SOC/51

LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT EXAMINE LA QUESTION DE LA SATISFACTION DES BESOINS HUMAINS FONDAMENTAUX

23 mai 1996


Communiqué de Presse
SOC/51


LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT EXAMINE LA QUESTION DE LA SATISFACTION DES BESOINS HUMAINS FONDAMENTAUX

19960523 MATIN SOC/51

La Commission du développement social a tenu, ce matin, sa deuxième table ronde sur le thème de l'élimination de la pauvreté et la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Comment parvenir à une fourniture universelle des services sociaux de base? Quels sont les cadres qu'il convient d'instaurer à cette fin, les modèles à adopter, en fonction des spécificités de chaque pays ou région? Comment mettre en place des systèmes de surveillance de l'application des programmes? Comment garantir leur transparence, leur efficacité, la durabilité de leurs résultats et comment harmoniser les politiques d'ajustement structurel avec la satisfaction des besoins humains fondamentaux?

Telles sont les questions qui ont été au centre de la discussion entre un groupe d'experts et les participants aux travaux de la Commission.

Le Groupe d'experts était composé d'un représentant du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), M. Jan Vandemoortele; d'une experte des Philippines, Mme Lenore Briones; d'une représentante du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Mme Kerstin Trone; et d'un expert du Ghana, M. Yao Graham.

La table ronde a été suivie d'un bref débat sur le fonctionnement de la Commission et les stratégies et mesures pour éliminer la pauvreté.

La Commission tiendra sa dernière table ronde sur l'élimination de la pauvreté cet après-midi à partir de 15 heures. Elle sera consacrée à la promotion de l'autosuffisance et des initiatives communautaires.

-- SOC/51 23 mai 1996

Besoins humains fondamentaux

M. JAN VANDEMOORTELE, Expert de l'Organisation des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), s'est dit convaincu que la fourniture de services sociaux de base représente un moyen efficace de lutte contre la pauvreté. Il est toutefois important de distinguer ces services des besoins fondamentaux de l'homme. L'UNICEF définit les services sociaux de base comme incluant les domaines de l'éducation, de la santé ou encore de la fourniture d'eau potable. Les besoins fondamentaux, eux, englobent l'emploi et des domaines tels que la sécurité sociale. Consacrant son exposé aux services sociaux de base, l'Expert a souligné que ce n'est pas le niveau de développement qui assure la fourniture de ces services mais bien la volonté politique et la mise en place de systèmes d'exécution efficaces.

L'Expert a fait observer que la politique d'austérité budgétaire, imposée à nombre de pays en développement, a eu des effets néfastes sur la fourniture des services sociaux de base. Toutefois, depuis 1990, la situation semble s'améliorer, notamment en Afrique où les programmes d'ajustement structurel commencent à porter leur fruit. L'UNICEF a, pour sa part, mis au point des opérations de transformation de la dette en programmes de développement locaux. D'autres mesures s'imposent, et l'UNICEF a identifié les actions suivantes : affirmation de la volonté politique de mener une action sociale, accroissement du rôle des communautés dans la mise en oeuvre des politiques sociales, création de cadres d'exécution, mobilisation de ressources financières par une restructuration de la dette et des budgets, et la création de systèmes de contrôle. Il est possible de parvenir aux objectifs d'ici à l'an 2000, et une réelle mise en oeuvre de l'initiative 20-20 offrirait de véritables perspectives.

Mme LENORE BRIONES, Experte des Philippines, évoquant l'expérience asiatique, a expliqué que le développement économique n'entraîne pas nécessairement le développement social, et la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Les résultats mitigés des actions entreprises en vue de satisfaire les besoins fondamentaux de tous, et les modes de financement des programmes sociaux, reflètent la tendance générale suivante : on compte beaucoup trop sur les institutions internationales. Les engagements contractés à Copenhague doivent être traduits dans les faits. La communauté internationale doit trouver des solutions au problème de la dette; revoir le concept de l'aide publique au développement (APD). Certes, il est extrêmement difficile de concilier ajustement structurel et développement social, mais cela doit être fait. Il est, à cette fin, nécessaire de libérer davantage de fonds. Il faut réexaminer la pratique qui consiste à traiter l'APD comme un emprunt. Si la dette des pays continue d'augmenter, c'est en grande partie parce qu'elle est tributaire de la réévaluation des taux de changes des monnaies fortes. Il convient de trouver de nouvelles sources de financement.

On propose trop souvent aux gouvernements en développement de créer ou d'augmenter les taxes sur la valeur ajoutée, alors qu'une telle mesure ne fait qu'accroître le fardeau qui pèse sur les consommateurs les plus pauvres, en particulier dans les pays où les disparités entre les revenus sont grandes.

L'experte a regretté que les conditions politiques l'emportent trop souvent sur les considérations réelles. Elle a évoqué le fléau de la corruption qui mine les efforts de développement social. A cet égard, elle a notamment évoqué la tendance de plus en plus grande à la distribution de fonds publics à des organisations non gouvernementales douteuses qui prétendent travailler directement pour les pauvres. Il y a celles qui sont un partenaire essentiel du développement, et puis les autres, celles que créent subitement un homme politique important.

