CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: DES PAYS EXPRIMENT LEUR PRÉOCCUPATION AU SUJET DES NÉGOCIATIONS SUR UN TRAITÉ D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES
Communiqué de Presse
CD/G/330
CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: DES PAYS EXPRIMENT LEUR PRÉOCCUPATION AU SUJET DES NÉGOCIATIONS SUR UN TRAITÉ D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES
19960815 L'Iran indique qu'il ne peut appuyer le texte dans sa présente formulationGenève, 15 août 1996 -- La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, les interventions de sept délégations concernant les négociations en cours sur le texte d'un projet de traité d'interdiction complète des essais nucléaires. La Conférence s'était fixée pour objectif l'adoption d'un texte de traité en temps utile pour permettre de l'ouvrir à signature au début de la prochaine session de l'Assemblée générale, au mois de septembre 1996.
Les délégations de Cuba et de la République islamique d'Iran ont souligné que les difficultés rencontrées pour obtenir un consensus sur le texte du traité proposé par le Président du Comité spécial chargé des négociations sont dues à l'attitude de certaines puissances nucléaires.
L'Iran a indiqué qu'il est disposé à accepter presque tout le texte proposé par M. Jaap Ramaker, mais trois questions l'empêchent d'appuyer le projet. Elles tiennent à la nécessité d'inscrire le traité dans le cadre d'un programme par étapes de désarmement nucléaire, à l'importance excessive accordée aux informations nationales par rapport au système international de surveillance pour le déclenchement d'inspections sur place et à la répartition des pays par groupes régionaux dont la liste figure dans le texte et inclut Israël dans le groupe des pays d'Asie, sans l'accord de ces pays, plutôt que dans celui des pays occidentaux. La délégation a déclaré que la décision unilatérale de certaines puissances nucléaires de faire obstacle à toute modification du texte du Président a mené, jusqu'à présent, à l'impasse.
Selon la délégation cubaine, l'intransigeance de certaines puissances nucléaires a empêché, jusqu'à présent, le consensus sur le traité, car elles refusent d'inscrire le traité dans le contexte de la non-prolifération et du désarmement nucléaire et de garantir que la mise au point des armes nucléaires ne sera pas poursuivie. Toutefois, et en dépit des insuffisances du texte actuel, Cuba ne s'opposera pas au projet de traité, estimant que l'interdiction des explosions nucléaires revêt une extrême importance et constitue une étape, bien que modeste, dans le processus de désarmement nucléaire.
La séance de ce matin a été immédiatement suivie d'une réunion du Comité spécial chargé de la négociation du traité, dans un effort de parvenir à un consensus sur la base du texte présenté le 28 juin par le Président du Comité spécial, M. Jaap Ramaker, des Pays-Bas.
Les représentants des Seychelles, du Chili, du Bangladesh, de la Turquie et de l'Australie ont également pris la parole.
La prochaine réunion plénière de la Conférence du désarmement se tiendra mardi prochain, 20 août, à partir de 10 heures.
M. JEAN-CHRISTOPHE ISEUX (Seychelles) a proposé un site pour accueillir une station sismique du futur système international de surveillance dans le cadre de l'application du traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Les Seychelles souhaitent jouer un rôle dans la recherche de la paix mondiale et contribuera dans la mesure de ses moyens à ce noble objectif.
Les Seychelles, qui souhaitent l'adoption d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires, estiment que, sans une modification du texte actuel, il faudrait mettre au point un calendrier pour la mise en oeuvre effective du traité et l'adoption de mesures visant à mettre un terme à l'amélioration qualitative des armes nucléaires. Les États dotés d'armes nucléaires devraient faire une déclaration solennelle par laquelle ils s'engagent à ne pas réaliser d'essais en vue de la mise au point d'armes nucléaires, que ce soit par simulation ou par d'autres moyens.
M. Iseux a regretté que le traité d'interdiction complète des essais nucléaires ne se présente pas comme une mesure de désarmement nucléaire mais plutôt comme un instrument visant à maintenir l'état actuel des arsenaux nucléaires. Dans ce cadre, il n'y a aucune place pour des négociations saines au stade actuel. L'organisation qui sera chargée de la mise en oeuvre du traité ne doit pas être un «club select» des cinq puissances nucléaires qui sont déjà les principaux exportateurs d'armes nucléaires. Les Seychelles sont attachées à une conception du désarmement à long terme. Une approche par étapes est nécessaire. Le représentant a estimé que les désaccords actuels en matière de désarmement sont fondamentaux. Les pays qui s'opposent encore au traité témoignent de l'émergence d'une nouvelle forme de non-alignement, a-t- il estimé.
