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Instance permanente: des associations disent craindre que la COVID-19 extermine les peuples autochtones

Plusieurs associations de peuples autochtones ont fait part, ce matin, à l’Instance permanente sur les questions autochtones, de leur crainte de voir l’extermination des populations autochtones en raison de la pandémie de COVID-19 qui a exacerbé leurs vulnérabilités. 

« Nous sommes particulièrement vulnérables et nous n’avons pas les informations nécessaires pour faire face à la pandémie », a expliqué le représentant d’un groupe d’associations de peuples autochtones du Pérou au cours d’une séance consacrée à l’examen d’un rapport sur « les peuples autochtones et les pandémies » et d’une étude sur les « droits des peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes dans le contexte des mesures exceptionnelles adoptées pendant la pandémie ».

Venu présenter le rapport sur les peuples autochtones et les pandémies, M. GEOFFREY ROTH, membre de l’Instance (États-Unis), a indiqué que les taux de contamination et de mortalité dues à la pandémie de COVID-19 ont été beaucoup plus élevés chez les autochtones que chez les non-autochtones.  De plus, le soutien des gouvernements aux populations autochtones a fait défaut, notamment en ce qui concerne les infrastructures sanitaires et l’élaboration de campagnes de prévention adaptées à leur culture.

M. Roth a fait savoir que le groupe d’experts internationaux, qui s’est réuni du 11 au 17 décembre 2020 pour examiner cette question, recommande aux États de privilégier, dans leurs plans de relèvement, une approche fondée sur le respect du droit à l’autodétermination et des droits fonciers des peuples autochtones, insistant sur l’importance d’un accès équitable à des soins de santé et à une éducation de qualité.  Les gouvernements doivent également assurer la participation effective des populations autochtones à tous les efforts de relèvement, et des services de santé et d’éducation adaptés à la culture doivent faire partie intégrante de ces plans.  Les efforts de relèvement doivent aussi tenir compte de l’incidence de la pandémie sur les femmes et les filles autochtones et prévoir des actions pour y remédier, a informé M. Roth. 

Les États et les organisations internationales sont également appelés à préparer et diffuser en langues autochtones des informations adaptées à la culture des autochtones.  Ils doivent mettre un terme à l’accaparement des terres, aux expulsions, aux activités criminelles et à la violence généralisée qui ont augmenté dans les territoires autochtones pendant la pandémie, mettant les populations autochtones, surtout les femmes et les enfants, en danger.  Les experts recommandent que les États Membres préviennent toute forme de discrimination, notamment pour ce qui est d’un accès rapide, inclusif et équitable à des soins et services de santé de qualité et abordables, y compris les vaccins, a jouté M. Roth. 

Les gouvernements doivent en outre garantir la participation effective des populations autochtones à la planification et à la mise en œuvre des programmes de vaccination, a poursuivi M. Roth.  Il faudra aussi créer ou appuyer des mécanismes permettant de promouvoir le dialogue entre les responsables de la santé publique et les peuples autochtones afin de coordonner les mesures visant à remédier à l’impact de la pandémie.  Le groupe d’experts invite en outre l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à organiser un sommet sur l’état critique de la santé des peuples autochtones.

À son tour, M. DARIO JOSE MEJIA MONTALVO, membre de l’Instance (Colombie), qui présentait l’étude sur les droits des peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes dans le contexte des mesures exceptionnelles adoptées pendant la pandémie, a dénoncé l’exclusion des peuples autochtones durant la gestion de la pandémie.  Ils ont été empêchés d’assumer leur devoir de protéger leurs propres peuples conformément à leurs cultures.  Et depuis le déclenchement de la pandémie, l’exclusion, les violences, la militarisation, l’accaparement de terres et les violences sexuelles ont augmenté, a-t-il déploré. 

Alors que le bassin amazonien totalise 58,4% des cas de COVID-19 en Amérique latine, l’étude recommande des mesures pour favoriser l’acquisition de compétences numériques, le plein accès aux nouvelles technologies, la disponibilité de traducteurs et d’interprètes en cas de besoin et la promotion des réseaux communautaires propres aux peuples autochtones.  Les mesures de lutte contre la pandémie doivent garantir le droit de participation des peuples autochtones, être adaptées sur le plan culturel et ne pas leur être nuisibles.  Au final, on a besoin de deux vaccins, a affirmé M. Montalvo.  Le premier est le vaccin contre la COVID-19 et le deuxième est le vaccin contre le racisme dont sont victimes les peuples autochtones du monde entier. 

Commentant ces deux rapports, deux membres de l’Instance, MM. ALEKSEI TSYKAREV et GRIGORY EVGUENIEVICH LUKIYANTSEV (Fédération de Russie), ont appelé à ne pas politiser les vaccins et leur distribution: les vaccins doivent être accessibles pour tous et être administrés de manière volontaire et sans discrimination.  M. Lukiyantsev a de plus prévenu que les passeports sur le vaccin ne doivent pas nuire aux droits des peuples autochtones.

Mme IRMA PINEDA SANTIAGO, membre de l’Instance (Mexique), a recommandé la création d’un fonds d’affectation spéciale pour venir en aide aux peuples autochtones durant cette pandémie, tandis que M. VITAL BAMBANZE, lui aussi membre de l’Instance (Burundi), a appelé à l’organisation de réunions entre les peuples autochtones et les organisations sanitaires mondiales, régionales et privées pour identifier les moyens de lutter contre l’impact de la pandémie chez les peuples autochtones. 

