LE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL POURSUIT SON DEBAT DE HAUT NIVEAU SUR LA COOPERATION INTERNATIONALE CONTRE LES STUPEFIANTS
Communiqué de Presse
ECOSOC/290
LE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL POURSUIT SON DEBAT DE HAUT NIVEAU SUR LA COOPERATION INTERNATIONALE CONTRE LES STUPEFIANTS
19960626 MATIN ECOSOC/290Les orateurs mettent l'accent sur l'exigence de la coopération internationale contre un fléau qui transcende les frontières
Sous la Présidence de M. Jean-Marie Kacou Gervais (Côte d'Ivoire), le Conseil économique et social a poursuivi, ce matin, son débat de haut niveau consacré à la coopération internationale contre la production, l'offre, la demande, le trafic et la distribution illicites de stupéfiants et de substances psychotropes.
Entamé hier matin, le débat de haut niveau a permis ce matin aux représentants de haut niveau des pays suivants de prendre la parole: Belgique, ex-République yougoslave de Macédoine, Suisse, Egypte, Autriche, Luxembourg, Finlande, Etats-Unis, République tchèque, Guyana, Tunisie, Nicaragua, Canada, Pakistan, Gabon, Bangladesh, France et Bolivie.
Les intervenants ont insisté sur la nécessité, devenue impérieuse, de renforcer la coopération des services concernés, aux niveaux international, régional et sous-régional, afin de lutter efficacement contre un fléau qui transcende désormais les frontières politiques. Cette exigence devient d'autant plus urgente que les groupes du crime organisé redoublent d'audace et accroissent chaque jour leurs capacités de nuisance. Plusieurs délégations ont souhaité que le PNUCID soit doté de ressources financières à la hauteur de son mandat et de ses responsabilités. De même, les représentants des pays en développement ont indiqué que des cultures de substitution soient prévues pour les populations rurales, qui ont tendance dans certains pays, à abandonner leurs cultures traditionnelles pour se consacrer à la production des matières premières des substances illicites.
En début de séance, le Président a rappelé que le monde célèbre aujourd'hui la IXème Journée internationale de lutte contre les stupéfiants. A cet égard, M. Kacou Gervais a invité le Conseil économique et social à s'unir "en communion d'esprit" avec tous ceux qui, dans le monde, célèbrent cet événement.
Le débat de haut niveau se poursuivra, cet après-midi, à partir de 15 heures.
- 2 - ECOSOC/290 26 juin 1996Coopération internationale contre la production, l'offre, la demande, le trafic et la distribution illicites de stupéfiants et de substances psychotropes
Déclarations
M. ALEX REYN (Belgique) a mis l'accent sur l'amplification et la diversification de la menace que l'abus et le trafic de drogues font peser sur la stabilité des sociétés. Seul un renforcement de la coopération internationale permettra de présenter un front suffisamment étendu pour faire efficacement face à ce péril. Les Nations Unies se sont dotées d'instruments juridiques appropriés à cette fin, a dit le représentant. La Belgique les a ratifié et plaide pour leur application efficace. Tout en rappelant que son pays s'opposait à toute législation des stupéfiants, le représentant a insisté sur la nécessité absolue d'adopter une approche multidimensionnelle de la problématique à la fois complexe polymorphe et évolutive que constitue la toxicomanie. Une bonne coordination, selon lui, devrait être assurée entre les activités préventives, curatives, et répressives. La Belgique a tiré les leçons du passé et cherche un équilibre entre ces approches. Sur la base des enseignements tirés de décennies d'une politique nationale orientées vers la répression visant en premier lieu à réduire l'offre et à décourager la consommation, le gouvernement a redéployé ses instruments de lutte antidrogues. La stratégie nationale repose dorénavant sur trois axes, a savoir une meilleure reconnaissance mutuelle des logiques préventives, curatives et répressives, l'adoption d'une politique de réduction des risques, tant en matière de santé que de criminalité, et une coordination accrue des différentes stratégies mises en oeuvre. Ce redéploiement s'est traduit par l'adoption, l'an dernier, d'un nouveau programme d'action, recentré vers les aspects préventifs et curatifs, sans pour cela relâcher les efforts de répression et de lutte contre le trafic.
