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AG/SHC/264

OUA : TOUT EFFORT DE RAPATRIEMENT VOLONTAIRE DES REFUGIES DES GRANDS LACS SERAIT FUTILE SANS UNE SEPARATION DES ELEMENTS ARMES

1er novembre 1996


Communiqué de Presse
AG/SHC/264


OUA : TOUT EFFORT DE RAPATRIEMENT VOLONTAIRE DES REFUGIES DES GRANDS LACS SERAIT FUTILE SANS UNE SEPARATION DES ELEMENTS ARMES

19961101 APRES-MIDI AG/SHC/264 La Troisième Commission poursuit son débat sur les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées et les questions humanitaires

La Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission) a poursuivi, ce vendredi après-midi, ses travaux sur les questions relatives aux réfugiés, aux rapatriés et aux personnes déplacées, ainsi qu'aux questions humanitaires.

Au cours du débat, il a été souligné qu'une paix stable et durable ne pourrait s'installer en ex-Yougoslavie sans la mise en oeuvre intégrale du volet de l'Accord de Dayton garantissant le droit au retour des réfugiés. L'observateur de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) s'est inquiété, pour sa part, de l'apparition d'un nouveau phénomène : celui de tensions entre les réfugiés, d'une part, et les populations et autorités locales, de l'autre. La crise actuelle dans l'est du Zaïre risque d'échapper à tout contrôle et de provoquer une catastrophe humanitaire dans toute la région, a-t-il souligné, indiquant que l'OUA avait décidé jeudi d'envoyer une mission d'établissement des faits dans la région, et qu'une délégation de haut niveau avait été dépêchée dans l'urgence au Zaïre et au Rwanda.

Les représentants des pays suivants ont également pris la parole : Arabie saoudite, Soudan, Chine, Turquie, Guinée-Bissau, Nigéria, Jamahiriya arabe libyenne, Liechtenstein, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Bélarus et Tunisie. Le représentant de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est également intervenu.

La Commission poursuivra l'examen de ces questions lundi prochain, 4 novembre, à 15 heures.

Fin du débat général

M. JAMIL MERDAD (Arabie saoudite) a souligné que les conflits ethniques et nationaux dans le monde d'aujourd'hui ont provoqué des mouvements de réfugiés d'une ampleur inégalée depuis la seconde guerre mondiale. L'Arabie saoudite, a indiqué le représentant, condamne toute violence ethnique et extrémiste ainsi que les violations des droits de l'homme qui sont les principales causes des migrations forcées et constituent des obstacles dans la recherche de solutions durables. Estimant que beaucoup reste à faire pour que les réfugiés puissent vivre en sécurité, il a préconisé d'aborder le problème sur la base d'une coopération mondiale, soulignant que la situation nécessite davantage qu'une solution temporaire.

Il faut tenir compte des héritages du passé colonial et traiter, par ailleurs, les facteurs politiques et économiques, et en particulier la pauvreté, qui engendrent ce problème, dans le cadre d'une stratégie globale en faveur de la paix, de la sécurité et du développement global, a déclaré le représentant. Il a affirmé que l'Arabie saoudite était particulièrement préoccupée par le sort des Palestiniens pour qui aucune solution n'a été trouvée jusqu'à présent. Déplacés illégalement, détenus arbitrairement, leurs libertés fondamentales et leurs droits ne sont pas respectés. Alors qu'Israël continue d'accueillir des immigrants du monde entier, il refuse d'appliquer les résolutions internationales garantissant le droit au retour des Palestiniens ou le droit à des compensations, a-t-il affirmé. Il a invité la communauté internationale à soutenir l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Il a affirmé, par ailleurs, que l'Arabie saoudite accordait au grand nombre de réfugiés qu'elle a accueillis une protection entière et était le seul pays à prendre entièrement à sa charge toutes les dépenses les concernant. La législation saoudienne leur garantit la jouissance de tous les droits de l'homme reconnus internationalement, y compris la protection contre un retour forcé, ainsi que de leurs droits civils, économiques, sociaux et culturels dans le cadre de la législation saoudienne.

