Le Comité préparatoire de la Conférence sur les pays les moins avancés débat du rôle du commerce pour l’essor économique, notamment à l’ère du numérique
Le Comité préparatoire intergouvernemental de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA) a tenu aujourd’hui deux tables rondes, l’une consacrée aux moyens de renforcer le commerce international des PMA et l’intégration régionale, et l’autre à l’appui en faveur de l’action climatique et du relèvement suite à la pandémie de COVID-19.
Au cours de la première table ronde, les participants ont constaté qu’en raison de la COVID-19, la valeur du commerce a chuté pour les pays les moins avancés (PMA), en raison de la gamme limitée de produits exportés vers quelques marchés eux-mêmes affectés par la pandémie. Alors que la contribution des PMA au commerce mondial oscille autour de 1%, les panélistes ont pourtant souligné que le commerce international peut jouer un rôle essentiel dans l’accélération de la croissance économique, la création d’emplois, la réduction de la pauvreté et un avenir plus inclusif pour tous.
Plusieurs orateurs ont ainsi parié sur le commerce électronique en particulier dont la valeur mondiale a atteint près de 26 milliards de dollars en 2018, soit environ 30% du produit intérieur brut (PIB) mondial. Malgré d’énormes potentiels, les PMA n’ont pas été en mesure de profiter des énormes opportunités offertes par le commerce électronique. Il est vrai que la pandémie a mis en évidence l’importance des technologies du numérique en général et du commerce électronique en particulier, a relevé le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh qui a aussi constaté que les PMA n’ont pas été en mesure de profiter des opportunités offertes par le commerce électronique en raison du manque d’infrastructures et installations logistiques nécessaires.
Face à l’obstacle de taille que représente la fracture numérique, le Directeur de la Division du développement à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Shishir Priyadarshi, a plaidé pour que le prochain programme d’action de Doha envisage des mesures qui pourraient préparer les PMA à exploiter la puissance des technologies numériques.
En attendant Doha, il faut favoriser les infrastructures numériques, l’accès au Wi-Fi et la disponibilité de larges bandes passantes, a suggéré Mme Emily Blanchard, professeur à la Dartmouth College. Il faudra surtout résoudre les problèmes que sont les infrastructures, le renforcement des capacités et compétences locales et adapter les politiques et règlementations afin qu’elles soient favorables au commerce électronique, a résumé à son tour le Directeur exécutif du Cadre intégré renforcé pour les pays les moins avancés, M. Ratnakar Adhikari.
Dans l’après-midi, les délégations ont porté leur attention sur l’appui en faveur de l’action climatique et du relèvement suite à la pandémie de COVID-19 dans le cadre d’une autre discussion interactive.
« La question du financement est incontournable. Mais ce qui est le plus important, c’est de rendre possibles les transferts de technologie et le renforcement des capacités », a affirmé à cette occasion le Secrétaire exécutif adjoint de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), M. Ovais Sarmad.
Rappelant la « minuscule contribution » des PMA aux changements climatiques, le Président du Groupe des pays les moins avancés lors des négociations des Nations Unies sur les changements climatiques a déploré que seulement 19% du financement climatique soit consacré à l’adaptation. Selon M. Sonam Phuntsho Wangdi, 50% du financement climatique devrait aller à l’adaptation et au moins la moitié des ressources d’adaptation devraient être investies dans les PMA et les PEID.
De son côté, la Coordonnatrice d’ENERGIA a jugé essentiel que les femmes des PMA disposent d’une cuisine propre car les changements climatiques affecteront les stocks de biomasse. Fournir des services énergétiques aux femmes pour maximiser leur productivité et diversifier leurs moyens de subsistance sera crucial pour améliorer leur capacité d’adaptation et leur résilience, a expliqué Mme Sheila Oparaocha qui a souhaité que le nouveau programme d’action pour les PMA garantisse une forte focalisation sur le genre.
Le Comité préparatoire reprendra ses travaux demain, 28 mai, à partir de 10 heures.