M. JORGE BERGUÑO (Chili) a déclaré que, pour son pays, les essais nucléaires sont incompatibles avec le droit international. L'essai d'une arme dont l'emploi ou la menace d'y recourir est illégitime, conformément au jugement rendu récemment par la Cour internationale de justice, et ne saurait se justifier en aucune circonstance. Toutefois, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires permettra de combler des lacunes dans le régime de non-prolifération grâce à un processus égalitaire, équitable et efficace. La cause du désarmement aura acquis un nouvel élan pour l'étape suivante.
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M. Berguño a souligné qu'il ne faut pas renoncer à l'aspiration commune de progresser dans la même direction, au sentiment profond qu'au-delà des différences la communauté internationale est attachée à une même conviction et à la volonté de quitter définitivement une période d'immobilisme stérile. Ce n'est pas le seul traité d'interdiction qui est ici en jeu mais l'avenir même des négociations dans le domaine du désarmement international, qui exige la confiance mutuelle.
M. Berguño a reconnu que certaines questions, notamment l'entrée en vigueur, le préambule et la durée indéfinie de l'interdiction n'ont pas été réglées à la satisfaction de tous. Il a proposé que les ajustements qui s'imposent soient apportés avant la ratification du traité.
M. ANWAR HASHIM (Bangladesh) a déclaré que son pays est déterminé à parvenir à la conclusion d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires et souhaite vivement qu'un texte soit adopté à temps pour transmission à l'Assemblée générale. Cela implique, a-t-il estimé, une meilleure disposition à répondre aux préoccupations de nombreuses délégations. Il a toutefois estimé que le texte du Président du Comité spécial sur l'interdiction complète des essais nucléaires avait réussi à concrétiser, pour une large part, le consensus émergeant, et qu'il constituait une bonne base pour la poursuite, sans délai et en toute bonne foi, des négociations.
S'agissant du régime de vérification envisagé, M. Hashim a souligné qu'il fallait que la mise en oeuvre proprement dite du traité repose d'abord sur le système international de surveillance. Les différences dans la capacité des moyens techniques nationaux pourraient entraîner des pratiques discriminatoires, voire abusives. Si les moyens techniques nationaux devaient jouer rôle dans le déclenchement des visites sur place, les sources d'information devraient alors être soumises au même examen que pour le système international de surveillance, sinon selon des critères plus sévères.
Soulignant que le Bangladesh fait partie des 44 États dont la ratification conditionne l'entrée en vigueur du traité, le représentant a déclaré que l'une des préoccupations principales de son pays concerne les obligations financières des États parties. Pour sa part, le Bangladesh devra fonder sa décision de le ratifier, pour une large part, sur des considérations budgétaires. La question du financement doit être revue, a-t-il estimé. À cet égard, il a suggéré que les États non-nucléaires parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui sont déjà liés par des obligations plus lourdes qu'au titre du futur traité d'interdiction des essais, pourraient être exemptés d'obligations financières. En outre, les pays les moins avancés ne devraient subir qu'une partie des coûts administratifs de la future organisation du traité.
M. EUMELIO CABALLERO (Cuba) a exprimé sa déception de ce que le Comité spécial sur l'élimination des armes nucléaires ne soit pas parvenu à obtenir un texte de consensus sur le projet de traité d'interdiction complète des essais nucléaires en raison de l'intransigeance de certaines puissances
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nucléaires. Cette attitude se fonde dans leur refus d'inscrire le traité dans le contexte de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, de s'engager à réaliser le désarmement nucléaire selon un calendrier précis et de garantir que la mise au point des armes nucléaires ne sera pas poursuivie.
Selon le délégué cubain, l'absence de volonté politique de la part de ces puissances nucléaires a empêché une formulation claire sur la question de la portée du traité. Le libellé de cette disposition réduit le texte actuel à un traité partiel d'interdiction des essais nucléaires. M. Caballero a en outre profondément regretté que davantage d'efforts n'aient été consacrés à la recherche d'une formule sur l'entrée en vigueur qui tienne compte des préoccupations légitimes de toutes les délégations.
En dépit de ces insuffisances, Cuba ne s'opposera pas au projet de traité, estimant que l'interdiction des explosions nucléaires revêt une extrême importance et constitue une étape, bien que modeste, dans le processus de désarmement nucléaire. M. Caballero a indiqué que son pays examinerait le texte actuel et arrêtera sa position en temps opportun.
