ECOSOC/7052

ECOSOC: le Débat consacré à l’intégration se penche sur les moyens de reconstruire en mieux tout en favorisant le développement durable dans toutes ses dimensions

Comment assurer une reprise durable et résiliente après la pandémie de COVID-19, qui favorise l’économie et les dimensions sociales et environnementales du développement durable?  C’est à cette question complexe que le Débat consacré à l’intégration du Conseil économique et social (ECOSOC) s’est efforcé de répondre aujourd’hui, les participants aux différentes tables rondes se prononçant unanimement pour la construction d’une voie inclusive et efficace en vue de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, dans le contexte de la décennie d’action. 

À quelques jours de l’ouverture, le 6 juillet, du Forum politique de haut niveau, le Vice-Président de l’ECOSOC a donné le la de ces discussions en avertissant que la reprise postpandémique ne pourra se faire « comme d’habitude ».  Pour nous relever, a souligné M. Juan Sandoval Mendiolea, nous avons besoin d’une vision inclusive, qui mette l’accent sur la réalisation du Programme 2030 mais aussi de stratégies et politiques intégrées, car les pays doivent rechercher des solutions innovantes pour faire face aux dimensions économique, sociale et environnementale de l’impact de la COVID-19. 

Si garantir un accès équitable aux vaccins pour tous est aujourd’hui le défi le plus urgent, il faudra aussi se remettre de la pandémie, ce qui s’annonce « difficile », a reconnu M. Sandoval, notant que les pays sont confrontés à des contraintes d’espace budgétaire et de compromis à court terme.  À l’avenir, a-t-il dit, nous devons donner la priorité aux groupes les plus vulnérables dans les efforts de redressement.  Pour ce faire, nous devons construire des systèmes de forte protection sociale, tout en augmentant considérablement notre soutien à la transformation durable des économies des pays en situation particulière. 

Il a été rejoint dans cette analyse par le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, selon lequel la coopération internationale est essentielle pour aider au relèvement des pays les plus fragiles, notamment les pays les moins avancés (PMA), qui doivent pouvoir bénéficier d’un allègement du service de leur dette.  Rappelant également l’appel du Secrétaire général en faveur d’un nouveau « contrat social » pour éliminer les inégalités systématiques, M. Liu Zhenmin a jugé que cela ne pourra se faire que si le Programme 2030 est « remis sur des rails ». 

Pour avancer sur cette voie, a encore fait valoir M. Sandoval, l’heure n’est plus au « travail en silos » mais à un changement d’approche, qui permette de renforcer la confiance dans les institutions.  Cette thématique était celle de la première table ronde, qui a vu la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’élever contre la « cascade » actuelle de « revers » et de « menaces » en matière de droits humains.  De l’avis de Mme Michelle Bachelet, le « meilleur investissement » qu’un pays puisse faire est d’allouer des fonds publics à la réalisation des droits humains, ce qui peut prendre la forme d’une fiscalité progressive ou encore d’une réorientation des ressources vers les groupes marginalisés pour réduire les inégalités. 

Lui aussi partisan du renforcement des contrats sociaux, l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a déploré que certaines des mesures d’urgence d’aide au relèvement, notamment l’allègement de la dette et l’augmentation des droits de tirage spéciaux, excluent une bonne partie des pays.  Une injustice dénoncée également par le Président du Groupe de pays de même sensibilité pour la promotion des pays à revenu intermédiaire, qui a souhaité que la communauté internationale soutienne les pays en développement en s’appuyant sur des critères plus appropriés que le seul produit intérieur brut (PIB).   Ces pays, a-t-il insisté, ont grand besoin d’assistance pour renforcer leurs institutions et capacités.   