Table ronde thématique 4 - Renforcer le commerce international des pays les moins avancés et l’intégration régionale
Cette discussion a été l’occasion de mettre l’accent sur les moyens de remédier aux difficultés que rencontrent les PMA pour développer leurs activités commerciales dans le contexte de la COVID-19 et alors qu’ils n’offrent qu’une gamme limitée de produits à l’exportation vers quelques marchés eux-mêmes affectés par la pandémie. Le potentiel que recèle le commerce électronique a été souligné à plusieurs reprises, de même que la nécessité d’appuyer les PMA en voie de reclassement.
« Du fait de la pandémie, les exportations de biens et services des PMA ont chuté de 10% en 2020 », a indiqué le représentant du Paraguay, M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMÍREZ, qui coprésidait la séance avec son homologue du Népal. Il a noté qu’au vu des difficultés que rencontrent les PMA, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a arrêté plusieurs décisions pour les aider et que de nombreux pays développés ont adhéré à certaines de ces mesures, telles que l’accès des marchandises venant des PMA à leur marché en franchise de droits et hors contingent. Les PMA bénéficient également d’une flexibilité sous la forme de périodes de transition dans le cadre de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Il a en outre noté que le commerce électronique a d’énormes potentiels comme cela s’est vu pendant la pandémie.
En effet, la pandémie a mis en évidence l’importance des technologies du numérique en général et du commerce électronique en particulier, a renchéri le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, M. ABDUL MOMEN. Cependant, les PMA n’ont pas été en mesure de profiter des opportunités offertes par le commerce électronique en raison du manque d’infrastructures et d’installations logistiques nécessaires. Le prochain programme d’action, a-t-il estimé, doit se concentrer sur la diversification des produits, la valeur ajoutée, la transformation structurelle et le développement du secteur manufacturier établi sur la base de la technologie. Les PMA, a-t-il insisté, ont besoin d’aide pour construire leur écosystème numérique afin de pouvoir profiter des avantages du commerce électronique et des chaînes de valeur mondiales.
Le Ministre a par ailleurs relevé que l’incidence de la COVID-19 a anéanti les gains réalisés dans les exportations des PMA depuis 10 ans. De même, le manque de diversification et leur forte dépendance au prix des matières premières rend les exportations des PMA extrêmement vulnérables aux chocs externes. Il a appelé au renforcement des capacités commerciales grâce à un soutien financier et technique en faveur des PMA. Il a également proposé de maintenir l’accès aux marchés en franchise de droits et sans contingent pour ces États. Il a également appelé à fournir un soutien ciblé aux PMA en voie d’être reclassés.
Les PMA font davantage d’échanges entre eux, mais il leur faut exporter davantage de biens, ce qui est difficile car les produits exportés par les PMA ne correspondent pas aux normes des pays développés, a pour sa part constaté le Ministre du commerce et de l’industrie de Sierra Leone. M. EDWARD HINGA SANDY a aussi souligné qu’une diversification limitée représente un autre défi que les PMA doivent surmonter, d’où l’importance de privilégier une transformation économique qui autonomise les femmes, les jeunes et les PME.
Selon lui, le commerce électronique permettrait aux PMA d’ouvrir de nouveaux horizons vers leur reclassement. Le commerce électronique a modifié la manière de faire du commerce et a jeté des passerelles entre les acteurs mondiaux et des petits États, a-t-il expliqué, invitant les PMA à saisir cette opportunité.
Le Directeur de la Division du développement à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. SHISHIR PRIYADARSHI, a relevé que le système commercial multilatéral, tel qu’incarné à l’OMC, a contribué à aider les PMA à accroître leur participation au commerce mondial. Alors que le besoin le plus pressant des PMA aujourd’hui est l’accès rapide et équitable aux vaccins, l’OMC cherche à jouer son rôle pour accélérer leur production et leur distribution. Une autre priorité essentielle de l’OMC est de conclure les négociations sur les subventions à la pêche. Davantage d’efforts sont également nécessaires pour progresser dans le renforcement des dispositions de traitement spécial et différencié qui pourraient revigorer l’industrialisation et la diversification de l’économie des PMA, a noté M. Priyadarshi. Relevant à son tour que la pandémie a accéléré la tendance vers l’économie numérique, il a déploré que les PMA sont loin derrière les autres pays en termes de préparation numérique, d’infrastructure et de connectivité. Il a donc plaidé pour que le prochain programme d’action de Doha envisage des mesures qui pourraient préparer les PMA à exploiter la puissance des technologies numériques.
