LA CRISE DANS L'EST DU ZAIRE AU COEUR D'UN DIALOGUE ENTRE LE HAUT COMMISSAIRE POUR LES REFUGIES ET LES DELEGATIONS
Communiqué de Presse
AG/SHC/261
LA CRISE DANS L'EST DU ZAIRE AU COEUR D'UN DIALOGUE ENTRE LE HAUT COMMISSAIRE POUR LES REFUGIES ET LES DELEGATIONS
19961031 MATIN AG/SHC/261 La Troisième Commission entame l'examen des questions liées aux réfugiés, rapatriés, personnes déplacées, et des questions humanitairesLa Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission) a entamé, ce matin l'examen des questions relatives aux réfugiés, rapatriés, et personnes déplacées, ainsi qu'aux questions humanitaires, en la présence du Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Mme Sadako Ogata.
Dans sa déclaration liminaire tant qu'au cours du dialogue qu'elle a ensuite tenu avec les délégations, Mme Ogata a insisté sur la gravité de la crise dans la région des Grands Lacs, et averti de l'imminence d'une catastrophe humanitaire. Le représentant du Zaïre a affirmé que son pays qui avait supporté le fardeau des réfugiés, était victime d'une agression externe, ajoutant que "le Zaïre ne participerait à une conférence régionale que lorsque les agresseurs et tueurs se seront retirés du territoire zaïrois". Le représentant du Rwanda a quant à lui déclaré que "la crise actuelle était interne au Zaïre" et a assuré que son pays était toujours prêt à recevoir sa population réfugiée. Mme Ogata a reconnu que la marge d'action du HCR face à cette situation était très limitée sans un cessez-le-feu et sans une solution politique. Les représentants du Royaume-Uni, de l'Irlande, des Pays-Bas, de la France, du Rwanda, du Zaïre, du Burundi, de Cuba, de la Belgique et du Costa Rica ont participé à ce dialogue.
Les représentants des pays suivants ont ensuite participé au débat : Botswana (au nom de la Communauté de développement de l'Afrique australe - SADC), Etats-Unis, Ouganda, Japon, Israël, Mozambique, Ghana, Egypte et Hongrie.
La Commission reprendra ses travaux cet après-midi à partir de 15 heures.
Documentation
Rapport du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (A/51/12) (et Add.1)
Le rapport porte sur les activités du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) tout au long de 1995 et au premier trimestre de 1996.
En 1995, la population relevant de la compétence du HCR dans le monde avait diminué d'environ 3,5 millions de personnes, s'établissant à la fin de l'année à quelque 24 millions de personnes, dont 14,2 millions, ou 60% environ, étaient des réfugiés. Le reste se composait de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (3,2 millions), de divers groupes relevant de l'aide humanitaire (3,5 millions) et de rapatriés (2,8 millions).
Au cours de la période étudiée, le HCR a accordé une attention particulière à la coordination de ses activités avec d'autres institutions et organismes des Nations Unies et au renforcement d'une approche communautaire de l'aide à la réintégration. La signature en mars 1996 d'un mémorandum global d'accord entre le HCR et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a marqué une étape importante dans cette direction. Le HCR a, en outre, renforcé sa collaboration avec le Haut Commissaire aux droits de l'homme, plus particulièrement dans les opérations sur le terrain. Par ailleurs, les besoins spéciaux des femmes et des enfants réfugiés, ainsi que les problèmes d'environnement liés à la présence massive de réfugiés dans des pays d'asile, occupent désormais davantage de place dans le travail de planification et d'information du HCR.
Le rapport souligne que, bien que le nombre de réfugiés en 1995 avait été en léger recul dans le monde entier, le fardeau réel, potentiel ou supposé que représentait la protection et l'assistance à leur fournir restait un sujet d'inquiétude, qui a amené certains pays à refuser l'entrée à des personnes en quête d'asile ou à renvoyer de force des milliers de réfugiés dans leurs pays d'origine. D'autres pays ont limité la protection aux droits fondamentaux ou se sont efforcés de rationaliser les procédures selon des méthodes qui rendent impossible l'examen équitable des appels avant une expulsion. Cette évolution a entraîné pour le Haut Commissaire de sérieuses difficultés dans la conduite de ses activités de protection et d'assistance.
Dans le cadre de ses activités visant à prévenir les déplacements de population, le HCR a aidé, dans certains pays, à former des juges et des procureurs, à renforcer les structures juridiques, judiciaires et administratives nationales, garantissant les droits fondamentaux des hommes et des femmes là où ils résident, notamment le droit de rester sur place. Le rapport s'inquiète, par ailleurs, du recours croissant aux pratiques de la détention pour traiter le problème des demandeurs d'asile dans de nombreuses parties du monde.
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Soulignant que le rapatriement librement consenti constitue la meilleure solution durable aux situations de réfugiés, le rapport indique qu'en 1995, plus de 800 000 personnes ont regagné leur pays d'origine, dont environ 450 000 avec l'assistance du HCR, pour la plupart pour retourner en Afghanistan (170 000), au Rwanda (110 000) et au Myanmar (61 000). Il est noté que le HCR doit poursuivre ses activités dans les pays d'origine, en particulier afin d'assurer les conditions voulues pour favoriser le rapatriement durable des réfugiés.
Au total, 131 Etats sont parties à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, à son Protocole de 1967, ou aux deux. Quarante et un Etats sont parties à la Convention de 1969 de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, et la majorité des pays d'Amérique latine adhèrent aux principes de la Déclaration de Carthagène de 1984 sur les réfugiés et de la Déclaration de San José de 1994 sur les réfugiés et les personnes déplacées.