M. IBN ABI TALIB ABDEL RHAMAN MEHMOUD (Soudan) a rappelé que son pays figure parmi les pays d'Afrique qui ont été les premiers à signer les Conventions internationales protégeant les droits des réfugiés. Le Soudan réitère son engagement à respecter ces instruments et tient à souligner qu'il considère l'octroi d'asile comme une mesure humanitaire qui ne doit en aucune façon être vue comme un geste à l'encontre d'un quelconque pays d'origine de réfugiés. Le représentant a insisté sur la nécessité impérieuse de rechercher des solutions durables aux problèmes de l'exode, et de renforcer les efforts de réintégration des réfugiés suite aux rapatriements volontaires. Le Soudan a accueilli jusqu'à plus d'un million de réfugiés sur son territoire; le Gouvernement n'a épargné aucun effort afin de soulager les souffrances de ces personnes. Le Soudan offre toujours l'asile à quelque 300 000 Ethiopiens,

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50 000 Erythréens, et 12 000 Tchadiens. Des accords tripartites ont été signés, a-t-il dit, qui fixent le calendrier pour le rapatriement volontaire des Tchadiens et des Ethiopiens. Un plan de rapatriement volontaire des réfugiés érythréens a également été établi. Mon pays, a par ailleurs dit le représentant, n'épargne aucun effort dans sa recherche de solutions durables pour ceux qui ont cherché refuge dans des pays tiers à la suite de l'application d'une loi injuste qui leur avait été imposée, il y a 13 ans. Parmi eux, on compte notamment des jeunes qui, enfants, avaient été enrôlés de force dans des rangs d'armées diverses. A ce propos, le représentant a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle assume ses responsabilités envers les réfugiés soudanais, et qu'elle assure la protection de ces derniers. Le représentant a réitéré son engagement envers les dispositions du Programme de rapatriement consenti de ces réfugiés. Il a conclu en demandant que l'assistance internationale aux efforts du Gouvernement soudanais soit renforcée comme l'a recommandé la mission internationale pluridisciplinaire qui s'est rendue au Soudan en mars dernier.

Mme YUEHUA WANG (Chine) a déclaré que les conflits armés, territoriaux, ethniques et religieux, ainsi que la détérioration de l'économie et les catastrophes naturelles de grande ampleur constituaient des causes majeures d'exode. Les sanctions économiques et les blocus sont d'autres causes qu'il ne faut pas négliger, a-t-elle ajouté. Face à ces situations, la Chine préconise l'établissement d'un nouvel ordre politique et économique international juste et raisonnable fondé sur les principes de la coexistence pacifique, de la coopération internationale au bénéfice de tous, du règlement pacifique des conflits, du respect de la souveraineté des Etats et de la non- ingérence dans les affaires internes des pays tiers, a-t-elle indiqué. Elle a estimé que la communauté internationale avait le devoir dans son ensemble de trouver une solution au problème des réfugiés et a appelé à un renforcement de la coopération entre les pays d'origine, d'asile, d'intégration et les pays donateurs. Aujourd'hui, la majorité des pays qui accueillent des réfugiés sont des pays en développement, a-t-elle affirmé, soulignant que ces pays ne pourront plus subir longtemps encore ce lourd fardeau. Elle a estimé que les solutions durables que constituent le rapatriement volontaire et l'intégration locale devaient être utilisées de manière flexible et adaptable, en fonction du contexte.

Indiquant, par ailleurs, que le Programme d'action pour les réfugiés d'Indochine s'est terminé en juin dernier, elle a souhaité qu'une solution soit trouvée au problème des boat people vietnamiens et aux personnes toujours réfugiées à Hong Kong et a assuré que le Gouvernement chinois poursuivrait ses efforts, aux côtés du HCR, pour qu'ils puissent rentrer chez eux en sécurité et dans la dignité.

