Groupe des 77 et de la Chine: pour le Secrétaire général, 2025 doit être l’année où les promesses faites aux pays en développement seront tenues
On trouvera ci-après le discours du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion de la cérémonie de passation de la présidence du Groupe des 77 et de la Chine:
Je tiens à saluer l’Ouganda, qui a assuré la présidence du Groupe des 77 et de la Chine au cours de l’année écoulée. Et je félicite l’Iraq, qui prend les rênes de la présidence pour 2025. L’Iraq a été, il y a 60 ans, un membre fondateur du Groupe des 77.
Je me réjouis de l’ardeur avec laquelle le Groupe s’est employé à accélérer le soutien aux pays en développement, en particulier à l’approche de l’échéance fixée pour le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Cette ambition, qui touche au cœur de votre mission, est la raison d’être de votre groupe. Car vous êtes la voix de la justice pour les pays en développement. Vous, qui défendez l’égalité et œuvrez à l’élimination de la pauvreté et à la réalisation des objectifs de développement durable. Vous, qui appuyez sans relâche les réformes que nous portons pour faire avancer la parité des genres, obtenir des résultats au niveau des pays et être plus efficaces dans notre action. Vous, qui proposez sans cesse des idées pour revitaliser les organes principaux de l’Organisation des Nations Unies – y compris les Commissions de l’Assemblée générale et le Conseil économique et social. Vous, enfin, qui entretenez en toutes circonstances la flamme du multilatéralisme.
De Gaza et du Moyen-Orient en général au Sahel, en passant par l’Ukraine et au-delà, nous traversons une période de conflits et de violences aux effets dévastateurs. Une période de catastrophes climatiques, qui exposent nombre de vos pays à des vagues de chaleur meurtrières, à la fonte des glaciers, à des sécheresses, à l’élévation du niveau de la mer, aux inondations et aux tempêtes, tout en réduisant les maigres marges d’action budgétaires et les acquis en matière de développement. Une période de grande incertitude pour les objectifs de développement durable – et pour le sort de millions de personnes à travers le monde. Une période marquée par une fracture numérique toujours plus béante, et des avancées technologiques si rapides qu’elles menacent notre capacité à les mettre au service du bien-être de l’humanité. Une période, enfin, de méfiance et de divisions profondes, qui s’enracinent toujours davantage.
C’est dans vos pays que les effets de ces crises se ressentent le plus durement. Or, c’est en grande partie grâce à vos efforts inlassables qu’une lueur d’espoir a jailli du Sommet de l’avenir, en septembre. L’adoption du Pacte pour l’avenir à l’issue du Sommet témoigne qu’un nouvel élan de solidarité entre les pays peut se former. Tout comme le Pacte numérique mondial et la Déclaration sur les générations futures, le Pacte pour l’avenir est la preuve tangible que les pays peuvent se mobiliser pour le changement.
Il ne s’agit pas ici que de simples accords de forme. Ces accords portent en eux la promesse d’une union possible entre les pays en vue de repenser un système multilatéral et de le mettre au service de tous les peuples et de tous les pays. Ces accords traduisent la prise de conscience au niveau mondial du fait que, pendant trop longtemps et à bien trop d’égards, les pays en développement ont été lésés. Lésés en matière de financement: le développement de ces pays est sans cesse retardé par le manque de financements adaptés et abordables ainsi que par les cycles interminables de remboursement de la dette. Lésés en matière de climat : ces pays se voient refuser les ressources dont ils ont besoin pour être plus résilients et éviter une catastrophe climatique qu’ils n’ont guère contribué à provoquer. Lésés, enfin, car peu représentés dans les grandes instances de décision – qu’il s’agisse de l’architecture financière internationale, de la gouvernance en matière de technologies de pointe, ou même du Conseil de sécurité de l’ONU.
Devant ce faisceau d’adversités, nous ne pouvons que nous rappeler les décennies, voire les siècles, d’injustice, de violence et de coercition qui ont frappé nombre de vos pays. Le spectre du colonialisme, de l’esclavage et de l’extraction débridée des ressources reste lancinant aujourd’hui. L’architecture multilatérale, échafaudée en 1945 pour consolider la paix, octroyer des financements et régir les relations internationales, se montre hélas inopérante pour régler les crises du monde actuel. Elle ne parvient pas à apporter le niveau de soutien suffisant que vos pays requièrent et qu’ils méritent. Plus fondamentalement, elle vous empêche de faire entendre votre voix et d’être pris en considération sur un pied d’égalité dans les décisions stratégiques.
