Pape François: le Secrétaire général espère que son deuil incite à se réengager en faveur de la paix, de la dignité humaine et de la justice sociale
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée à l’occasion de l’hommage rendu par l’Assemblée générale à la mémoire de Sa Sainteté le pape François, à New York, aujourd’hui:
Sa Sainteté le pape François était un homme de foi – et un bâtisseur de ponts entre toutes les religions.
Il s’était fait le champion des personnes les plus marginalisées sur Terre.
Il était une voix de solidarité dans un monde de clivages...
Une voix de compassion dans un monde de cruauté...
Une voix de paix dans un monde de guerre.
C’était aussi un grand ami de l’Organisation des Nations Unies et il s’était exprimé en 2015 devant les États Membres depuis cette même tribune.
Lors de cette visite historique, il avait évoqué l’idéal de notre Organisation, à savoir « une famille humaine unie, vivant en harmonie, travaillant non seulement pour la paix, mais dans la paix; travaillant non seulement pour la justice, mais dans un esprit de justice ».
Au nom de notre famille, celle des Nations Unies, j’adresse mes plus sincères condoléances à l’ensemble des catholiques et aux nombreuses autres personnes qui, partout dans le monde, souffrent de cette terrible perte.
Le pape François a été à la tête de l’Église catholique romaine pendant 12 ans, mais son pontificat a été précédé par des décennies de service et de bonnes œuvres.
Jeune homme, il a trouvé sa vocation dans les quartiers défavorisés de Buenos Aires, où son dévouement au service des pauvres lui a ensuite valu le titre « d’évêque des bidonvilles ».
Ces premières expériences ont renforcé sa conviction que la foi devait être un moteur d’action et de changement.
Restant fidèle à cette conviction, il a défendu sans relâche la cause de la justice sociale et de l’égalité.
Dans son encyclique de 2020, Fratelli Tutti, François a établi un lien direct entre la cupidité, d’une part, et la pauvreté, la faim, l’inégalité et la souffrance, d’autre part.
Tout en dénonçant les inégalités qui caractérisent notre économie mondialisée, il a également mis en garde contre ce qu’il appelait la « mondialisation de l’indifférence ».
Je n’oublierai jamais sa première visite officielle en tant que pape, à une époque où j’étais Haut-Commissaire pour les réfugiés.
En 2013, François avait choisi de se rendre sur l’île méditerranéenne de Lampedusa pour appeler l’attention du monde entier sur la situation désespérée des demandeurs d’asile et des migrants.
Il avait alors mis en garde contre « la culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres ».
L’année dernière, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, il a exhorté tous les pays à « accueillir, promouvoir, accompagner et intégrer ceux qui frappent à nos portes ».
Quand je l’ai rencontré au Vatican en 2019 en ma qualité de Secrétaire général, j’ai été frappé par son humanité et son humilité.
Il voyait toujours les problèmes à travers les yeux de celles et ceux qui sont relégués aux périphéries.
Il disait qu’il ne fallait jamais détourner le regard de l’injustice et de l’inégalité, ni fermer les yeux sur celles et ceux qui subissent les conséquences d’un conflit ou d’actes de violence.
Infatigable pèlerin de la paix, le pape François s’est rendu dans des pays déchirés par la guerre –de l’Iraq au Soudan du Sud, en passant par la République démocratique du Congo– pour dénoncer la violence et les affrontements sanglants et prôner la réconciliation.
Il défendait avec conviction les innocents qui se trouvent dans des zones de guerre, comme en Ukraine et dans la bande de Gaza.
Il le faisait depuis sa tribune, mais aussi à un niveau beaucoup plus personnel.
Tous les jours sans exception, à 19 heures précises, il se retirait pour appeler l’église de la Sainte-Famille, à Gaza.
L’un de ses interlocuteurs a raconté ces conversations: « François nous demandait: “comment allez-vous? Qu’avez-vous mangé? Avez-vous de l’eau? Y-a-t-il des blessés parmi vous?” Il ne le faisait pas pour des raisons diplomatiques ou par obligation. C’était le genre de questions qu’un père aurait posées. »
Et, dans son tout dernier message, le dimanche de Pâques, le pape François a souligné à quel point il était vital de mettre fin à tous ces conflits.
Jusqu’au bout, le pape François aura incarné l’appel à la justice – pour les peuples et pour la planète.
Grâce à son encyclique Laudato Si publiée en 2015, il a contribué à l’adoption de l’Accord de Paris en appelant les dirigeants à protéger « notre maison commune ».
Il a également mis en évidence les liens manifestes entre la dégradation de l’environnement et la dégradation de la condition humaine.
Le pape François comprenait que ceux qui avaient le moins contribué à la crise climatique en subissaient les conséquences les plus graves – et que nous avons le devoir spirituel et moral d’agir.
Dans ce monde de division et de discorde, le fait que le pape François ait proclamé 2025 année de l’espérance revêt une signification particulière.
Il aura été jusqu’au bout un messager de l’espérance.
Et c’est à nous qu’il revient maintenant de continuer de faire vivre cette espérance.
À ses funérailles, samedi, j’ai été profondément ému de voir des dirigeants de toutes confessions et toutes tendances politiques réunis dans la solidarité pour rendre hommage à la vie et à l’œuvre du pape François, dans un esprit d’unité et de réflexion solennelle rares dont nous avons plus que jamais besoin aujourd’hui.
Notre monde serait bien meilleur si nous suivions, dans nos propres paroles et actions, l’exemple d’unité, de compassion et de compréhension mutuelle qu’il a donné tout au long de sa vie.
Que ce deuil soit l’occasion de renouveler notre engagement en faveur de la paix, de la dignité humaine et de la justice sociale, causes pour lesquelles le pape François a consacré chaque instant d’une vie pour le moins extraordinaire.