L’Instance permanente alertée du risque de radicalisation des peuples autochtones en raison de l’extrémisme
Saisie, aujourd’hui, d’une étude sur « les peuples autochtones et les changements climatiques », l’Instance permanente sur les questions autochtones a également été alertée du risque que fait peser la radicalisation sur ces communautés, notamment dans les zones en proie au terrorisme et à l’extrémisme.
Avant de présenter l’étude, Mme HINDOU OUMAROU IBRAHIM, membre de l’Instance (Tchad) a informé du décès, aujourd’hui, du Président tchadien, Idriss Déby, mort des suites de ses blessures aux combats contre des rebelles dans le nord du pays, une région du Sahel où vivent de nombreux peuples autochtones. Dans de nombreux pays où vivent des peuples autochtones, l’insécurité alimentaire est aggravée par les changements climatiques qui détruisent les écosystèmes et le savoir ancestral et réduisent les ressources, comme c’est le cas au Sahel. Cette situation est ensuite exacerbée par l’exploitation des ressources naturelles qui sont à l’origine de nombreux conflits qui affectent la vie de millions de peuples autochtones, a-t-elle indiqué.
M. ALBERT BARUMÉ, du Groupe d’experts du Conseil de sécurité sur la Mali, a lui aussi averti du risque que fait peser l’extrémisme sur les peuples autochtones de la région du Sahel. « Comme leurs territoires sont occupés par des groupes extrémistes, ils sont exposés à l’extrémisme et sont vulnérables à la radicalisation », a indiqué cet expert qui a appelé le Conseil de sécurité et les États Membres à considérer les peuples autochtones comme des partenaires dans la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation « car ils connaissent le terrain ». Autrement, ce savoir risque d’être utilisé par les groupes extrémistes, a prévenu M. Barumé qui a appelé les États à changer leur fusil d’épaule et ne pas accuser les peuples autochtones d’être des terroristes.
On ne peut pas taxer de terroristes les peuples autochtones qui défendent leurs terres et ressources, leurs langues et cultures. Ils sont une solution pour un monde plus juste et plus durable, a renchérit l’ancienne Présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ. Selon elle, l’auto-administration et le respect des droits des peuples autochtones leur permettraient de participer au règlement des problèmes internationaux.
Au cours de son exposé, Mme Ibrahim a également fait état d’une augmentation des attaques contre les peuples autochtones et leurs défenseurs entre 2016 à 2019. Ces communautés subissent de nombreuses pressions de la part d’un secteur privé qui veut mettre la main sur leurs terres et ressources, leur culture et leur identité. Elles se battent pour leur droit à la propriété foncière mais en sont de plus en plus fréquemment privés du fait notamment des déplacements forcés qui leur font tout perdre: leurs terres, leurs droits et leurs cultures, a-t-elle déploré.
Mme Ibrahim a indiqué que son étude porte aussi sur les capacités de résistance des peuples autochtones qui, a-t-elle fait observer, sont mentionnés à cinq reprises dans l’Accord de Paris, leur mode de vie contribuant à la lutte contre les changements climatiques, en raison de leurs connaissances du climat, des cultures et des saisons. Elle a recommandé d’intégrer non seulement les droits mais aussi le savoir autochtone dans les politiques et stratégies de lutte contre les changements climatiques, ainsi que dans les processus et les accords de paix autour des territoires autochtones. Ces mêmes droits doivent aussi être intégrés aux plans d’action, de mise en œuvre et d’accès au financement afin de trouver des solutions à la perte des savoirs traditionnels qui, a-t-elle insisté, doivent être au cœur des politiques de lutte contre les changements climatiques.
Suite à la présentation de cette étude, le Canada a insisté sur l’importance de la participation des peuples autochtones dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris, tandis que l’Espagne, qui a dit reconnaître le rôle des savoirs traditionnels dans la lutte contre les changements climatiques, a plaidé pour le respect du principe du consentement préalable, libre et éclairé par le secteur privé.
L’ancienne Présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, a mis en valeur la contribution des peuples autochtones à la sécurité alimentaire grâce à leurs pratiques agricoles traditionnelles et de diversification des cultures, notant qu’ils produisent différentes semences qui permettent de s’adapter aux changements climatiques.