Centrée sur la reconstruction d’économies inclusives, durables et justes en vue de la relance, la deuxième table ronde a permis aux panélistes d’exprimer leur rejet d’un retour au modèle de développement qui prévalait avant la pandémie.  Dans cet esprit, le Directeur de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a plaidé pour une meilleure coopération en matière de mobilisation des financements internationaux, tandis que la Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), déçue de l’insuffisance des sommes engagées pour répondre à la crise climatique, appelait à des investissements renforcés pour le développement d’une énergie et de transports « propres ». 

Agitant pour sa part le spectre d’une « décennie de développement perdue » pour sa région, la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a demandé la création d’un forum multilatéral sur les questions de dette souveraine, non sans rappeler que les pays à revenu intermédiaire restent exclus des financements à taux préférentiel.  « Nous sommes au bord du gouffre », a renchéri le délégué d’Antigua-et-Barbuda, exigeant au nom des petits États insulaires des « réponses urgentes ». 

La troisième table ronde s’est concentrée sur le bien-être et les capacités humaines en vue de reconstruire des sociétés plus résilientes.  À la suite du Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui a appelé à prendre en compte les migrants dans les plans de relance, la Scientifique en chef de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a pointé le fait que, sur les 2,9 milliards de doses de vaccins contre la COVID-19 administrées dans 215 pays et territoires, plus de 85,5% sont allées à des pays à revenu élevé ou intermédiaire de la tranche supérieure, les pays à faible revenu n’en recevant que 0,3%.  À ce rythme, il faudra 57 ans pour que les pays les moins avancés voient leur population entièrement vaccinée, a alerté Oxfam Brésil en exhortant les pays développés à ne pas s’arcbouter sur les brevets.  Le Président du Groupe des PMA a, lui, souhaité que le vaccin soit enfin déclaré « bien public mondial ». 

Avant la clôture de ce Segment, la Secrétaire du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination a présenté le rapport de cette instance en soulignant l’importance de données statistiques de qualité pour réaliser le Programme 2030.  Selon elle, la pandémie a mis en évidence le besoin de cohérence et de réponses intégrées au sein du système.  Une vision partagée en conclusion par le Vice-Président de l’ECOSOC, pour qui les défis mondiaux actuels nécessitent « une ONU forte et un multilatéralisme renouvelé ».

DÉBAT CONSACRÉ À L’INTÉGRATION

Déclarations liminaires

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a ouvert le Segment d’intégration 2021 en indiquant qu’il deviendra le nouveau Segment de coordination de l’ECOSOC en 2022 afin d’orienter le Conseil vers une méthode de travail efficace et intégrée.  Il a ensuite fait un compte rendu des discussions préparatoires pour ce Segment, indiquant que les participants avaient convenu qu’on ne pouvait faire face à la reprise post-pandémique « comme d’habitude ».  Pour nous relever, a-t-il dit, nous avons besoin d’une vision inclusive, qui mette l’accent sur la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, mais aussi de stratégies et politiques intégrées, car les pays doivent rechercher des solutions innovantes pour faire face aux dimensions économique, sociale et environnementale de l’impact de la COVID-19.  L’heure n’est plus au travail en silos mais à un changement d’approche des gouvernements et des sociétés qui renforce la confiance dans les institutions, a souligné M. Sandoval. 

Au cours de ces dialogues, a-t-il poursuivi, il a été conclu que les plans de relance doivent se concentrer sur le principe de ne laisser personne de côté et avoir une durée temporaire.  Ils doivent aussi prendre en compte les questions de genre, être guidés par le principe d’égalité pour tous et tenir compte des pressions de la biodiversité et de la crise climatique.  Les participants ont également jugé que les mesures d’urgence prises contre la pandémie doivent être utilisées pour restructurer nos systèmes économiques et sociaux.  Par exemple, les mesures de protection sociale devraient aller au-delà des paiements en espèces à court terme et se concentrer sur l’expansion des systèmes de soins, l’inclusion financière, l’accès aux technologies numériques et l’accès universel aux systèmes de santé et aux vaccins, a-t-il expliqué, plaidant à cet égard pour la production de données de haute qualité afin d’élaborer des politiques éclairées et fondées sur des preuves. 