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M. AHMET ARDA (Turquie) a indiqué que le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) a besoin plus que jamais de l'aide de la communauté internationale. Il est également impératif d'identifier les problèmes de diverse nature et d'y apporter des solutions durables et efficaces, dont la meilleure demeure le rapatriement volontaire. A cet égard, les contacts bilatéraux entre le pays d'origine et le pays hôte doivent être encouragés afin de permettre aux réfugiés de rentrer chez eux en paix et dans la dignité. Néanmoins, il faut conserver l'option visant à la réinstallation dans un pays tiers, a estimé le représentant. Il a fait remarquer que la Bosnie-Herzégovine continue à être un défi sérieux pour le HCR. Aux termes de la paix tardive qui a fait suite aux atrocités génocides perpétrées au coeur de l'Europe, le HCR a été chargé d'élaborer et d'appliquer un plan de rapatriement. Le représentant a fait l'éloge du travail accompli par le HCR depuis les accords de Dayton et a appelé les parties à s'abstenir de tout acte qui retarderait le rapatriement et la réconciliation.

Pays voisin du Caucase, la Turquie est profondément attachée à la paix et à la stabilité dans la région, a insisté le représentant qui a exprimé sa préoccupation quant aux réfugiés d'Azerbaïdjan et aux autres mouvements de population involontaires dans la région. D'autre part, il a fait valoir l'importance d'assurer la sécurité des camps de réfugiés qui se trouvent sous protection internationale. Le caractère humanitaire et civil des camps de réfugiés ne doit pas être compromis par l'infiltration d'éléments indésirables comme les terroristes. Il faut empêcher toute activité militaire dans les camps de réfugiés et veiller à ce que les camps ne soient pas utilisés comme base d'entraînement et de logistique par les terroristes.

Mme MARIA MANUELA LOPES DA ROSA (Guinée-Bissau) a estimé qu'un environnement socio-économique et politique plus sain, ainsi que la mise en place de régimes efficaces de droits de l'homme sont des conditions essentielles pour atténuer l'exode massif de personnes. La diplomatie et le dialogue franc, a-t-elle ajouté, demeurent des voies qui méritent d'être explorées davantage.

Elle a par ailleurs rappelé que l'Afrique continue d'abriter aujourd'hui près de 50% des réfugiés du monde, dont la plupart sont des femmes et des enfants. "Notre délégation, a-t-elle indiqué, partage la vive préoccupation de Mme Sadako Ogata, Haut Commissaire pour les réfugiés, quant à la détérioration de la situation dans la région des Grands Lacs.

Face aux mouvements de réfugiés, a-t-elle ajouté, il est temps que la Communauté internationale prenne sa responsabilité vis-à-vis des centaines de milliers d'hommes et de femmes et enfants qui n'ont pas choisi de se trouver dans une telle situation.

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M. SAM A. OTUYELU (Nigéria) a rappelé que l'Afrique comptait un tiers de la population mondiale réfugiée et que son pays lui-même en accueillait un nombre important. Nombreux sont les facteurs à l'origine des mouvements massifs de population et de l'exode, a dit le représentant, qui a cité particulièrement en ce qui concerne l'Afrique, l'intolérance, l'abus du pouvoir politique, les conflits interethniques et les guerres civiles, les luttes pour le contrôle des ressources et du pouvoir.

Le représentant a fait part de sa grande préoccupation face à la crise actuelle dans les Grands Lacs, et en particulier aux combats à Goma, au Zaïre. Il a appelé les parties au conflit à conclure immédiatement un cessez-le-feu et prié tous les pays en mesure d'exercer une influence sur ces dernières de le faire sans tarder. Cette crise démontre qu'il est indispensable de rechercher des moyens plus efficaces de traiter les problèmes des mouvements massifs de réfugiés, a dit le représentant, qui par ailleurs a mis l'accent sur la nécessité de mieux aider les pays d'accueil - pour la plupart du monde en développement. Compte tenu de ses responsabilités et de la complexité croissante de ses tâches, le Haut Commissariat a besoin d'un plus grand soutien financier de la communauté internationale.