Le représentant a également évoqué le rôle actif que son pays joue dans le cadre des efforts européens et internationaux de contrôle des stupéfiants. Il a insisté sur la nécessaire solidarité qui doit relier les pays consommateurs aux pays producteurs et de transit dans le cadre des efforts internationaux. L'action concertée au plan national, régional et international, a-t-il aussi dit, resterait vaine, sans une cohérence dans la coordination des actions à l'échelle de l'ONU. A cet égard, il a mis en exergue le rôle capital joué par le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des stupéfiants (PNUCID) ainsi que celui de l'Agence internationale de contrôle des stupéfiants. Il a également considéré qu'il conviendrait de chercher d'autres moyens d'établir des passerelles entre le PNUCID et le Programme des Nations Unies pour la prévention du crime, ce qui aiderait également à renforcer les efforts, et notamment dans le domaine de la lutte contre blanchiment de l'argent.
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M. TOMISLAV COKREVSKI, Ministre de l'intérieur de l'ex-République yougoslave de Macédoine, a dit souscrire à l'idée selon laquelle la production, le trafic et la consommation de stupéfiants sapent les tissus économique et social en même temps qu'ils menacent la stabilité politique, la sécurité nationale et la souveraineté d'un nombre croissant de pays dans le monde. Qui plus est, les bandes du crime organisé deviennent de plus en plus dangereuses. La lutte menée par les organes des Nations Unies est par conséquent tout à fait justifiée. Les services de police à travers le monde ont le devoir d'accroître leurs efforts en vue de la suppression de ce phénomène. Il s'agit plus concrètement de
renforcer la coopération dans l'échange d'informations et de la lutte contre le blanchiment de l'argent. Située dans la partie centrale des Balkans, la Macédoine constitue un territoire de transit pour les trafiquants de stupéfiants. Dans ce contexte, le pays a adhéré aux conventions pertinentes des Nations Unies, notamment celle de 1988, qui sert de base au nouveau Code criminel. Qui plus est, la République privilégie la coopération régionale, dont le premier résultat tangible est la première conférence des pays situés au sud des Balkans, organisée sous l'égide du Ministère de l'intérieur, et tenue à Ohrid du 3 au 5 juin derniers. La Conférence, qui a compté avec la participation des services de sécurité de l'Albanie, de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Turquie et des services compétents des Etats-Unis, a conclu que la coopération devrait adopter une approche plus sophistiquée et être élargie aux services de sécurité des autres pays de la région.
M. THOMAS ZELTNER, Observateur de la Suisse, a souligné que son gouvernement considère qu'une législation des drogues illicites n'est pas la solution du problème. En Suisse, il existe des drogues légales d'une accessibilité libre mais contrôlée, tels l'alcool et le tabac. Ces drogues légales engendrent des problèmes qui surpassent en quantité et en risque pour la santé, la totalité de ceux qui résultent de l'abus de drogues illégales. Le nombre de personnes dépendantes de l'alcool ou du tabac est nettement plus élevé que celui de personnes dépendantes de la drogue. Il en va de même pour ce qui concerne le nombre d'hospitalisations et de décès dus à l'abus de l'alcool ou du tabac. Dès lors, il serait inopportun de mettre à la disposition de tout le monde -comme on le fait aujourd'hui avec l'alcool et le tabac - d'autres drogues avec un potentiel de dépendance égal ou même supérieur à celui des drogues légales, avec le risque de voir une augmentation de la consommation et des problèmes sanitaires et sociaux qui seraient liés.
M. Zeltner a estimé que les difficultés à mener la lutte contre la drogue proviennent de la disparité des instruments et moyens : il y a d'une part le combat d'une communauté d'Etats qui doit chercher péniblement un consensus pour chaque question, même si cela nécessite des années. Cette communauté a, de plus, des difficultés à financer ses activités anti-drogues. D'autre part, il y a des cartels criminels bien organisés et qui disposent de mécanismes flexibles. De surcroît, ces organisations criminelles ont d'énormes moyens financiers. Elles sont en mesure de menacer des Etats
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entiers et n'hésitent pas à corrompre des fonctionnaires pour mener à bien leurs activités criminelles. La communauté internationale est par ailleurs confrontée à un problème croissant de détournement vers des marchés illicites de précurseurs et produits chimiques essentiels. La Suisse n'est pas épargnée par cette réalité, qui a elle-même connu une affaire importante de détournement en 1993. Cette affaire a permis à ses autorités de mettre sur pied un réseau de surveillance qui, espèrent-t-elles, servira à empêcher dans l'avenir le détournement de précurseurs.