Rapport du Secrétaire général sur l'assistance aux enfants réfugiés non accompagnés (A/51/329)
Le rapport porte sur les besoins des enfants non accompagnés en matière de protection et d'assistance. Il est souligné que les enfants constituent généralement plus de 50% de la population réfugiée totale, mais que s'il est vrai que les enfants non accompagnés sont désormais soigneusement enregistrés dans la plupart des cas, il demeure difficile d'en déterminer le nombre exact dans le monde.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) ont entrepris, au travers d'une étude sur l'effet des conflits armés sur les enfants, d'identifier les lacunes en matière de protection. Dans ce cadre, ils ont décidé de renforcer leur collaboration afin de mieux répondre aux besoins des enfants non accompagnés, de prévenir de nouvelles séparations et de renforcer les activités de recherche et de réunification des familles.
L'assistance qui est fournie aux enfants doit permettre de répondre à leurs besoins de la même manière que le ferait leur famille, affirme le rapport, mettant en garde les familles vulnérables contre l'idée fausse que les enfants non accompagnés constituent une classe "privilégiée" et qu'ils ont de meilleures chances de survie que les enfants non séparés de leur famille. Le rapport souligne aussi que les besoins psycho-sociaux font partie intégrante des besoins fondamentaux et ne doivent pas être relégués au second plan. Le rapport plaide pour une approche communautaire de l'aide aux enfants non accompagnés, estimant que toutes les activités en leur faveur doivent faire appel aux mécanismes culturels existant dans leur propre communauté.
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Le rapport traite, en outre, du recrutement des enfants soldats, de l'exploitation sexuelle des enfants et de l'évacuation des enfants des zones de conflit, soulignant notamment la vulnérabilité plus grande des enfants non accompagnés.
Le rapport constate, par ailleurs, que plusieurs initiatives ont été prises en faveur des enfants réfugiés non accompagnés se trouvant dans les pays qui accordent le statut de réfugié au cas par cas.
Rapport du Secrétaire général sur l'examen et l'étude d'ensemble des problèmes des réfugiés, des rapatriés, des personnes déplacées et des personnes participant à des migrations apparentées (A/51/341)
Le rapport est présenté en application de la résolution 50/151 de l'Assemblée générale, du 21 décembre 1995, par laquelle le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés était prié de convoquer en 1996 une conférence régionale pour l'examen des problèmes des réfugiés, des personnes déplacées et des personnes contraintes à d'autres formes de déplacement involontaire et des rapatriés dans les pays de la Communauté d'Etats indépendants (CEI) et dans certains Etats voisins.
Cette conférence, dénommée Conférence de la CEI et à laquelle ont participé notamment les représentants de 87 Etats, y compris les 12 Etats de la CEI, s'est tenue à Genève les 30 et 31 mai 1996, sous les auspices conjoints du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
La Conférence avait pour triple objectif d'offrir une tribune aux pays de la région pour l'examen des problèmes liés aux déplacements de population et aux réfugiés dans une perspective humanitaire et apolitique, d'examiner les mouvements de population survenant dans les pays de la CEI, en précisant les différents domaines de préoccupation, et d'élaborer un programme d'action non contraignant à l'intention des pays de la CEI.
Le programme d'action adopté par la Conférence comprend des mesures visant à établir des systèmes nationaux de migration et à mettre au point des politiques et activités opérationnelles appropriées. Des mesures préventives ont été élaborées afin de remédier aux causes d'éventuels déplacements. Les mesures prises par les pays de la CEI doivent nécessairement être complétées par un renforcement de la coopération internationale et de la collaboration avec les organisations internationales et les organisations non gouvernementales compétentes. La stratégie comprend également des activités d'exécution et de suivi afin d'assurer la poursuite du processus de la Conférence. En tant que principales institutions opérationnelles ayant participé à la Conférence, le HCR et l'OIM élaboreront, pour leur part,
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une stratégie commune pour leurs activités pour la période 1996-2000, en mettant l'accent sur les éléments clefs du Programme d'action, et en étroite collaboration avec les pays de la CEI et d'autres organisations.
Dans son rapport sur l'assistance aux réfugiés, aux rapatriés et aux personnes déplacées en Afrique (A/51/367), le Secrétaire général indique que depuis décembre 1995, l'Afrique a encore une fois compté plus de personnes relevant de la compétence du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) que n'importe quelle autre région. Au début de 1996, on dénombrait en Afrique environ un tiers de la population intéressant le Haut Commissariat dans le monde entier.
La situation des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées en Afrique reste liée aux difficultés socio-économiques que connaît le continent ainsi qu'aux problèmes connexes que pose la mise en place d'institutions et de processus politiques viables, fondés sur des principes démocratiques, qui tiennent compte de la diversité des cultures et des aspirations à la paix, à la sécurité et au développement durable. Le rapport présente un panorama de la situation des régions suivantes : Afrique de l'Ouest, Afrique de l'Est et corne de l'Afrique, Afrique australe, région des Grands Lacs, Afrique du Nord.
Dans le cadre de sa présentation de la coopération interorganisations, le Secrétaire général rappelle que le HCR a pour mandat précis de protéger et de secourir les réfugiés, les rapatriés et, dans certains cas, les personnes déplacées dans leur propre pays. Il est noté que ces groupes sont toutefois de plus en plus nombreux à bénéficier des programmes du PNUD, de l'UNICEF et du PAM, programmes coordonnés par le Département des affaires humanitaires dans les pays qui sont en proie à une crise ou qui se remettent d'un conflit. En mars 1996, l'UNICEF et le HCR ont signé un mémorandum d'accord précisant les domaines dans lesquels les deux organismes doivent se compléter pour aider les réfugiés, les rapatriés, les personnes déplacées et les habitants des communautés d'accueil.
La coopération entre le HCR, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l'Organisation mondiale des migrations (OIM) s'est elle aussi intensifiée du point de vue tant quantitatif que qualitatif.
Les montants inscrits au budget du PNUD au titre des programmes mis en place en Afrique pour aider les populations déracinées s'élèvent à 60 millions de dollars. Le PAM a quant à lui livré 800 000 tonnes de produits alimentaires à près de 6,6 millions de personnes déplacées en Afrique subsaharienne.