M. ABDUSSALAM S. SERGIWA (Jamahiriya arabe libyenne) a noté que les pays en développement, en dépit de ressources limitées, supportent un fardeau supplémentaire avec la présence de réfugiés sur leur territoire, aussi faut-il trouver des solutions permanentes à ce problème. Les raisons qui entravent le retour volontaire des réfugiés relèvent essentiellement de l'occupation étrangère ou de situations de guerre, dans lesquelles les droits de l'homme ne sont pas respectés, a-t-il estimé.

Le représentant a affirmé, par ailleurs, que contrairement à ce qu'indique le rapport du HCR, la Libye n'avait pas expulsé des Palestiniens à la fin de 1995. Ces Palestiniens avaient décidé de leur plein gré de retourner en Palestine après avoir entendu que l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) y avait créé une entité autonome. La tragédie a commencé lorsque l'autorité d'occupation a décidé de ne pas autoriser leur retour. Ils se sont alors regroupés aux frontières de la Libye et de l'Egypte. La Libye leur a apporté assistance et après de longues négociations, certains ont accepté de revenir en Libye, a-t-il expliqué, soulignant que son pays continuait d'accueillir un grand nombre de réfugiés palestiniens. Il a estimé que le HCR et la communauté internationale auraient mieux fait de faire pression sur Israël pour qu'une solution respectant le droit des Palestiniens de retourner chez eux soit trouvée. Seuls le retour des Palestiniens sur leur terre et le respect de tous leurs droits permettront l'instauration d'une paix durable, a-t-il affirmé.

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Mme CLAUDIA FRITSCHE (Liechtenstein) a indiqué que l'ampleur et la nature du problème des réfugiés et des personnes déplacées montrent la nécessité de trouver des solutions durables en tenant compte de tous les aspects de ce phénomène complexe, à savoir les aspects économique et politique. La protection et la prévention constituent les éléments cruciaux des efforts déployés par la communauté internationale pour trouver des solutions durables. Les enfants réfugiés sont particulièrement vulnérables et dépendants et de ce fait ont besoin d'une aide ciblée, a ajouté la représentante. Elle s'est par ailleurs associée au Haut Commissaire pour les réfugiés qui avait fait remarquer que la question du terrorisme ne devait pas compromettre les acquis en ce qui concerne le droit d'asile pour les personnes ayant réellement besoin de protection. Soulignant le manque de moyens du HCR, en particulier en matière de prévention, elle a observé que les opérations de maintien ou de restauration de la paix après les conflits peuvent contribuer de façon importante à l'établissement de solutions durables et à la prévention de nouveaux flux massifs de réfugiés. Les autres éléments indispensables dans le domaine de la prévention sont la promotion et la protection des droits de l'homme ainsi que la mise en place de mécanismes d'alerte rapide.

M. IBRAHIMA SY, Organisation de l'Unité africaine (OUA), a lancé un appel à tous les Etats qui n'avaient pas encore ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967 pour qu'ils le fassent. Il a lancé le même appel aux Etats membres de l'OUA qui n'étaient pas parties à la Convention régionale correspondante d'en faire autant en ce qui concerne cet instrument. Il s'est félicité des efforts constants déployés par le HCR pour faire comprendre les droits et devoirs des réfugiés, ainsi que ceux des pays et des communautés d'accueil de ces derniers. La communauté internationale doit faire davantage pour renforcer la capacité du HCR. Ce dernier s'est trop souvent retrouvé submergé dans des situations de conflits ou d'instabilité politique entraînant des mouvements massifs de réfugiés. L'Afrique, de par sa diversité, constitue un environnement favorable au développement de ces fléaux.

Le représentant a fait part de son inquiétude devant l'émergence d'un nouveau phénomène : les malentendus et les tensions entre des réfugiés, d'un côté, et entre la population et les autorités locales de l'autre. Cette tendance, a-t-il dit, illustre clairement l'effet que peut avoir une affluence massive de réfugiés dans les pays d'asile. Le problème de la sécurité dans les camps de réfugiés, ne fait qu'exacerber cette situation, qui faute d'être maîtrisée érode les véritables traditions africaines d'hospitalité et de solidarité. Les événements en cours dans l'est du Zaïre risquent d'échapper à tout contrôle et de provoquer une catastrophe humanitaire dans toute la région.