Il faut également examiner comment faire pour que les PMA intègrent les chaînes de valeur mondiales, a lancé Mme EMILY BLANCHARD, professeur à la Tuck School of Business de Dartmouth College. Selon elle, il faudrait que les pays et les gouvernements se préparent du mieux qu’ils peuvent en aidant les entreprises et travailleurs locaux à suivre les mutations des marchés internationaux. Les gouvernements doivent également réduire les entraves pour que les entrepreneurs locaux puissent accéder facilement aux chaînes de valeur mondiales. Il faut notamment établir des plateformes électroniques pour le commerce, notamment en adoptant les modes de payement rapides. Elle a également appelé à favoriser les infrastructures numériques, l’accès au Wi-Fi et la disponibilité de larges bandes passantes.
Il faudra surtout résoudre les problèmes que sont les infrastructures, le renforcement des capacités et compétences locales et adapter les politiques et règlementations afin qu’elles soient favorables au commerce électronique, a indiqué de son côté M. RATNAKAR ADHIKARI. Le Directeur exécutif du Cadre intégré renforcé pour les pays les moins avancés a aussi noté que les PMA ont grandement besoin de l’aide pour le commerce, un constat qui a d’ailleurs justifié la création du Cadre qui est le seul partenariat multilatéral destiné exclusivement à aider les PMA à utiliser le commerce comme moteur de la croissance, du développement durable et de la réduction de la pauvreté.
Le secteur du textile est également porteur d’espoir, a souligné Mme RUBANA HAGUE, ancienne Présidente de l’Association du textile du Bangladesh. Elle a affirmé que 70% des travailleurs de ce secteur sont des femmes qui sont extrêmement vulnérables aux chocs externes. Il est donc urgent de diversifier l’économie du pays, comme celle d’autres PMA. Elle a également indiqué qu’environ 73% des exportations de vêtements de son pays bénéficient désormais d’un accès en franchise de droits aux marchés, mais c’est là un privilège qui sera perdu suite au déclassement. Les PMA doivent disposer de suffisamment de temps pour pouvoir être déclassés « avec élégance », a-t-elle estimé, appelant à une extension des tarifs préférentiels.
Discussion interactive
Dans un premier temps, le Royaume-Uni a énuméré les différentes manières dont il appuie les PMA, notamment en éliminant les tarifs sur les produits transformés et manufacturés, tandis que son financement du Cadre intégré renforcé permet de renforcer les capacités dans les secteurs à potentiel d’exportation en Afrique de l’Est par exemple. Le Royaume-Uni fournit également une assistance institutionnelle pour garantir que les PMA disposent des outils nécessaires pour renforcer leurs capacités, leurs infrastructures et leurs politiques de commerce et d’exportation. À l’avenir, le pays entend renforcer son soutien sur des secteurs émergents tels que le Service du Commerce Électronique, ce dernier offrant aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux femmes la possibilité d’accroître leur participation aux chaînes de valeur mondiales.
L’aide pour le commerce est d’une importance cruciale pour les PMA, a souligné le Malawi qui dirige le Groupe des PMA. À cet égard, le soutien continu du Cadre intégré renforcé contribuera à exploiter le potentiel du commerce en tant que moteur de la croissance. Au sujet du commerce électronique, le Malawi a jugé que la fracture numérique est un obstacle de taille. Les PMA doivent donc construire un écosystème numérique et mettre en place un régime réglementaire pour développer le commerce électronique. Le Lesotho a pour sa part appelé à la prudence, car certaines mesures prises en faveur des PMA peuvent s’avérer néfastes pour le commerce de quelques-uns d’entre eux. Les PMA ne sont pas tous logés à la même enseigne, d’où l’importance de tenir compte de la situation particulière de chacun d’entre eux, a-t-il souligné.
