Le Secrétaire général articule le renforcement de la lutte contre le terrorisme autour de quatre axes: la Stratégie mondiale, la prévention, les droits humains et le financement
On trouvera, ci-après, le texte du discours du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcé à l’occasion de la troisième Conférence de haut niveau des Nations Unies réunissant les chefs d’organismes antiterroristes des États Membres, à New York, aujourd’hui:
Bienvenue à l’Organisation des Nations Unies et merci d’être ici. Vous êtes en première ligne d’une action mondiale de grande envergure.
Aucune région du monde n’est épargnée par le terrorisme. Ce phénomène se nourrit des vulnérabilités locales et nationales et de l’instabilité des systèmes politiques, économiques et de sécurité.
La pauvreté, les inégalités et l’exclusion sociale alimentent ce fléau. Les préjugés et la discrimination visant certains groupes et certaines cultures, religions et ethnies attisent la flamme du terrorisme. Le terrorisme puise son financement dans des activités criminelles telles que le blanchiment d’argent, l’exploitation minière illégale et le trafic d’armes, de stupéfiants, d’antiquités et d’êtres humains.
Le terrorisme s’ourdit au sein des crises complexes qui nous submergent. La crise alimentaire et énergétique. Le brasier infernal des changements climatiques, qui intensifie la concurrence pour des ressources limitées et force les populations à se déraciner. Le cyberespace, où les préjugés, la discrimination, la misogynie, les clivages sociétaux et la haine pure et simple sont omniprésents.
Chaque année, le terrorisme fait vaciller les remparts que nous avons érigés au fil des décennies. Les droits humains, le droit humanitaire et le droit des réfugiés – ainsi que la Charte des Nations Unies elle-même – sont foulés au pied en toute impunité.
Cette situation pèse lourdement sur les personnes les plus vulnérables, notamment les femmes et les jeunes filles, qui sont victimes d’intimidations et de violence sexuelle et fondée sur le genre dans les communautés touchées par le terrorisme.
En dépit des nets progrès que nous avons enregistrés au fil des ans, le terrorisme et l’extrémisme violent continuent de s’enraciner et de se développer. Des groupes affiliés à Al-Qaida et Daech en Afrique gagnent rapidement du terrain dans des régions comme le Sahel et se dirigent vers le sud en direction du golfe de Guinée. Dans un certain nombre de pays, les mouvements néonazis et suprémacistes blancs deviennent vite les principales menaces pour la sécurité intérieure. Et l’héritage brutal de Daech en Iraq et en Syrie continue d’enténébrer des dizaines de milliers de vies.
Comme la présente conférence nous le rappelle, lorsqu’il s’agit de lutter contre le terrorisme, nous devons faire front commun face à cette menace mondiale. Et c’est bien ce que nous faisons. Grâce au Pacte mondial de coordination contre le terrorisme, l’ONU apporte un soutien pratique et coordonné aux États Membres et aide les pays à mettre en œuvre la Stratégie antiterroriste mondiale. Nous travaillons en étroite collaboration avec la société civile, notamment les victimes du terrorisme, les chefs religieux, les femmes et les jeunes, afin d’élaborer des mesures, des politiques et des programmes de lutte contre le terrorisme.
Nous prêtons notre concours aux organisations régionales comme l’Union africaine, notamment dans les domaines prioritaires de la prévention, de l’assistance juridique, des enquêtes, des poursuites, de la réinsertion et de la réadaptation, ainsi que de la protection des droits humains. Nous avons créé conjointement le Groupe indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel.
Nous plaidons sans relâche en faveur d’une nouvelle génération de missions d’imposition de la paix robustes et d’opérations de lutte contre le terrorisme qui soient dirigées par l’Union africaine et dotées d’un mandat du Conseil de sécurité établi en vertu du Chapitre VII ainsi que d’un financement garanti et prévisible au moyen des contributions statutaires.
Nous nous réjouissons d’organiser conjointement avec le Nigéria le Sommet africain sur la lutte contre le terrorisme. Cette semaine nous offre une occasion décisive de consolider ces progrès. Quatre domaines d’intervention se dessinent.