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Faisant écho aux différentes initiatives prises par l'OUA suite à ces événements, le représentant a expliqué que le Comité des Vingt de l'Organisation s'était réuni en cellule de crise et avait décidé d'envoyer une mission d'établissement des faits dans la région. Hier, 31 octobre, l'Organe central du mécanisme de prévention, de gestion, et de résolution des conflits de l'OUA s'est réuni d'urgence à Addis Abeba, et a publié un communiqué dans lequel il a lancé un appel à la cessation immédiate des combats par toutes les parties; une délégation de haut niveau a également été dépêchée au Zaïre et au Rwanda. Le représentant s'est par ailleurs félicité de la nomination de l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Raymond Chrétien dont il approuve le mandat. Il a noté que l'Envoyé spécial devait notamment explorer les possibilités de la tenue d'une conférence régionale, à laquelle l'OUA est favorable. Tout effort de rapatriement volontaire des réfugiés serait futile, a-t-il encore dit, sans tentative sérieuse de séparer les réfugiés des éléments armés et de leur garantir une certaine sécurité. La coopération des gouvernements des pays d'origine et des pays d'asile serait une mesure encourageante. Les gouvernements des pays d'asile devraient assurer la protection des réfugiés dans les camps, tandis que les pays d'origine devraient créer l'environnement favorable au retour volontaire des réfugiés sans que ceux-ci craignent de quelconques représailles.

Mme AZRA KALAJDZISALIHOVIC (Bosnie-Herzégovine) a souligné que pour qu'une paix stable et durable s'installe en Bosnie, il fallait que les accords de paix de Dayton soient appliqués dans leur ensemble. Elle a déploré que l'une des annexes les plus importantes de cet accord, celle qui concerne les réfugiés et les personnes déplacées, ne soit pas encore mise en oeuvre, alors que la Bosnie compte quelque deux millions de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. La plupart d'entre eux ont été forcés de quitter leurs foyers dans le cadre de la "purification ethnique", a-t-elle rappelé, soulignant que certaines parties, et en particulier les Serbes, continuent d'exclure des territoires sous leur contrôle les autres groupes ethniques, en usant de mesures d'intimidation comme par exemple la destruction des maisons nouvellement reconstruites par les rapatriés. Elle a affirmé que plus de 90 maisons appartenant à des Bosniaques ainsi que deux mosquées avaient ainsi été détruites près de Prijedor au cours des dernières semaines. Ces actes délibérés et organisés font peser une menace sérieuse sur la paix relative que connaît la Bosnie, a-t-elle déclaré, ajoutant que des Croates et des Bosniaques avaient, par ailleurs, été expulsés récemment de la région de Banja Luka.

Remerciant les pays qui ont accueilli des réfugiés bosniaques, elle a estimé qu'on ne devait pas seulement pousser au retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de la Fédération, mais qu'il fallait aussi que les gens puissent retourner dans les entités d'où ils sont originaires. Il faut, par ailleurs, prévenir la manipulation ethnique dans les zones

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sensibles comme Brcko, Srebrenica et Zepa et garantir le droit au retour des réfugiés de ces régions, a ajouté la représentante. "Comment les réfugiés peuvent-ils rentrer dans des zones qui sont sous le contrôle direct des criminels de guerre qui les ont violés et expulsés ?", a-t-elle demandé, estimant que la liberté de mouvement, l'arrestation des criminels de guerre, l'élimination des mines et la reconstruction économique devaient également être pris en considération. Elle a conclu en paraphrasant le Président bosniaque Alija Izetbegovic : sans le retour des réfugiés, il n'y a pas d'Accord de Dayton. Cet accord ne peut pas être appliqué à la carte. L'avenir de la Bosnie, c'est l'avenir de son peuple. Si les gens peuvent rentrer chez eux, reprendre le cours de leur existence et espérer un avenir meilleur, alors l'Accord de Dayton sera un succès".

