En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/22668

Si nous pointons du doigt l’héritage empoisonné de l’esclavage et du colonialisme, ce n’est pas pour semer la division, mais pour soigner les blessures du passé, précise le Secrétaire général

On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion du dialogue politique de haut niveau organisé dans le cadre du Cycle de conférences sur l’Afrique, à New York, aujourd’hui:

Le dialogue de cette année a pour thème « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine grâce aux réparations ». 

C’est également le thème retenu par l’Union africaine pour 2025, comme il a déjà été dit.

Cet appel prend de l’ampleur dans le monde entier, de Freetown à Bridgetown.

Cela n’a rien d’étonnant.

L’énergie et le potentiel du continent africain sont sans limites. 

Mais pendant trop longtemps, les immenses injustices engendrées par l’esclavage, la traite transatlantique des esclaves et le colonialisme n’ont pas été reconnues ni prises en compte. 

Je regrette profondément que ces injustices aient été commises par de nombreux pays, dont le mien.

Elles continuent de nos jours à peser sur le monde. 

La décolonisation n’a pas libéré les pays africains, ni les personnes d’ascendance africaine, des structures et des préjugés qui ont rendu ces projets possibles. 

Lorsque les pays africains ont accédé à l’indépendance, ils ont hérité d’un système conçu pour servir d’autres qu’eux. 

Le modèle économique hérité et des années de négligence en matière d’investissements sociaux et institutionnels pendant l’ère coloniale ont créé des problèmes durables qui ont façonné la réalité de l’après-indépendance. 

Les structures fondées sur l’exploitation ont persisté. 

Le racisme aussi. 

L’ombre du colonialisme plane sur nombre des conflits et difficultés de gouvernance que connaît le continent de nos jours. 

De nombreux pays d’Afrique étaient sous domination coloniale lorsque les institutions multilatérales actuelles ont été créées. 

Cette injustice est toujours visible aujourd’hui. 

Si nous pointons du doigt l’héritage empoisonné de l’esclavage et du colonialisme, ce n’est pas pour semer la division, mais pour soigner les blessures du passé. 

Les cadres de justice réparatrice sont essentiels – pour réparer les torts historiques, relever les défis d’aujourd’hui et garantir les droits et la dignité de toutes et tous. 

Ces cadres englobent un large éventail de mesures. 

Nous avons besoin d’une stratégie globale, développée avec la pleine participation des populations affectées, pour faire appliquer le principe de responsabilité et assurer l’octroi de réparations. 

Nous devons nous montrer lucides: il est vain de vouloir réparer les erreurs du passé sans s’attaquer aussi à leurs répercussions actuelles:

Du racisme à l’extraction des ressources africaines, en passant par les injustices ancrées dans les structures, les institutions et la gouvernance mondiale. 

C’est dans un esprit d’honnêteté et de justice que nous pourrons transformer les séquelles de l’esclavage et du colonialisme en partenariats fondés sur l’égalité et le respect. 

Des partenariats qui garantissent que les pays africains occupent la place qui leur revient dans le processus décisionnel mondial… 

Qui permettent de répondre aux priorités des pays d’Afrique et des Caraïbes, et des personnes d’ascendance africaine…

Et qui contribuent à faire en sorte que tous les Africains –et la diaspora africaine– aient la possibilité de prospérer. 

Nous devons tout faire pour que la deuxième Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine aboutisse à une justice réparatrice, à l’égalité des droits et à la réalisation de la Déclaration de Durban – le plan mondial de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. 

Nous vivons, certes, des temps agités:

Des temps où se dressent des barrières commerciales…

Où l’aide vitale fait l’objet de coupes sombres…

Et où la coopération internationale elle-même est remise en question. 

Il n’en demeure pas moins que la justice pour l’Afrique, pour les Caraïbes et pour toutes les personnes d’ascendance africaine nécessite une action et des partenariats mondiaux. 

Nous avons besoin de partenariats pour réformer la gouvernance mondiale. 

Le Pacte pour l’avenir, adopté l’année dernière, a permis certaines avancées.  Je remercie sincèrement les pays africains du soutien qu’ils ont apporté à l’adoption de ce texte ambitieux. 

Nous devons continuer d’œuvrer en faveur d’une représentation équitable au sein des institutions internationales, et notamment d’une représentation permanente de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU.

Nous avons besoin de partenariats pour la paix fondés sur les principes de la justice et du droit international, tels qu’ils sont énoncés dans la Charte des Nations Unies. 

La communauté internationale doit jouer son rôle – en prévenant les conflits et en y mettant fin, en atténuant leurs effets épouvantables et en garantissant la justice pour les victimes. 

