PAL/112

LE COLLOQUE DES ONG D'AMERIQUE DU NORD SUR LA QUESTION DE PALESTINE POURSUIT SES TRAVAUX

25 juin 1996


Communiqué de Presse
PAL/112


LE COLLOQUE DES ONG D'AMERIQUE DU NORD SUR LA QUESTION DE PALESTINE POURSUIT SES TRAVAUX

19960625

Il traite du problème des réfugiés de Palestine et des personnes déplacées

La réunion plénière du Colloque des organisations non gouvernementales (ONG) d'Amérique du Nord sur la question de Palestine a poursuivi aujourd'hui ses travaux sur le thème : "Vers un règlement juste et global de la question de la Palestine". Elle a entendu dans ce cadre des déclarations consacrées plus particulièrement à la question des réfugiés de Palestine et aux personnes déplacées. Ces déclarations ont été faites par les personnalités suivantes : MM. Salim Tamari, Directeur de l'Institut des études sur Jérusalem à l'Université de Bir Zeit; Andrew Robinson, Directeur-général du service chargé de suivre le processus de paix au Moyen-Orient du Ministère canadien des affaires étrangères et du commerce international et Président du Groupe de travail sur les réfugiés (GTR); Don Peretz, Professeur honoraire de l'Université de Binghamton; William Lee, Chef du Bureau de liaison de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) à New York; et Mme Rosemary Sayigh, chercheur indépendant à Beyrouth.

Ces personnalités ont ensuite participé à un échange de vues avec des représentants de plusieurs ONG, animé par Mme Nuhad Jamal, représentante de l'organisation Grassroots International.

Le Colloque poursuivra ses travaux en séance plénière demain matin, à partir de 10 heures, sur la question de Jérusalem. Il procédera au début de cette même séance à des élections au sein du Comité de coordination des ONG d'Amérique du Nord.

-- PAL/112 25 juin 1996

Déclarations

M. SALIM TAMARI, Professeur de sociologie, Directeur de l'Institut des études sur Jérusalem à l'Université de Bir Zeit, délégué aux négociations multilatérales de paix concernant les réfugiés, a déclaré que, parmi les trois questions qui ont fait l'objet des négociations bilatérales de

1996, la question des réfugiés est celle qui a reçu le moins d'attention en terme d'orientation stratégique. Il s'agit également de l'une des questions les plus difficiles à résoudre, et pourtant la légitimité d'Israël de l'accord israélo-palestinien repose largement, aux yeux de la diaspora palestinienne, sur la capacité de l'Autorité palestinienne à assurer le retour des Palestiniens expatriés dans leur pays.

En ce qui concerne les réfugiés et personnes déplacées, les négociations multilatérales étaient considérées comme complétant des négociations régionales. Un Comité directeur des multilatérales s'est tenu à Moscou en 1992. Les questions de développement économique, de l'eau, du désarmement et des réfugiés ont été les différentes questions inscrites, la question des réfugiés étant la plus difficile à faire admettre par les Israéliens. Dès le départ, cette question a été très controversée. Il a finalement été décidé que le groupe de travail traiterait exclusivement des réfugiés palestiniens. Plusieurs groupes traitant des réfugiés ont été créés depuis. Un groupe traite des personnes déplacées, qui ont dû quitter leur foyer en 1967. La position palestinienne a été que, dans les 48 groupes de réfugiés pour la réinstallation, les directives sont déterminées par la directive 194 de l'Assemblée générale assurant le droit des réfugiés au retour, ceux qui ne rentreront pas ayant droit à un dédommagement. S'agissant de la question des personnes déplacées, le mandat est celui qui a été établi à Oslo, après l'accord de Camp David. Pour le moment il n'y a pas eu beaucoup de progrès sur l'un ou l'autre volet du problème. Au niveau idéologique, les débats sur les réfugiés ont été l'oeuvre des intellectuels de l'OLP. Du côté des Israéliens toute mention du droit de retour signifie implicitement la destruction de l'Etat d'Israël, et tous les gouvernements israéliens ont toujours refusé ce droit. Au cours des groupes de travail successifs qui ont porté leur attention sur la question des réfugiés, la question de la réunification des familles est la seule sur laquelle des avancées politiques ont pu être réalisés, concernant environ 6000 personnes par an.