Table ronde thématique 5 - Soutenir l’action climatique, se relever de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et bâtir une société résiliente en vue des chocs futurs
Le renforcement de la résilience étant une question transversale de cette session du Comité préparatoire, il était logique d’aborder les effets néfastes des changements climatiques, a expliqué la Coprésidente de la réunion, Mme RABAB FATIMA, Représentante permanente du Bangladesh, avant de céder la parole aux participants.
Premier intervenant central de ce débat, M. SONAM PHUNTSHO WANGDI, Président du Groupe des pays les moins avancés lors des négociations des Nations Unies sur les changements climatiques, a observé que les efforts déployés pour surmonter la COVID-19 ont souvent conduit au détournement de ressources prévues pour faire face à des défis préexistants, tels que les changements climatiques. Dans le cas des PMA, cela s’est traduit par un dépassement excessif de ressources, exacerbant les difficultés liées à un espace budgétaire restreint et à une reprise tardive. Une situation d’autant plus préoccupante que, parmi les plus de 120 pays concernés par les cibles du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, les PMA concentrent 48% des perturbations des moyens de subsistance, 40% des décès, 17% des pertes économiques et 14% des dommages aux infrastructures. Aux yeux de cet expert, il convient donc que le prochain programme d’action aborde les risques de manière globale. Il faut également que les problèmes émergents soient intégrés aux plans et priorités pour assurer la continuité de la trajectoire de développement de ces pays.
Plaidant pour qu’un soutien soit apporté aux PMA afin qu’ils puissent se doter de systèmes modernes d’alerte rapide multirisques, M. Wangdi a rappelé la « minuscule contribution » des PMA aux changements climatiques: des émissions de gaz à effet de serre de 0,34 tonne par habitant, contre 10,4 tonnes pour les pays à revenu élevé. De fait, le déséquilibre entre leur impact et les effets néfastes des changements climatiques est « saisissant », a-t-il souligné, avant de déplorer que seulement 19% du financement climatique soit consacré à l’adaptation. Selon le rapport de l’ONU sur les écarts de financement de l’adaptation, les coûts d’adaptation devraient être de l’ordre de 140 à 300 milliards de dollars par an d’ici à 2030. Dans ce contexte, 50% du financement climatique devrait, selon lui, aller à l’adaptation et au moins la moitié des ressources d’adaptation devraient être investies dans les PMA et les PEID.
« Sous l’administration du Président Joe Biden, les États-Unis seront un partenaire solide dans la lutte contre les changements climatiques », a ensuite déclaré M. TRIGG TALLEY, Directeur du Bureau du changement global au Département d’État des États-Unis. Dès son entrée en fonction, a-t-il rappelé, le Président Biden a rejoint l’Accord de Paris et la semaine suivante, il a publié un décret portant sur plus d’une vingtaine d’actions spécifiques, notamment une contribution déterminée au niveau national destinée à réduire les émissions du pays de 50 à 52% d’ici à 2030. Cette « trajectoire ambitieuse » est conçue pour nous mettre sur la voie d’un secteur énergétique sans carbone d’ici à 2035 et de l’objectif de zéro émissions nettes d’ici à 2050, a-t-il expliqué, ajoutant que ces mesures visent à rester à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, ce qui constitue une priorité pour les PMA.
Le Président Biden est également déterminé à rétablir le leadership mondial des États-Unis dans la réduction des émissions, a poursuivi M. Talley. C’est ainsi qu’en vue de la COP26 à Glasgow, il a organisé un sommet des dirigeants sur le climat, qui s’est concentré sur les actions que les grandes économies pourraient entreprendre pour accélérer leur ambition. D’autres aspects prioritaires pour les PMA, notamment le financement et l’adaptation, ont aussi été abordés au cours de ce sommet qui a « dépassé toutes nos espérances », a-t-il affirmé.
