CD/G/319

LA CONFERENCE DU DESARMEMENT REPREND SES TRAVAUX EN ENTENDANT LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DU BRESIL

14 mai 1996


Communiqué de Presse
CD/G/319


LA CONFERENCE DU DESARMEMENT REPREND SES TRAVAUX EN ENTENDANT LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DU BRESIL

19960514

Elle entend également le Ministre d'Etat aux affaires étrangères et au Commonwealth du Royaume-Uni

GENEVE, le 14 mai -- La Conférence du désarmement a repris, ce matin, les travaux de sa session de 1996 en entendant le Ministre des affaires étrangères du Brésil et le Ministre d'Etat aux affaires étrangères et au Commonwealth du Royaume-Uni, ainsi que les représentants de l'Egypte, de la Fédération de Russie, de la Croatie et de Sri Lanka. La deuxième partie de la session annuelle de la Conférence, qui sera essentiellement consacrée au traité d'interdiction complète des essais nucléaires, se tient à Genève jusqu'au 19 juillet.

M. Luiz Felipe Lampreia, Ministre des affaires étrangères du Brésil, a estimé que la communauté internationale devrait participer davantage aux efforts de désarmement, en particulier dans le domaine nucléaire afin, notamment, de mettre les ressources ainsi économisées au service du progrès social et économique des pays en développement. Le Ministre brésilien a observé que la conclusion récente des Traités de Palindaba et de Bangkok rend possible la création d'un hémisphère sud exempt d'armes nucléaires, dans l'intérêt de tous les peuples vivant au sud de l'équateur.

Pour sa part, M. David Davis, Ministre d'Etat aux affaires étrangères et au Commonwealth du Royaume-Uni, a mis l'accent sur la tâche historique à laquelle est confrontée la Conférence du désarmement, qui a été chargée de conclure en 1996 un traité d'interdiction complète des essais nucléaires. La tâche ne sera pas aisée, a-t-il estimé. Il a par ailleurs déclaré que les efforts visant à promouvoir la stabilité internationale et à prévenir la guerre doivent porter avant tout, non pas sur les armes nucléaires mais sur les armes classiques qui causent tous les jours de grandes souffrances.

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14 mai 1996

De nombreux intervenants ont souligné l'urgence de conclure les négociations sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, certains mentionnant la date butoir du 28 juin, qui doit être respectée pour que le traité puisse être adopté par l'Assemblée générale à sa prochaine session, à partir du mois de septembre 1996.

La prochaine séance plénière de la Conférence du désarmement aura lieu le jeudi 23 mai, à 10 heures.

Déclaration du Ministre des affaires étrangères du Brésil

M. LUIZ FELIPE LAMPREIA, Ministre des affaires étrangères du Brésil, a réaffirmé l'engagement de son pays en faveur du désarmement et de la nonprolifération. Le Brésil considère que la communauté internationale devrait participer davantage aux efforts de désarmement, en particulier dans le domaine nucléaire. Des initiatives en ce sens devraient permettre d'économiser les ressources consacrées aux armes, en particulier les armes de destruction massive, afin de les mettre au service du progrès social et économique des pays en développement tels que le Brésil. La création d'un environnement pacifique et stable favorable au développement est par conséquent une priorité pour le Brésil. Selon le Ministre brésilien, la conclusion récente des Traités de Palindaba et de Bangkok rend possible la création d'une hémisphère sud exempte d'armes nucléaires, dans l'intérêt de tous les peuples vivant au sud de l'équateur.

Le Ministre brésilien des affaires étrangères a souligné que les changements intervenus dans les relations entre les deux principales puissances nucléaires n'ont pas entraîné une réduction de leurs stocks immenses. Ces arsenaux posent les risques d'un accident nucléaire et de détournement en faveur du terrorisme, et menace de légitimer de facto la prolifération nucléaire. C'est pourquoi le Brésil s'associe à ceux qui estiment que de nouvelles mesures doivent être prises d'urgence à cet égard et que la Conférence du désarmement doit pouvoir prendre la place qui lui revient en tant que principale instance de négociation dans le domaine du désarmement nucléaire.

Tout en se félicitant des processus bilatéraux dans le cadre de START I et II, le Ministre brésilien a souligné que les arsenaux des autres puissances nucléaires ne sont pas concernées par une obligation internationale de réductions suivant un calendrier déterminé. Les déclarations récentes réaffirmant l'engagement de poursuivre de bonne foi les négociations sur des mesures efficaces de désarmement nucléaire devraient s'accompagner d'un engagement réel des Etats nucléaires à s'inscrire dans le processus de désarmement nucléaire qui est mené au sein de la Conférence du désarmement.

