CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT : LE PRÉSIDENT DU COMITÉ SUR L'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES ANNONCE QU'IL N'Y A PAS DE CONSENSUS SUR LE TEXTE DU TRAITÉ
Communiqué de Presse
CD/G/331
CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT : LE PRÉSIDENT DU COMITÉ SUR L'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES ANNONCE QU'IL N'Y A PAS DE CONSENSUS SUR LE TEXTE DU TRAITÉ
19960820 L'Inde réaffirme qu'elle ne peut accepter le projet en l'état; le Pakistan souhaite que plus rien ne soit fait pour éroder le consensus sur le traitéGenève, 20 août -- La Conférence du désarmement a adopté, ce matin, le rapport du Comité spécial sur l'interdiction des essais nucléaires, qui conclut que le Comité spécial n'a pu réunir le consensus, ni sur le texte du projet de traité qu'il négociait, ni sur une action à entreprendre à son sujet. Le rapport a été présenté par son Président M. Jaap Ramaker. Les délégations de l'Inde, du Pakistan et de la République islamique d'Iran ont fait des déclarations.
Le Comité spécial avait été reconduit en janvier 1996, au début de la session de la Conférence du désarmement, avec le même mandat qu'en 1994 et 1995, à savoir, «de négocier intensivement un traité d'interdiction complète des essais nucléaires universel et multilatéralement et effectivement vérifiable, qui contribue efficacement à la prévention de la prolifération des armes nucléaires sous tous ses aspects, au processus de désarmement nucléaire et par conséquent au renforcement de la paix et de la sécurité internationales». La Conférence s'était fixée pour objectif l'adoption d'un texte de traité en temps utile pour permettre de l'ouvrir à signature au début de la prochaine session de l'Assemblée générale, au mois de septembre 1996.
M. Ramaker a indiqué qu'un grand nombre de pays représentés à la Conférence du désarmement étaient disposés à accepter la dernière version de ce texte proposée le 14 août dernier. Il a préconisé que la Conférence du désarmement transmette le rapport du Comité spécial à l'Assemblée générale.
L'Inde a déclaré qu'elle souhaitait que le traité s'inscrive dans un programme global de désarmement, sans toutefois, à cette étape, insister sur un calendrier précis. Ses préoccupations n'ont pas été prises en compte. De plus, des dispositions sur l'entrée en vigueur ont par la suite été introduites qui visaient à placer l'Inde dans une position qu'elle ne pouvait accepter. L'Inde s'oppose donc à ce que ce projet de traité d'interdiction des essais nucléaires soit transmis à l'Assemblée générale.
Le Pakistan a regretté qu'après tant d'années d'efforts, la Conférence ne soit pas en mesure, à cause de l'opposition d'un seul pays, de recommander le texte d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires à l'Assemblée générale. Il a exprimé l'espoir que plus rien ne sera fait à l'avenir pour éroder le large consensus recueilli sur le projet de traité. En particulier, tout effort visant à modifier l'article 14, qui stipule que l'entrée en vigueur n'interviendrait qu'une fois que tous les États ayant une capacité nucléaire auront signé et ratifié le traité, détruirait le consensus sur le traité. Le fait de permettre à un État ayant une capacité nucléaire de se soustraire au traité ruinerait tout espoir d'un traité d'interdiction complète.
L'Iran a déploré qu'au moment de conclure, le Comité spécial ait imposé aux négociations un caractère d'urgence. Il a regretté l'empressement avec lequel le constat d'échec a été communiqué à la Conférence du désarmement.
M. Ludwik Dembinski (Pologne), assumant ses fonctions en tant que Président de la Conférence du désarmement jusqu'à la fin de 1996, a déclaré qu'il avait espéré que la Conférence parviendrait à conclure un traité d'interdiction complète des essais nucléaires avant la fin de la présente session. Il semble, a-t-il constaté, que cet espoir ne se concrétiserait pas. M. Dembinski a assuré qu'en tant que Président, il continuera ses discussions avec les délégations sur l'ensemble des questions encore en suspens, notamment sur la question de l'admission de treize autres États qui ont demandé à devenir membres de la Conférence du désarmement; la question de l'ordre du jour et du programme de travail de la prochaine session; la façon de traiter la question du désarmement nucléaire et les autres questions examinées par le passé, ainsi que d'autres questions, telles que la question des mines anti- personnel.