M. LJUBINKO MATESIC (Croatie) a indiqué que son pays était terrifié par les événements en cours dans l'est du Zaïre. Il est effrayant, a-t-il fait observer, que la communauté internationale fasse si peu, d'autant plus que des signes précurseurs de cette tragédie avaient fait leur apparition de longue date. Pour éviter la répétition de telles crises, il est indispensable de développer l'action préventive, et en particulier de mettre sur pied des systèmes de surveillance efficaces de l'évolution des situations dans les points chauds du globe. Il est tout aussi essentiel de renforcer la capacité de réaction rapide de la communauté internationale. Plusieurs types d'actions s'offrent à la communauté internationale lorsque le problème a été identifié; la prescription des mesures doit se faire au cas par cas.

La Croatie, a par ailleurs dit le représentant, continue d'offrir l'asile à plus de 180 000 réfugiés, pour la plupart bosniaques, ainsi qu'elle continue d'apporter une assistance à quelque 140 000 déplacés. L'aide appréciable qu'apporte la communauté internationale à mon gouvernement dans ces efforts ne couvre que 30% des dépenses encourues par ses soins, a dit le représentant. Le montant de l'assistance qu'a dû fournir le Gouvernement à ces populations depuis le début de la crise jusqu'à la fin de 1995, s'élève à quelque 706 millions de dollars.

En ce qui concerne les opérations de rapatriement, le Gouvernement croate est satisfait d'avoir pu fermer le camps de Kupljensko, et d'avoir pu mener à terme le processus de rapatriement volontaire de la plupart de ses 20 000 occupants originaires de l'ouest de la Bosnie; en outre, 50 000 citoyens croates ont pu réintégrer leurs foyers après que la plus grande partie des territoires occupés aient été réintégrés dans le territoire de la République de Croatie. Quatre-vingt mille déplacés de souche croate et d'autres origines non serbes n'ont cependant toujours pas pu regagner leurs foyers dans la région du pays ou coule le Danube, en grande partie à cause de la résistance de populations de souche serbe au retour de ces personnes. Nous sommes cependant confiants que la normalisation des relations entre la Croatie

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et la République fédérative de Yougoslavie facilitera le retour de ces personnes et plus largement la résolution globale du problème des réfugiés dans la région. En ce qui concerne les 120 000 personnes de souche serbe qui ont quitté le territoire croate lors de la libération du pays l'été 1995, le représentant a souligné que son pays reconnaît le droit au retour de ces personnes dans leurs foyers; que son gouvernement avait d'ailleurs autorisé le retour de plus de 9 000 d'entre eux, mais qu'il convenait encore de renforcer les mesures de confiance des deux côtés.

M. IGAR GUBAREVICH (Bélarus) a souligné qu'aucun Etat n'était capable de résoudre les problèmes des réfugiés sans la coopération active de la communauté internationale. Dans les années 90, les flux migratoires dans les pays de l'ex-Union soviétique ont été d'une ampleur considérable, a-t-il déclaré, soulignant que le Bélarus avait aussi été touché par ce phénomène. Plus de 29 000 citoyens de l'ex-Union soviétique ont demandé le statut de réfugié au Bélarus, qui compte, en outre, plus de 200 000 rapatriés et 100 000 clandestins. Cette situation engendre notamment une augmentation de la criminalité et du trafic des drogues, a affirmé le représentant. Il a indiqué que des mesures avaient été prises visant prioritairement à réglementer les flux de migrants, protéger les droits des réfugiés et faciliter leur intégration. En février dernier, le Gouvernement a adopté une loi sur les réfugiés qui garantit leur protection juridique, économique et sociale. Le représentant a estimé, par ailleurs, que le problème devait faire l'objet d'une coopération internationale. Il a préconisé de perfectionner le système d'échange d'informations et d'harmoniser les législations afin de prévenir les explosions migratoires. La Conférence de la Communauté d'Etats indépendants (CEI) est un exemple de coopération dans ce domaine, a-t-il affirmé, soulignant le pas en avant important qui a été accompli pour étendre les normes du droit international à toutes les formes de déplacements volontaires ou forcés.