Autre conclusion de ces dialogues: l’ECOSOC doit mettre en place un processus inclusif afin d’identifier les changements qui garantiront que le système de l’ONU soutienne une reprise équitable, durable et résiliente.  Dans ce cadre, a noté M. Sandoval, le Conseil devrait favoriser une coordination plus étroite entre ses organes subsidiaires pour éviter les doubles emplois et promouvoir les synergies.  Il devrait en outre étudier de nouvelles normes fondées sur les enseignements tirés de la pandémie, tout en promouvant la solidarité mondiale et les efforts de coopération multilatérale.  Le Forum politique de haut niveau qui s’ouvre mardi prochain offre une occasion unique de faire avancer la prise de décision éclairée, sur la base d’examens thématiques et nationaux de la mise en œuvre du Programme 2030 qui permettent d’identifier les domaines prioritaires, a-t-il ajouté. 

Alors que la pandémie a révélé et exacerbé les inégalités existantes, telles que la fracture numérique et la discrimination fondée sur le sexe, la race, l’âge, le handicap, le niveau économique et le statut migratoire, la façon dont nous sortirons de ces difficultés dépend des actions que nous entreprenons maintenant et dans un avenir immédiat, a soutenu M. Sandoval.  Si la priorité absolue est d’arrêter la pandémie, il convient de s’attaquer de toute urgence à son impact dévastateur sur les individus, les communautés et les économies, a-t-il souligné, appelant à une transformation innovante des réponses intégrées aux défis auxquels nous sommes confrontés. 

M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, s’est félicité du processus novateur que constitue ce Débat consacré à l’intégration.  Aujourd’hui, a-t-il souligné, nous avons la possibilité d’identifier les priorités clefs en vue du Forum politique de haut niveau.  Le contexte lié à la pandémie reste particulièrement alarmant, a constaté M. Liu, notant que le nombre de cas de COVID-19 continue de croître dans le monde, tandis que le rythme de vaccination est encore lent dans certains pays, ce qui fait craindre une relance difficile.  Alors que cette crise a poussé entre 119 et 124 millions de personnes dans la pauvreté extrême, des femmes et des filles notamment, une action urgente est nécessaire pour réduire l’impact socioéconomique de la pandémie et relancer le processus de mise en œuvre du Programme 2030, a plaidé le haut fonctionnaire.  À cette fin, a-t-il précisé, le Département des affaires économiques et sociales (DESA) a recensé différents domaines d’action, à commencer par l’accès des vaccins pour tous et sans discrimination. 

Tout en luttant contre les effets de la pandémie, nous devons lutter contre l’aggravation de la pauvreté et les changements climatiques, des domaines que la crise actuelle a rendus plus complexes.  Cela suppose, selon lui, un renforcement de la coopération internationale en vue du redressement, notamment pour les pays les moins avancés qui doivent pouvoir bénéficier d’un allègement de la charge de leur dette.  Relevant à cet égard que la pandémie a une incidence disproportionnée sur les plus vulnérables, M. Liu a plaidé pour une protection sociale élargie et un renforcement de la résilience des systèmes de santé dans le cadre des plans de réponse à la crise.  Il a d’autre part relevé que la pandémie a mis en lumière la fracture numérique et l’importance de la connectivité universelle et bon marché.  Garantir une connexion à tous est essentiel pour lutter contre les incidences négatives de cette crise sur l’éducation, a-t-il fait valoir, avant de souhaiter que cette rencontre soit l’occasion d’adopter de nouvelles approches « plus intégrées et plus inclusives » en vue de réaliser les objectifs de développement durable à l’horizon 2030.  Rappelant enfin que le Secrétaire général a demandé qu’un nouveau « contrat social » soit élaboré pour éliminer les inégalités systématiques, il a jugé que cela ne pourra se faire que si le Programme 2030 est remis sur des rails. 