M. Lampreia a par ailleurs estimé que l'admission en tant que membres de la Conférence des 23 Etats ayant déjà fait l'objet d'une décision tendant à ce que ces Etats deviennent, ensemble, membres de la Conférence, permettrait de donner un nouveau souffle à la Conférence et de renforcer son efficacité, en particulier dans le cadre de ses prochaines négociations, au premier rang desquelles doit être placée l'élaboration d'une convention sur l'interdiction de la production des matières fissiles. Une telle convention constituerait une nouvelle étape

d'importance dans les efforts visant à mettre fin à la course aux armements.

S'agissant du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le Ministre des affaires étrangères du Brésil a souligné qu'il doit clairement s'inscrire dans le cadre plus général du désarmement nucléaire et doit reconnaître l'importance de la limitation de la prolifération verticale, souligner son rôle dans le cadre de la cessation de la course aux armements et affirmer la nécessité de l'élimination complète des armes nucléaires dans les délais les plus brefs possibles dans le cadre d'un programme par étapes.

Déclaration du Ministre d'Etat aux affaires étrangères du Royaume-Uni

M. DAVID DAVIS, Ministre d'Etat aux affaires étrangères et au Commonwealth du Royaume-Uni, a mis l'accent sur la tâche historique à laquelle est confrontée la Conférence du désarmement, qui a été chargée de conclure en 1996 un traité d'interdiction complète des essais nucléaires. La tâche ne sera pas aisée, a-t-il ajouté. Le Gouvernement du Royaume-Uni est par ailleurs déçu de ce que trente-six pays attendent encore leur admission en tant que membres de la Conférence du désarmement. Le Gouvernement britannique est favorable à une participation aussi large que possible au sein de la Conférence du désarmement et estime que tous ceux qui en ont fait la demande devraient être admis en tant que membres. M. Davis a en outre annoncé que son pays a déposé, le 13 mai, auprès du Secrétaire général, l'instrument de ratification de la Convention sur les armes chimiques. Il a souhaité que la Convention entrera bientôt en vigueur.

Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires s'inscrit dans un processus plus large auquel le Royaume-Uni et ses alliés ont participé, réduisant de façon sensible leurs forces nucléaires. Toutefois, les incertitudes qui demeurent en matière de sécurité empêchent le Royaume-Uni d'accepter un calendrier pour l'élimination des armes nucléaires. Le Gouvernement britannique estime en outre que la Conférence du désarmement n'est pas le lieu pour examiner ces questions. Le Royaume-Uni estime que les efforts visant à promouvoir la stabilité internationale et à prévenir la guerre doivent porter avant tout, non pas sur les armes nucléaires, mais sur les armes classiques qui causent tous les jours de grandes souffrances.

C'est pourquoi le Royaume-Uni estime que la Conférence du désarmement devrait adopter un ordre du jour plus équilibré portant à la fois sur les armes classiques et sur les armes de destruction massive. Il a également souhaité que les négociations sur l'interdiction des armes fissiles commencent le plus tôt possible.

M. Davis a souligné que la communauté internationale souhaite aujourd'hui un traité universel, illimité et effectivement vérifiable interdisant toutes les explosions nucléaires expérimentales. Le Royaume-Uni estime que la dissuasion nucléaire a contribué de façon importante à la sécurité de l'Europe au cours des cinquante dernières années. Une interdiction des essais représente donc un réel sacrifice pour le pays. Elle limitera la capacité de tous les Etats dotés d'armes nucléaires de développer de nouvelles armes nucléaires

et de moderniser leurs arsenaux. Le Royaume-Uni estime toutefois que le prix a payer en vaut la peine. Le traité peut contribuer à la stabilité internationale. Il rendra plus difficile la prolifération et favorisera un climat de sécurité dans lequel la prolifération d'armes nucléaires sera de plus en plus considéré comme un acte irresponsable et inacceptable.

Le Ministre d'Etat britannique aux affaires étrangères et au Commonwealth a souligné que le traité d'interdiction complète des essais nucléaires doit interdire toute explosion nucléaire, quelle qu'en soit la puissance. Il doit être effectivement vérifiable par le Système international de surveillance et par une procédure rigoureuse de vérification sur place. Enfin, le traité devra être réellement universel. Il ne devrait n'entrer en vigueur qu'une fois que tous les Etats ayant la capacité de procéder à un essai nucléaire l'auront ratifié.