M. WAHID BEN AMOR (Tunisie) a appuyé le processus visant à accroître l'efficacité d'intervention du HCR et à assurer la durabilité des résultats recherchés. Toute solution durable au problème des réfugiés, est nécessairement tributaire de la solidarité nationale, régionale et internationale, a-t-il fait remarquer. Elle suppose une mobilisation de ressources substantielles à la fois financières et humaines, qui dépassent la capacité d'un seul Etat ou d'un groupe d'Etats. Aussi a-t-il demandé qu'une réponse adéquate soit apportée au problème du financement des activités du HCR.

S'agissant de la crise dans l'est du Zaïre, le représentant a lancé un appel pressant aux parties concernées afin qu'elles s'emploient, par tous les moyens, à faire cesser les combats et à restaurer la paix dans la région. La Tunisie invite également les organisations internationales et régionales à

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intensifier les efforts afin de porter assistance aux victimes et d'éviter une nouvelle aggravation des mouvements d'exode. La Tunisie qui a abrité en mars dernier une réunion au sommet, complémentaire de celle du Caire convoquée par la Fondation Carter pour examiner la situation dans la région des Grands Lacs, estime que la définition par la communauté internationale d'une approche globale de cette crise et surtout sa mise en oeuvre, constituent aujourd'hui une nécessité urgente et doivent se substituer à la gestion des crises au coup par coup. Cette approche doit intégrer des questions politiques, humanitaires et de développement en vue de résoudre les problèmes des réfugiés. Elle doit s'articuler autour de trois axes : la prévention, l'atténuation de l'impact négatif de la présence des réfugiés dans les pays d'accueil et la recherche de solutions durables. S'agissant de la prévention, la Tunisie demeure convaincue que le développement économique ne peut suffire à lui seul. Des efforts politiques allant dans le sens de la promotion du respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et d'une conduite responsable des affaires publiques doivent l'accompagner.

M. EIGIL PEDERSEN, Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a indiqué que les causes des mouvements de réfugiés et des déplacements de population étaient, en général, sinon toujours, de nature politique et devaient donc trouver des solutions politiques, qui doivent être dissociées des actions humanitaires destinées à soulager les souffrances immédiates. Il faut se garder de politiser l'aide humanitaire, a-t-il averti, soulignant que les questions de l'asile, de l'aide et de la protection sont humanitaires et non politiques. Il a préconisé l'adoption d'une approche plus globale tenant compte, à côté des considérations humanitaires, de la justice, de la sécurité et des intérêts politiques et économiques.

Mettant l'accent sur la menace d'un désastre humanitaire majeur dans la région africaine des Grands Lacs, il a affirmé que la détérioration rapide de la situation exigeait une action efficace de la communauté internationale, alors que la capacité humanitaire est fortement sollicitée et l'accès aux réfugiés restreint. L'action humanitaire ne peut être utilisée comme substitut à d'autres mesures, a-t-il toutefois averti, soulignant la nécessité de chercher d'urgence des solutions politiques pour mettre un terme au conflit. Cette tâche est une responsabilité des Etats, a-t-il indiqué, demandant, par ailleurs, le soutien des gouvernements pour les actions humanitaires à court et long termes. Il a cité notamment le travail accompli par la Croix-Rouge zaïroise dont les nombreux volontaires ont poursuivi leur aide aux réfugiés longtemps après le départ des autres organisations. Pour aboutir à nos objectifs communs, nous devons prendre des risques, a-t-il encore affirmé. Le représentant a souligné, en outre, que la majorité des réfugiés qui avaient bénéficié des secours humanitaires de la Croix-Rouge dans la région étaient des femmes et des enfants et non des criminels ou des meurtriers.

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