Il faut intensifier la lutte contre le trafic illicite des stupéfiants et des précurseurs et augmenter l'engagement dans le combat contre le blanchiment de l'argent sale. Il convient en outre d'adopter des mesures pragmatiques en vue de réduire le nombre de nouveaux consommateurs de drogues illicites dans nos pays. Une coopération étroite et une coordination efficace entre tous les acteurs institutionnels nationaux de la santé publique, de l'éducation, des affaires sociales et du système judiciaire, engagés dans l'un ou l'autre aspect de l'abus de drogues illicites et le trafic illicite des stupéfiants, s'avèrent nécessaire pour pouvoir valablement cerner les problèmes liés à la toxicomanie.
Le GENERAL ABDELKHALEK AL-TAHAOUI, Directeur adjoint de la Direction de la lutte contre les stupéfiants de l'Egypte, a déclaré que son pays joue un rôle actif dans la lutte contre les stupéfiants. L'Egypte est en effet partie à l'ensemble des conventions internationales sur la question. Au niveau régional, la Direction égyptienne de lutte contre les stupéfiants a été choisie pour former des officiers africains et arabes spécialisés dans la lutte contre la drogue. La coopération régionale a inclus des réunions avec les autorités compétentes de la Jordanie, de l'Autorité palestinienne et d'Israël. Pays de transit de la drogue, cette situation se trouve facilité par l'importante infrastructure portuaire et aéroportuaire dont jouit l'Egypte. Le pays s'est doté d'un centre contre la corruption et le blanchiment de l'argent. Des efforts internationaux sont nécessaires. Depuis 1979, l'Egypte a recouru à l'expertise des Nations Unies et a signé un protocole de coopération bilatérale de trois années. L'Egypte demeure toutefois préoccupée par le faible niveau de ressources alloué à la lutte contre les stupéfiants. L'Egypte appuie l'idée d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le thème de la lutte contre les stupéfiants.
Mme BENITA FERRERO-WALDNER, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de l'Autriche, a souhaité que les Etats, au cours de cette session, se résolvent à envoyer un message clair, afin que la question de la lutte contre l'abus des drogues demeure une priorité absolue, dans le cadre du Plan à moyen terme de l'ONU pour 1998-2001. Nous devrions en outre réaffirmer le rôle de chef de file du PNUCID au sein et au-delà du système de l'ONU, et inviter tous les acteurs internationaux concernés à resserrer leurs liens de collaboration avec le Programme, a déclaré Mme Ferrero-Waldner. L'Autriche invite les Etats à
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convenir ensemble de porter la question des drogues devant les organes exécutifs des institutions et programmes, y compris les institutions financières internationales. Décidons également de fournir au PNUCID les moyens financiers qui lui permettront d'assumer son leadership et ses fonctions de coordination, a affirmé Mme Ferrero-Waldner. Que tous les gouvernements s'engagent aussi à promouvoir une coopération internationale véritable, en éliminant les barrières juridiques et pratiques qui y font obstacle, a demandé l'Autriche. Enfin, au niveau national, il nous faut nous mobiliser de nouveau en faveur de la protection, de la santé de nos peuples, et surtout des jeunes.
L'Autriche, pour sa part, appuie les engagements approuvés par l'ensemble du système des Nations Unies, lors de la réunion du Comité administratif de coordination (CAC) en février 1995 à Vienne. Il est important que le PNUCID poursuive son action avec les institutions soeurs dans le cadre du Plan d'action à l'échelle du système (SWAP). Au-delà d'un accord autour d'objectifs et d'une stratégie partagée, le Plan d'action devra servir de base au travail de planification, de développement et de décision des institutions, en matière de lutte contre l'abus des drogues. L'Autriche propose que l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le PNUCID et la Division de la prévention du crime et de la justice pénale envisagent la possibilité de créer une unité conjointe, sur la question du blanchiment de l'argent. Le PNUCID, par ailleurs, doit impérativement renforcer sa coopération avec les institutions financières internationales. En matière de collecte de données et d'informations, des efforts plus amples doivent être poursuivis, dans l'esprit des initiatives régionales importantes, telles que celles de l'Observatoire européen des drogues et de la dépendance vis-à-vis des drogues.