Table ronde 1 - Renforcement institutionnel, gouvernance, inclusion et état de droit

Animée par le Vice-Président de l’ECOSOC, M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique), cette table ronde a permis aux différents intervenants de présenter les propositions pour un relèvement post-COVID-19 respectueux des droits humains.

Dans un premier temps, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a relevé que le monde a rarement été confronté à une telle cascade de revers et de menaces en matière de droits humains.  Aujourd’hui, la profonde injustice de l’accès inégal aux vaccins, ainsi que les échecs sous-jacents à investir dans la protection des droits humains offrent l’opportunité au monde de s’orienter vers un avenir plus inclusif, a affirmé Mme MICHELLE BACHELET pour qui les normes des droits de l’homme sont des outils puissants pour reconstruire la crédibilité des institutions. 

Mme Bachelet a relevé que des institutions nationales des droits de l’homme efficaces et indépendantes ont un rôle fondamental à jouer pour veiller à ce que les droits humains fassent partie intégrante du redressement socioéconomique dans chaque pays.  La transparence, la participation et la non-discrimination doivent également être intégrées dans la gouvernance des ressources publiques – en particulier dans un contexte comme celui d’aujourd’hui, a-t-elle souligné.  Pour la Haute-Commissaire, le meilleur investissement qu’un pays puisse faire est d’allouer des fonds publics à la réalisation des droits humains.  Cela peut signifier poursuivre une fiscalité progressive et réorienter les ressources vers les groupes marginalisés pour réduire les inégalités, a-t-elle précisé.

Mme Bachelet a rappelé ensuite que les 18 derniers mois ont amplement démontré que les droits humains rendent les sociétés plus sûres et plus fortes, tandis que les mesures de protection sociale réduisent l’exclusion et maintiennent une économie qui fonctionne.  Elle a ainsi encouragé tous les États à mettre en place des systèmes universels de protection sociale et sanitaire, et de les institutionnaliser sur le long terme.  La leçon à tirer de cette pandémie, a-t-elle dit, est que la promotion des droits humains n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est aussi une option intelligente.

Abondant dans le même sens, l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a indiqué que son organisation aide les gouvernements à renforcer les contrats sociaux et les droits de l’homme qui sont au centre de la lutte contre la pauvreté.  Il faut veiller à ce que les jeunes et les groupes marginalisés soient impliqués, a insisté M. ACHIM STEINER.  Il a déploré le fait que des mesures d’urgence de relèvement, notamment l’allègement de la dette et les droits de tirage spéciaux de 650 milliards de dollars ne prennent pas en compte une bonne partie des pays.  Pourtant ces mesures auraient pu être cruciales pour une relance verte et inclusive pour ce qui apparaît comme « la plus importante mission de l’ONU depuis la Seconde Guerre mondiale ».

Confirmant cette assertion d’injustice pour certains pays, le Président du Groupe de pays de même sensibilité pour la promotion des pays à revenu intermédiaire a demandé la réforme du système international.  Selon M. LUIS ANTONIO LAM PADILLA (Guatemala), la communauté internationale doit veiller à soutenir tous les pays en développement en s’appuyant sur des critères pluridimensionnels plus appropriés, et pas seulement sur le produit intérieur brut (PIB).  Ces pays, a-t-il expliqué, ont besoin d’assistance pour renforcer leurs institutions et capacités, et d’un soutien au renforcement des ressources et de partenariats.  Dans ce contexte, le renforcement de la coopération Sud-Sud apparaît comme une option envisageable. 

De son côté, M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark) a déploré le fait que la société civile, notamment les défenseurs des droits, sont de plus en plus mis à l’écart et parfois même harcelés.  Le Danemark a donc élaboré des recommandations pour leur protection.  La délégation a aussi relevé que la technologie doit pouvoir appuyer la démocratie, c’est pourquoi il faut veiller à ce que la société civile à travers le monde puisse avoir accès à la technologie pour prendre part aux délibérations qui ont cours aux Nations Unies en période de pandémie. 