Depuis que le Likoud est arrivé au pouvoir, le gouvernement ne reconnaît pas le droit au retour des réfugiés de 1967 à l'Ouest de la rive du Jourdain, ce qui est contraire aux deux accords signés par Israël, sur les personnes déplacées et sur les réfugiés. Peut-être des face-à-face pourront remédier à cette question. Le deuxième accord d'Oslo établit un groupe de travail bilatéral qui définit les modalités de réadmission des Palestiniens souhaitant

rentrer chez eux. 50 000 personnes ont ainsi pu rentrer. Cependant, la victoire du Likoud laisse une marge de manoeuvre très étroite. Le problème des réfugiés restera l'un des plus épineux et déterminants pour ce qui est de la réputation de l'Autorité nationale palestinienne, a affirmé M. Tamari.

M. ANDREW ROBINSON, Directeur général du service chargé de suivre le processus de paix au Moyen-Orient du Ministère canadien des affaires étrangères et du commerce international et Président du Groupe de travail sur les réfugiés (GTR), a rappelé que le GTR a été établi pour compléter les négociations bilatérales et pour régler les grands problèmes régionaux dont la solution nécessite une action coordonnée et l'aide de la communauté internationale. Il y parvient en améliorant les conditions de vie actuelles des réfugiés et des personnes déplacées sans préjudice de leurs droits et de leur statut futur, en facilitant et en augmentant la possibilité de réunion des familles et en appuyant le processus visant à trouver une solution viable et globale à la question des réfugiés. Les travaux du GTR sont organisés selon plusieurs thèmes individuels dont certains pays ont accepté d'assumer la responsabilité en tant que "guides". Ces thèmes sont les bases de données, pour lesquelles la Norvège joue le rôle de guide, l'aide sociale à l'enfance, pour laquelle

la Suède est le guide, le développement des ressources humaines, la création d'emplois et la formation professionnelle (guidés par les Etats-Unis), l'infrastructure sociale et économique (Union européenne) et la réunion des familles (France). La Suisse a par ailleurs été désignée l'an dernier pour jouer le rôle de conseillère auprès des coparrains de la dimension humaine dans les cinq groupes de travail, à savoir une sorte de rôle de super-guide.

Le GTR a tenu, en décembre dernier, à Genève, une importante réunion plénière couronnée de succès, qui a permis de faire le point sur les événements survenus depuis la réunion précédente, d'établir en grande mesure un accord entre les parties et de planifier les futures activités du GTR. Un certain nombre d'activités ont été mandatées à la réunion plénière de décembre dernier, en particulier des missions du président en Jordanie, en Cisjordanie et à Gaza, un colloque intersessions sur l'adaptation en Cisjordanie et à Gaza et une réunion intersession sur la réunion des familles.

L'une des premières activités officielles du GTR, depuis sa dernière réunion plénière, a été la mission du président dans les camps de réfugiés de la Jordanie. Le but de cette mission était de consulter des réfugiés dans cinq camps de Jordanie et de discuter des problèmes avec les autorités jordaniennes. La mission a montré l'importance qu'attache la communauté internationale au dialogue et à la transparence. Le processus multilatéral étant un complément des négociations bilatérales qu'il soutient sans s'y substituer, le GTR a été envoyé en mission pour écouter le point de vue des réfugiés et pour engager un dialogue avec eux, ainsi qu'avec le

Gouvernement jordanien, au sujet des travaux du GTR et de ce qu'il devrait faire pour améliorer la situation humanitaire actuelle et préparer l'avenir. Cette mission, composée de représentants de l'Union européenne, du Maroc, de la Suisse, du Japon, des Etats-Unis et du Canada, est arrivée à point nommé puisqu'elle s'inscrit dans le cadre de l'ouverture des pourparlers sur le statut permanent entre l'OLP et l'Israël.

M. Robinson a évoqué également la situation des réfugiés palestiniens au Liban et en Syrie. Lors de la séance plénière du GTR de décembre dernier, la situation critique des réfugiés au Liban a retenu l'attention plus que celle de tout autre groupe. Malheureusement, les Gouvernements de la Syrie et du Liban ne participent pas aux travaux du GTR, ce qui restreint sa capacité à s'attaquer aux problèmes de façon globale. Néanmoins, la séance plénière du GTR a permis de réitérer son engagement en vue du maintien d'un dialogue aussi bien avec les Gouvernements de la Syrie que du Liban qu'avec les communautés palestiniennes qui s'y trouvent.