Mme HINDOU OUMAROU IBRAHIM, membre de l’Instance (Tchad), a demandé que les réponses à la COVID-19 incluent les femmes autochtones tandis que Mme LOURDES TIBAN GUALA, membre de l’Instance (Équateur), a demandé aux États de reconnaître la contribution des médecines traditionnelles et des traitements autochtones, à l’instar de M. BORNFACE MUSEKE MATE, membre de l’Instance (Namibie), qui a recommandé à l’ONU d’étudier le rôle des langues autochtones dans la lutte contre la pandémie.

Aux cours de cette séance, l’Instance permanente a également discuté de ses travaux futurs sur les nouveaux problèmes, en particulier les difficultés liées aux pandémies et les solutions à apporter pour les résoudre.  Ce fut l’occasion pour les délégations d’étayer ce qu’elles ont entrepris pour contrer la COVID-19, à l’instar du Canada qui a fait part de sa détermination à s’attaquer aux problèmes de santé mentale posés par la pandémie.  La délégation a également invité à élaborer des solutions à long terme qui respectent les cultures autochtones, précisant qu’au Canada, les Premières Nations et les Inuits sont en première ligne de la riposte à la pandémie de COVID-19.  Le Mexique a indiqué avoir pris des mesures pour réduire la fracture numérique dans le but d’atteindre les régions autochtones les plus éloignées du pays et pouvoir ainsi soigner les malades. 

Dénonçant les sanctions qui le frappent, le Venezuela a appelé l’ONU à lui venir en aide pour obtenir des vaccins, y compris pour les peuples autochtones.  Il nous faut un budget pour faire face à la pandémie, a indiqué le Pérou qui a recommandé la création d’équipes spéciales de lutte contre la pandémie, la distribution de denrées alimentaires et la protection des peuples autochtone par le suivi des cas contacts.  Au nom des pays nordiques, le Danemark a demandé un soutien accru aux femmes et aux organisations des femmes autochtones. 

Le Brésil a affirmé avoir inclus les chefs autochtones dans la gestion de centres médicaux de traitement de la pandémie chez les populations autochtones.  La Chine a appelé à mobiliser des investissements pour aider les peuples autochtones à réagir efficacement contre la pandémie, les inclure dans les stratégies de relèvement et lutter contre les violences contre les femmes et enfants autochtones.  La Colombie a indiqué qu’elle avait établi des lignes téléphoniques directes en langues autochtones et a réclamé l’octroi d’une aide humanitaire d’urgence aux autochtones.  De son côté, la Nouvelle-Zélande a pris des mesures pour répondre aux besoins des Maoris, notamment en effectuant des dons de vivres et en établissant un plan de réponse psychosociale pour les cinq prochaines années.  Le Chili a fait diffuser des informations sanitaires dans les langues autochtones qui tiennent compte du savoir de ces communautés.  Le Gouvernement a également décidé d’octroyer un revenu direct aux 1,6 million d’autochtones du pays.  La Fédération de Russie a, pour sa part, demandé aux auteurs des rapports d’utiliser des informations à jour. 

De nombreuses organisations des peuples autochtones sont également intervenues pour recommander, à leur tour, la création de campagnes de vaccination qui tiennent compte des cultures et des langues locales et qui bénéficient de la participation des peuples autochtones.  Il faut tenir compte du savoir traditionnel dans les traitements de la pandémie, mais aussi du droit foncier autochtone pour lutter contre cette pandémie et les pandémies futures, ont-elles indiqué.  Des investissements dans la santé mentale et la lutte contre le suicide chez les jeunes autochtones sont nécessaires, de même qu’un plus grand accès à Internet, une aide alimentaire et l’harmonisation des mesures de restriction aux frontières. 

Craignant l’extermination des peuples autochtones en raison de la COVID-19 qui a exacerbé leurs vulnérabilités, un groupe d’associations de peuples autochtones du Pérou a incriminé l’inaction de son gouvernement et le manque d’informations sur la vaccination.  Même son de cloche du côté de l’Association des autochtones des Caraïbes qui a accusé le Gouvernement du Brésil de ne pas respecter le droit à la santé des autochtones de ce pays.  Le réseau REDLAC des jeunes autochtones a recommandé de prendre en compte les besoins spécifiques de jeunes autochtones en matière de santé.

La Confédération des peuples autochtones des Caraïbes a préconisé la création d’un groupe d’experts sur les peuples autochtones dans les territoires non autonomes tandis que la Confédération Khmer Kampuchéa a demandé au Viet Nam de veiller à ce que les peuples autochtones disposent d’informations sur la pandémie et les vaccins dans leurs langues.  De son côté, Asia Caucus a souligné que les plans de relèvement doivent être élaborés en respectant les droits des peuples autochtones, pour ensuite exhorter à prendre des mesures de protection des territoires autochtones afin d’empêcher la transmission de maladies zoonotiques. 

Prenant note des remarques des délégations et des organisations autochtones, MM. Montalvo et Roth, membres de l’Instance, se sont inquiétés de la prévalence du suicide parmi les peuples autochtones, et ont appelé à investir pour sa prévention et à élaborer des mesures d’intervention qui tiennent compte des spécificités culturelles autochtones.  Ils ont également mis en garde contre la politisation des vaccins contre la COVID-19.  Nous sommes au début d’une longue lutte et les vaccins actuels et à venir devraient nous aider à la gagner, ont-ils dit, avant de proposer la tenue d’une table ronde entre l’OMS et l’Instance permanente sur cette question.

L’Instance poursuivra ses travaux demain, jeudi 22 avril, à partir de 9 heures.

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