Relevant que la pandémie a ravivé les activités des réseaux criminels, le Président de la trentième session de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, M. ALESSANDRO CORTESE (Italie), a appelé, en ces temps de relèvement, à accentuer la prévention de la criminalité.  Il faut des systèmes de justice pénale qui soient préparés et qui préviennent la récidive en prenant des mesures pour la réinsertion des délinquants.  Il a également évoqué le regain d’activités de fraude et de corruption en plein pandémie, appelant la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à tenir compte de ses défis inhérents à la COVID-19.   

À sa suite, le Président de la soixante-cinquième session de la Commission de la condition de la femme, M. MHER MARGARYAN (Arménie), a indiqué que la Commission avait relevé que la pandémie est venue exacerber les défis auxquels font face les femmes et filles du monde entier, lesquelles sont souvent les plus affectées par les catastrophes naturelles et les changements climatiques.  Il importe donc d’assurer leur autonomisation, notamment en leur assurant un travail décent pour qu’elles puissent se prendre en charge, a-t-il insisté, avant d’appeler à placer l’égalité des sexes au cœur de tous les efforts de riposte et de relèvement liés à la COVID-19.

Table ronde 2 - Reconstruire en mieux pour bâtir des économies inclusives, durables et justes en vue de la relance: redéfinir le contrat entre l’humanité́ et la planète

La gravité de la crise écologique et de la crise économique engendrées par la pandémie n’a échappé à aucun des intervenants de cette table ronde qui ont avancé des recommandations en vue d’y remédier.  Une réforme des droits de propriété intellectuelle pour une production massive de vaccins, le développement de transports écologiques et une réponse mondiale coordonnée aux inégalités ont été quelques-unes des pistes explorées.  Un retour au modèle de développement qui prévalait avant la pandémie a été unanimement écarté. 

M. GUY RYDER, Directeur de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a rappelé que 85% des entreprises dans le monde ont été touchées par la pandémie et que 185 millions de personnes ont sombré dans la pauvreté.  Il a plaidé pour une relance économique ne laissant personne de côté, même si la trajectoire actuelle ne permettra pas d’atteindre les objectifs de développement durable.  M. Ryder a alerté que l’accès inégal aux ressources, y compris aux vaccins contre la COVID-19, dessine un avenir de plus en plus inégalitaire.  Il a également indiqué que seules 20% des sommes totales engagées pour faire face à la pandémie ont financé des actions à dimension écologique.  Le Directeur de l’OIT a en outre plaidé pour une meilleure coopération s’agissant de la mobilisation des financements internationaux en vue d’une relance économiquement et écologiquement durable.  « Il est possible de changer de paradigme et la pandémie nous en donne l’occasion. »

« Allons-nous renouer avec l’ancienne normalité ou nous dirigeons-nous vers une nouvelle normalité »? a appuyé Mme INGER ANDERSEN, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), campant clairement les enjeux de cette discussion.  Elle a souligné la gravité de la crise écologique et rappelé, à l’instar de M. Ryder, l’insuffisance des sommes engagées pour répondre à la crise climatique.  « Nous sommes parvenus à un niveau de réchauffement insupportable et nous devons changer les choses. »  Elle a appelé à des investissements renforcés pour le développement d’une énergie et de transports « propres ».  Elle a plaidé notamment pour la promotion de transports hybrides, le choix du vélo plutôt que la voiture ou bien encore le train plutôt que l’avion sur les courtes distances.  « Nous devons agir maintenant afin de pas léguer une planète abîmée aux générations futures. »

Mme ALICIA BARCENA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), a insisté, de son côté, sur le creusement des inégalités, notamment en ce qui concerne l’accès aux vaccins, et agité le spectre d’une décennie de développement perdue pour sa région.  Nous sommes loin des États-Unis et de l’Europe en ce qui concerne les sommes engagées pour faire face à la pandémie, a-t-elle dit.  Elle a rappelé que les pays de la région sont principalement des pays à revenu intermédiaire qui doivent faire face à un service de la dette élevé et sont exclus des financements à taux préférentiel.  Mme Barcena a loué la décision historique de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de taxer les multinationales et demandé la création d’un forum multilatéral pour discuter des questions de dette souveraine.  