M. Robinson a estimé que, par leur vitalité, les ONG joueront un rôle essentiel à la mise en place d'une société civile dynamique pour les réfugiés palestiniens en Cisjordanie et dans la péninsule de Gaza, de même que dans la plupart des pays d'accueil. Les ONG de la région et d'ailleurs ont coopéré efficacement avec le GTR. Tout comme l'UNRWA, elles ont joué un rôle indispensable à la prestation des services et à la mise en oeuvre des projets au Liban. Il a par ailleurs insisté sur le fait que le processus de paix multilatéral a, à maintes reprises, démontré sa capacité de maintenir l'impulsion du processus de paix, dans les moment où le processus bilatéral s'est essoufflé. Le Groupe de travail sur les réfugiés, en raison de la nature délicate et humanitaire de son mandat et de son lien étroit avec les dossiers des négociations sur le statut final des réfugiés, continuera de jouer un rôle indispensable et exigeant.

Mme ROSEMARY SAYIGH, Anthropologue et écrivain, chercheur indépendant à Beyrouth, a rappelé que les démographes estiment que plus des deux tiers des Palestiniens sont des réfugiés, qui sont actuellement confrontés à des décisions sur leur sort, prises dans un contexte régional et international. La situation des réfugiés qui se trouvent au Liban est particulièrement critique. Ils se voient refuser l'exercice de leurs droits civils, ne peuvent travailler librement ni avoir accès aux services publics, tels que santé, éducation et sécurité sociale. Depuis Oslo, ils ne sont pas représentés au niveau local ou national, que ce soit par l'Autorité palestinienne ou par l'OLP. De nouvelles réglementations les empêchent de voyager librement. Des visas de retour doivent être renouvelés tous les six mois.

Dans les nouveaux camps, les autorités se sont opposées à la reconstruction du logement dans les camps. Les réfugiés déplacés par la guerre ont été expulsés mais aucun logement à faible coût n'a été fourni.

Il y a eu menace de démolition partielle ou complète de plusieurs camps. Le chômage a toujours été un problème et le revenu général de la communauté a été réduit. La santé est le problème le plus grave des réfugiés. Ils sont en effet exclus des services de santé et l'UNRWA ne subventionne plus ou subventionne moins l'hospitalisation. En matière d'éducation, le nombre d'enfants scolarisés a baissé. Il y a un fort taux d'analphabétisme dans la population adulte. L'UNRWA a diminué ses programmes depuis mi-1993, de même que l'assistance fournie par d'autres ONG ou agences de l'ONU après 1991. La fragmentation des ONG est un problème. Il n'y a pas de stratégie générale dans leur action, ce qui conduit à une surabondance dans certains domaines et à des carences dans d'autres. Un forum de coordination a été récemment mis en place par 17 ONG locales. En mars 1995 a été formé le groupe PNRAG pour les réfugiés palestiniens, qui s'attache au sort des réfugiés et au droit au retour. Le comportement des ONG, en particulier le fait qu'elles préfèrent les projets de démarrage et ne veulent pas appuyer les coûts de fonctionnement ensuite pose problème.

De plus, l'expérience indique que le Gouvernement libanais mettra son veto concernant l'installation permanente des réfugiés au Liban. Il y a une certaine marge de manoeuvre pour les communautés mais l'idée que le gouvernement fera obstacle les empêche de se développer ou de nouer des alliances avec les ONG libanaises. La communauté européenne a fourni un appui pour un programme de formation technique qui a été accepté par le gouvernement. L'UNRWA a mis en place un programme de formation pour les femmes et des formules de partenariat entre organisations semblent être la solution pour l'avenir. Les ONG ont la capacité d'agir dans un cadre de réunification à une période où une stratégie générale de développement social peut être mise en place. Il faut mobiliser les ONG d'Amérique du nord sur la question de Palestine, faire pression sur le Gouvernement du Liban pour que les Palestiniens puissent exercer leur droits civils, se mobiliser au niveau de l'URWA, créer un groupe spécial pour l'information qui se rendrait dans les communautés de réfugiés, aider à la création d'une ONG chargée des droits de l'homme au Liban, et envoyer des volontaires pour enseigner à la population palestinienne du Liban, a proposé Mme Sayigh.