Dans le cadre de l'analyse de la coopération avec les organisations sous-régionales, il est souligné que l'Organisation de l'unité africaine (OUA) est l'un des partenaires habituels du HCR et du PNUD et entretient avec ces
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derniers des liens de coopération qui ne cessent de se renforcer. Entre l'OUA et le HCR, les liens se sont resserrés dans le cadre de l'action engagée conjointement pour faire face aux conséquences des déplacements forcés de population dans la région des Grands Lacs. Au niveau sous-régional, les mesures d'aide humanitaire sont de plus en plus coordonnées, dans leurs régions respectives, par la Communauté de développement de l'Afrique australe, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et, dans la corne de l'Afrique, par l'Autorité intergouvernementale pour la lutte contre la sécheresse et pour le développement. Le HCR continue de travailler en étroite coopération avec la Communauté de développement de l'Afrique australe dans les domaines qui intéressent les deux organismes, par exemple les mouvements de population dans la région.
Rapport du Secrétaire général sur le nouvel ordre humanitaire international (A/51/454)
Dans sa résolution 49/170 du 23 décembre 1994, l'Assemblée générale a demandé aux gouvernements de communiquer volontairement au Secrétaire général des informations et des avis spécialisés sur les questions humanitaires qui les intéressent particulièrement de façon que les possibilités d'intervention futures puissent être identifiées. Elle a invité le Bureau indépendant pour les questions humanitaires à poursuivre et à intensifier encore ses activités en coopération avec les gouvernements et les organisations gouvernementales ou non gouvernementales.
Conformément à cette résolution, le Secrétaire général a adressé le 10 juin 1996, des communications aux gouvernements et à un certain nombre d'organisations non gouvernementales pour leur demander de lui communiquer leurs observations, leurs vues ou des renseignements sur les progrès qu'ils avaient accomplis à ce sujet. Au 31 août 1996, des observations à ce sujet avaient été reçues des Gouvernements turc et monégasque ainsi que du Bureau indépendant pour les questions humanitaires.
Jusqu'ici le Secrétaire général a communiqué à l'Assemblée les vues de 48 gouvernements et d'un certain nombre d'institutions spécialisées ainsi que d'organisations non gouvernementales. Le rapport expose succinctement les activités que le Bureau indépendant pour les questions humanitaires mène en vertu de son mandat initial de diffusion et de suivi aussi bien les activités supplémentaires qu'il a entreprises en application des résolutions ultérieures de l'Assemblée générale.
La Commission est également saisie d'une lettre datée du 10 juillet 1996, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de la Croatie auprès de l'Organisation des Nations Unies (A/51/206-S/1996/539), dans laquelle la Croatie déplore vivement que les observateurs internationaux n'aient pas cherché à vérifier l'authenticité du nombre des personnes
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retournées en Croatie sur autorisation de son gouvernement et citée dans le rapport sur la situation des droits de l'homme en Croatie. Elle invite le Haut Commissaire à se rendre au Bureau croate chargé des personnes déplacées et des réfugiés où il pourra consulter le dossier de tous les rapatriés.
Déclaration liminaire
Mme SADAKO OGATA, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, indiquant que son bureau avait la charge d'environ 26 millions de personnes, dont la moitié sont des réfugiés, a souligné que, malgré une modeste réduction de leur nombre l'an dernier, l'environnement international restait très instable. Au cours des derniers mois, des conflits armés ont à nouveau provoqué des déplacements de populations au Burundi, dans le Caucase, en Iraq, au Libéria, au Sri Lanka, au Soudan, au Tadjikistan et tout dernièrement au Zaïre qui est au bord d'une catastrophe, a-t-elle ajouté.
Le dilemme auquel doit souvent faire face le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est d'assurer une protection à des victimes civiles alors que certains profitent du droit d'asile à des fins politiques, économiques et militaires, a-t-elle affirmé, soulignant que la lutte contre le terrorisme ne devait pas entraîner une remise en question du droit d'asile. Un autre dilemme se présente lorsque nous cherchons des solutions aux problèmes de déplacements à la suite de conflits, en l'absence souvent d'une volonté politique de réconciliation véritable. La situation actuelle dans la région africaine des Grands Lacs illustre parfaitement ces dilemmes. Il existe un lien manifeste entre les crises humanitaires, politiques et sécuritaires au Zaïre oriental. Avant la vague récente de violence, il y avait environ 1,6 million de réfugiés rwandais dans les camps de Tanzanie et du Zaïre, constituant un mélange explosif de réfugiés innocents, d'intimidateurs, de militants et d'auteurs du génocide, a-t-elle indiqué, ajoutant qu'à nouveau, des centaines de milliers de réfugiés et de civils zaïrois fuyaient la violence. Elle a indiqué que le HCR n'avait aucun accès à un demi million d'entre eux et a estimé qu'un cessez-le-feu devait être conclu immédiatement pour pouvoir leur venir en aide. Elle s'est déclarée convaincue que seul un règlement politique global pourrait mettre fin à cette catastrophe.
En Bosnie, les retours d'une entité à l'autre ont été peu nombreux et continuent à être entravés par de nombreux obstacles, a-t-elle souligné. Il faut insister pour que les gens aient le droit de rentrer chez eux, mais il faut également reconnaître la nécessité de chercher des solutions de remplacement à l'intérieur même de la Bosnie et dans la région, a-t-elle affirmé, se demandant, par ailleurs, pendant combien de temps on pourrait continuer à soutenir des autorités qui persistent à s'opposer aux missions humanitaires.
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Elle a indiqué que des progrès avaient par contre été enregistrés en Afghanistan, au Mozambique et au Myanmar. Les pays traumatisés par les conflits ont besoin d'aide pour assurer la transition de la guerre à la paix. Une planification conjointe et précoce impliquant toutes les agences internationales pouvait entraîner d'immenses progrès. Mme Ogata a souligné, en outre, l'intérêt des conférences régionales, comme la Conférence de la Communauté d'Etats indépendants (CEI), dans la prévention des déplacements de populations.
Le HCR a démarré un processus de réforme interne, le projet Delphi, qui devrait donner une plus grande autonomie aux opérations sur le terrain, renforcer sa capacité de planification et la gestion de ses ressources humaines, a-t-elle encore indiqué.