À son tour, M. JOSÉ ANTONIO OCAMPO, Président du Comité des politiques de développement, a mis en garde contre tout retour au modèle de développement qui prévalait avant la crise et appelé à une réponse forte contre les inégalités qui ne cessent de se creuser, y compris s’agissant de l’accès aux vaccins.  Il a indiqué que la pandémie de COVID-19 ne sera pas le dernier défi sanitaire et demandé une réforme des droits de propriété intellectuelle.  Enfin, il a plaidé pour une transformation des économies des pays les moins avancés, par le biais notamment du renforcement de leurs capacités de production. 

La pandémie a mis un coup d’arrêt aux travaux de la « communauté statistique mondiale » qui commence tout juste à sortir de cette immobilisation forcée, a signalé pour sa part M. JULIO SANTAELLA, Vice-Président de la Commission de statistique.  Ce dernier a notamment cité la mise en place au Mexique d’un site Internet recensant les comorbidités région par région et les besoins vaccinaux.  Le Royaume-Uni a également lancé un travail statistique d’ampleur sur les infections à la COVID-19.  « Il faut dissiper l’obscurité statistique, a-t-il insisté, en rappelant que, sans données statistiques rigoureuses, il n’est pas possible évaluer l’avancement des campagnes de vaccination.

Enfin, M. RENATO ZERBINI RIBEIRO LEAO, Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a appelé à une réponse forte aux formes intersectionnelles et systémiques de discrimination, avant de demander une coopération renforcée pour un accès abordable aux vaccins.  Il a également demandé une réforme des droits de propriété intellectuelle qui, en l’état, rendent difficiles la production de vaccins à une échelle suffisante.  « Nous sommes pourtant dans une situation d’urgence. »

Lors de la discussion interactive, Antigua-et-Barbuda, a nom de l’Alliance des petits États insulaires, a demandé des transferts de technologie accrus en faveur de ces pays pour remédier aux vulnérabilités que la pandémie est venue accroître.  « Nous sommes au bord du gouffre et nous avons besoin de réponses urgentes », a plaidé la délégation qui a par ailleurs indiqué que l’ouragan Elsa plane en ce moment sur la région des Caraïbes.  Attirant l’attention sur le défi de l’endettement, la Bolivie, au nom des pays les moins avancés sans littoral, a indiqué que les termes de l’échange, déjà défavorables à ces pays, se sont encore détériorés avec la pandémie.

Table ronde 3 - Bien-être et capacités humaines: reconstruire des sociétés plus résilientes, saines, équitables et durables

Cette troisième table ronde a permis aux participants de plaider pour des sociétés plus résilientes et solidaires face à la COVID-19, à l’instar du Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. QU DONGYU, qui a souligné que pour édifier un monde meilleur, il faut en effet plus de solidarité et de complémentarité afin de garantir que les biens essentiels tels que l’alimentation et les soins de santé soient garantis à tous.  

Avec la pandémie de COVID-19, il est désormais crucial de tenir compte des questions sanitaires dans les politiques migratoires, a insisté le Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), M. ANTÓNIO VITORINO.  Ce dernier s’est inquiété de la baisse du PIB des pays d’origine des migrants en 2020, ainsi que des investissements étrangers directs dont ils bénéficient, tout en rappelant que les envois de fonds des migrants sont une source majeure de revenu pour les familles.  Il faut donc tenir compte des migrants dans les plans de relève, notamment dans les pays d’origine et d’accueil.  Justement, a renchéri le Vice-Président de l’ECOSOC, il est louable que la ville hôte du Secrétariat de l’ONU ait lancé une campagne de vaccination de toutes ses populations, quel que soit leur statut administratif, y compris les migrants.