M. JEAN-LOUIS WOLZELD (Luxembourg) a insisté sur la menace grave que constituent la production, le trafic et l'abus des drogues illicites pour les économies, tant au niveau national qu'au niveau mondial. Profitant de la libéralisation et de la mondialisation du commerce, le revenu des drogues investi frauduleusement dans le commerce légal, déstabilise non seulement l'économie des pays producteurs, mais également celle des pays receveurs. En 1992, le Gouvernement luxembourgeois a créé le Fonds de lutte contre le trafic des stupéfiants, dont la mission consiste à élaborer, coordonner et mettre en oeuvre des moyens de lutte contre le trafic des stupéfiants, contre la toxicomanie ainsi que contre tous les effets directs et indirects liés à ces pratiques illicites. Le Fonds examine également régulièrement le fonctionnement du dispositif anti-blanchiment luxembourgeois, qui a été mise en place dans le cadre du Groupe d'action financière (GAFI), groupe indépendant constitué en 1989 par le Sommet des pays industrialisés de Paris. Dans ce cadre, le Fonds coopère étroitement avec les autorités judiciaires et les services de lutte contre le blanchiment d'autres Etats membres. La dimension sociale de l'abus des drogues est sans doute celle qui est la plus visible et qui nous affecte directement a poursuivi le représentant.
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La prévention s'est avérée la meilleure arme dans la lutte contre l'abus des drogues illicites. L'Etat luxembourgeois, à travers diverses structures civiles, soutient la mise en place de services d'information et de consultation au profit des populations à risque, des toxicomanes et de leurs proches, ainsi que la prise en charge ambulatoire et l'orientation vers les cures de désintoxication. L'ampleur et l'étendue des problèmes créés par la production, le trafic et l'abus des drogues exigent une approche globale dans la mise en oeuvre des instruments internationaux pertinents. Le Luxembourg accorde son plein appui aux stratégies globales élaborées dans le cadre du système des Nations Unies. Il se félicite également des efforts déployés dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) en vue de renforcer la coopération au niveau international des Etats membres et organisations internationales en matière de lutte contre les drogues. Le Luxembourg continuera à accorder à ce programme le soutien dont il a déjà bénéficié au cours des années antérieures.
M. PASI PATOKALLO, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a déclaré que la dimension sociale du problème de la drogue n'est pas facile à déterminer. Le simple fait que l'abus des drogues soit perçu de différentes façons ne permet pas de faire face aux causes du problème. Toutefois, il faut s'attaquer à la fois à tous ses aspects, qu'ils soient sociaux, politiques ou économiques, en vue de trouver des solutions efficaces et durables. Il faudrait donc également examiner le problème de la drogue dans le contexte du développement. Dans de nombreux pays, la pauvreté est une des causes sousjacentes importantes pour la production et la consommation des stupéfiants. La promotion de solutions de substitution pour les fermiers démunies est donc nécessaire. L'allégement de la pauvreté et la promotion de la cohésion sociale par le renforcement des capacités des populations pauvres est un moyen efficace pour s'attaquer au problème de la drogue dans les pays en développement. Des efforts en vue d'une gestion plus efficace sont également d'une importance vitale.
Toujours consciente de l'importance de la coopération internationale, la Finlande a signé les trois conventions internationales sur les stupéfiants, a indiqué M. Patokallo. Il est donc important qu'une approche bien ciblée et axée la fois sur l'offre et la demande soit constamment adoptée dans cette sous-région de l'Europe, a-t-il souligné. En Finlande, les services sociaux et de sécurité sociale, notamment
l'assistance, le traitement et la réhabilitation, sont garantis à tous sur une base universelle. Cette approche a contribué à la prévention du problème de la drogue. Le Ministre a fait remarquer que 20% de la main-d'oeuvre de moins de 25 ans est victime du chômage. C'est pourquoi, l'un des aspects les plus importants de la lutte contre les stupéfiants en Finlande est la lutte contre le chômage, afin de donner un meilleur espoir aux jeunes. De l'avis du Ministre, la coopération régionale ou sous-régionale devrait être encouragée par les Nations Unies pour lutter contre l'abus et le trafic illicite des stupéfiants.
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LE GENERAL BARRY R. MCCAFFEY, Directeur du Bureau des politiques nationales de la lutte contre les drogues des Etats-Unis, a rappelé que l'engagement de l'Administration américaine en faveur de la lutte contre l'abus des drogues a été décrit par le Président Clinton, lors de son discours à l'Assemblée générale, en octobre 1995. Le Président Clinton avait, à cette occasion, appelé à l'intensification de la coopération internationale en faveur de tous les enfants et personnes menacées par le fléau des drogues. Les Etats-Unis ont formulé une nouvelle stratégie globale de lutte contre les drogues, applicable en 1996. Dans le cadre d'une politique résolue de réduction de la demande, le nombre des toxicomanes est passé déjà, de 23 millions de personnes en 1987 à 11 millions en 1995. De même, le nombre de cocaïnomanes a baissé de 30% au cours des 3 dernières années.