Dialogue entre le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et les délégations
Le représentant du Royaume-Uni a demandé au Haut Commissaire si le HCR envisageait la nomination d'un coordonnateur pour toutes les activités humanitaires pour la région des Grands Lacs. Mme Ogata a expliqué que son envoyé spécial, qui avait été nommé au lendemain de la crise de 1994, avait été investi du pouvoir de se déplacer dans les cinq pays concernés pendant que les délégués du HCR qui sont dans chacun de ces pays assurent le bon déroulement des activités sur leurs terrains respectifs. Cet envoyé spécial s'occupe des déplacements des réfugiés, de la prévention des crises pouvant les menacer dans les cinq pays. Le représentant du Royaume-Uni a remercié le Haut Commissaire de sa réponse, mais a estimé que le mandat de cet envoyé spécial semblait ne pas tout à fait correspondre à la définition de celui d'un coordonnateur-résident.
Répondant ensuite à une question posée par le représentant de l'Irlande, sur la coordination entre le HCR et les autres organisations humanitaires sur le terrain dans cette même région des Grands Lacs, Mme Ogata a expliqué que dans la région de l'Est du Zaïre, le HCR doit faire face à une situation très difficile, à savoir le non-accès à quelque 600 000 personnes en déplacement. Nous cherchons des partenaires qui pourraient nous aider à résoudre ce grave problème dans les plus brefs délais, que cela soit par des interventions politiques ou d'un autre type, a-t-elle dit. Dans notre bureau de Goma, a-t-elle expliqué - qui est sans doute le plus grand que le HCR ait jamais eu sur le terrain - nous tenons évidemment régulièrement des réunions avec les autres organisations, et ce, depuis le début de la crise.
Le représentant des Pays-Bas a demandé à Mme Ogata des informations concernant la restructuration en cours au HCR. En quoi cette dernière améliorera-t-elle l'efficacité de la recherche de solutions durables pour les réfugiés?
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Mme Ogata a expliqué que l'an dernier le HCR a entamé un processus de rationalisation de ses activités, qui se mène aujourd'hui dans le cadre du projet Delphi, qui favorise une stratégie visant à déléguer au maximum les décisions aux représentants sur le terrain. C'est ce qui se passe, par exemple, dans la région des Grands Lacs, où l'envoyé spécial évoqué précédemment et qui porte en fait le titre de gestionnaire de la situation, prend la plupart des décisions sur le terrain. Ce processus demande encore des ajustements, et des efforts importants, notamment de formation du personnel.
Répondant au représentant de la France quant aux mesures envisagées pour faire face à la grave crise humanitaire en cours dans l'Est du Zaïre, Mme Ogata a expliqué que le HCR facilitait par tous les moyens le rapatriement du plus grand nombre de réfugiés au Rwanda, mais que peu d'entre eux acceptaient de retourner. Le Gouvernement du Rwanda a véritablement essayé de créer un environnement favorable au retour des réfugiés dans la dignité et la sécurité. Mais, dans les camps, de nombreux "intimidateurs" tentent d'empêcher la population réfugiée de rentrer. Il est important de savoir qu'une structure hiérarchique importante existe dans ces camps, et que cela complique énormément les choses lorsqu'il s'agit de planifier la fermeture de ces derniers. Nous cherchons activement les stratégies que nous pourrions utiliser, dès que nous aurons de nouveau accès aux réfugiés, pour les persuader de rentrer chez eux.
Répondant ensuite au représentant de l'Irlande, qui lui demandait si elle avait des informations fraîches sur l'évolution de la situation à Goma, et la sécurité du personnel du HCR sur place, Mme Ogata a indiqué que la situation continue de s'y détériorer, que les tirs d'armes à feu sont de plus en plus nombreux et que quelque 100 personnes du HCR et d'autres organisations sur le terrain sont "piégées" sur le terrain. L'aéroport n'est pas sûr, et toutes les voies de sortie rendues impraticables. Les villes d'Uvira et de Bukavu sont tombées aux mains de ceux qui ont entrepris des actions militaires, a-t-elle affirmé. Le plus grand des six camps, celui de Kibumba s'est vidé et quelque 194 000 personnes ont pris le chemin du camps de Mugunga, situé au pied du volcan, lequel n'a pas la capacité de recevoir toutes ces personnes en plus de celles qui l'occupent déjà.
A cette situation déjà très grave, il faut ajouter que 115 000 réfugiés du camps de Kahindo, plus au nord, ont également pris le chemin de Mugunga, et que de nombreux locaux fuyant eux aussi les combats sont vendus gonfler leurs rangs. Nous sommes ici au bord d'une énorme catastrophe humanitaire, a averti le Haut Commissaire, qui a lancé un appel à toutes les délégations pour qu'elles fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour contribuer à la cessation des combats en cours dans cette région au plus vite.
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Prenant à son tour la parole, le représentant du Rwanda a remercié le Haut Commissaire d'avoir souligné le lien qui existe entre la crise politique et la crise humanitaire en cours dans la région des Grands Lacs, et d'avoir fait comprendre que le Rwanda était toujours prêt à recevoir les réfugiés et que le climat était à présent favorable à leur retour dans la dignité et la sécurité. Il a ensuite souligné la nécessité urgente d'un cessez-le-feu entre les belligérants. Il a affirmé que la crise actuelle est une crise interne au Zaïre, où des populations locales, les Banyamulenge sont victimes d'exactions perpétrées par les forces de l'armée zaïroise et estimé qu'un cessez-le-feu immédiat doit intervenir entre ces deux parties. Il a par ailleurs demandé quelle action le HCR envisage pour séparer les intimidateurs des autres personnes dans les camps.
A ce propos, Mme Ogata a expliqué que l'identification des intimidateurs dans les camps s'est révélée d'une grande difficulté dès le début de la crise. Le Zaïre a exclu de son territoire quelque 50 personnes qui ont été identifiées comme intimidateurs des camps. En Tanzanie, où sont rassemblés les intimidateurs identifiés; mais il n'y a pas de définition juridique de "l'intimidation" et cela rend la tâche d'identification des "intimidateurs" extrêmement complexe.