Dans un premier temps, la Scientifique en chef de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Mme SOUMYA SWAMINATHAN, a noté que la pandémie de COVID-19 a amplifié les inégalités entre les sexes, exposant la part disproportionnée des soins non rémunérés et du travail domestique qu’assument les femmes, tout en renforçant les différentes formes de discrimination.  En plus, la pandémie a exacerbé les situations de vulnérabilité vécues par les femmes et les filles, compromettant leur accès à la nourriture et perturbant les services de santé essentiels.

La Scientifique en chef a ensuite plaidé pour un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19, car « personne ne sera en sécurité tant que tous ne le seront pas ».  Elle a rappelé qu’au 28 juin, 2 928 millions de doses de vaccin contre la COVID-19 ont été administrées dans 215 pays, zones ou territoires.  Parmi elles, plus de 85,5% sont allées dans des pays à revenu élevé ou à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, tandis que les pays à faible revenu n’ont reçu que 0,3%. 

À ce rythme, il faudra 57 ans pour que les pays les moins avancés voient leur population entièrement vaccinée, a déploré Mme KATIA MAIA, Directrice exécutive d’Oxfam Brésil qui a par ailleurs alerté que les disparités en matière de revenus vont sans doute s’aggraver du fait de la pandémie de COVID-19.  Elle a donc appelé les pays développés à ne point s’arcbouter sur les brevets et à renforcer la production des vaccins.  Les soins de santé ne doivent pas être liés au porte-monnaie, et l’obsession du PIB est l’une des raisons des catastrophes que l’on voit ces jours avec ces inégalités qui se propagent, a-t-elle dénoncé.  À ce sujet, la Scientifique en chef de l’OMS a rappelé que les deux chercheurs canadiens ayant découvert l’insuline qui aide les malades du diabète avaient cédé leurs droits pour 1 dollar symbolique.  

Signalant que près de 32 millions d’habitants des pays les moins avancés (PMA) vont sombrer dans la pauvreté du fait de la pandémie, le Président du Groupe des pays les moins avancés, M. PERKS MASTER CLEMENCY LIGOYA (Malawi)a plaidé pour que le vaccin contre la COVID-19 soit déclaré « bien public mondial » ainsi que pour le renforcement de la coopération numérique, seulement 19% de la population des PMA étant connectée à Internet.  Dans la perspective de la tenue prochaine de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA, il a plaidé pour un programme d’action décennal qui soit une véritablement feuille de route pour leur développement durable.

De son côté, le Président de la vingt-quatrième session de la Commission de la science et de la technique au service du développement (CSTD), M. PETER MAJOR, a constaté que la pandémie a montré l’immense potentiel des technologies numériques, évoquant notamment le développement du vaccin à une vitesse record ainsi que le rôle crucial joué par les technologies de l’information et des communications dans la continuité de l’éducation.  Les technologies numériques ont également permis aux pays, aux communautés et aux individus de maintenir une activité socioéconomique malgré les confinements et la distanciation.  Il a jugé qu’une approche pangouvernementale et multisectorielle est nécessaire pour veiller à ce que les politiques en matière de science, technologie et innovation soient cohérentes avec les priorités nationales en matière de santé et les stratégies de développement.

Il nous faut également un relèvement qui tienne compte de la santé de la planète, a estimé l’Indonésie qui a indiqué que son gouvernement a entrepris de planter des milliers d’hectares de forêts et lutte résolument contre la pollution marine, entre autres mesures prises dans l’optique d’un développement durable.

