En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/22304

Éducation: face aux progrès « beaucoup trop lents et inégaux », le Secrétaire général demande un financement solide et un soutien aux enseignants

La déclaration suivante a été faite, aujourd’hui, par le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres:

Près de deux ans se sont écoulés depuis la tenue du Sommet sur la transformation de l’éducation à New York.  Depuis, les inégalités se sont accentuées dans le monde.  L’action climatique est plus que jamais urgente.  De plus en plus, les nouvelles technologies ont des effets perturbateurs.  La guerre et la violence sont malheureusement toujours plus présentes.

Et pendant ce temps, la crise mondiale de l’éducation –sujet central du Sommet qui nous a réunis– ne semble guère en passe de s’apaiser.  Nous devons nous attaquer à cette crise de manière totalement différente, sans quoi il ne nous sera pas possible de façonner un monde plus pacifique, plus durable et plus juste. 

En effet, l’éducation ne se résume pas à des connaissances et à des compétences. L’éducation, c’est l’avenir.  L’avenir des enfants et des jeunes.  L’avenir des pays.  L’avenir de notre planète, naturellement généreuse.  L’avenir de la technologie, et la question de savoir si elle est utile ou nuisible à l’humanité.  L’avenir de nos relations mutuelles. 

L’éducation n’est pas seulement une question d’apprentissage. L’éducation consiste à apprendre à apprendre aussi.

Elle s’étend au-delà d’une matière ou d’une salle de classe, jusqu’au caractère même des sociétés.  Chaque pays devrait tout faire pour créer de véritables sociétés de l’apprentissage, fondées sur des systèmes qui offrent des possibilités d’apprendre tout au long de la vie, de l’enfance à l’âge adulte.

Compte tenu des enjeux, le monde ne peut se permettre de négliger l’éducation. Or, à presque tous les égards, c’est exactement ce que nous faisons. 

En 2030, quelque 84 millions d’enfants pourraient ne toujours pas être scolarisés. Le taux d’achèvement des études secondaires augmente, mais à un rythme extrêmement lent.  Il ne suffit pas d’augmenter le nombre d’élèves dans les salles de classe. 

Nous devons nous attaquer aussi au problème de la qualité.  Par exemple, il est vraiment choquant qu’environ 70% des enfants d’Afrique subsaharienne soient incapables de lire un texte simple à l’âge de 10 ans. 

Les systèmes éducatifs peinent encore à combler les lacunes en matière d’apprentissage et d’assiduité causées par la pandémie de COVID-19, qui a entraîné un nombre historique de fermetures d’écoles et de pertes d’apprentissage pour toute une génération d’élèves - une crise qui perdure encore aujourd’hui.

Dans le même temps, les systèmes éducatifs ne dotent pas les apprenants des compétences dont ils ont besoin pour s’épanouir dans un monde qui évolue rapidement. L’éducation de la petite enfance, la formation professionnelle et l’apprentissage des adultes sont considérés comme facultatifs alors qu’il s’agit de moyens éprouvés et essentiels de se former tout au long de la vie. 

À chaque étape de cette crise, nous nous heurtons à un problème de financement. L’année dernière, l’UNESCO a déterminé qu’un montant vertigineux de 100 milliards de dollars par an était nécessaire pour que les pays en développement puissent atteindre l’objectif de développement durable no 4, comme on vient de le mentionner.  À l’échelle mondiale, 4 personnes sur 10 vivent dans des pays dont les gouvernements consacrent davantage de ressources au service de la dette qu’à l’éducation ou à la santé. 

Lors du Sommet sur la transformation de l’éducation, plus de 140 pays ont présenté des engagements nationaux ambitieux pour surmonter cette crise. 

Les partenaires internationaux se sont rassemblés autour d’une série d’initiatives particulières, et de nouveaux progrès inspirants ont été réalisés à l’issue du bilan du sommet du mois dernier.  Mais soyons clairs: les progrès sont beaucoup trop lents et inégaux. 

Tel est le principal message de la réunion-bilan du Sommet, organisée le mois dernier par l’UNESCO et le Président du Chili.  Il faut changer les choses.

Aujourd’hui, alors que nous préparons le Sommet de l’avenir qui aura lieu en septembre, la Réunion mondiale sur l’éducation qui se tiendra en novembre et les sommets majeurs pour le développement social et le financement du développement prévus pour l’année prochaine, je propose un plan en quatre points pour mettre fin à la crise mondiale de l’éducation.