Le représentant du Zaïre, demandant ce que le HCR comptait faire face à la situation actuelle au Zaïre oriental, a affirmé que le mouvement actuel des réfugiés était dû aux bombardements et aux attaques délibérées des camps par les forces rwandaises. La tactique est d'harceler les réfugiés, de les faire fuir dans la nature et de les utiliser comme bouclier pour empêcher les forces zaïroises de protéger leur territoire. Ce sont les troupes rwandaises qui bombardent et qui sont envoyées pour déstabiliser la région, a-t-il affirmé, se demandant qui étaient les véritables intimidateurs. Affirmant que l'actuel Président rwandais, Pasteur Bizimungu, est le cerveau derrière les tueries de 1990 et que le génocide de 1994 a été conçu par le Gouvernement rwandais lui- même, il a déploré la passivité de la communauté internationale qui accorde à Kigali tout ce qu'elle demande, acceptant notamment son refus d'autoriser l'installation d'un bureau des Nations Unies efficace dans la capitale rwandaise, alors que seules les organisations non gouvernementales favorables au régime actuel ont été autorisées à rester. Kigali ne veut pas de témoins pouvant observer ce qui se passe, a souligné le représentant. "L'agression aujourd'hui contre le Zaïre se passe dans l'indifférence totale, alors que nous avons supporté le fardeau des réfugiés. Le Conseil de sécurité s'est même payé le luxe de lever l'embargo sur les armes, soi-disant pour que le Rwanda puisse se défendre, mais contre qui? Aujourd'hui il utilise ces armes, a déclaré le représentant. Il a expliqué que les Banyamulenge ont été transplantés au Zaïre dans la zone de Mulenge par les colonisateurs belges pour aider à l'agriculture. Il a fait état d'autre part d'un document de 1961 de la Croix-Rouge, du HCR et de l'administrateur de l'Opération des
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Nations Unies au Congo (ONUC) demandant aux réfugiés rwandais de rester en dehors de toute activité politique. Il a estimé que si les Banyamulenge se considéraient zaïrois, ils pouvaient recourir aux dispositifs légaux du Zaïre. "Nous ne voyons pas pourquoi ils devraient aller au Rwanda obtenir des armes et des chars pour s'attaquer ensuite à leur propre pays", a-t-il souligné, indiquant que la question était "une invention du Président rwandais Pasteur Bizimungu et du Vice-Président Paul Kagame, enivrés par le pouvoir, qui estiment que le Rwanda peut aujourd'hui se permettre d'occuper une partie du territoire zaïrois". Les Tutsis ont mis 30 ans pour chasser l'ancien président Juvénal Habyarimana du pouvoir mais les Hutus qui sont dehors mettront moins de temps à revenir à Kigali, a-t-il averti, soulignant les risques de tomber dans un cercle vicieux. Soulignant que la mission de l'envoyé spécial du Secrétaire général, M. Raymond Chrétien, ne constituait pas une nouveauté, il a affirmé que le Zaïre ne participerait à une conférence régionale qu'une fois que les agresseurs et les tueurs se seront retirés du territoire zaïrois. "Nous souhaitons que la pression soit mise sur Kigali pour que le Rwanda reprenne sa population. Si les Banyamulenge se découvrent aujourd'hui Zaïrois, qu'ils recourent aux procédures internes du Zaïre", a-t-il conclu. "La bave d'un crapaud n'atteint jamais l'aigle".
Le Haut Commissaire a reconnu que la marge d'action du HCR face à cette situation était très limitée sans un cessez-le-feu et sans des solutions politiques. Se déclarant consciente des causes politiques profondes de la crise, elle a lancé un appel pour l'arrêt immédiat des combats. Elle a insisté sur la situation de chaos total dans la ville de Bukavu, dont l'archevêque Monseigneur Muziriwa a été assassiné. Elle a indiqué que, lors d'un entretien vendredi dernier, l'archevêque lui avait demandé de transmettre un message au Secrétaire général demandant l'arrêt des combats.
Le représentant de la Belgique a indiqué, à l'intention du Président zaïrois, qu'il ne servait à rien de faire appel à l'histoire et que les responsabilités étaient de tous les côtés. Il a affirmé que la Belgique soutenait à 100% l'initiative du Secrétaire général, soulignant que le mandat très large accordé à M. Chrétien ne pouvait être comparé à celui de l'Ambassadeur Jésus, nommé envoyé spécial il y a un an. Il a appelé la communauté internationale à soutenir cette dernière initiative, soulignant que l'objectif était d'obtenir une solution politique et de régler par là les problèmes humanitaires dramatiques de la région. Cette initiative ne se limite pas à la mission elle-même, a-t-il affirmé, estimant qu'elle permettra de préparer la conférence régionale et de renforcer le rôle de médiation des Nations Unies. Il a ensuite demandé au Haut Commissaire si le Rwanda ne risquait pas de connaître des problèmes d'absorption des réfugiés si ceux-ci décidaient de rentrer en masse dans le pays. Dans quelle mesure peut-on faire face à une telle situation, sans en faire des personnes déplacées à l'intérieur du Rwanda?, a-t-il demandé.
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Reconnaissant le besoin d'ajustement considérable que susciterait un retour massif des réfugiés, Mme Ogata a souligné les efforts de reconstruction entrepris aux Rwanda et indiqué que lorsque les réfugiés rentreront, il faudra fournir une assistance accrue au pays.
En réponse à l'intervention du représentant de la Belgique, le représentant du Zaïre a précisé que son pays soutenait la mission de l'envoyé spécial, soulignant toutefois que cette mission n'aurait pas été nécessaire si la mission de l'Ambassadeur Jésus, l'an dernier, avait été couronnée de succès.