Le Pacte comporte des engagements clairs visant à élargir la représentation au Conseil de sécurité et à réformer l’architecture financière internationale ; ce sont là de bons exemples d’engagements pris au niveau mondial pour moderniser nos institutions et faire en sorte qu’elles correspondent mieux aux réalités d’aujourd’hui, et qu’elles puissent plus efficacement répondre aux défis contemporains.
Je félicite votre groupe de pays –tant individuellement que collectivement– de pousser pour un maximum d’ambition et de justice pour toutes et tous. En ce début d’année, continuons d’œuvrer sans relâche afin d’honorer les engagements inscrits dans le Pacte.
Dans le courant de la semaine, je prononcerai un discours sur les priorités de l’année à venir. Force est de constater que 2025 doit être l’année où les promesses faites aux pays en développement seront tenues. Nous devons intensifier nos efforts pour faire des objectifs de développement durable une réalité pour toutes et tous, partout. Nous devons éradiquer la pauvreté et la faim, transformer l’éducation et créer des emplois, ainsi que fournir un accès équitable et abordable à l’énergie, à la technologie, au financement et aux marchés – autant d’éléments essentiels à la prospérité des pays en développement. Nous devons permettre aux pays en développement d’accéder aux ressources financières dont ils ont besoin pour stimuler leur développement.
Il nous faut des banques multilatérales de développement plus grandes, plus audacieuses et plus performantes, qui soient aptes à offrir aux pays dans le besoin bien davantage de prêts à conditions favorables. Il nous faut des mesures préventives pour aider les pays surendettés ou au bord du surendettement, afin qu’ils puissent se recentrer sur l’investissement dans les objectifs de développement durable. Il nous faut une architecture de règlement de la dette qui fonctionne plus rapidement et plus efficacement dans l’intérêt des pays en crise. Il nous faut un système commercial multilatéral ouvert, prévisible et inclusif, qui puisse aider les pays en développement à se raccrocher aux chaînes de valeur mondiales, à faire naître la prospérité et à lutter contre la pauvreté.
Le monde doit également tenir ses promesses en matière de climat. En ne ménageant aucun effort pour préserver l’objectif de 1,5 degré Celsius au moyen d’une réduction des émissions mondiales de 9 % par an jusqu’en 2030. En opérant une transition juste des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. Et en proposant, d’ici à la COP30, de nouveaux plans d’action nationaux pour le climat couvrant l’ensemble de l’économie, qui soient en phase avec l’objectif de 1,5 degré Celsius. Ce sont les plus gros pays –à savoir, le Groupe des 20– qui doivent mener la charge.
Il incombe néanmoins à tous les pays de rehausser leurs ambitions, conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées et selon leurs capacités respectives. Un élan de soutien doit se diriger vers les pays en développement pour les aider à s’adapter aux changements climatiques et à protéger leur population de leurs effets mortels. Les pays développés doivent honorer leurs engagements en matière de financement de l’action climatique, notamment en doublant le financement de l’adaptation pour qu’il atteigne au moins 40 milliards de dollars par an. Les banques multilatérales de développement doivent veiller à octroyer des financements à des conditions favorables là où ils sont le plus nécessaires, compte tenu des vulnérabilités structurelles qui vous sont propres.
Il est grand temps de remédier aux injustices de la transition énergétique. Par exemple, il est inconcevable que l’Afrique abrite 60 % des meilleures ressources solaires au monde, mais ne comptabilise que 2 % des investissements mondiaux dans l’énergie solaire. Nous devons garantir que les pays en développement soient les premiers à bénéficier des ressources minérales précieuses qu’ils détiennent, en maximisant leur participation aux chaînes de valeur. Enfin, le monde doit honorer la promesse de mettre en place des garde-fous efficaces pour les technologies émergentes.
Le Pacte numérique mondial comprend le premier accord véritablement universel sur la gouvernance de l’intelligence artificielle qui donne voix au chapitre à tous les pays. Nous devons veiller à ce que tous les peuples bénéficient des promesses et du potentiel de l’IA de contribuer au développement généralisé et au progrès social et économique.
Alors que nous nous apprêtons à relever les grands défis de l’année, vous pouvez compter sur mon soutien continu au Groupe des 77 et de la Chine. Continuons à lutter pour la justice.
Faisons de 2025 l’année où les promesses faites seront tenues.