble, continuer l'éducation et fournir un conseil psychosocial ainsi que d'autres formes de soutien. Elle a plaidé également pour que l'enlèvement, le viol et l'exploitation sexuelle des femmes et des fillettes soient considérés comme des crimes de guerre et punis en conséquence; elle a réclamé une attention accrue pour les enfants réfugiés et déplacés. La responsabilité de leur venir en aide, ainsi qu'à leurs familles, doit être clairement définie dans chaque situation de conflit, en tenant compte de la réunification familiale et de leurs droits à l'alimentation, aux soins de santé et à l'éducation, a-t-elle ajouté.

La mise en oeuvre de ces recommandations fera une grande différence dans la vie de millions d'enfants pris dans les conflits armés, a affirmé Mme Bellamy. Au nom des enfants du monde, construisons ensemble la paix à laquelle chaque enfant a droit, mettons fin aux atrocités, protégeons les enfants, laissons l'aide leur parvenir, soignons leurs blessures physiques et psychologiques, enseignons la paix et la tolérance et attaquons-nous aux causes profondes des conflits, a-t-elle conclu.

M. JAMES GUSTAVE SPETH, Directeur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a estimé qu'il était inconcevable que des millions d'enfants meurent ou soient blessés lors de guerres et de conflits armés. Au début du siècle, les victimes de la guerre étaient presque toutes des soldats. Aujourd'hui, 90% des victimes sont des civils, essentiellement des femmes et des enfants, a-t-il souligné. Mentionnant la création par le PNUD d'un mécanisme d'intervention d'urgence sur les effets des conflits armés sur les enfants, il a déploré que des milliers d'enfants soient à nouveau les victimes

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d'un conflit dans l'est du Zaïre. Il a affirmé que le PNUD, qui avait oeuvré à la réunification des familles, s'efforçait d'élaborer des programmes de développement en leur faveur, permettant notamment leur réintégration.

Il est inconcevable que des soldats prennent pour cible des enfants et que de plus en plus d'enfants soient enrôlés dans l'armée, a-t-il aussi affirmé, soulignant, par ailleurs, le travail du PNUD en Angola et au Mozambique en faveur du désarmement et de la réintégration des combattants, ainsi que du déminage. Il a appelé la communauté internationale à intensifier ses efforts pour s'attaquer à la fois aux conséquences et aux causes profondes des conflits armés. Il s'est fait l'écho des appels lancés dans le Rapport de Mme Machel sur la nécessité de prendre des mesures de prévention des conflits. La pauvreté, le chômage, les disparités et le désespoir font partie des ingrédients qui font exploser un conflit, a-t-il affirmé, estimant que le développement durable faisait, pour sa part, presque toujours partie des solutions.

M. IBRAHIMA FALL, Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme, soulignant l'augmentation du nombre d'enfants soldats et le nombre incalculable d'enfants traumatisés par les conflits armés, a estimé qu'il était essentiel de s'attaquer aux causes profondes de la guerre et de chercher des solutions. Il a souligné la nécessité de mettre en oeuvre des normes humanitaires pour répondre aux besoins des enfants pris dans les situations de conflit armé et de relever à 18 ans l'âge minimum pour le recrutement dans l'armée.

Il a estimé que l'amélioration du respect des droits de l'enfant représentait une question de la plus haute importance, comme en témoignent clairement la ratification quasi universelle de la Convention relative aux droits de l'enfant et la mobilisation sans précédent des organisations gouvernementales et non gouvernementales en faveur des enfants, à l'échelle internationale, régionale, nationale ou locale. Il a rappelé que l'une des priorités du Haut Commissaire aux droits de l'homme consiste à promouvoir la coopération à l'échelle du système des Nations Unies afin de faire respecter les droits de l'homme. Dans ce cadre, il s'est réjoui de constater que l'approche intégrée prônée par le Comité des droits de l'enfant a permis de développer au sein des Nations Unies une culture favorable aux droits de l'enfant.

Il a félicité Mme Graça Machel, l'Experte désignée par le Secrétaire général, pour son étude sur l'impact des conflits armés sur les enfants. Ce rapport représente une synthèse magistrale basée sur les activités et recherches animées ces deux dernières années par l'experte qui, selon ses propres termes, s'est constamment inspirée des principes et normes de la Convention relative aux droits de l'homme.