Selon M. Talley, le Président Biden et son Envoyé spécial pour le climat, M. John Kerry, sont parfaitement conscients des défis particuliers que les PMA et d’autres pays vulnérables doivent affronter alors que cette crise n’est pas de leur fait. « Défenseur acharné » de l’aide aux PMA et aux pays vulnérables, M. Kerry a été rejoint dans cette action par la nouvelle administratrice de l’USAID, Mme Samantha Power, qui a également donné la priorité aux changements climatiques dans les activités d’aide au développement, a-t-il ajouté. Il a également indiqué que l’actuelle Administration proposera de doubler le financement de l’action climatique des États-Unis, comparé aux années Obama, d’ici à 2024, et de plus de quadrupler les niveaux que le Congrès démocrate a alloués l’année dernière. Cette volonté, a souligné le responsable, implique un triplement du financement américain, avec un accent important sur le soutien aux PMA. Ces annonces nous « remettent dans le jeu » pour atteindre l’objectif de mobilisation de 100 milliards de dollars, s’est félicité M. Talley.
Prenant à son tour la parole, M. SELWIN HART, Conseiller spécial du Secrétaire général pour l’action climatique et Sous-Secrétaire général pour l’Équipe d’action pour le climat, a rappelé les priorités établies par l’ONU en vue de la COP26, qui se tiendra en novembre à Glasgow. La principale, a-t-il dit, consiste à parvenir à une limitation du réchauffement global à 1,5 °C, une ambition mondiale que les PMA et les PEID avaient été parmi les premiers à exiger. Dans ce contexte, il est crucial que les grandes économies s’engagent avant le rendez-vous de Glasgow à honorer l’objectif de zéro émissions nettes et à de plus grandes contributions déterminées au niveau national. Une autre priorité est le financement des mesures d’atténuation et d’adaptation qui ne représente pour l’instant que 22% des sommes engagées pour l’action climatique.
Alors que, selon le PNUD, le coût des efforts d’adaptation dans les pays en développement pourrait atteindre 300 milliards de dollars par an, M. Hart a déploré que les PMA ne reçoivent que 14% de la totalité des financements alloués à la lutte contre les changements climatiques. Il faut faire davantage pour s’assurer que ces financements atteignent les PMA, a-t-il plaidé. Il a appelé les bailleurs de fonds à renforcer leurs contributions en faveur de l’adaptation afin que celle-ci représente 50% de la totalité des programmes climatiques.
Considérant les femmes et l’énergie durable comme des « éléments centraux » de la reprise post-COVID-19, Mme SHEILA OPARAOCHA, Coordonnatrice d’ENERGIA, a souhaité que le nouveau programme d’action pour les PMA garantisse une forte focalisation sur le genre en soutien de la transformation structurelle. Le secteur de l’énergie, a-t-elle relevé, est un domaine de croissance pour l’emploi mais, actuellement, les femmes ne constituent que 32% de sa main-d'œuvre. Il convient d’y remédier en finançant la sensibilisation aux carrières et en adaptant les femmes à des emplois et à des paysages d’investissement à prédominance masculine, a préconisé Mme Oparaocha. Pour cela, les institutions et les lieux de travail doivent changer pour être inclusifs, ce qui implique de soutenir le développement et la mise en œuvre d’environnements propices aux femmes, dans le domaine de l’énergie comme dans d’autres secteurs.
Pour la Coordonnatrice d’ENERGIA, il importe par ailleurs que le nouveau programme d’action garantisse que l’adaptation aux changements climatiques et les considérations relatives à la réduction des risques de catastrophe soient intégrées dans les secteurs critiques des économies des PMA. À cette fin, il est essentiel de s’assurer que les femmes des PMA disposent d’une cuisine propre car les changements climatiques affecteront les stocks de biomasse. Fournir des services énergétiques aux femmes pour maximiser leur productivité et diversifier leurs moyens de subsistance sera crucial pour améliorer leur capacité d’adaptation et leur résilience, a-t-elle expliqué, plaidant à ce sujet pour que les ménages et les entreprises dirigés par des femmes disposent d’une énergie fiable, abordable et sûre. Elle a également souhaité que le développement des infrastructures énergétiques adopte une approche sexospécifique pour garantir que les femmes ne soient pas dépossédées ou exclues de l’utilisation des ressources naturelles pour la production ou la fourniture d’énergie. Cela signifie faciliter la participation des femmes à la prise de décision sur les niveaux d’énergie, a-t-elle précisé.