M. DON PERETZ, Professeur honoraire, Université de Binghamton, a rappelé que l'un des problèmes les plus épineux devant être réglés à l'occasion des négociations sur le statut final entre Israël et les Palestiniens est celui de l'indemnisation des Palestiniens pour les biens qu'ils ont abandonnés ou perdus lors de l'exode de 1948. A ce jour, Israël dénie toute responsabilité dans l'exode des Palestiniens et ne se sent donc pas tenu, en vertu du droit international, d'indemniser les populations concernées. Il s'est toutefois déclaré disposé à envisager le paiement d'indemnités dans le cadre d'un accord de paix global qui tiendrait dûment compte de toutes les demandes reconventionnelles à raison de biens

juifs perdus lors de la guerre de 1948

et de biens abandonnés par les Juifs qui ont quitté différents pays arabes depuis 1948. Par ailleurs, l'indemnisation envisagée ne saurait être que globale et devra servir à la réinstallation et à la réinsertion des réfugiés. La position des Etats arabes et des Palestiniens est diamétralement opposée. Ceux-ci estiment en effet que la demande d'indemnisation est un droit individuel que chaque réfugié ou ses ayant droit peuvent exercer sans limitation dans le temps ou dans l'espace. Selon eux, la responsabilité de l'indemnisation incombe au premier chef à Israël mais il doit la partager avec l'Organisation des Nations Unies étant donné le rôle que cette dernière a joué dans la création de l'Etat juif. Au cas où Israël ne serait pas en mesure d'assumer l'obligation qui lui incombe au premier chef, celle-ci devrait retomber sur l'ONU.

Se fondant sur les registres du cadastre de l'Administration de Palestine, la Commission de conciliation des Nations Unies pour la Palestine (CCP) a estimé la valeur totale des terres abandonnées par les Arabes à près de 100 millions de livres palestiniennes de 1948 et la valeur des biens meubles à environ 20 millions de livres palestiniennes. Ces montants correspondraient à plusieurs milliards de dollars courants. Or, ces estimations sont contestées par certains économistes et experts arabes, pour qui la valeur des biens abandonnés dépasserait les 200 milliards de dollars courants. Il apparaît que ces estimations représentent jusqu'à 70 fois le montant de l'aide économique et militaire qu'Israël reçoit des Etats-Unis par an, soit plusieurs fois le PNB ou le montant des dépenses publiques annuelles de plusieurs pays du Moyen-Orient.

L'Organisation mondiale des Juifs des pays arabes, créée en 1975, puissant groupe de pression des Juifs d'Orient entreprend, entre autres principaux objectifs, d'obtenir une indemnisation à raison des biens laissés par les Juifs dans les pays arabes. Selon les estimations non officielles de l'Organisation, la valeur des biens abandonnés par les Juifs dans les pays arabes serait supérieure à celle des biens appartenant aux réfugiés palestiniens, encore qu'aucune étude ou évaluation sérieuse n'ait été réalisée. D'après les responsables de la communauté juive iraquienne en Israël, les avoirs juifs en Iraq auraient à peu près la même valeur que les biens arabes abandonnés en Israël si l'on en croit les estimations de la CCP.

Le régime des terres palestiniennes est une autre source de difficulté. La plupart des terres que la CCP range dans la catégorie des terres arabes abandonnées, dont une grande partie de terres cultivables, n'étaient pas enregistrées conformément à la loi sur la propriété foncière qui établissaient les droits de propriété par levé cadastral. Une grande partie des terres de Palestine étaient enregistrées sous l'ancien régime ottoman qui était souvent peu fiable et ne permettait pas d'établir le droit de propriété avec certitude. La région méridionale du Néguev, où le droit de propriété des bédouins était "présumé"et non pas clairement établi par des titres légaux officiels, représentait près de la moitié de la superficie de la Palestine.

A l'évidence, les incertitudes inhérentes au régime foncier, aux droits de propriété et aux lois applicables en la matière soulèveront de nombreuses difficultés lorsqu'il s'agira d'établir les droits de propriété et d'évaluer les biens fonciers. Autre question délicate, il faudra également déterminer qui peut prétendre à une indemnisation. Les Palestiniens qui n'ont pas le statut de réfugié auront-ils le droit de présenter des demandes? Les réfugiés qui travailleront dans les villes et ne possédaient pas de biens fonciers bénéficieront-ils d'une indemnité? Faut-il établir une distinction entre les anciens