Présentation du rapport du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination (CCS) 

Mme SIMONA PETROVA, Secrétaire du Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination (CCS), a présenté le rapport de ce dernier.  Elle a rappelé que le Conseil est un groupe de réflexion interne qui vise à donner des directives de haut niveau à l’ensemble du système, à renforcer la coopération et à promouvoir des réponses aux mandats de ses entités constitutives.  Le Conseil a mobilisé toutes ses ressources pour faire face au défi sans précédent de la pandémie, tout en demeurant un moteur de la cohérence et de l’intégration du système, a-t-elle dit.  « 

Elle a rappelé l’importance de données statistiques de qualité pour réaliser le Programme 2030 et mentionné le développement à cette fin de la feuille de route pour des données et des statistiques innovantes à l’échelle du système onusien.  Cette feuille de route a été adoptée par le Conseil en mai 2020, a-t-elle précisé.  Le Conseil œuvre aussi à appuyer les pays pour remédier à la trajectoire actuelle en ce qui concerne les changements climatiques et la perte de biodiversité.  Cela a conduit à l’adoption d’une approche commune, par laquelle le système onusien intègre ces questions de manière systémique dans son action, a déclaré Mme Petrova.  La pandémie a souligné le besoin de réponses intégrées au sein du système et d’une amélioration constante des méthodes de travail.  Elle a cité l’exemple d’un projet intégré qui vise à la collecte de données de qualité sur la façon dont les changements climatiques peuvent exacerber les risques au Sahel. 

La Secrétaire a ensuite détaillé les efforts du Conseil pour lutter contre les inégalités et contribuer à l’avènement de sociétés plus justes, en citant son appel à l’action lancé pour une meilleure inclusion des peuples autochtones.  Le Conseil a également créé un groupe de travail interagences sur l’intelligence artificielle et a continué d’appuyer la réalisation du Programme d’action d’Istanbul au profit des pays les moins avancés.  En conclusion, Mme Petrova a assuré que le Conseil continuera d’apporter son leadership et ses solutions en vue « de bâtir une communauté mondiale plus inclusive, résiliente et durable ».

En réponse à une question du Mexique, Mme Petrova a précisé que le Conseil travaille en étroite coopération avec la Commission de statistique pour la production de données innovantes, en mentionnant la feuille de route précitée.

Déclaration de clôture

En clôture du Débat consacré à l’intégration, le Vice-Président de l’ECOSOC a émis l’espoir que ces discussions inspireront des politiques concrètes et orientées vers l’action en vue d’une approche plus cohérente et intégrée de la résolution des problèmes auxquels font face l’humanité et les écosystèmes.  À ses yeux, garantir un accès équitable aux vaccins pour tous est l’un des défis les plus urgents.  Mais il faut aussi se remettre de la pandémie, ce qui s’annonce difficile, a-t-il reconnu, notant que les pays sont confrontés à des contraintes d’espace budgétaire, de compromis à court terme et de priorités concurrentes.  À l’avenir, a-t-il affirmé, nous devons donner la priorité aux groupes les plus vulnérables dans nos efforts de redressement.  Pour ce faire, nous devons construire des systèmes de forte protection sociale, tout en augmentant considérablement notre soutien à la transformation durable et inclusive des économies des pays en situation particulière, notamment les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, ainsi que les pays à revenu intermédiaire.

De l’avis de M. Sandoval, les défis mondiaux actuels nécessitent « une ONU forte et un multilatéralisme renouvelé ».  Les États Membres doivent ainsi faire la meilleure utilisation possible des plateformes intergouvernementales existantes pour opérer un redressement résilient et durable, et mettre en œuvre le Programme 2030.  Pour cela, ils doivent pouvoir bénéficier du potentiel de l’ECOSOC, organe clef de la Charte des Nations Unies, et du Forum politique de haut niveau, a-t-il souligné, souhaitant que le Conseil assure une plus grande coordination entre ses commissions fonctionnelles et organes d’experts afin d’éviter les doubles emplois, de garantir la cohérence et de favoriser les synergies.  Avant de conclure, le Vice-Président de l’ECOSOC a indiqué qu’un résumé des recommandations issues de ces discussions serait mis à disposition sur le site de l’ECOSOC.

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