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M. SOREN JESSEN-PETERSEN, Directeur du Bureau de liaison de New York du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a rappelé qu'on dénombrait aujourd'hui plus de 26 millions de réfugiés et personnes déplacées. Ce chiffre sans précédent trouve son origine principale dans les conflits armés, car la distinction soldats et populations civiles disparaît dans les batailles qui se déroulent d'une rue ou d'un village à l'autre. Plus de la moitié de ces réfugiés sont des enfants et des adolescents, c'est pourquoi l'étude des Nations Unies sur l'impact des conflits armés sur les enfants représente un cadre unique pour repenser les moyens de l'aide humanitaire après la guerre froide. L'action du HCR pour les enfants réfugiés se fonde sur la Convention des droits de l'enfant; par ailleurs, le Haut Commissariat a développé sa coopération avec le Département des opérations de maintien de la paix et le Centre pour les droits de l'homme et participe dans ce cadre à la formation des personnels de maintien de la paix déployés dans les zones à forte concentration de réfugiés et de personnes déplacées. Il faut étendre cette initiative à l'ensemble des équipes de secours d'urgence et développer les recherches actives d'enfants dans les orphelinats et l'armée principalement. Il s'est félicité, à cet égard, de l'élaboration entre le HCR, l'UNICEF et l'Alliance internationale pour la sauvegarde des enfants, de nouveaux programmes de formation à l'intention des gouvernements, des Nations Unies et des Organisations non gouvernementales. L'expérience du Rwanda a démontré l'importance du partenariat, notamment en matière de secours aux enfants isolés.

Le représentant du HCR a également précisé que le rapport de Mme Machel souligne le rôle capital d'une assistance éducative rapide pour répondre aux besoins psychologiques élémentaires des enfants fuyant une zone de guerre. Il faut donc accorder au budget d'aide d'urgence du HCR les ressources nécessaires aux activités récréatives et éducatives de base. Pour l'heure, le HCR est en charge de l'éducation de 700 000 enfants réfugiés, mais cette tâche est menacée par les fluctuations des fonds reçus. Négliger les populations adolescentes victimes de conflits armés peut être fatal, compte tenu de la prévalence du sida et du virus HIV qui a connu une augmentation de plus de 60% parmi les jeunes réfugiés de 15 à 24 ans. Abordant la question des enfants soldats, il a rappelé qu'un groupe de travail était chargé de la rédaction d'un protocole à la Convention sur les droits des enfants, visant à protéger les enfants de moins de 18 ans de toute implication dans des conflits armés. Il a également soutenu l'idée d'une campagne mondiale sur ce sujet. Par ailleurs, il a appelé à une interdiction totale des mines terrestres antipersonnel. Il s'agit désormais de passer à l'action et d'assurer que les programmes et activités de secours respectent pleinement les droits des individus, dont les enfants.

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Mme FRANCESCA POMETTA, Vice-Présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a déclaré que le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui réunit 170 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, leur Fédération, ainsi que le CICR, a adopté un plan d'action visant à faire interdire le recrutement des enfants âgés de moins de 18 ans et à faciliter le retour à la vie civile des enfants soldats. Il a également lancé une campagne médiatique sur les mines. Le CICR, a-t-elle rappelé, agit selon une double priorité: l'aide immédiate et urgente aux victimes et la réflexion sur les moyens les plus propres à améliorer leur protection. Il ne dissocie jamais le principe de l'assistance de celui de la protection au sens des Conventions de Genève. Ses programmes concrets touchent en priorité la population civile, et très directement les enfants.

Mme Pometta a affirmé que les abus et violations constatées un peu partout dans le monde ne tiennent pas à l'absence de normes juridiques contraignantes de protection, mais sont la conséquence de la volonté des parties au conflit ou des gouvernements de ne pas les appliquer. Or, les Etats parties aux Conventions de Genève ainsi qu'au Protocole I se sont engagés non seulement à respecter ce droit, mais encore à le faire respecter. Il n'appartient pas aux oeuvres humanitaires de se prononcer sur la nature des moyens propres à assurer à faire respecter ce droit mais, sans effort majeur de la communauté des Etats, il y a tout lieu de craindre que les situations tragiques que nous connaissons aujourd'hui iront en se multipliant. C'est pourquoi le CICR soutient fermement la création d'une cour criminelle internationale. Il souhaite également l'interdiction de la production et de l'utilisation des mines antipersonnel.

Dans ce sombre tableau, il existe cependant une lueur d'espoir: les enfants eux-mêmes, et la mobilisation qui se fait autour d'eux. Il y a des précédents. Le droit humanitaire, le CICR et par suite, toute l'action humanitaire qui s'est développée au sein du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont leur origine dans l'émotion provoquée par la bataille de Solférino et le sort des blessés, a rappelé la Vice- présidente.