Premièrement, nous devons continuer de renforcer le ressort principal de notre action: la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies. Je suis profondément reconnaissant aux cofacilitateurs, le Canada et la Tunisie, de l’impulsion vigoureuse qu’ils ont imprimé tout au long de la huitième procédure d’examen. J’attends avec intérêt l’adoption par consensus de la résolution sur l’examen de la Stratégie par l’Assemblée générale dans le courant de la semaine.
Deuxièmement, nous devons nous concentrer sur l’approche la plus efficace pour juguler cette menace: la prévention. Nous proposerons un Nouvel Agenda pour la paix, dont la clef de voûte sera justement la prévention.
Le travail de prévention ne se résume pas à déjouer des attentats ou des complots. Il consiste aussi à remédier aux causes profondes pouvant conduire au terrorisme, notamment la pauvreté, la discrimination, la désillusion, les carences en matière d’infrastructures et d’institutions et les violations flagrantes des droits humains.
Prévention rime aussi avec inclusion. Nous devons veiller à ce que les stratégies et les mesures de lutte contre le terrorisme englobent toutes les communautés, tous les groupes et toutes les voix – en particulier les minorités, les femmes et les jeunes – et qu’elles n’empêchent pas la société civile de mener à bien son travail essentiel. Et la prévention consiste aussi à placer les droits humains et l’état de droit au cœur de toute notre action.
J’en viens donc à mon troisième point: les droits humains. Le terrorisme, c’est le déni et la destruction des droits humains. Dès lors, la lutte contre ce fléau sera vouée à l’échec si nous perpétuons à notre tour le déni et la destruction.
En fait, les droits humains s’avèrent la meilleure arme dont nous disposons pour lutter contre le terrorisme. L’expérience montre qu’en choisissant la sécurité comme axe principal de la lutte antiterroriste plutôt que les droits humains, on peut accroître involontairement la marginalisation et l’exclusion, et reproduire ainsi éternellement les conditions fertiles au terrorisme. Nous devons ancrer fermement toutes les politiques et initiatives de lutte contre le terrorisme dans le cadre des droits humains. Cela doit aussi s’appliquer aux efforts de rapatriement.
Nous comptons parmi nous aujourd’hui deux rapatriés du camp d’Al-Hol qui viennent partager leur expérience. Leur présence nous rappelle que, malgré la défaite essuyée par Daech sur le terrain voici plus de quatre ans, plus de 50 000 enfants, femmes et hommes se trouvent toujours à Al-Hol et dans d’autres camps et centres de détention dans le nord-est de la Syrie, tel que mentionné par notre Secrétaire général adjoint, Vladimir Voronkov. Les conditions de sécurité et les conditions humanitaires dans lesquelles ils vivent sont désastreuses, outre les violations des droits humains qu’ils subissent.
Je sais gré à l’Iraq et aux autres États Membres qui s’efforcent de rapatrier leurs ressortissants des camps et je réitère mon appel à tous les États Membres pour qu’ils aident à accélérer le rapatriement, qui est une priorité urgente. Comme je l’ai dit en mars lors de ma rencontre avec les rapatriés d’Al-Hol en Iraq, il s’agit d’une question de décence humaine et de compassion, et aussi d’un enjeu de sécurité. Nous devons éviter que le legs des combats d’hier n’engendre les conflits de demain.
Mon quatrième point aujourd’hui concerne le financement. Je reste profondément reconnaissant aux États Membres pour leurs contributions au travail des Nations Unies. Mais nous sommes confrontés à une pénurie de fonds de plus en plus grave, les contributions statuaires n’étant pas acquittées. Ce déficit sera lourd de conséquences, tant pour nos efforts de maintien de la paix que pour le Bureau de lutte contre le terrorisme. J’appelle tous les États Membres à honorer leurs engagements de financement et à veiller à ce que nous disposions des ressources nécessaires pour relever ce défi commun.
Le terrorisme a assombri bien trop de vies, dans trop de communautés, depuis bien trop longtemps. Au nom de toutes celles et ceux qui ont souffert et continuent de souffrir et au nom de toutes les victimes et de tous les survivants, redoublons d’efforts pour bâtir un avenir sans terrorisme.