La situation eu égard à la demande s'est considérablement améliorée depuis les années 70. Malgré ces succès, il demeure nécessaire de faire plus. De nouveaux problèmes surgissent, auxquels il convient d'apporter rapidement une réponse. Alors que la consommation nationale de stupéfiants est en déclin, les Etats-Unis connaissent un phénomène nouveau, celui de l'"explosion" de la consommation de cigarettes chez les jeunes. Les EtatsUnis sont conscients de l'effort énorme de mobilisation qui sera nécessaire, pour que ces jeunes ne basculent pas dans la drogue. S'il est important que la police soit en mesure de faire respecter l'ordre, la prévention n'en est pas moins cruciale, dans le cadre de la stratégie américaine. Les crimes liés aux drogues ne peuvent être uniquement réglés par la répression.
Il existe aux Etats-Unis un groupe d'environ 2,7 millions de toxicomanes, "qui se font mal, mal à leurs familles, à leurs communautés", a affirmé M. MCcaffey. Ces quelque 2,7 millions de personnes représentent de plus l'essentiel de la consommation de drogues, au niveau national. Une proportion alarmante de personnes sont détenues dans les prisons américaines, pour des crimes liés aux drogues. "Il ne s'agit pourtant pas de lancer une guerre contre la drogue ou contre les drogués, car ce sont nos enfants", a ajouté M. MCcaffey.
Les Etats-Unis accordent une priorité importante aux efforts de coopération avec plusieurs pays d'Amérique latine. Ils continueront en outre à apporter tout leur appui à la politique mise en oeuvre par le Pérou et au succès de ses entreprises. Les Etats-Unis sont résolus à étendre leur coopération avec des pays ou organisations régionales, telles l'Organisation des Etats américains (OEA) ou la Communauté européenne. Les Etats-Unis sont enfin engagés à appuyer la Convention des Nations Unies de 1988.
M. JAN BELOHLAVEK, Vice-Ministre de l'éducation de la République tchèque, a indiqué que son gouvernement a mis en place, en 1993, une Commission interministérielle anti-drogue pour assurer une coordination efficace de la politique nationale et assurer le suivi des recommandations du PNUCID.
En outre, la République tchèque a ratifié les trois conventions internationales sur les stupéfiants et les substances psychotropes.
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Le Vice-Ministre a indiqué que les normes juridiques internationales en la matière sont en voie d'être intégrées dans le système juridique national. Cette année, la République tchèque a promulgué une loi sur le blanchiment de l'argent et la légalisation des profits provenant d'activités illicites, qui reflète la Directive du Conseil de l'Europe. Récemment, les travaux préparatoires concernant une réforme générale du code pénal se sont achevés. Au cours de ce processus, la République tchèque a bénéficié de l'expertise de pays ayant une plus grande expérience en matière de stupéfiants et de substances psychotropes. Le projet de réforme combine un certain nombre de dispositions relatives à la consommation, aux toxicomanes et aux trafiquants de stupéfiants. La République tchèque coopère étroitement avec les autorités compétentes des pays importateurs et avec l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS).
M. FEROZE MOHAMED, Ministre de l'Intérieur de Guyana, a indiqué que les maigres ressources humaines et matérielles de son pays rendent difficile la détection et la prévention du transit de stupéfiants par le Guyana vers les marchés des pays développés. Qui plus est, l'inexpérience des institutions financières en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent, accroît les risques de pénétration et de corruption. Les pays des Caraïbes, réunis en avril dernier à la Barbade, sont décidés à renforcer leur coopération dans la lutte contre ce fléau. Toutefois, ce combat requiert la mise en place d'alliances au niveau international. Cette exigence de coopération internationale doit viser le renforcement des capacités des pays en développement à mener à bien cette lutte. Le Guyana propose l'établissement d'un fonds d'affectation spéciale en faveur des pays en développement, et ce, avec l'assistance des institutions financières internationales et des pays développés.
M. SLAHEDDINE ABDELLAH (Tunisie), mettant l'accent sur l'amplification et la mondialisation du fléau de la drogue, a insisté sur la menace grave que ce dernier fait peser sur la stabilité des Etats, et en particulier celle d'un grand nombre de pays du Sud, politiquement et économiquement fragiles et ne possédant pas d'institutions de contrôle des drogues, ni de système réglementation appropriés, ce qui compromet leur moyens d'action anti-drogues. Le blanchiment de l'argent de la drogue, a notamment expliqué le représentant, pèse très lourd sur ces économies vulnérables, dans la mesure où ces dernières peuvent facilement faire l'objet de pressions de la part de groupes criminels ou même tomber sous leur autorité. Ce type de capitaux a une forte propension à favoriser la corruption des pouvoirs publics et du secteur privé. Il est surprenant, a par ailleurs dit le représentant, de constater que malgré la prise de conscience internationale de la gravité du problème des drogues, ainsi que l'existence d'un cadre juridique solide d'action gouvernementale et de coopération internationale, le trafic international n'a jamais connu de dimensions aussi inquiétantes. Selon M. Abdellah, le cercle vicieux production et du trafic illicite des drogues ne sera brisé que si la question du redressement économique et du développement des pays producteurs occupe la place qu'elle mérite dans les programmes à l'échelle des Nations Unies.