« Les impacts des changements climatiques ne feront que s’aggraver dans les années à venir », a averti M. OVAIS SARMAD, Secrétaire exécutif adjoint de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), reconnaissant que les PMA, en raison de leur situation particulière, sont parmi les nations les plus vulnérables de la planète. Malgré cela, a-t-il observé, le soutien aux PMA est bien en-deçà des niveaux requis, ce qui implique d’en faire une priorité du nouveau programme d’action. Il faut donc mettre en place des programmes de renforcement de la résilience pour soutenir les PMA dans des domaines tels que l’agriculture, l’élevage et la gestion de l’eau, mais aussi dans la santé et les infrastructures. Il a également appelé à investir dans l’adaptation, rappelant que le Fonds vert pour le climat est censé fournir la moitié du financement d’adaptation aux PMA, aux PEID et aux pays africains vulnérables.
Au secrétariat de la CCNUCC, a-t-il indiqué, nous avons lancé un partenariat qui mobilisera l’ensemble du système de l’ONU pour soutenir les pays les plus vulnérables dans la préparation et la mise en œuvre de leurs plans nationaux d’adaptation. Cette initiative, qui répond à un appel du Secrétaire général, devrait nous donner une impulsion suffisante pour élaborer un programme d’action ambitieux, a espéré M. Sarmad. Il s’agit selon lui d’opérationnaliser l’engagement pris de ne laisser personne de côté en aidant les PMA à s’adapter aux risques climatiques et à renforcer leurs capacités nationales contre des chocs externes tels que la pandémie de COVID-19.
Alors que plus de la moitié des personnes vivant dans les PMA ont moins de 25 ans, a indiqué pour sa part Mme SANDRA DELALI KEMEH, Présidente du Conseil consultatif de la jeunesse africaine sur la réduction des risques de catastrophe (AYAB DRR), la question n’est pas de savoir si les jeunes doivent faire partie des stratégies de relèvement mais comment ils doivent être véritablement engagés dans l’élaboration, la mise en œuvre, l’examen et le suivi des plans d’action pour construire des sociétés résilientes.
Selon Mme Kemeh, le Programme d’action d’Istanbul a indéniablement permis de développer les capacités des PMA. Par exemple, le taux d’utilisation du téléphone mobile est passé dans ces pays de 42% en 2011 à presque 70% en 2017. En outre, l’accès à Internet a bondi de 4,8% en 2011 à 18,3% en 2017. Parallèlement, la proportion d’enfants non scolarisés dans l’enseignement primaire est passée de 18,7% en 2011 à 17,7% en 2018. S’ils sont encourageants, ces chiffres restent néanmoins insuffisants, a-t-elle concédé, non sans souligner qu'un jeune sur quatre dans le monde vivra dans un PMA d’ici à 2050. Estimant que les jeunes connaissent les solutions à leurs problèmes et disposent de moyens innovants pour les atteindre, elle a souhaité que leur participation soit facilitée lors de la Conférence de Doha.
Au moment où les pays, et les PMA en particulier, s’emploient à se remettre de la pandémie de COVID-19, il est impératif, selon Mme Kemeh, que les gouvernements intègrent les changements climatiques dans leurs stratégies nationales de réduction des risques de catastrophe. Ces stratégies doivent, selon elle, mettre l’accent sur l’investissement dans l’éducation aux changements climatiques, la formation professionnelle des jeunes et l’acquisition de connaissances numériques, le but étant que, d’ici à 2025, 60% des jeunes des PMA aient un niveau de maîtrise minimum. « Investir dans la jeunesse, c’est investir dans la résilience, car les jeunes et les générations futures hériteront du monde de demain », a-t-elle soutenu.