Dialogue

Mme FRANCES VELHO RODRIGUES (Mozambique) a noté que l'expert qui a mené l'étude sur l'impact des conflits armés sur les enfants, Mme Graça Machel, est une ressortissante de son pays, dans la région de l'Afrique australe, une région qui a été témoin des terribles souffrances des millions d'"enfants de la ligne de front". La représentante a indiqué que le processus de paix au Mozambique qui fut couronné de succès, a permis le retour d'environ 1,7 million de Mozambicains, dont la plupart étaient des femmes et des enfants. Certains de ces enfants ont déjà retrouvé leur famille ou de nouvelles familles, pour ceux qui ont perdu leurs parents.

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La déléguée a attiré l'attention sur le problème des mines antipersonnel qui continuent de tuer, notamment des enfants. Un programme d'éducation visant les enfants et la communauté sur le danger qu'ils peuvent rencontrer est en train d'être mis en place. A son avis, la durabilité du processus de réconciliation et de la stabilité que connaît aujourd'hui le Mozambique dépend, dans une large mesure, du développement, de la protection et de l'éducation des hommes et des femmes de demain, c'est-à-dire les enfants.

La représentante a indiqué que l'étude montre l'ampleur du problème sous toutes ses facettes. La clef du succès de cette étude réside dans des actions de suivi et dans la mise en place d'un mécanisme approprié pour mettre en oeuvre les décisions sur lesquelles les délégations sont d'accord. Elle a soutenu l'idée de la création d'un poste de Représentant spécial du Secrétaire général pour l'impact des conflits armés sur les enfants, qui servirait de lien entre toutes les parties, évaluerait et donnerait des conseils sur les développements à entreprendre dans le cadre de l'étude. Elle a apporté son soutien aux recommandations contenues dans l'étude et a appelé tous les Etats Membres à faire de même.

M. JOHN H. F. CAMPBELL (Irlande), parlant au nom de l'Union européenne, a souligné que les événements dans l'est du Zaïre mettaient en évidence l'acuité de l'étude de l'experte qu'il a, par ailleurs, félicitée pour la qualité de son travail. Il a indiqué que l'Union européenne est d'accord pour déclarer que les enfants n'ont aucune part à prendre dans les conflits, elle soutient la nomination d'un représentant spécial du Secrétaire général sur ces questions. Il faut veiller à ce que le rapport reçoive un suivi approprié, a-t-il souligné. Ce rapport est certainement un appel à l'action, il ouvre des horizons nouveaux dans nos efforts pour réduire les effets des conflits sur les enfants, a-t-il conclu.

M. PEDRO CATARINO (Portugal) a estimé que le Rapport de Mme Machel était unique à plusieurs égards, notamment en raison de la base large de consultations sur laquelle il a été établi et du fait qu'il reprend plusieurs préoccupations qui n'avaient pas été rassemblées de cette façon auparavant. Il a déclaré que son pays était en faveur de la nomination d'un représentant spécial pour assurer le suivi de l'étude.

Mme P. E. LEGWAILA (Botswana), soulignant que le monde actuel est un monde dépourvu de valeurs morales, dans lequel les enfants meurent de faim et sont exposés à des brutalités extrêmes, a loué la qualité du rapport qui, a-t- elle ajouté, "nous rappelle notre terrible négligence". Les enfants que l'on voit chaque jour à la télévision participant à des conflits armés, seront les adultes de demain, a-t-elle souligné. Comment peuvent-ils devenir des personnes psychologiquement équilibrées, capables de faire la différence entre le bien et le mal, alors qu'ils ont été élevés dans la guerre?, a-t-elle ajouté, plaidant pour un suivi efficace du rapport. Elle a indiqué que

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le Botswana, qui siège actuellement au Conseil de sécurité, avait demandé au Conseil d'inviter Mme Machel de l'informer sur l'étude, ce qu'elle fera lundi prochain.

M. JORGE PEREZ OTERMIN (Uruguay) a rappelé que son pays était à l'origine de la résolution qui avait demandé la réalisation de l'étude sur l'impact des conflits armés sur les enfants. Cette étude lance un appel à la conscience de l'humanité. Elle a un immense potentiel : celui de réveiller les consciences, afin que soit enfin lancée une action concertée pour mettre fin aux souffrances des enfants piégés dans les conflits armés. Son caractère poignant nous évite de faire de longs discours. S'il ne peut y avoir de paix sans développement ni de développement sans paix; il ne peut y avoir de développement dans un avenir sans enfants.