Le représentant du Burundi a indiqué, pour sa part, que son gouvernement était prêt à accueillir tous les réfugiés qui souhaitaient rentrer au Burundi. Il a estimé que la tenue d'une conférence régionale dans la région des Grands Lacs pourrait permettre de résoudre les problèmes et a affirmé que son pays était prêt à participer à une telle réunion à tout moment. Il a rejeté, par ailleurs, certaines déclarations des autorités zaïroises cherchant à impliquer le Burundi dans le conflit au Zaïre oriental, et a proposé l'envoi d'une mission de vérification pour faire la lumière sur ces allégations. Il a souligné que son pays, qui souffre déjà de l'embargo qui lui est imposé, n'avait aucun intérêt à s'impliquer dans cette crise, comptant plutôt sur ses voisins pour aider à lever ce blocus. Il a appelé la communauté internationale à aider le Burundi à retrouver toute sa liberté.
Répondant à une question du représentant de Cuba, le Haut Commissaire a souligné la tendance actuelle à une application plus restrictive du droit d'asile dans le cadre d'une procédure où l'on ne donne pas aux réfugiés l'occasion de s'expliquer. Il faut que ceux qui demandent l'asile aient une bonne chance de l'obtenir, a-t-elle affirmé. Elle a indiqué, par ailleurs, qu'il avait été reconnu que le fardeau provoqué par l'arrivée de réfugiés dans un pays devait être compensé par une assistance. Elle a indiqué que le HCR tentait avec le PNUD de mettre en place des solutions dans ce domaine.
En réponse une question du Costa Rica, le Haut Commissaire a indiqué, par ailleurs, que le HCR accordait une grande attention à la situation des mineures, des petites filles et femmes en général. Elle a indiqué que plusieurs initiatives avaient été prises, dans ce cadre, dont un programme visant à renforcer le pouvoir des femmes bosniaques. Le HCR étudie actuellement la possibilité de mettre sur pied un programme similaire au Rwanda l'année prochaine.
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Débat général
M. LEGWAILA J. LEGWAILA (Botswana), s'exprimant au nom des douze pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), a rappelé que, malheureusement, les enfants représentaient la majorité de la population des réfugiés et que leurs besoins élémentaires devaient, au moins, être assurés. Dans une région qui vient de régler la plupart de ses conflits, les pays de la SDAC comprennent particulièrement bien les difficultés de ceux qui, par manque de sécurité ou de liberté dans leur propre pays, sont obligés de chercher refuge ailleurs. Nous savons également quelle lourde responsabilité pèse sur les épaules du pays d'accueil. En ce moment, la région continue à accueillir des personnes déplacées provenant d'autres zones du continent africain. Le succès des programmes de rapatriement et de réintégration mis en place au sein de la SADC, et particulièrement au Mozambique, constitue une source de fierté pour eux. Nous espérons que notre exemple en inspirera d'autres, a dit le représentant.
Il a souligné l'importance de la diplomatie préventive qui, en s'attaquant au coeur des conflits avant leur explosion, peut épargner à la communauté internationale beaucoup de souffrances et un gaspillage de ressources. Toutefois, quand le conflit éclate, l'histoire a démontré que les belligérants respectaient rarement le droit humanitaire. La SADC soutient activement les efforts visant à créer une cour criminelle internationale de justice et estime que les Tribunaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie devraient recevoir toute l'aide financière et matérielle nécessaire, plus particulièrement celui d'Arusha dont les procédures ont commencé avec beaucoup de retard. Le déminage reste une condition préalable à un retour et à une réinstallation des réfugiés en toute sécurité, a souligné le représentant. De même, les Etats devraient promouvoir des programmes qui donneraient à ces régions et à leurs populations des perspectives de développement durable.
Mme PHYLLIS E. OAKLEY, Secrétaire d'Etat adjoint des Etats-Unis, a estimé que ce qui se passe actuellement dans la région des Grands Lacs pose un défi important au HCR et à la communauté internationale tout entière. Il faut parvenir à briser ce statu quo intolérable, a-t-elle dit, en prenant des risques et en élaborant une stratégie coordonnée en vue de solutions durables. Il fait profiter des récents événements au Zaïre pour ramener les réfugiés chez eux, car, a-t-elle expliqué, le rapatriement volontaire et rapide des réfugiés rwandais est nécessaire, même si les grands mouvements de population peuvent poser des risques. Les pays d'origine des réfugiés de cette région doivent, à cet égard, prendre leurs responsabilités, a déclaré Mme Oakley.
Le rapatriement volontaire constitue bien souvent la panacée mais il nous faut, toutefois, repenser le terme de "rapatriement" dans un contexte plus large, comme un ensemble d'actions tenant compte des nécessités du développement durable et adoptant une approche qui reconnaît les réalités
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locales ainsi que les besoins des communautés formées après le retour des réfugiés. Bien que le HCR soit parfaitement à même de contribuer à la réintégration des réfugiés, le succès dans ce domaine dépend largement de la volonté politique des pays impliqués et des politiques de développement durables qui sont poursuivies, a assuré Mme Oakley. Elle s'est en outre félicitée de ce que le HCR soit en train d'étudier les mesures pour que l'attention soit centrée sur la recherche de solutions durables et pour faciliter son désengagement et a estimé que l'examen de l'opération au Mozambique a montré comment la planification en temps voulu et les négociations peuvent permettre un désengagement sans heurts. Car s'il est essentiel que le HCR élabore des stratégies globales d'aide aux réfugiés, il est également hautement important pour lui de clore ses activités à un moment précis.
Estimant que tous les gouvernements ont le devoir et la responsabilité d'assurer la protection des personnes susceptibles d'être persécutées, Mme Oakley s'est dit préoccupée par les déclarations de Mme Ogata selon lesquelles certains pays forceraient certains réfugiés à rentrer chez eux en dépit des menaces pesant sur leur sécurité. Il faut que nous respections et renforcions le principe humanitaire de ne pas expulser une personne qui risque d'être torturée ou persécutée, que cela soit dans le pays d'accueil ou à ses frontières. Il faudrait également assurer une protection particulière à tous ceux qui fuient les conflits armés. Les Etats-Unis, a poursuivi la représentante, ont contribué à hauteur de 254 millions de dollars aux activités du HCR en 1996, ce qui représente un accroissement de 30 millions de dollars par rapport à 1995. Les Etats-Unis espèrent offrir un montant substantiel au HCR à l'occasion de la Conférence d'annonce des contributions pour 1997 qui doit avoir lieu le 5 novembre prochain.