À son tour, l’Australie a déclaré avoir fait des efforts pour améliorer les conditions de vie des peuples autochtones dans les domaines de l’éducation et de la santé. Des consultations sont en cours dans l’ensemble du pays pour veiller à faire entendre les voix autochtones, tandis qu’un accord national sur la réduction de l’écart entre tous les niveaux de gouvernement et les communautés aborigènes et du détroit de Torres est entré en vigueur en juillet 2020. Le Conseil des terres aborigènes de la Nouvelle-Galle du Sud qui a encouragé le Gouvernement australien à appuyer l’auto-administration des peuples autochtones, dénonçant en outre le fait que la Constitution de 1901 ne reconnaît pas les peuples aborigènes d’Australie.
Mme HANNAH MCGLADE, membre de l’Instance (Australie) s’est déclaré « préoccupée » par le modèle proposé par le Gouvernement d’Australie aux peuples autochtones, notant que celui-ci ne reflète pas les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en particulier le droit à l’autodétermination et au consentement préalable, libre et éclairé, et n’accorde aux peuples autochtones qu’un rôle consultatif. Elle a encouragé le Gouvernement australien à mettre en place une instance de représentation des peuples autochtones et souligné la nécessité d’une réforme constitutionnelle en Australie.
L’experte a également alerté qu’en 30 ans, plus de 300 autochtones sont décédés dans les prisons australiennes « où il n’y a pas d’égalité devant la loi » et a exigé d’en finir avec la pratique de jeter en prison les jeunes délinquants autochtones qui peuvent être emprisonnés dès l’âge de 10 ans.
Il faut tout mettre en œuvre pour défendre les droits et renforcer les institutions des peuples autochtones, ont affirmé à leur tour les États-Unis qui ont fait savoir que le Président Joe Biden a alloué 4 milliards de dollars à la lutte contre la COVID-19 dans les réserves indiennes. Nation Hawai’i a alors indiqué que l’État d’Hawaii est né de l’oppression des peuples autochtones et a demandé la restitution de leurs territoires, tout en insistant sur l’importance de la réconciliation.
Un représentant des communautés autochtones du nord de la Sibérie a décrit le fonctionnement d’une assemblée de représentants autochtones qui existe dans une région autonome depuis 2011. Les autochtones de l’Équateur disposent de leur propre système d’administration de la justice ; mais lorsqu’ils cherchent à faire valoir leurs droits et à obtenir justice, ils sont marginalisés, a déploré Mme Lourdes Tibán Guala, membre de l’Instance (Équateur). À son tour, le Danemark a souligné l’importance de respecter les droits des peuples autochtones y compris à l’autonomie comme c’est le cas au Groenland.
La représentante de CHIRAPAQ ECMIA, du Pérou, un réseau de femmes autochtones d’Amérique latine, a recommandé de démilitariser les territoires autochtones, de renforcer le système de justice autochtone, de garantir l’inclusion des femmes autochtones dans les institutions nationales. Il faut aussi créer des registres sur la violence et les abus commis contre les peuples autochtones et garantir la participation des femmes autochtones aux processus de paix. L’Organisation des peuples autochtones du bassin de l’Amazonie s’est inquiétée des menaces que font peser l’exploitation forestière et minière sur les communautés autochtone de cette région. « Tous les deux jours, un de nos frères ou de nos sœurs est assassiné pour avoir défendu notre droit à la terre », a-t-elle alerté.
Un membre du Conseil des maires du Gouvernement des organisations autochtones nationales de la Colombie a ensuite annoncé qu’une défenseuse des droits autochtones venait d’être assassinée alors que se déroule cette session. L’annonce de ce meurtre a notamment ému M. Dario Jose Mejia Montalvo, membre de l’Instance (Colombie) qui a vivement dénoncé la violence subie par les femmes autochtones. Il a ensuite réitéré l’appel à la création d’instances régionales qui permettraient d’accélérer la réalisation de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones « car il n’y aura pas de paix dans le monde si les peuples autochtones ne vivent pas en paix ».
La couverture de cette séance a été compromise par une série de problèmes d’ordre technique.
Les travaux de la vingtième session de l’Instance, axés sur le thème « Paix, justice et institutions solides: le rôle des peuples autochtones dans la réalisation de l’objectif de développement durable 16 », se poursuivront demain, mercredi 21 avril, à partir de 9 heures.