Mme KERSTIN TRONE, Expert du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a souligné que la Conférence du Caire représente un tournant dans l'histoire du développement en ce qu'il a marqué le passage d'un objectif techniquement démographique à un processus orienté vers l'être humain. Pour réaliser les objectifs du Caire et de Copenhague, il est nécessaire de dessiner une carte, à l'image d'une carte routière, qui ferait état des priorités nationales. Pour ce faire, le FNUAP a présidé, peu après la Conférence du Caire, une équipe interinstitutions sur la mise en oeuvre du Programme d'action. Cette équipe a produit une série de directives comparables aux grandes artères routières d'une ville, qui concernent les domaines de l'autonomisation des femmes, de la santé génésique ou encore de l'éducation de base.

Les directives décrivent également une approche commune de lutte contre la mortalité infantile et maternelle. L'équipe a en outre produit un "plaidoyer" visant à solliciter et à garder l'intérêt des gouvernements et du public aux problèmes de développement social. Elle travaille, en ce moment, sur l'utilisation d'indicateurs permettant de mesurer les progrès dans la réalisation des Programmes d'action des conférences internationales des Nations Unies. La participation active de tous les partenaires de la société civile est également indispensable. Cette initiative interinstitutions, a expliqué l'Experte, vise à éviter le double emploi et le gaspillage en ce qu'elle permet une utilisation maximale des ressources limitées. L'Experte a argué, à cet égard, que les activités de développement nécessitent de tels financements qu'il convient de diversifier la nature des fonds et se tourner vers des sources de financement non traditionnelles telles que le secteur privé.

M. YAO GRAHAM, Expert du Ghana, a évoqué différents problèmes relatifs à la satisfaction des besoins humains fondamentaux en Afrique sub-saharienne. Selon lui, la réalité sub-saharienne contemporaine illustre pleinement tous les dangers que comporte l'application mondiale d'un seul et même modèle

d'assaut contre la pauvreté. La région tout entière reflète les failles et les erreurs d'une utilisation beaucoup trop longue de forme de développement monoculturel", qui a fait suite à la monoculture coloniale. La planification et la mise en oeuvre des programmes sociaux se sont trop longtemps faites attendre "pour les peuples mais sans eux". Aujourd'hui, alors que la participation des collectivités est perçue comme l'un des moteurs essentiels du développement, il est essentiel de vérifier qu'elle est bien considérée comme telle dans la réalité.

Au Ghana, l'expérience a montré, à maintes reprises, comment des investissements sociaux majeurs pouvaient être perdus parce que les collectivités n'avaient pas été consultées lors de la planification des programmes qui leur étaient destinés. A cet égard, l'expert a notamment évoqué un vaste projet de

coopération de constructions d'écoles dont une grande partie des bénéfices avaient été perdus tout simplement parce que les collectivités n'avaient pas été consultées lors de la planification, et n'avaient pas par exemple pu donner leur avis sur l'emplacement des écoles, afin de garantir une participation maximale des enfants ou tout simplement d'éviter que les bâtiments qui les abritaient résistent aux intempéries, glissements de terrains, ou lors de la saison des pluies. Dans toutes les sociétés, le secteur public est capital pour la fourniture et la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Chacun de nous ici doit reconnaître que la "monoculture" va à l'encontre de la capacité des sociétés à satisfaire ses besoins fondamentaux.

Echanges entre experts et délégations

La représentante de la France s'est interrogée sur la manière de faire participer les personnes dans un état de pauvreté extrême, à la formulation de politiques sociales. Elle a souhaité connaître le type d'expériences menées en la matière. Le représentant de la Bolivie a indiqué que son pays a mis en place un Ministère des services humains qui a choisi d'accorder la priorité aux populations les plus vulnérables, conscient qu'il est impossible de satisfaire dans le même temps les besoins de tous. Pour ce faire, le gouvernement a assuré un partenariat entre les gouvernements et les différents groupes de la société civile. Ainsi ce sont les municipalités qui définissent les priorités de la politique gouvernementale. Prenant à son tour la parole, la représentante de la Côte d'Ivoire a souhaité connaître les moyens mis en oeuvre par ces pays qui ont connu une croissance sociale sans pour autant connaître une croissance économique.

