En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/22280

Le Secrétaire général invite le Conseil de sécurité à intégrer les considérations relatives au cyberespace dans son travail

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution prononcée, aujourd’hui, par le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors débat de haut niveau du Conseil de sécurité, intitulé « maintien de la paix et de la sécurité internationales: faire face à l’évolution des menaces dans le cyberespace »:

Je remercie la République de Corée d’avoir organisé ce débat de haut niveau sur une question qui nous concerne toutes et tous, à savoir la paix et la sécurité dans le cyberespace. 

Des technologies de l’information et des communications à l’informatique en nuage, en passant par la chaîne de blocs, les réseaux 5G, les technologies quantiques et bien d’autres innovations encore : les percées dans les technologies numériques se produisent à une vitesse fulgurante. 

Les avancées numériques révolutionnent les économies et les sociétés.  Elles rassemblent les individus. Elles permettent de diffuser informations, nouvelles et connaissances et de s’instruire, sur simple commande tactile, ou d’un clic de souris.  Elles offrent aux citoyennes et citoyens l’accès aux services et aux institutions de l’État, et elles dynamisent les économies, le commerce et l’inclusion financière. 

Toutefois, de par sa qualité même, la connectivité fluide et instantanée qui fait du cyberespace une source d’avantages considérables peut aussi rendre les individus et les institutions, voire des pays entiers, profondément vulnérables.  En outre, les dangers de voir les technologies numériques instrumentalisées à des fins hostiles s’accroissent d’année en année. 

Le cyberespace a ouvert de part en part des portes que tout un chacun peut franchir. Et c’est ce que beaucoup font.  Les activités malveillantes dans le cyberespace, en augmentation, sont le fait d’acteurs aussi bien étatiques que non étatiques, tout comme de criminels proprement dits. 

Les cyberincidents graves sont d’une fréquence inquiétante.  Aux attaques portées aux services publics essentiels tels que les soins de santé, les services bancaires et les télécommunications, aux activités illicites incessantes, menées notamment par des organisations criminelles et des « cybermercenaires », à la légion de marchands de haine qui polluent les autoroutes de l’information, y semant la peur et la discorde, et à l’utilisation croissante du cyberespace comme une nouvelle arme dans les conflits armés qui font rage, s’ajoute la présence d’« hacktivistes » civils qui, très souvent, brouillent la distinction entre combattants et civils.  L’intégration croissante des outils numériques dans les systèmes d’armes, y compris les systèmes autonomes, est source de vulnérabilités inédites. 

Dans le même temps, les détournements de la technologie numérique deviennent de plus en plus complexes et sournois.  Les logiciels malveillants, les « wipers » et les chevaux de Troie prolifèrent.  Les cyberopérations assistées par intelligence artificielle démultiplient la menace, et l’informatique quantique pourrait détruire des systèmes entiers par sa capacité de court-circuiter le chiffrement des données. Les vulnérabilités des logiciels sont exploitées, des moyens de cyberintrusion étant même vendus en ligne. 

Les chaînes d’approvisionnement des entreprises sont activement ciblées par des pirates informatiques, avec les graves perturbations en cascade que cela entraîne.  Les rançongiciels sont un terrible exemple à cet égard en ce qu’ils représentent une menace considérable pour les institutions tant publiques que privées et pour les infrastructures essentielles dont elles dépendent. Selon certaines estimations, en 2023, le total des sommes versées à de tels logiciels en guise de rançon s’élevait à 1,1 milliard de dollars.

Cependant, le coût financier n’est rien par rapport au coup porté à notre paix, à notre sécurité et à notre stabilité communes, tant au sein des pays qu’entre eux.  Les activités malveillantes qui sapent les institutions publiques, les opérations électorales et l’intégrité en ligne minent la confiance, alimentent les tensions et vont jusqu’à semer la violence et le conflit. 

La technologie numérique offre une occasion extraordinaire d’édifier un avenir juste, plus équitable, durable et pacifique pour toutes et tous.  Mais les avancées doivent être mises au service du bien. 

Le Nouvel Agenda pour la paix place la prévention au cœur de l’action pour la paix.  Il y est prôné l’élaboration de cadres robustes conformes au droit international, aux droits humains et à la Charte des Nations Unies, et tous les États y sont exhortés à œuvrer activement pour empêcher l’expansion et l’escalade des conflits se déroulant dans le cyberespace ou par l’intermédiaire de celui-ci.  Comme je l’ai indiqué dans ma nouvelle vision pour l’état de droit, ce dernier est indispensable dans le domaine numérique comme dans le monde physique. 

Je salue par ailleurs l’Assemblée générale, qui a montré qu’elle était déterminée à agir dans ce domaine. À cet égard, on peut notamment citer son groupe de travail à composition non limitée consacré à la sécurité du numérique. 

Les États s’appuient sur le cadre normatif de comportement responsable qui leur est applicable dans l’utilisation de ces technologies, cadre qui a été entériné à l’unanimité.  En outre, ils examinent activement la question de l’applicabilité du droit international aux activités qu’ils mènent dans ce domaine. 

Également sous les auspices de l’Assemblée générale, les États Membres œuvrent en vue de parvenir, dans les mois à venir, à un consensus sur un nouveau traité portant sur la cybercriminalité, ce qui devrait permettre de renforcer la coopération tout en protégeant les droits humains en ligne. 

Cependant, compte tenu des liens évidents qui existent entre le cyberespace et la paix et la sécurité mondiales, ce Conseil peut également jouer un rôle majeur en intégrant les considérations relatives au cyberespace dans ses axes de travail et ses résolutions. 

Ceci n’est que la deuxième séance officielle que le Conseil de sécurité tient sur la question. Pourtant, le cyberespace influence ou touche un nombre considérable de questions examinées autour de cette table, notamment la protection des civils en période de conflit armé, les opérations de paix, la lutte contre le terrorisme, ou encore les opérations humanitaires.  En intégrant cette question à vos délibérations, vous pourriez jeter les bases d’une action plus efficace dans cet important domaine. 

Pour garantir la paix et la sécurité dans le monde physique, nous avons besoin de nouvelles approches sur la paix et la sécurité dans le monde numérique.  Le Sommet de l’avenir qui se tiendra en septembre est une occasion vitale de renforcer la coopération sur des défis mondiaux essentiels et de revitaliser le système multilatéral. 

Le Pacte qui résultera du Sommet représente une chance unique de soutenir le maintien de la paix et la sécurité internationales dans le cyberespace. Entre autres priorités, le chapitre 2 du Pacte vise à réaffirmer un consensus mondial pour protéger les infrastructures critiques contre les pratiques numériques nuisibles, et renforcer la responsabilité de chacun concernant les technologies basées sur l’exploitation des données – y compris l’intelligence artificielle. 

Pendant ce temps, mon Comité consultatif de haut niveau sur l'intelligence artificielle finalise son Rapport sur la manière dont nous pouvons gouverner l'intelligence artificielle pour l'humanité – en tenant pleinement compte des risques et incertitudes. 

Je me réjouis de travailler avec ce Conseil, l'Assemblée générale et l’ensemble des États membres afin de faire en sorte que la technologie soit utilisée comme elle se doit : pour œuvrer au progrès et à la sécurité de toutes et tous, et de la planète que nous partageons. 

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