Autres déclarations

M. MOUNIR ZAHRAN (Egypte) a informé la Conférence du désarmement que la capitale égyptienne a été le siège, le 11 avril dernier, de la cérémonie de signature du Traité sur la zone exempte d'armes nucléaires en Afrique. Le même jour, 45 Etats africains ont signé le Traité alors que quatre Etats dotés de l'arme nucléaire et l'Espagne signaient les Protocoles pertinents. Un succès aussi remarquable au jour de l'ouverture à la signature du Traité est un fait sans précédent et augure favorablement d'une entrée en vigueur rapide du nouveau Traité. Selon la «Déclaration du Caire», adoptée à l'occasion de la signature du Traité sur la zone dénucléarisée en Afrique, la première session de la Conférence des Etats parties au Traité se tiendra au plus tard un an après son entrée en vigueur. Le siège de la Commission africaine de l'énergie nucléaire sera établi en Afrique du Sud. La cérémonie de signature au Caire a représenté le point culminant d'un processus entamé il y a 32 ans

quand la première Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine, tenue au Caire en 1964, a adopté la Déclaration sur la dénucléarisation en Afrique. Ainsi est créée la zone dénucléarisée la plus importante pour ce qui est du nombre d'Etats parties.

A l'instar d'autres traités, comme celui de Tlatelolco pour l'Amérique latine, de Rarotonga pour le Pacifique sud et ceux de l'Antarctique et du SudEst asiatique, le Traité africain représente une mesure supplémentaire qui devrait faire de l'hémisphère sud une zone dénucléarisée. Le Traité représente également, de facto, un traité d'interdiction complète des essais nucléaires en Afrique. Les Protocoles au Traité sur la zone dénucléarisée en Afrique prévoient aussi des garanties de sécurité globales contre l'emploi ou la menace de l'emploi des armes nucléaires. Ces dispositions devraient inciter à poursuivre les efforts visant à ce que de telles garanties soient appliquées à tous les Etats non dotés de l'arme nucléaire qui ont renoncé à l'option nucléaire. La zone dénucléarisée en Afrique sera aussi une zone exempte de déchets nucléaires. M. Zahran s'est dit persuadé que le continent africain ne sera plus utilisé comme une décharge à bon marché pour les déchets nucléaires.

La création d'une zone dénucléarisée en Afrique prouve à quel point le monde en développement est attaché à la cause du

désarmement nucléaire mondial. Toutefois, a poursuivi M. Zahran, la responsabilité primordiale, pour ce qui de débarrasser le monde une fois pour toutes de toutes les armes nucléaires, n'incombe pas uniquement à ceux qui ne possèdent pas de telles armes. Les Etats nucléaires, ainsi que les Etats du seuil, doivent s'engager, entièrement et sans ambiguïté, à éliminer toutes les armes nucléaires dans un cadre bien défini dans le temps. A cet égard, la Conférence du désarmement doit rapidement inscrire à son ordre du jour la question du désarmement nucléaire et créer un comité spécial à cette fin. Le comité spécial commencerait ses travaux immédiatement après la conclusion des négociations sur le traité d'interdiction complète des essais. Rappelant que l'Egypte a, depuis 1964, présenté à l'Assemblée générale une résolution en faveur de la création d'une zone dénucléarisée au Moyen-Orient, M. Zahran a indiqué que le Président Moubarak a proposé, dès 1990, de proclamer une zone exempte d'armes de destruction massive dans la même région. Aussi l'Egypte en appelle à Israël pour qu'il coopère dans ce sens et le prie instamment d'adhérer au Traité sur la non-prolifération nucléaire et de soumettre ses installations nucléaires aux garanties complètes de l'AIEA.

M. NEVEN MADEY (Croatie) a déclaré que l'engagement de la Croatie en faveur du désarmement a été renforcé par sa propre expérience de l'agression, de la tragédie humaine, des souffrances et de la destruction que peuvent engendrer les armes et la guerre. Un traité d'interdiction des essais, complet et effectivement vérifiable, contribuerait dans une large mesure au

désarmement nucléaire et à la prévention de la prolifération des armes nucléaires. La conclusion du traité, attendue pour la fin du mois de juin et considérée comme une tâche hautement prioritaire, doit se négocier de telle sorte que la signature du document ait lieu dès le début de l'Assemblée générale des Nations Unies. Ceci ne sera pas le dernier mot sur la question du désarmement nucléaire qui demeure, bien entendu, l'objectif le plus important. Dans cette attente, la Croatie souligne le risque auquel serait exposé le régime de vérification du traité si le concept d'«explosion pacifique» venait à être retenu. Aussi les autorités croates sont-elles en faveur de l'option zéro dès maintenant et à tout jamais.