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La Tunisie, a t-il dit, est préoccupée par la baisse générale des
ressources allouées au PNUCID et appelle à leur augmentation. Il a estimé qu'il serait tout a fait indiqué que l'argent saisi du trafic de drogues soit alloué au PNUCID.
M. ERICH VILCHEZ ASHER (Nicaragua) a réaffirmé sa préoccupation face au problème de la drogue. Le blanchiment de l'argent doit retenir toute l'attention dans le cadre du débat de haut niveau. Le trafic des stupéfiants est un mal qui affecte les pays sur les plans social et humain. Il ne peut y avoir de lassitude de la part de la communauté internationale face à la lutte contre le trafic des stupéfiants. Comme l'indique le Secrétaire général dans son rapport, le trafic des stupéfiants a une dimension sociale très complexe. Le Nicaragua déploie des efforts considérables en adoptant une approche intégrée pour répondre aux différents aspects de l'abus et du trafic illicite des drogues. Un projet de loi, élaboré en tenant compte des conventions internationales en matière de stupéfiants et des exigences nationales, envisage la création d'une commission nationale qui sera chargée de la question du blanchiment de l'argent et des aspects connexes. Le représentant a réitéré que son pays attache une grande importance à la coopération internationale et régionale dans la lutte contre la production, l'offre et la demande des stupéfiants.
Mme CHRISTINE STEWART, Secrétaire d'Etat aux questions d'Amérique latine et Afrique du Canada, a souligné que chaque Etat a la responsabilité de prendre des mesures pour freiner la production, la distribution et l'utilisation des drogues illicites. En outre la coopération entre les Etats est vitale, et elle devrait être menée aux niveaux mondial, régional et bilatéral. Les liens et la coordination entre les nombreux organismes internationaux s'occupant des drogues illicites devraient être renforcés.
Le Canada maintient une approche équilibrée. La réduction de la demande est une composante vitale de la stratégie canadienne antidrogue, compte tenu du fait que la réduction de la demande globale est fondamentale pour la répression du commerce des drogues illicites. Il dirige des efforts spéciaux visant à réduire les abus d'intoxicants chez les jeunes. Le Canada reconnaît aussi que les Etats ont beaucoup à apprendre de l'expérience des autres. C'est pourquoi, le gouvernement canadien appuie la Commission des stupéfiants pour préparer une déclaration sur les principes d'une réduction de la demande qui servirait de guide pratique aux Etats. Il se félicite de participer au financement des travaux du groupe d'experts chargé de rédiger ce projet de déclaration. La responsabilité des Etats de contrôler les drogues illicites était également un thème central du récent colloque du PNUCID sur la coopération pour le contrôle des drogues dans les Antilles, colloque qui s'est tenu à la Barbade et que le Canada et d'autres ont aidé à financer. Les pays antillais ont joint leurs efforts pour élaborer un grand plan d'action reconnaissant que les Etats antillais peuvent, d'eux-mêmes, faire beaucoup pour tenter de régler le problème des drogues illicites.
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Dans le cadre de la coopération régionale, le Canada participe aussi aux travaux régionaux du Commonwealth et de la CICAD, qui est l'organe antidrogue de l'Organisation des Etats américains.
Au niveau bilatéral, les Etats peuvent faire beaucoup pour réduire le trafic des stupéfiants a estimé Mme Stewart. Les traités d'entraide juridique se sont avérés des outils utiles dans les efforts pour réprimer la criminalité transnationale y compris le trafic illicite des stupéfiants. Ce mois-ci le Canada a signé la Convention interaméricaine d'entraide juridique en matière criminelle. Il existe un besoin
d'élargir la coopération et les contacts formels et informels au niveau des conseils antidrogue et des organismes nationaux d'application de la loi. La gendarmerie royale du Canada organise par exemple un certain nombre de cours de formation. Ces cours offrent une expertise inestimable et permettent aux participants d'établir des contacts durables qui facilitent la collecte de renseignements et d'autres formes de coopération.