propriétaires qui sont actuellement à la tête d'entreprises prospères ou qui font carrière dans une profession et les réfugiés qui ne possédaient rien et continuent de vivre dans des camps? Sans doute la question la plus importante concerne-t-elle la source de financement de l'indemnisation de celle-ci, s'il y a lieu. Israël, les Palestiniens et les Etats arabes devraient-ils renoncer à leurs revendications mutuelles? Faudrait-il créer un fonds international qui serait chargé de régler la question de l'indemnisation individuellement ou globalement, ou en combinant les deux formules? Enfin, compte tenu de la grave pénurie de ressources et de l'incapacité où se trouve la communauté internationale de respecter ses obligations vis-à-vis de l'ONU et de tenir les engagements qu'elle a pris à l'égard de l'Autorité palestinienne, ne gagnerait-on pas à chercher à apporter une solution d'ensemble aux problèmes posés par l'indemnisation et le relèvement économique en créant un fonds international pour l'indemnisation et la réinsertion des réfugiés?

M. WILLIAM LEE, Chef du Bureau de liaison de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a indiqué que le nombre de réfugiés palestiniens enregistrés s'élève à plus de 3,2 millions, dont 1,3 million en Jordanie, 1,3 million à Gaza et sur la rive occidentale, et 340 000 réfugiés environ respectivement au Liban et en Syrie. Les camps reconnus reçoivent un certain nombre de services, dont, entre autres, l'éducation et les services de santé communautaires se concentrant sur les soins curatifs et maternels. M. Lee a indiqué qu'il avait pu constater, lors de son dernier voyage dans les camps de réfugiés, combien la situation de ces personnes avait évolué. Certes, il reste encore trop de classes bondées dans des locaux loués et désuets, mais de plus en plus, des écoles sont spécialement construites grâce aux fonds alloués par les donateurs, qui sont toutes dotées d'un centre d'ordinateurs. Les centres de santé, de leur côté, ne sont plus des installations temporaires mais des salles de consultations impeccables. Ils disposent de laboratoires bien équipés et de dispensaires, ainsi que d'installations dentaires et de services de planification familiale. Le personnel médical surchargé de travail doit toutefois encore s'occuper d'un volume quotidien énorme de patients, et l'UNRWA s'attache à régler ce problème. Les centres d'activités pour les jeunes fonctionnent de nouveau, ainsi que les centres communautaires pour les femmes. L'UNRWA dispose en outre d'un portefeuille de près de 8 millions de dollars de prêts permettant à des entreprises montées par des réfugiés de

fonctionner dans la région. Des prêts en capital sont également accordés aux micro-commerçants, essentiellement aux femmes qui vendent dans la rue et aux propriétaires d'entreprises travaillant dans le secteur informel de l'économie. Tout ceci a un impact important sur l'environnement socioéconomique des réfugiés.

M. Lee a souligné que l'UNRWA s'attachait à adapter ses activités au fur et à mesure de l'augmentation de la population des réfugiés - d'environ 3% par an. Il a néanmoins indiqué que le financement volontaire dont dépend l'UNRWA pour mettre en oeuvre les programmes clés n'a pas toujours été à la hauteur des demandes. L'UNRWA a pris l'initiative à cet égard , en créant un programme d'exécution de la paix. A la suite de la signature de la Déclaration de principes, des donateurs se sont montrés prêts à aider le peuple palestinien, en portant une attention particulière à la bande de Gaza et à la Rive occidentale, qui furent négligées pendant les années d'occupation. L'UNRWA a été reconnue comme la seule organisation ayant les connaissances et la capacité d'entreprendre les projets appropriés. Plus de 199 millions de dollars ont été promis ou effectivement alloués au programme d'exécution de la paix, permettant à l'UNRWA de lancer des projets sur une échelle sans précédent, notamment au niveau de l'infrastructure et des ressources humaines. Ces projets ont permis de créer des emplois.

L'UNRWA est toutefois confronté d'année en année à un problème chronique de déficit. Il est illusoire de continuer à dire que l'UNRWA devrait maintenir ses services aux niveaux antérieurs, si les ressources mises à sa disposition n'augmentent pas. Si les donateurs sont prêts à allouer des fonds pour les grands projets d'infrastructure, ils ne semblent pas capables de financer les missions fondamentales de l'UNRWA, qui sont l'éducation, la santé et les secours sociaux. Il n'est pas possible de continuer de la sorte sans assister à une baisse de la qualité et de la quantité des services fournis. L'UNRWA accueillera donc avec satisfaction toute initiative de la part des ONG permettant de persuader les Gouvernements de maintenir et d'accroître leur financement.