M. SIROUS NASSERI (République islamique d'Iran) a noté qu'il semble qu'à ce stade, le Comité spécial sur l'interdiction complète des essais nucléaires ne sera pas en mesure de présenter un texte de consensus à la Conférence du désarmement. Il a exprimé sa profonde déception de ce que l'aspiration longtemps attendue de mettre fin au développement quantitatif et qualitatif des armes nucléaires ne sera pas satisfaite. Il a regretté qu'une décision inexplicable ait été prise de mettre fin brusquement aux négociations et d'accélérer l'entrée dans l'impasse.
Les propositions de la République islamique d'Iran, de l'Australie et du Président du Comité spécial ont permis de réduire à un minimum les points qui posent problème. Un des points les plus difficiles est la question du désarmement nucléaire et l'Iran s'explique mal que l'engagement qui a déjà été pris en faveur d'un programme par étapes de désarmement nucléaire ne puisse pas être renouvelé. S'agissant de la question des moyens techniques nationaux, M. Nasseri a déclaré que l'utilisation par certains États des renseignements obtenus par des moyens nationaux pour répandre des fausses accusations soulève le scepticisme et la préoccupation. Si l'Iran n'objecte pas à l'utilisation des renseignements obtenus par le système international de surveillance en combinaison avec ceux obtenus par les moyens nationaux pour déclencher une inspection sur place, il est préoccupé par l'égale importance accordée par le texte actuel à ces deux méthodes. M. Nasseri a souligné que les moyens nationaux ne devraient être appliqués que provisoirement et seulement aux explosions qui ne peuvent encore être détectées par le système international.
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S'agissant de la composition du conseil exécutif de la future organisation du traité, la délégation iranienne constate que la liste des pays figurant dans le texte ne peut que soulever des problèmes politiques sans lien aucun avec le traité. M. Nasseri a soulevé, en particulier, le problème de l'inclusion d'Israël dans le groupe des pays d'Asie, sans leur accord, plutôt que dans celui des pays occidentaux. L'Iran avait accepté que la liste soit établie par la conférence des État sparties lorsqu'elle se réunira.
Ainsi, la Conférence du désarmement aurait pu parvenir à un consensus avec des changements minimes au texte. Toutefois, une décision unilatérale par certaines puissances nucléaires de faire obstacle à toute modification du texte du Président a mené, jusqu'à présent, à l'impasse. Les travaux de la Conférence du désarmement sont entravés par le fait que, dans les négociations qu'elle mène, domine la notion selon laquelle ceux qui possèdent, emploient ou sont disposés à employer les armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive jouissent d'un statut privilégié. Il est présumé des autres participants qu'ils sont disposés à accepter des compromis en ce qui concerne leurs intérêts nationaux au profit de ces puissances.
Le problème du retard de l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques risque de se répéter avec le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, a craint le représentant iranien. Il semble en effet que les opposants au traité sont maintenant majoritaires au congrès des États- Unis. On peut donc douter de la ratification du traité par les États dotés d'armes nucléaires.
L'Iran souhaite le succès des négociations sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, comme en témoignent les contributions faites par la délégation à chaque étape en vue de résoudre les problèmes qui subsistent. L'Iran est disposé à accepter presque tout le texte proposé par le Président du Comité spécial, M. Jaap Ramaker, mais les questions mentionnées l'empêchent d'appuyer le projet.
M. TUGAY ULUCEVIK (Turquie) a informé la Conférence de la position de son pays sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, soulignant que la tâche la plus urgente de la Conférence du désarmement consistait à conclure les travaux sur le texte de traité d'interdiction complète des essais nucléaires pour qu'il puisse être ouvert à signature au début de la prochaine session de l'Assemblée générale, au mois de septembre. Le projet proposé par le Président du Comité spécial sur l'interdiction des essais nucléaires constitue un effort important pour parvenir au compromis. La Turquie estime que la réouverture des négociations sur ce texte compromettrait le consensus auquel la Conférence est parvenue.
M. Ulucevik appuie le texte du Comité spécial et souhaite qu'il soit soumis à l'Assemblée générale pour adoption. La Turquie estime qu'il est du devoir des membres de la Conférence du désarmement d'atteindre cet objectif.
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M. RICHARD STARR (Australie) a attiré l'attention de la Conférence du désarmement sur le rapport de la Commission de Canberra sur l'élimination des armes nucléaires. Il a déclaré que ce rapport constitue une importante contribution au débat sur le désarmement. Il a invité les délégués à consulter ce document qui sera présenté à l'Assemblée générale et à la prochaine session de la Conférence du désarmement.
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