Pour sa part, la représentante de la Norvège, parlant des services sociaux de base tels que définis par l'Expert de l'UNICEF, a souligné qu'il revient aux seuls gouvernements des pays en développement de définir leurs propres priorités en matière de développement social. La représentante de la Jamaïque a soulevé les questions de rapport réel entre le développement

économique et le développement social tant il semblerait que le premier est une condition préalable du second. Soulevant également la question de l'égalité des sexes, elle a mis l'accent sur le fait que les femmes ne constituent pas un groupe homogène. Les politiques de l'égalité des sexes doivent également tenir compte de la situation des hommes lorsque ceux-ci sont défavorisés. En ce qui concerne la famille, la représentante a souhaité savoir comment mettre des stratégies opérationnelles en faveur de la famille. Le représentant de l'Institut du tiers monde de Dakar a indiqué que l'offre de services de base par l'Etat, principal fournisseur, est de moins en moins assurée. Les ONG qui se présentent comme de réelles alternatives, voient pourtant leurs activités remises en question en raison des conditions économiques. Ces phénomènes se produisent dans les domaines essentiels de l'accès à l'eau, de la santé ou encore de l'offre alimentaire. Il y a là une question de cohérence qui exige que l'on garantisse une certaine stabilité du cadre macro-économique. Le représentant des Pays-Bas a mis l'accent sur la nécessité d'offrir un cadre juridique stable pour ce qui est de la satisfaction des besoins fondamentaux.

Répondant aux questions, l'Expert du Ghana a affirmé que la

manière d'impliquer les populations vivant dans la pauvreté extrême dans le processus de prise de décision est une question importante pour l'Afrique du fait de l'absence de pratiques démocratiques. Les ONG ont un rôle important dans ce contexte. Il convient de bénéficier des activités de ces groupes intermédiaires qui permettent aux gouvernements d'atteindre les communautés. Soulevant à son tour la question de la famille, l'Expert a mis l'accent sur l'augmentation des foyers monoparentaux et argué que la pauvreté impose une pression d'autant plus forte sur les familles. Ce phénomène mérite toute l'attention des protagonistes du développement social.

L'Experte des Philippines a expliqué que le rapport entre le développement économique et le développement social est d'une nature plus complexe. L'expérience montre que la croissance économique ne garantit pas forcément le développement social. Lorsque l'on étudie le classement des pays en fonction du PNB, il ressort que ceux des pays qui ont un taux élevé du PNB ne sont pas forcément les champions du développement social. Etayant ces propos, l'Expert de l'UNICEF a insisté sur le fait que le développement social est le seul fait d'une volonté politique d'accorder la priorité aux questions sociales de manière permanente. Parlant ensuite de l'exclusion sociale, il a indiqué que jusqu'ici les programmes mis en oeuvre n'ont connu qu'un succès limité. L'UNICEF, pour sa part, utilise un modèle nommé "initiative de Bamako" qui est décrit comme un cas réussi de récupération des coûts des services sociaux fondamentaux. De telles initiatives, quant elles connaissent le succès, font courir le risque de donner un trop grand pouvoir aux communautés au détriment de l'Etat. L'Experte du FNUAP a reconnu, à l'instar de la représentante de la Jamaïque, que la question de l'égalité des sexes concerne également les hommes.

Fonctionnement de la Commission, stratégies et mesures pour éliminer la pauvreté

M. ARUN K. SINGH (Inde) a rappelé qu'un cadre pour le suivi de Copenhague avait déjà été établi par l'Assemblée générale, et que la Commission s'y est vu attribuer un rôle central dans le contexte de ce suivi. L'Inde est fermement convaincue qu'il est nécessaire de donner un profil plus important et plus politique aux travaux de la Commission, et qu'il est donc essentiel d'assurer la participation de représentants de haut niveau à ses travaux. S'agissant des stratégies d'élimination de la pauvreté, le représentant a, en particulier, insisté sur la nécessité d'appliquer des programmes adaptés à chaque situation, et tenant dûment compte des spécificités locales. Tout modèle de développement envisagé doit avant tout tenir compte des personnes qu'il cible, et faire en sorte de s'assurer la pleine participation de ces dernières, ceci étant une condition sine qua non de la réalisation des objectifs visés.

M. BELTRAMINO (Argentine) a indiqué que son pays connaît une augmentation de la population pauvre, en dépit d'une courbe ascendante du Produit intérieur brut (PIB). En Argentine, deux facteurs économiques importants permettent d'intensifier la lutte contre la pauvreté. Il s'agit de la baisse de l'inflation et de la hausse des investissements créateurs d'emplois. La politique de lutte contre la pauvreté comprend des mesures plus concrètes telles que la construction de logements, la prestation d'aides alimentaires d'urgence, la promotion d'activités productives et l'attribution d'un certain pouvoir aux autorités provinciales.

L'Argentine reconnaît aujourd'hui qu'il est essentiel d'intensifier les efforts et d'obtenir une plus grande participation de tous les secteurs de la société civile. Quant au rôle des Nations Unies dans la lutte contre la pauvreté, le représentant a souhaité que la résolution de la Commission réaffirme les actions menées par les Nations Unies dans le développement social, et qu'elle montre l'importance prioritaire de la question de l'élimination de la pauvreté. Et qu'elle encourage les Etats membres à poursuivre la réflexion entamée à Copenhague. Il convient d'abord et avant tout d'inviter les Etats membres à adopter les mesures et les réformes appropriées. Toute action en ce sens doit tenir compte de l'autonomie et de la liberté souveraine de tous les Etats membres, a insisté le représentant.

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