M. Dembinski a indiqué que la Conférence du désarmement poursuivra, cette semaine, les consultations au sujet du traité d'interdiction complète des essais nucléaires et tiendra une réunion plénière jeudi prochain, 22 août, à partir de 10 heures.
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M. JAAP RAMAKER (Pays-Bas), Président du Comité spécial sur l'interdiction des essais nucléaires, a présenté le rapport du Comité spécial à la Conférence du désarmement (CD/1425). M. Ramaker a déclaré que le Comité était parvenu, après un long et difficile processus, à rédiger un texte qui avait recueilli l'appui de la plupart des délégations. Il constate, toutefois, que le consensus n'a pu être obtenu, ni sur le texte du projet de traité, ni sur les mesures à prendre. Il revient désormais à la Conférence de faire rapport à l'Assemblée générale, qui pourrait consister à lui transmettre le rapport du Comité spécial.
Depuis le 23 janvier, M. Ramaker a présidé les négociations en une période cruciale au cours de laquelle tous s'entendaient sur le fait que c'est cette année que le traité devait être conclu. Le Comité spécial a atteint les limites de ce qu'il pouvait obtenir. M. Ramaker a indiqué qu'un grand nombre de pays représentés à la Conférence du désarmement étaient prêts à accepter la dernière version de ce texte proposée le 14 août dernier.
MME ARUNDHATI GHOSE (Inde) a salué les efforts déployés par M. Ramaker pour parvenir à un consensus sur le texte d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Elle a regretté que le Comité spécial n'ait pas été en mesure de parvenir à un consensus.
L'Inde a toujours insisté sur la nécessité de parvenir à un texte équilibré. La version du 14 août ne reflète pas un tel équilibre. L'espoir de mettre fin à la prolifération et d'éliminer les armes nucléaires semble aussi loin que jamais en cette fin du XXème siècle. Seule la prolifération horizontale est freinée par la prolongation indéfinie du Traité sur la non- prolifération nucléaire (TNP). Avec le TNP, les puissances nucléaires renforcent leurs droits sur une possession indéfinie des armes nucléaires. Le monde est ainsi divisé en deux groupes de pays, ceux qui détiennent l'arme nucléaire et ceux qui ne l'ont pas.
L'Inde souhaitait que le traité d'interdiction complète des essais nucléaires s'inscrive dans un programme global de désarmement, sans qu'il soit nécessaire toutefois, à cette étape, d'arrêter un calendrier précis. Il fallait un élément catalyseur pour que s'engagent des négociations de désarmement.
Les essais nucléaires réels ne constituent qu'une technique parmi d'autres, elle n'empêche pas le développement d'armes nucléaires de troisième génération. L'Inde souhaitait un traité d'interdiction réellement complète. Ses préoccupations n'ont pas été prises en compte, elles ont été ignorées par le Président du Comité spécial. L'Inde avait déjà indiqué qu'elle ne pouvait accepter le projet de traité en l'état. Pourtant, rien n'a été fait pour satisfaire ses préoccupations. Au contraire, des dispositions sur l'entrée en vigueur ont par la suite été introduites qui visaient à placer l'Inde dans une position qu'elle ne pouvait accepter.
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Le texte du Président ne contribue pas à la réalisation des objectifs de prolifération. L'Inde s'oppose donc à la transmission de ce projet de traité d'interdiction des essais nucléaires à l'Assemblée générale. La Conférence du désarmement n'a pas de texte à transmettre à l'Assemblée générale. Mme Ghose a assuré que, pour autant, l'attachement de l'Inde à un monde débarrassé de l'arme nucléaire n'a pas diminué.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a exprimé l'espoir que le Président serait en mesure de «sauver quelque chose» des négociations sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Il a regretté qu'après tant d'années d'efforts, la Conférence du désarmement ne soit pas en mesure, à cause de l'opposition d'un seul pays, de recommander le texte d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires à l'Assemblée générale.