Le Canada est heureux d'annoncer une contribution de un million de dollars au PNUCID pour la période 1996-1997 afin d'appuyer les activités du programme. Le Canada appuie aussi la réaffectation de ressources du budget ordinaire de l'ONU en faveur du programme pour le contrôle international des drogues afin de refléter la priorité accordée à cette question. Il est fondamentalement important de renforcer les liens entre les organes de l'ONU et les organismes opérant au niveau régional. Le Canada espère que le Conseil économique et social approuvera le Code international pour les fonctionnaires et qu'il le transmettra à l'Assemblée générale pour adoption.
M. AHMAD KAMAL (Pakistan) a proposé que durant cette session, le Conseil réfléchisse à une stratégie multidimensionnelle, qui pourrait s'articuler autour de six axes principaux. Dans cet esprit, les Etats doivent reconnaître que la responsabilité première eu égard à la réduction de l'abus des drogues incombe aux pays consommateurs traditionnels. Ce constat ne saurait cependant conduire à un relâchement des mesures de lutte adoptées pour réduire les cultures, la production, la transformation et le trafic de drogues. Dans le contexte du Programme mondial d'action de l'ONU, les domaines essentiels doivent être le développement de "chartes" nouvelles qui permettront d'appliquer les stratégies du PNUCID aux niveaux régional et sous-régional et le renforcement de la priorité à l'appui des programmes nationaux de lutte contre les drogues. De plus, les Etats doivent reconnaître l'importance de l'information, du rôle de la police et de l'harmonisation des procédures d'extradition. Les recommandations relatives au blanchiment de l'argent doivent en outre être strictement appliquées et adaptées aux cadres législatifs nationaux. Les préoccupations de souveraineté ne sauraient être plus longtemps une source de contentieux", a affirmé M. Kamal, car les barons de la drogue ignorent les frontières. Nous devons adopter de nouveaux cadres juridiques de lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment de l'argent.
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Par ailleurs, la pénalisation des drogues ne saurait constituer une solution durable. De nouvelles politiques sont nécessaires, afin de réinsérer les toxicomanes dans la société. Les mesures d'exécution des lois doivent s'accompagner d'initiatives sociales et de santé, dans le domaine de la prévention et du traitement des toxicomanes. Le Pakistan s'oppose toutefois à la légalisation ou à la dépénalisation de l'usage des drogues. Il est important, dans le cadre d'une nouvelle stratégie mondiale, de mettre l'accent sur l'amélioration des conditions sociales et économiques des pays en développement en vue d'optimiser les efforts de substitution des cultures. Enfin, allant dans le sens des efforts déjà engagés par le PNUCID, nous devons forger des partenariats avec les acteurs de la société.
Au niveau national, en dépit des difficultés politiques qui peuvent opposer le Pakistan et l'Inde, le Gouvernement du Pakistan a accepté une initiative du PNUCID visant à engager des consultations directes entre l'Inde et le Pakistan dans le domaine de la lutte contre l'abus des drogues.
M. CHRISTOPHE MAGANGA (Gabon) a indiqué qu'avec l'assistance du PNUCID, le gouvernement a promulgué en mars 1996 deux lois sur la base des principes d'harmonisation des législations nationales, de coordination des stratégies et des actions anti-drogue au niveau national et sous-régional. Avant l'institution de la Commission interministérielle, le gouvernement avait déjà créé l'OCLAD, l'Office central de lutte anti-drogue, qui est chargé de la répression du trafic illicite des drogues, de la coordination technique et de la centralisation des informations en matière des stupéfiants.
De l'avis de M. Maganga, si le projet visant à alimenter le Fonds du PNUCID d'une partie des saisies des produits de la drogue était entériné par le Conseil économique et social, il donnerait une occasion au PNUCID de faire face à ses difficultés financières.
Le Gabon qui reste très sensible au problème du trafic et de l'abus des stupéfiants accorde au niveau régional, un rôle central à la lutte contre ce fléau. C'est dans ce cadre qu'il abrite un laboratoire de toxicologie pour toute la région, de même qu'il abritait, jusqu'en mars 1995, le Bureau régional du PNUCID. Il déplore toutefois la décision qui a amené le PNUCID à fermer ce bureau, en dépit de la Convention signée en 1990, entre cet Organe et les Etats membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC).