Premièrement, nous devons combler le déficit de financement.  Les dirigeantes et dirigeants doivent atteindre, et si possible dépasser, l’objectif fixé à l’échelle internationale consistant à consacrer 15% du revenu national et 4% du PIB à l’éducation.  [Rien qu’en Afrique, selon les estimations, une meilleure fiscalité et des dépenses publiques plus efficaces pourraient permettre de réaliser plus de 115 milliards de dollars de recettes.]

Mais les pays en développement ne peuvent y parvenir seuls.  Les donateurs doivent accroître les ressources qu’ils allouent aux activités de développement liées à l’éducation, notamment dans le cadre de la reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement de la Banque mondiale. 

Le Fonds monétaire international et les autres banques multilatérales de développement devraient protéger les dépenses consacrées à l’éducation dans les pays en situation de surendettement.  Les partenaires internationaux doivent accélérer la mise en œuvre du plan de relance des objectifs de développement durable afin de débloquer les 500 milliards de dollars de financement annuels nécessaires. 

Une réforme de l’architecture financière mondiale s’impose si l’on veut que les pays en développement puissent accéder à un financement suffisant pour atteindre leurs objectifs de développement, notamment dans le domaine de l’éducation. 

Deuxièmement, nous devons garantir l’accès.  Qu’ils se trouvent dans des zones de guerre ou des zones sinistrées.  Qu’ils soient migrants ou réfugiés, ou qu’ils vivent dans des communautés pauvres et mal desservies.  Qu’il s’agisse de filles, de personnes en situation de handicap ou issues d’autres groupes marginalisés. 

Ou encore de victimes de décrets contre-productifs, comme ceux qui, en Afghanistan, interdisent aux jeunes femmes d’accéder à l’enseignement secondaire et supérieur.  Ou bien d’enfants attaqués directement dans les écoles elles-mêmes – un fait choquant et bien trop courant qui ne doit jamais se produire, où que ce soit...

Tous les enfants et tous les jeunes méritent de recevoir une éducation.  Nous devons investir pleinement dans des programmes, dans des environnements sûrs et dans des infrastructures éducatives qui permettent à tous les enfants d’acquérir les connaissances et les compétences dont ils ont besoin et qu’ils méritent.  Où qu’ils vivent.  Quels qu’ils soient. 

Troisièmement, nous devons soutenir les femmes et les hommes qui sont en première ligne: les enseignants.  Nous faisons face à une terrible pénurie: il manque 44 millions d’enseignants dans le monde. Des millions d’autres ne bénéficient pas du soutien, des outils et de la formation continue dont ils ont besoin.

À la suite du Sommet sur la transformation de l’éducation, le Groupe de haut niveau sur la profession enseignante a formulé des recommandations concrètes visant à garantir que chaque personne apprenante ait accès à un enseignement dispensé par des personnes qui soient dûment formées, qualifiées et bien épaulées.

Je salue l’action menée par l’UNESCO et l’OIT afin de transformer ces recommandations en nouvelles normes mondiales sur la condition du personnel enseignant. Je demande à tous les pays, aux syndicats de l’enseignement et aux partenaires d’unir leurs forces afin que ces recommandations soient mises en pratique dans les salles de classe du monde entier.

Quatrièmement, il est temps de transformer les systèmes éducatifs de fond en comble.  En se libérant des structures qui limitent l’éducation aux seuls enfants et jeunes gens.  En cultivant le développement et la curiosité de chaque élève, quel que soit son âge.  Et en mettant fin à la dépendance excessive à l’égard des examens et de l’apprentissage par cœur.

Pour cela, nous devons repenser le contenu des programmes – en mettant l’accent sur l’esprit critique des élèves et leur capacité à résoudre des problèmes, ainsi que les compétences dans les technologies vertes et numériques.

Nous devons repenser le mode d’apprentissage des élèves – notamment en tirant parti du numérique pour enrichir l’apprentissage et l’enseignement et faciliter l’accès des élèves dans les zones éloignées ou inaccessibles.  Et nous devons enfin repenser l’organisation des temps d’apprentissage – en remodelant les systèmes éducatifs afin que chaque personne puisse apprendre et se réorienter tout au long de sa vie. 

L’éducation est le meilleur investissement qu’un pays puisse faire.  Dans sa population et dans son avenir.  Joignons donc le geste à la parole.  Unissons nos efforts pour mettre fin à la crise mondiale de l’éducation.  Maintenons l’éducation au cœur de l’agenda mondial, y compris lors du Sommet de l’avenir en septembre.

Trouvons des solutions et des moyens d’investir afin que chaque pays puisse édifier de véritables sociétés apprenantes.  Aidons chaque personne, de tout âge, à réaliser ses rêves et ses ambitions et à cultiver ses talents tout au long de sa vie.

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