En ce qui concerne le siège de la future organisation, la Croatie soutient la candidature de Vienne, estimant que le secrétariat technique et le système de contrôle international pourraient profiter des services existants de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

La Croatie a participé aux travaux de la récente Conférence d'examen de la Convention sur certaines armes classiques. Il faut regretter qu'en temps de paix, des millions de mines antipersonnel continuent de causer des victimes parmi les civils et les militaires en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Compte tenu de ce grave problème, la Croatie a déclaré un moratoire sur l'emploi, la production, le stockage, l'importation et l'exportation des pièges mines antipersonnel et mines antipersonnel placées à distance.

S'agissant de la composition de la Conférence du désarmement, la Croatie partage la frustration des trente six pays qui ont demandé à être membres de la Conférence mais n'ont pas été retenus sur la liste de 23 pays devant être admis. C'est le cas de la République slovaque, qui revendique légitimement sa place

et de ceux qui figurent déjà dans la «liste O'Sullivan», dont la contribution à la Conférence permettrait de redresser les déséquilibres actuels. Il faut une place de membre à des pays comme la Croatie et le reste du «groupe des treize».

M. GRIGORI BERDENNIKOV (Fédération de Russie) a présenté un document au nom de la France et de son propre pays, contenant le texte de la déclaration sur un traité d'interdiction complète des essais nucléaires faite le 20 avril dernier au Sommet du G8 à Moscou sur les questions de sécurité nucléaire. Les deux pays réaffirment par ce texte leur volonté de conclure et de signer un traité d'interdiction complète des essais nucléaires avant la fin du mois de septembre 1996. Ils sont également convenus que le traité doit interdire toute explosion expérimentale d'armes nucléaires que ce soit ou tout autre explosion nucléaire.

M. Berdennikov a par ailleurs déclaré que le Sommet de Moscou du G8 et les résultats de la visite effectuée par le Président de la Fédération de Russie en République populaire de Chine augurent bien du succès des

négociations sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires dans un avenir proche. La Russie s'est toujours prononcée contre l'inclusion de dispositions établissant des seuils en matière d'explosions expérimentales. Toute explosion expérimentale d'armes nucléaires doit être interdite à tout jamais. Il a invité les délégations qui ne l'ont pas encore fait à souscrire à cette approche.

Toutefois, une diminution de la fiabilité et de la sécurité de ses principales armes nucléaires pourrait constituer une menace à la sécurité nationale de la Russie. En attendant l'élimination complète des armes nucléaires, qui demeure son objectif ultime, la Russie devra, dans ces conditions, mener des activités tendant à maintenir son stock d'armes nucléaires, y compris dans les sites d'essais, sans toutefois être en contravention avec les dispositions du futur traité. En outre, si les intérêts supérieurs de la Russie étaient en jeu, elle se prévaudrait de son droit de se retirer du traité afin de mener les essais nécessaires s'il s'avérait qu'aucune autre possibilité s'offrait à elle en vue de maintenir un niveau de fiabilité et de sécurité élevé pour ses principales armes nucléaires.

M. BERNARD GOONETILLEKE (Sri Lanka) a fait valoir que si les progrès réalisés jusqu'à présent dans les négociations sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, sont satisfaisants, il n'en demeure pas moins que beaucoup reste à faire en peu de temps. En effet, si la Conférence souhaite atteindre son but à la date du 28 juin, il faut qu'elle accélère son rythme. Il faut aussi accorder les vues sur des questions telles que la portée, le préambule, la composition du conseil exécutif, le secrétariat technique, le centre de données, le régime d'inspection sur place et l'entrée en vigueur. Il y a d'autres questions d'ordre général qui n'ont pas encore été examinées de façon exhaustive. Ces questions, de caractère politique et technique, sont d'une importance vitale pour le traité et de ce fait, la Conférence se trouve à un stade critique.

Le Sri Lanka est d'avis qu'il convient d'accélérer le rythme des travaux et que le Président du Comité spécial sur l'interdiction des essais nucléaires doit prendre les mesures nécessaires pour surmonter les derniers obstacles. Le Sri Lanka est persuadé que, si le Comité spécial travaillait à un rythme accéléré et était

animé d'une volonté plus déterminée, il serait en mesure de compléter ses négociations à temps et de présenter le projet du traité d'interdiction complète des essais de façon à ce qu'il puisse être adopté par l'Assemblée générale à sa prochaine session.

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