M. JAMES HORMEL (Etats-Unis) a rendu hommage à Mme Machel pour le travail qu'elle a effectué ces deux dernières années. L'étude témoigne de l'ampleur de la tragédie vécue par les enfants otages de conflits armés, et examine avec attention chacun des aspects de la vulnérabilité de ces derniers. Les recommandations de cette étude méritent notre plus grande attention. Bien entendu, elles devront être pesées en fonction de leurs implications, notamment juridiques et financières. A-t-on envisagé, plutôt que de créer un poste de représentant spécial sur les enfants dans les conflits, de confier le mandat envisagé pour ce dernier à quelqu'un qui aurait déjà un mandat existant, a demandé le représentant. La création dudit poste risquerait d'isoler les efforts en faveur de ces enfants, ce qui serait une démarche tout à fait contraire aux efforts déployés dans tout le système des Nations Unies pour développer une approche intégrée et holistique de nos préoccupations majeures. Le représentant a affirmé que son gouvernement s'engage à contribuer activement à la recherche de solutions pour mettre fin à la souffrance immense des enfants vivant dans les conflits armés.

M. R. A. AQUARONE (Pays-Bas), notant la forme inhabituelle et la teneur nouvelle de l'étude, s'est dit impressionné par le travail réalisé par Mme Machel et son équipe. Il a formulé le vif espoir que cette étude sera largement diffusée, autant dans les sphères publiques concernées, que dans la société civile, et en particulier dans la communauté des ONG. Les recommandations méritent et exigent un examen très approfondi; nombre d'entre elles ne relèvent pas de la compétence de la Troisième Commission. Les Pays-Bas, a dit le représentant, partagent l'avis de Mme Machel selon lequel il conviendrait de créer un poste de représentant spécial sur les enfants dans les conflits armés. La Troisième Commission, a-t-il dit, a aujourd'hui une dette importante envers Mme Machel.

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M. CHE CRECY (Cameroun) a appuyé entièrement les recommandations importantes du rapport établi par Mme Machel. Comment nous, adultes, qui avons eu une jeunesse heureuse, pouvons-nous accepter que les jeunes n'aient pas les mêmes chances que nous et accepter les souffrances indicibles dont ils sont les victimes, et risquer que les générations de demain se voient infliger de plus grandes souffrances encore.

Mme EMILIA CASTRO DE BARISH (Costa Rica) a remercié Mme Machel pour son rapport réalisé avec beaucoup de sensibilité. De plus en plus souvent, les enfants deviennent des cibles mais aussi des acteurs dans les conflits armés, a-t-elle affirmé, soulignant notamment les effets particulièrement dévastateurs des mines terrestres. Elle a indiqué que son pays était en faveur de toutes les propositions visant à l'élimination de ces mines qui coûtent peu à installer mais sont chères à désactiver. Elle s'est prononcée, par ailleurs, en faveur d'un protocole facultatif à la Convention des droits de l'enfant et de l'augmentation du nombre d'experts du Comité des droits de l'enfant.

M. METHODE NDIKUMANA (Burundi) a plaidé en faveur d'un suivi adéquat du rapport de Mme Machel. Les enfants paient en général les erreurs de leurs parents, a-t-il affirmé, soulignant que les pays en développement dont les capacités financières sont les plus réduites, souffrent souvent le plus de guerres endémiques qui hypothèquent l'avenir des enfants. Les conflits qui touchent l'Afrique aujourd'hui et en particulier la région des Grands Lacs se placent dans ce contexte, a-t-il souligné, préconisant d'attaquer le mal à la racine, en favorisant notamment la collaboration et les échanges internationaux. Tant qu'il y aura la guerre, il y aura des vicissitudes telles que celles décrites dans le rapport, a-t-il affirmé, estimant que la persistance de ces situations compromettait l'avenir des nations. Le représentant a appuyé les recommandations du rapport en faveur de la prévention, de la démilitarisation et de toutes les mesures visant à assurer la protection des enfants dans les conflits.

M. ABDUSSALAM SERGIWA (Jamahiriya arabe libyenne) a déploré, pour sa part, les effets sur les enfants des sanctions économiques imposées à un pays. En Libye, les sanctions économiques ont provoqué une pénurie de médicaments et d'autres produits médicaux, ce qui affecte le développement des enfants. Dans l'intérêt des enfants, la communauté internationale doit s'abstenir d'imposer des sanctions économiques sans en étudier les effets sur ceux-ci et sur les couches vulnérables de la société, a-t-il affirmé.