M. PAUL MUKASA SSALI (Ouganda) a estimé qu'une solution semble illusoire dans la région des Grands Lacs d'Afrique, où l'on compte environ deux millions de réfugiés depuis 1994. La situation est même dramatique depuis la semaine dernière. Sa délégation félicite le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour les efforts qu'il a déployés pour mieux répondre dans sa tâche, aux aspects de secours, de réhabilitation et de développement, notamment en renforçant la coopération avec les autres institutions des Nations Unies, comme le Programme alimentaire mondial (PAM), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Les discussions entre ces institutions et la Banque mondiale ont été cruciales pour combler le vide institutionnel qui existe entre les activités de secours et le développement.
En Afrique, le HCR doit faire face à 5,5 millions de réfugiés regroupant les réfugiés de la région des Grands Lacs, de la corne de l'Afrique, de l'Afrique de l'Ouest, ainsi qu'au rapatriement de plus de 750 000 réfugiés libériens. M. Mukasa-Ssali s'est félicité toutefois du succès de la phase
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pilote du Programme pour la réintégration et la réhabilitation des zones de réinstallation concernant plus de 24 000 Erythréens, ainsi que le rapatriement, sous les auspices des Nations Unies, de réfugiés éthiopiens du Soudan et de Djibouti.
La délégation ougandaise loue les efforts considérables que le HCR déploie pour s'acquitter de son mandat, tout en reconnaissant l'assistance apportée par les pays hôtes de la région, pour la coordination de l'aide humanitaire, y compris le rapatriement volontaire limité de certains réfugiés dans la région des Grands Lacs. A cette fin, les activités clefs ont été la construction d'abris et la mise en place rapide de projets en matière d'eau, de santé, d'éducation et de services communautaires, dans les domaines touchés par le flux des réfugiés. Les principaux pays d'asile de la région des Grands Lacs ont constamment fait part de leur inquiétude quant au séjour prolongé des réfugiés. La Conférence coparrainée par l'OUA et le HCR qui s'était tenue à Bujumbura en février 1995, avait permis de parvenir à un consensus sur la nécessité d'accélérer le rapatriement volontaire, notamment en lançant d'importantes campagnes d'information pour freiner la détérioration de la situation due aux tensions parmi les réfugiés. Dans le cadre des recommandations contenues dans le Plan d'action de Bujumbura, le PNUD et le HCR ont tenu à Genève le 24 janvier 1996 des consultations avec les pays donateurs et les pays d'accueil des réfugiés, pour discuter, entre autres, d'une assistance aux régions affectées par la présence d'un grand nombre de réfugiés. Une aide à court terme d'un montant de 70,5 millions de dollars a été offerte pour contribuer à la réparation des dommages causés à l'environnement et à l'infrastructure. La délégation de l'Ouganda demande à la communauté internationale de répondre plus généralement à cet appel.
M. MASAKI KONISHI (Japon) a loué l'initiative prise par le HCR de réaliser de petits projets de développement au niveau des communautés locales afin de préparer le rapatriement et la réinstallation des réfugiés. Bien que le HCR joue un rôle important pour assurer l'émergence d'un climat propice à la résolution pacifique des conflits, le Japon estime que cela est, avant tout, du ressort, des parties concernées ainsi que du Conseil de sécurité et des organisations régionales. S'il est souhaitable et approprié que le HCR mette en place des projets pouvant stimuler la reconstruction économique d'un pays, il n'en reste pas moins que l'assistance qui doit être fournie après les conflits pour ce qui est de la reconstruction et de la réhabilitation doit provenir d'organes tels que le Programme des Nations Unies pour le développement et la Banque mondiale. De même, la prévention des conflits n'est pas de la prérogative du HCR mais des Etats concernés et du Conseil de sécurité, a-t-il dit.
Pour ce qui est de la question de la coordination des opérations sur le terrain, le représentant a jugé qu'elle doit être assurée par un organisme responsable ayant gagné une solide expérience par le biais de ses activités et
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de sa présence permanente. Dans ce cadre, le délégué s'est félicité du rôle coordinateur joué par le HCR en ex-Yougoslavie. En outre, si l'on veut passer souplement de l'assistance humanitaire d'urgence à la reconstruction et au développement, il faut que les organisations spécialistes de la reconstruction, telles que le PNUD, entrent rapidement en action. Le représentant a estimé que la communauté internationale a la responsabilité d'assurer la sécurité du personnel participant à des opérations humanitaires, en facilitant par exemple, l'entrée en vigueur de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé et en étendant l'application des dispositions de cette Convention à toutes les catégories de personnel engagé dans les activités d'assistance humanitaire.
M. OREN DAVID (Israël) a fait part de l'expérience de son pays en matière d'immigration et d'intégration de la population immigrée. Israël, a- t-il expliqué, a vu sa population augmenter de plus de 12% à la suite de l'arrivée de plus de 650 000 personnes au cours des sept dernières années. Rappelant que son pays a toujours été disposé à participer aux efforts internationaux tendant à venir en aide aux réfugiés, le représentant a indiqué qu'Israël a accru sa participation dans les missions humanitaires déployées notamment dans la région des Grands Lacs et en Angola. Cette participation a conduit Israël à intégrer, dans sa propre société, les "boat people" vietnamiens ainsi que des réfugiés bosniaques musulmans. Fort de son expérience en matière d'intégration des populations immigrées, Israël a signé en avril dernier le Mémorandum d'accord relatif au "Projet de Métropole". Les pays signataires doivent d'ailleurs assister, cette année à Milan, à une conférence où des représentants de gouvernements, des chercheurs et des représentants des ONG discuteront des effets de l'immigration dans les villes. Israël a l'intention d'accueillir cette conférence en novembre 1998.