Les Nations Unies ne relâcheront jamais leurs efforts en faveur de la paix sur le grand continent africain. 

Nous avons besoin de partenariats pour faire progresser le développement durable. 

Le Pacte pour l’avenir comprend des engagements importants: 

Promouvoir un plan de relance des objectifs de développement durable…

Repenser l’architecture financière internationale…

Et prendre des mesures concernant la dette, qui étouffe les économies et sape l’investissement dans de nombreux pays d’Afrique et des Caraïbes.

La prochaine Conférence sur le financement du développement, qui se tiendra à Séville, est une occasion importante de faire avancer ce dossier. 

Nous avons besoin d’engagements concrets à cet égard, en vue d’abaisser le coût de l’emprunt, de faciliter la restructuration de la dette et d’empêcher les crises de s’installer.

Nous poursuivrons l’action menée pour renforcer la capacité de prêt des banques multilatérales de développement, les rendre plus imposantes et plus audacieuses et leur donner les moyens de mobiliser bien plus de financements privés à un coût raisonnable au continent africain et aux Caraïbes.

Nous devons prendre des mesures pour stimuler le financement dans tous les domaines. 

Les pays développés doivent tenir leurs promesses en matière de dépenses de développement…

Les Gouvernements doivent accroître la mobilisation de ressources nationales… 

Et nous devons continuer d’œuvrer en faveur d’un régime fiscal mondial inclusif et efficace, qui permette de réduire l’évasion fiscale de manière significative et de lutter contre les flux financiers illicites et le blanchiment d’argent cela a un impact si dramatique sur le continent africain.

Enfin, nous avons besoin de partenariats pour la justice climatique.

Les pays africains ne sont pas à l’origine de la crise climatique.

Pourtant, les effets du réchauffement planétaire font des ravages sur tout le continent:

Ils aggravent la faim, poussent les populations à l’exil, fragilisent les économies, détruisent les moyens de subsistance et fauchent des vies.

Les Caraïbes sont elles aussi touchées de manière disproportionnée.

Il est grand temps de mettre fin à cette injustice:

Il faut que, parallèlement à des sources de financement innovantes, des contributions conséquentes soient versées au nouveau Fonds visant à faire face aux pertes et dommages.

Il faut que le financement de l’adaptation connaisse un véritable bond et, notamment, que les pays développés honorent l’engagement qu’ils ont pris de verser au moins 40 milliards de dollars par an – dès cette année.

Il faut également des investissements massifs dans les énergies propres.

L’Afrique concentre 60% des meilleures ressources solaires du monde et près d’un tiers des minéraux essentiels à la révolution des énergies renouvelables.

Pourtant, les installations présentes sur le continent ne représentent que 1,5% des capacités solaires mondiales.

Près de 600 millions de personnes sont toujours privées d’électricité.

Et les pays et les populations d’Afrique sont relégués au bas de la chaîne de valeur des minéraux critiques, tandis que d’autres tirent largement profit de ces ressources.

L’exploitation séculaire des ressources naturelles du continent, source de conflits et de misère, doit cesser.

Nous devons agir pour permettre à l’Afrique d’occuper la place qui lui revient, celle d’un leader mondial des énergies propres...

Pour stimuler les investissements et réduire les risques pour les investisseurs...

Et pour que les pays et les populations d’Afrique tirent le meilleur parti de leurs minéraux critiques.

Les nouveaux plans nationaux d’action pour le climat, ou contributions déterminées au niveau national, qui seront présentés cette année, doivent être conformes à l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius, surtout dans les pays qui sont les grands pollueurs.

Ces plans représentent une formidable occasion d’agir.

J’exhorte les dirigeants africains à ne pas la laisser passer.  Et à intégrer dans ces nouveaux plans des objectifs en matière de climat, d’énergie et de développement durable afin d’attirer les investissements.

Et j’exhorte les pays, les entreprises et toutes les parties intéressées à collaborer avec nous pour appliquer les recommandations formulées par le Groupe chargé de la question des minéraux critiques pour la transition énergétique – et ainsi faire en sorte que les droits humains, la justice et l’équité soient garantis tout au long de la chaîne de valeur, et que les pays d’Afrique soient les premiers à tirer parti de ces ressources.

Dans tous ces grands domaines, mobilisons-nous pour qu’aucune personne, aucun pays et aucun continent ne soit laissé de côté.

Et ensemble, faisons en sorte que justice soit rendue à l’Afrique et aux personnes d’ascendance africaine.

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