Discussion interactive
La construction de la résilience doit être au cœur du nouveau programme d’action pour les PMA, a plaidé le Bhoutan au nom du Groupe des pays les moins avancés. Notant que les plans d’adaptation restent très insuffisants en raison des contraintes de ressources et de capacités, il a appelé à les financer dans le cadre du Fonds vert pour le climat et à une simplification des modalités d’accès. En outre, l’objectif de Paris de 100 milliards de dollars de financement climatique annuel doit être atteint immédiatement, avec une part accrue allant aux PMA. Jusqu’à présent, a-t-il déploré, 14% seulement du financement climatique va aux PMA, alors qu’ils sont considérés comme les plus vulnérables. Il a d’autre part souhaité que 50% de la part totale des financements climatiques fournis par les pays développés et les banques de développement multilatérales soit affectée à l’adaptation et à la résilience et que 50% des fonds d’adaptation aillent aux PMA et aux PEID. Il a aussi appelé au doublement des financements publics internationaux en faveur des énergies propres et renouvelables dans les PMA.
Notant que le financement bancaire pour l’adaptation est passé de 40% du financement climatique en 2016 à 50% en 2020, le Groupe de la Banque mondiale a indiqué avoir engagé 5 milliards de dollars pour améliorer les moyens de subsistance et réparer les dégâts climatiques dans 11 pays des régions du Sahel, du lac Tchad et de la Corne de l’Afrique. Depuis le début de la pandémie, a-t-il ajouté, l’Association internationale de développement (IDA), « qui est notre fonds pour les plus pauvres », a renforcé son soutien pour aider les PMA à contenir les effets de la COVID-19 et à jeter les bases du relèvement. D’avril à décembre 2020, nos transferts nets vers ces pays ont atteint près de 17 milliards de dollars, dont 5,8 milliards sous forme de dons, et nos nouveaux engagements se sont élevés à près de 30 milliards de dollars, a-t-il précisé.
Le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNDRR), a, lui, fait remarquer que les pertes annuelles moyennes dues aux catastrophes représentent environ 8,5% du PIB dans les PMA, contre 3,5% dans les pays à revenu élevé. Compte tenu de la diminution de la richesse nationale qu’occasionne l’impact macroéconomique cumulatif, il a vu dans le nouveau programme d’action pour les PMA l’occasion de tirer parti du relèvement post-COVID-19 pour élaborer une trajectoire de développement qui réduise les risques et renforce la résilience.
Observant d’autre part que seulement 45% des PMA ont déclaré avoir mis en place des stratégies de réduction des risques de catastrophe, l’UNDRR a estimé que l’un des objectifs principaux du nouveau programme d’action devrait être de faire en sorte que tous ces pays aient des stratégies à risques multiples alignées sur le Cadre de Sendai. De même, afin d’aider les PMA à élaborer des politiques d’investissement qui anticipent les risques complexes et systémiques, il importe de renforcer leurs capacités et de leur fournir des ressources et des technologies de collecte et d’analyse des données afin qu’ils puissent intégrer les risques de catastrophe dans les prises de décision.
S’il est essentiel de bâtir des sociétés inclusives et pacifiques, il importe également de prendre en compte les risques que fait courir le développement aux écosystèmes, a plaidé le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) qui a appelé à un relèvement post-COVID-19 plus vert et plus résilient afin de parvenir aux ODD, de préserver l’environnement et de protéger les moyens de subsistance des populations.
La question du financement est incontournable, a reconnu le Secrétaire exécutif adjoint de la CCNUCC mais ce qui est le plus important, c’est de rendre possibles les transferts de technologie et le renforcement des capacités. À cette fin, la collaboration de tous les partenaires, publics et privés, est selon lui essentielle. Un avis partagé par la Présidente du Conseil consultatif de la jeunesse africaine sur la réduction des risques de catastrophe, qui a espéré que les engagements annoncés ne seront pas « des paroles en l’air ».
Concluant cette discussion, l’autre Coprésidente de la réunion, Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI, Représentante permanente du Qatar, a souligné que la meilleure façon de préparer les PMA aux prochains chocs est de renforcer leurs capacités et de les doter en ressources. Elle a souligné l’importance du programme d’action qui sera adopté pour les 880 millions de personnes qui vivent dans ces pays. Il doit générer une action coordonnée pour que les PMA reprennent leur marche vers un développement durable et résilient, a-t-elle conclu, promettant l’appui total du Qatar à l’ONU pour assurer que Doha 2022 soit un succès.