Echange de vues

Répondant à une question sur le rôle du Gouvernement des Etats-Unis dans le processus, et sur ce que doit être le rôle des ONG, M. ROBINSON a répondu que les Etats-Unis et la Russie sont les coparrains du processus de paix et doivent participer à ce titre à toutes les réunions bilatérales. Les EtatsUnis ont accepté d'être des coordonnateurs, tout comme l'Union Européenne qui coordonne l'infrastructure économique. La contribution des Etats-Unis consiste à compléter les négociations multilatérales et à les étayer. Les Etats-Unis jouent un double rôle de coparrain et de Directeur du sous-comité

pour la création d'emplois. Ces dernières années, ils ont pris des mesures qui ont fait peser des doutes sur leur neutralité. En ce qui concerne Jérusalem, le Congrès a voté que l'Ambassade des Etats-Unis doit s'y installer et cette décision empêchera les Etats-Unis de continuer à jouer un rôle neutre.

M. ABU ZAYYAD, député du district de Jérusalem au Conseil palestinien, a déclaré, s'agissant des biens des Palestiniens, qu'il y a des biens privés et la propriété collective, qui peut appartenir à un village ou une propriété collective d'une famille et qu'il n'est par difficile de déterminer à qui appartiennent les terres. L'évaluation des biens doit se faire à leur valeur actuelle. Il a insisté sur le fait que le dédommagement comportait également un volet humain. Il s'agit de dédommager les Palestiniens pour leurs souffrances. Il a demandé à MM. Tamari et Robinson comment ils évaluaient la situation et que faisait le Comité.

Mme SAYIGH a estimé que la politique des Etats-Unis sur la question des réfugiés n'était pas claire. Leur position au sein du Comité multilatéral des réfugiés et l'absence de déclaration des Etats-Unis sur la question fait de leur attitude une prise de position en faveur d'Israël.

M. TAMARI a indiqué que depuis la guerre de 1967, on compte près d'un million de personnes déplacées. La définition de ce terme a nécessité deux ans de débat constant sans aboutir à aucune solution à ce jour. Les Israéliens insistent pour que les modalités de retour ne couvrent pas les personnes à charge et les épouses des personnes déplacées. M. Tamari a rappelé à cet égard qu'un accord de paix a été passé avec Israël concernant le contrôle civil exercé par l'Autorité palestinienne sur la Cisjordanie et Gaza. Israël peut intervenir au niveau des individus mais pas à celui de la sécurité en général. Le retour d'un grand nombre de personnes est en tout état de cause un problème de sécurité. M. Tamari a soulevé la question de la perte de résidence des personnes parties entre 1967 et l'époque présente et qui ont décidé de rester à l'étranger. Ces personnes se sont en effet vues refuser le droit de résidence en Cisjordanie et à Gaza. Elles sont enregistrées dans l'état-civil

d'Israël et devraient se voir allouer un caractère de priorité.

M. ROBINSON a indiqué que le GTR était disposé à aider les quatre parties participant à la Commission quadripartite à recueillir les informations et documents utiles pour traiter de la situation des réfugiés en général. Il existe à cet égard une complémentarité entre les travaux du GTR et ceux de la Commission quadripartite.

M. PERETZ a estimé que la question du dédommagement fait référence à la notion de la justice rendue aux réfugiés. Il faut essayer de combler l'écart et de réconcilier ce qui devrait être fait dans l'idéal et ce qui est possible

de réaliser à cet égard. Les biens concernés par ce dédommagement sont estimés à 200 milliards de dollars, sans compter les compensations qui devraient être apportées pour compenser les souffrances des individus.

M. ROBINSON a indiqué que les groupes de travail travaillaient sur la base du consensus, et ne pouvaient faire que ce que les parties concernées sont prêtes à se laisser convaincre de faire. Seul le consensus permet d'aboutir à la mise en oeuvre des mesures décidées. Le Gouvernement canadien accorde une grande priorité à sa participation au GTR et aux autres groupes de travail multilatéraux, dans la droite ligne de sa tradition diplomatique. Il a rappelé que la situation des réfugiés au Liban et en Syrie avait retenu une importance particulière du GTR, sachant que les réfugiés palestiniens se trouvant en Cisjordanie et dans Gaza seraient les premiers à bénéficier du processus de paix. Il convient donc de déployer un effort déterminé pour traiter de la situation humanitaire dans les zones situées en dehors de la Cisjordanie et de Gaza et pour assurer que les communautés palestiniennes se trouvant dans ces pays participent au processus de paix.