Mme GRACA MACHEL a insisté sur le fait que le résultat de l'étude qu'elle a présentée aujourd'hui était le fruit du travail de tous ceux, très nombreux, qui ont contribué à l'élaboration de cette dernière, et que c'était à eux qu'il fallait rendre hommage. Répondant à la question du représentant

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des Etats-Unis, en ce qui concerne la création d'un poste de représentant spécial, elle a dit avoir beaucoup réfléchi à cette question. Nous pensons qu'il est extrêmement important de profiter de l'énorme mobilisation qui s'est observée dans le cadre de l'élaboration du rapport pour avancer dans l'action en faveur des enfants dans les conflits armés. Nous comprenons les préoccupations financières qui ont été exprimées. Nous n'appelons pas de nos voeux la création d'un mécanisme lourd et coûteux. Ce poste aurait surtout pour mandat de servir de point focal, il s'agirait d'un mécanisme transitoire, qui travaillerait à la création d'une culture institutionnelle auprès des gouvernements, à l'échelle du système des Nations Unies, dans l'ensemble des autres organisations concernées, ainsi que dans la société civile, et auprès des organisations non gouvernementales. C'est évidemment aux Etats Membres qu'il appartient de prendre la décision.

Déclarations liminaires sur la protection et la promotion des droits de l'enfant

Mme CAROL BELLAMY, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a souligné que même en temps de paix les enfants connaissaient des problèmes de survie, de protection, et de développement. Elle a cité notamment la maladie, la malnutrition, l'analphabétisme, le manque d'éducation, l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine, la prostitution, la violence et les abus sexuels. L'UNICEF a pour objectif d'améliorer la condition des enfants dans le monde entier et pas seulement dans les situations de conflit, a-t-elle souligné. Depuis 1990, des réalisations impressionnantes ont été enregistrées aux niveaux national et régional en faveur des enfants, en particulier en ce qui concerne la prévention des maladies infantiles et de la mortalité. Mais des efforts sont encore nécessaires pour réduire la mortalité infantile et maternelle, la malnutrition et assurer une éducation et des soins de santé primaire, a-t-elle affirmé. Elle a souligné l'urgence d'améliorer la protection des enfants dans les circonstances difficiles et de s'attaquer aux causes profondes de ces situations, comme le souligne le Rapport de Mme Machel. Relever tous ces défis demandera des ressources financières et une volonté politique accrues, a-t-elle affirmé, se félicitant de la ratification quasi universelle de la Convention relative aux droits de l'enfant. Elle a souhaité que les délégués tiennent compte dans leurs discussions sur les droits des enfants de leurs droits fondamentaux à la survie et au développement, ainsi que des droits des enfants qui demandent une protection particulière; ceux qui sont confrontés à la guerre, à l'exploitation sexuelle et au travail forcé; les enfants des rues; les réfugiés et les enfants déplacés.

La Directrice exécutive de l'UNICEF a souligné l'importance du partenariat entre l'UNICEF et les gouvernements dans la formulation des programmes de coopération, entre les pays donateurs et les pays bénéficiaires,

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afin de parvenir à des résultats concrets et améliorer la vie quotidienne de milliers de petites filles et de petits garçons. L'UNICEF s'efforce de renforcer l'efficacité de son action, a-t-elle assuré en conclusion, estimant que seule la collaboration permettrait de construire sur la base des progrès importants réalisés depuis 1990.

M. IBRAHIMA FALL, Sous-Secrétaire général pour les droits de l'homme, a mis l'accent sur la place importante qu'occupent la protection et la promotion des droits de l'enfant dans les activités du Centre pour les droits de l'homme. L'action du Centre en faveur de l'enfance, au cours de l'année écoulée a été entreprise dans le cadre de diverses activités : celles en vue de l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant et des autres instruments internationaux pertinents; dans le cadre des activités de Mme Machel; dans le cadre des travaux des deux groupes de travail respectivement chargés d'élaborer un projet de protocole facultatif à la Convention visant à élever l'âge du recrutement dans les forces armées à 18 ans et un autre relatif à la vente et à la prostitution d'enfants, ainsi qu'à la pornographie impliquant des enfants; les activités du Rapporteur spécial chargé de cette dernière question; et dans le cadre des activités du Haut Commissaire aux droits de l'homme. A ce sujet, M. Fall a fait état des différentes initiatives prises par ce dernier pour faire en sorte que la commémoration prochaine du cinquantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme mette en exergue la protection et la promotion des droits de l'enfant.

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