M. CARLOS DOS SANTOS (Mozambique) a remercié le Haut Commissaire et le HCR dans son ensemble pour le travail accompli dans son pays. Il a indiqué que le programme de rapatriement et de réintégration de 1,7 million de Mozambicains réfugiés dans les pays voisins avait pris fin en juin dernier. Ce programme de rapatriement volontaire a été couronné de succès en raison de la volonté des Mozambicains de rentrer chez eux ainsi que du rôle positif et de la solidarité de la communauté internationale. La fin de ce programme démontre clairement que la paix et la tranquillité sont au Mozambique pour toujours, a-t-il affirmé, soulignant que les capacités nationales qui ont été développées et les experts qui ont été formés pour ces opérations pouvaient faire partager leur expérience dans le monde entier. Il a souligné que le Mozambique continuait toutefois à avoir besoin de l'aide internationale pour soutenir les programmes de réintégration des personnes déplacées et des soldats démobilisés. Le pays a besoin d'aide pour la construction et la réhabilitation des écoles, des hôpitaux, pour améliorer l'approvisionnement alimentaire, réparer les infrastructures de base. Il a par ailleurs souligné la nécessité de poursuivre le programme de déminage afin de permettre aux populations de reprendre leurs activités agricoles.
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M. JOHN E. AGGREY (Ghana) a souligné que pour la deuxième fois depuis 1994 nous assistons à une tragédie humanitaire d'une ampleur gigantesque dans la région des Grands Lacs. Ces faits attestent de l'inhumanité de l'homme envers son prochain, a-t-il ajouté. Evoquant ce que peut faire le HCR pour faire face aux problèmes des flux massifs des réfugiés dans le monde, M. Aggrey a rappelé que le mandat du HCR tel qu'il a été défini en 1950, à savoir, offrir une protection internationale aux réfugiés et rechercher des solutions permanentes à ce problème, n'est plus adapté, aujourd'hui, à l'ampleur du problème. Il a rappelé qu'il existe 25 millions de réfugiés dans le monde, dont une bonne part sont des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. A l'évidence, a affirmé le représentant, le HCR ne peut plus assumer seul ces urgences humanitaires extrêmement complexes.
C'est pourquoi, a-t-il poursuivi, le Ghana estime que le moment est venu de réfléchir à la fois au mandat et aux moyens dont dispose le HCR. Le Ghana est notamment d'avis que la communauté internationale doit élaborer une déclaration sur les principes directeurs en matière de droit international sur la protection des personnes. Ce texte de codification devra tenir compte des récents changements intervenus dans la situation des réfugiés. Par le passé, les interventions classiques du HCR concernaient essentiellement le rapatriement volontaire et la réintégration tandis qu'aujourd'hui, le volume et la complexité des questions afférentes aux réfugiés exigent une approche intégrée et globale, a déclaré M. Aggrey. La communauté internationale dans son ensemble doit agir face à des situations telles que celle de la région des Grands Lacs, et notamment face à la circulation incontrôlée d'armes dans les camps, à la dégradation grave de l'environnement et aux pressions économiques, sociales et psychologiques qui s'ajoutent au sentiment d'insécurité des réfugiés.
M. MAGED ABOUL-MAGD (Egypte), félicitant le HCR pour son travail, a indiqué que les problèmes humanitaires actuels devaient être traités dans le cadre d'une approche régionale. Il a estimé qu'il fallait veiller à ce que les réfugiés qui rentrent dans leur pays ne deviennent des déplacés à l'intérieur de leurs propres frontières. En Afrique, la fragilité de l'économie et des situations réclame une attention renforcée du HCR afin d'empêcher de nouvelles tragédies, a-t-il affirmé, soulignant notamment la lenteur des retours dans la région des Grands Lacs. Il s'est déclaré préoccupé par la diminution des ressources du HCR et a souhaité que la communauté internationale réponde aux appels du Haut Commissaire concernant le financement des opérations. La crise au Zaïre oriental a des aspects humanitaires, sociaux, économiques et politiques et ne peut être résolue que si tous ces aspects sont pris en compte, a-t-il affirmé, soulignant l'importance du principe du retour volontaire des réfugiés. Ce sont les réfugiés qui paient le prix des conflits non seulement d'un point de vue économique et social, mais aussi en matière de stabilité et de sécurité.
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Le retour des réfugiés, dont les Palestiniens, doit se faire dans le respect de leur sécurité et de leur dignité et doit rester une priorité des Nations Unies, a-t-il conclu.
M. ISTVAN LAKATOS (Hongrie) a déclaré qu'il était fermement convaincu qu'une politique des droits de l'homme appropriée représentait le moyen de prévention le plus efficace face au problème des réfugiés. Les mécanismes et procédures mis en place pour renforcer la protection et l'assistance aux réfugiés doivent être étroitement liés à tous les instruments que peut mettre en oeuvre la diplomatie préventive. La prévention, a-t-il ajouté, est la façon la plus efficace de protéger les peuples de la menace de déportation. Le délégué a estimé qu'une culture démocratique constituait, par ailleurs, le meilleur rempart contre les désastres que sont la chute de gouvernements et des institutions ou l'éclatement d'un conflit civil ou international.
Le délégué a ensuite insisté sur le fait que le retour des réfugiés devait se faire sur une base volontaire. Pour permettre aux réfugiés de prendre, en toute connaissance de cause, la lourde décision d'un éventuel retour, ces derniers devraient avoir un accès à des informations claires et crédibles sur la situation qui prévaut dans leur région d'origine. A cet égard, la Hongrie ne peut que saluer la création de REFWORLD, la base de données la plus complète et la plus fiable sur ce sujet. Parallèlement à cette initiative, le Haut Commissariat aux réfugiés a également créé un site sur Internet. Ces deux outils permettront de planifier efficacement tout programme politique concernant les réfugiés ou leur rapatriement.
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