Répondant à une question sur le droit au retour en Cisjordanie et à Gaza et sur le fait de savoir s'il y a une discussion concernant le retour des réfugiés de 1948, M. TAMARI a déclaré qu'il n'y aura d'accord définitif avec l'Etat d'Israël que lorsque justice sera rendue à ceux qui ont perdu leur foyer en 1948. De nombreux réfugiés choisiront de ne pas exercer ce droit, mais il s'agit d'une question de principe. Le droit au dédommagement n'est pas suggéré dans la résolution 194 comme compensation du droit au retour. Cependant, certaines compensations pourront être négociées. Quasiment tous les partis politiques sont opposés à accepter le concept général de retour dans l'Etat d'Israël, mais dans l'entité palestinienne. La compensation, le dédommagement général consiste dans le versement d'une somme à un groupe de personnes pour des biens perdus, à l'image des réparations versées par l'Allemagne à l'Etat d'Israël, a précisé M. Tamari.

M. ROBINSON a précisé, en ce qui concerne le droit des réfugiés et le rôle de l'UNRWA dans l'identification des réfugiés, que les ONG du Canada sont préoccupées par les difficultés croissantes auxquelles se heurtent la communauté palestinienne du Liban. S'agissant de la question du préjudice subi par les Palestiniens, il faut reconnaître que l'on peut toujours faire quelque chose pour alléger la situation des réfugiés, surtout dans les camps. Beaucoup de membres de la communauté palestinienne ont pensé que le fait d'avoir un logement permanent pourrait être assimilé à un renoncement de leur droit de retour.

M. LEE a évoqué la question des cartes d'identité de l'UNRWA. En effet, les citoyens libanais doivent renoncer à leur carte d'enregistrement de l'UNRWA pour se rendre au Liban. M. Lee a précisé que ces cartes n'ont pas réellement valeur de cartes d'identité. Répondant à une question sur le

déménagement de l'UNRWA, il a rappelé que la décision de transférer le Siège de l'UNRWA de Vienne à Gaza avait été annoncée par le Secrétaire général, il y a deux ans. Il fera l'objet d'un financement spécial. Des économies considérables pourront être réalisées dans le fonctionnement de l'UNRWA à moyen terme. L'agence se trouvera ainsi plus proche de ses interlocuteurs. Des fonctionnaires locaux seront engagés.

Mme SAYIGH est intervenue sur la question des Palestiniens qui ont une double nationalité et dont le nom est rayé de la liste des personnes ayant droit à résidence au Liban. Elle a affirmé que, entre autres dans le but de résoudre cette question, les Palestiniens du Liban ont besoin d'une ONG juridique.

Mme SAYIGH, évoquant les récentes attaques israéliennes des camps de réfugiés près de la frontière libanaise, a indiqué que les réfugiés de ces camps sont fidèles au Président Arafat et que les Libanais sont venus s'y réfugier pensant que les Israéliens n'y porteraient pas atteinte. Les Palestiniens ont organisé des collectes pour aider les victimes de l'attaque.

M. ABU ZAYYAD a estimé qu'il n'existait pas d'ambiguïté concernant le droit au retour : il s'agit bien du droit au retour en Palestine et non ailleurs.

M. MOSHE MAOZ, Professeur d'histoire du Moyen-Orient, a estimé que la plupart des Israéliens ne pensent pas être directement responsables des injustices commises envers les Palestiniens. Les historiens ont montré que la responsabilité du problème des réfugiés n'incombe qu'en partie à Israël. Les pays arabes n'ont rien fait pour résoudre le problème, et certains ont adopté un point de vue panarabe.

M. TAMARI a souligné que le Gouvernement israélien actuel ne fait pas de distinction entre les réfugiés de 1948 et ceux de 1967. Il a estimé qu'Israël est responsable du sort des réfugiés de 1948, et devrait au moins accepter le retour d'une partie de ces réfugiés. Ceci est dans l'intérêt du Gouvernement israélien, qui pourra dès lors affirmer que les pays arabes devraient faire le nécessaire pour régler le problème des réfugiés.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.