M. REAZ RAHMAN (Bangladesh) a déclaré que les ramifications transnationales du trafic de drogue appelle une réponse commune et intégrée de la part de la communauté internationale. La sélection de ce thème à l'ordre du jour du débat de haut niveau du Conseil économique et social (ECOSOC) constitue un pas important dans cette direction et ouvre la voie à la session extraordinaire de l'Assemblée générale sur la question. Le Bangladesh est d'avis que le renforcement de la coopération régionale et sous-régionale par
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le biais de la mise en oeuvre adéquate des instruments internationaux pertinents est un aspect essentiel de l'effort international pour lutter contre le fléau. Dans ce contexte, l'Association de l'Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC) a adopté en 1990, une convention régionale permettant de faire face efficacement aux aspects multiples de la prévention et du contrôle des stupéfiants. Il est du devoir de la communauté internationale de veiller au renforcement et au financement adéquat du PNUCID et des autres programmes des Nations Unies chargés de la lutte contre les stupéfiants.
M. ALAIN DEJAMMET (France) a déclaré que la France pense qu'il convient de maintenir un certain nombre d'orientations permanentes pour l'action internationale en matière de lutte contre la drogue. La ratification et plus encore la mise en oeuvre véritable des conventions internationales de 1961, 1971 et 1988, impliquant la mise en conformité des législations internes, doivent être poursuivies sans relâche. De même, il apparaît essentiel de soutenir l'Organe international de contrôle des stupéfiants dans sa mission et de lui donner les moyens nécessaires à son fonctionnement.
Le PNUCID doit demeurer la clé de voûte de l'action de coordination au sein des Nations Unies, ce qui implique que les moyens appropriés lui soient accordés. Pour que le Programme puisse fonctionner efficacement, il conviendrait d'élargir la base des donateurs, aujourd'hui limités à une poignée d'Etats qui assument à eux seuls 90% du budget du Programme. Il serait souhaitable que la part non affectée des contributions versées
au Programme soit accrue.
La coordination de l'action au sein des Nations Unies dans le domaine du contrôle international des drogues doit demeurer une priorité permanente. L'initiative récente du Comité administratif de coordination visant à mieux intégrer cette action au sein des différentes institutions, agences ou fonds du système dans le cadre d'un Plan d'ensemble à l'échelle du système doit être soutenue et encouragée. Cette coordination internationale apparaît avec évidence plus particulièrement nécessaire dans les domaines économiques et sociaux.
Face à l'impact économique du trafic des drogues, la France est convaincue qu'il faudrait conduire des politiques complémentaires destinées à réduire la demande, à lutter contre l'offre, contre les trafics et les formes de criminalité qui y sont liées, et à mettre en oeuvre des programmes de développement alternatif dans les pays producteurs.
Insistant sur la lutte contre le blanchiment, M. Dejammet a estimé que les efforts visant à priver les trafiquants des profits tirés de leurs activités constituent, l'un des moyens à privilégier pour combattre la drogue.
- 13 - ECOSOC/290 26 juin 1996
Il est essentiel que tous les Etats se dotent d'une législation et de mécanismes visant à faire obstacle au blanchiment d'argent. La coopération internationale pour lutter contre la drogue ne peut être efficace que si elle s'appuie dans chacun de nos pays sur des institutions et des dispositifs législatifs qui assurent l'application des obligations que nous avons souscrites.
Faisant remarquer que la dimension sociale du problème de la drogue comporte des aspects très complexes, M. Dejammet estime que ce domaine doit être inclus dans une approche globale du problème de la drogue et doit faire l'objet d'une approche coordonnée dans chaque pays entre les diverses agences des Nations Unies qui y traitent de la toxicomanie, ainsi qu'avec les gouvernements et les ONG.
M. EDGAR CAMACHO OMISTE (Bolivie) a déclaré qu'il est de notoriété publique que le fléau de la drogue puise ses origines dans les conditions socio-économiques, tant dans les sociétés productrices que consommatrices. Cette affirmation démontre que la lutte efficace contre les stupéfiants passe par la promotion de l'action internationale dans le domaine du développement humain et durable. Assumant sa part de responsabilité, la Bolivie a adopté une politique nationale fondée sur quatre piliers contre la menace des stupéfiants: la prévention, l'interdiction, la destruction de la coca excédentaire et illégale et le développement alternatif. En dépit de la reconnaissance de la responsabilité partagée, il s'avère que ce sont les pays les plus pauvres qui déploient le plus d'efforts. Dans ce contexte, la Bolivie saisit cette occasion pour plaider en faveur du renforcement de la coopération internationale, qui est vitale pour le succès des politiques gouvernementales. La Bolivie réitère ici son appui à la convocation, en 1998, d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale, afin de renouveler la stratégie de lutte contre les stupéfiants.
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