Pour sa part, le Pakistan appuie le projet tel qu'il figure dans le texte proposé par le Président du Comité spécial le 14 août. Il estime toutefois que le texte aurait dû être plus étendu dans sa portée, plus précis sur les mesures d'inspection. Malgré ces insuffisances, le Pakistan était disposé à accepter le texte, qui permettait d'empêcher le développement de nouveaux types d'armes nucléaires et la mise au point d'armes existantes. Ce traité d'interdiction complète des essais nucléaires devait être un premier pas en matière de désarmement nucléaire, en particulier en Asie du sud.
M. Akram a souligné que la source de l'opposition au CTBT ne doit pas surprendre. Le Pakistan a maintes fois exprimé sa préoccupation devant les ambitions nucléaires de son voisin oriental: lorsque des installations nucléaires ont été acquises dans les années 60; lorsque des matières fissiles ont été détournées pour fabriquer un engin nucléaire; lorsqu'une bombe nucléaire a explosé de l'autre côté de la frontière en 19974 sous prétexte d'explosion pacifique; lorsque des missiles balistiques ont été mis au point; et, maintenant, alors qu'il est envisagé de déployer des missiles le long de la frontière.
L'hypocrisie est caractéristique du pays qui s'oppose à l'adoption du texte de traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Les raisons du rejet du traité par ce pays ne résultent pas d'un engagement moral au désarmement nucléaire. Le Pakistan, pour sa part, appuie un calendrier de désarmement nucléaire. Toutefois, l'insistance pour que l'engagement préalable des puissances nucléaires en faveur d'un tel programme conditionne l'entrée en vigueur du traité est irréaliste et déraisonnable. Il s'agit d'un stratagème visant à éviter de prendre un engagement au titre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
«Le masque de Bouddha souriant a été retiré, révélant le visage de la déesse de la guerre», a déclaré le représentant pakistanais dans une allusion au nom de code de l'essai nucléaire indien de 1974. Les dirigeants du pays voisin, a poursuivi M. Akram, se réservent le droit de préserver leurs «options» nucléaires, de mener des essais nucléaires et de poursuivre leur programme de mise au point de missiles. Au nom du Gouvernement pakistanais,
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M. Akram a assuré que «toute mesure d'escalade nucléaire par notre voisin trouvera une réponse équivalente afin d'assurer notre sécurité nationale».
Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires «se relèvera peut être de ses cendres à l'Assemblée générale», mais le Pakistan regretterait toute mesure visant à contourner la Conférence du désarmement. M. Akram a exprimé l'espoir que plus rien ne sera fait à l'avenir pour éroder le large consensus recueilli sur le projet de traité. En particulier, tout effort visant à modifier l'article 14, qui stipule que l'entrée en vigueur n'interviendrait qu'une fois que tous les États ayant une capacité nucléaire auront signé et ratifié le traité, détruirait le consensus sur le traité. Le fait de permettre à un État ayant une capacité nucléaire de se soustraire au traité ruinerait tout espoir d'un traité d'interdiction complète.
M. SIROUS NASSERI (République islamique d'Iran) a souligné que le Comité spécial, ses membres et son Président méritent des félicitations. Beaucoup d'efforts ont été déployés, beaucoup a été accompli, dans un esprit de coopération. Il a regretté qu'au moment de conclure, le Comité spécial ait imposé aux négociations un caractère d'urgence. Les négociations se sont soudainement déroulées à huis clos entre quelques États alors que les autres attendaient le résultat, aboutissant à une proposition à prendre ou à laisser. Il a regretté l'empressement avec lequel le constat d'échec a été communiqué à la Conférence du désarmement et souligné qu'«une rupture trop rapide du courant risquait d'endommager le traité».
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