L’antidote à la pandémie de désinformation sur la COVID-19, c’est l’information fondée sur les faits présentée par des médias libres et indépendants, souligne le Secrétaire général
On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion du dialogue de haut niveau en ligne sur la liberté de la presse et la lutte contre la désinformation dans le contexte de la COVID-19, le 4 mai:
C’est un grand plaisir de m’adresser à vous tous. J’espère que vous vous portez bien et que vous êtes en sécurité.
Chaque année, la Journée mondiale de la liberté de la presse représente une opportunité pour porter toute notre attention à la question de la liberté des médias et de la protection des journalistes.
Cette cause demeure essentielle.
J’ai passé du temps dans des zones de guerre et dans des camps de réfugiés; j’ai vu comment les journalistes risquent leur vie afin que les histoires de chacun soient entendues. Je ne pourrais pas faire mon travail sans celui, courageux, créatif et souvent profondément émouvant des médias.
Les journalistes mettent régulièrement en lumière d’importants cas de corruption et de népotisme, de violations des droits humains, de nettoyage ethnique et de violence sexuelle et fondée sur le genre. Ces informations sont essentielles à la poursuite de la justice, car elles jettent les bases d’enquêtes plus approfondies pouvant déboucher sur des poursuites.
Mais les médias ont subi ces dernières années des pressions croissantes. De nombreux journalistes sont menacés, harcelés ou violemment attaqués. L’année dernière, 57 journalistes ont été tués dans le monde.
Les femmes sont souvent prises pour cibles. La lauréate du prix de la Journée mondiale de la liberté de la presse de cette année, la journaliste colombienne Jineth Bedoya Lima, est l’une de ces femmes journalistes courageuses.
Lorsque les journalistes sont attaqués, c’est la société tout entière qui en paie le prix. Aucune démocratie ne peut fonctionner sans la liberté de la presse, qui est la pierre angulaire de la confiance entre la population et ses institutions.
Aujourd’hui, nous rendons donc hommage à tous les journalistes qui travaillent dans des conditions dangereuses et difficiles, partout dans le monde.
Cette année, à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, le monde entier, les médias y compris, est confronté à un défi totalement nouveau: le COVID-19, qui n’épargne personne, nulle part.
Parallèlement à la pandémie, nous assistons à une dangereuse vague de désinformation, allant de conseils de santé préjudiciables à d’extravagantes théories du complot en passant par des discours de haine.
Des mensonges flagrants se répandent en ligne à une vitesse terrifiante. Une analyse récente a révélé que plus de 40% des messages concernant le COVID-19 diffusés sur un grand réseau social étaient publiés par des bots – des programmes automatisés se faisant passer pour des personnes.
L’antidote à cette pandémie de désinformation, c’est l’information et l’analyse fondées sur les faits.
Il dépend de la liberté des médias et de l’indépendance des journalistes.
Et tient à un principe fondamental: « le journalisme sans crainte ni complaisance ».
Il ne s’agit pas là d’un simple slogan, mais d’une question de vie ou de mort.
Les journalistes et les professionnels de tous médias sont indispensables pour nous aider à prendre des décisions éclairées. Dans une situation de pandémie, ces décisions peuvent sauver des vies. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin des médias pour nous informer de ce qui se passe; pour séparer les faits de la fiction; et pour demander des comptes aux dirigeants.
Mais depuis le début de la pandémie, partout dans le monde, de nombreux journalistes sont soumis à des restrictions plus sévères et à des sanctions disproportionnées simplement parce qu’ils font leur travail.
Si des limitations temporaires à la liberté de circulation sont essentielles pour vaincre le COVID-19, cela ne doit jamais servir de prétexte pour empêcher les journalistes de faire leur travail.
Les gens ont peur. Ils veulent savoir quoi faire et à qui demander conseil. Ils ont besoin de la science. Ils ont besoin de solidarité.
Je remercie donc les journalistes et tous ceux qui nous informent et qui vérifient les faits et les informations publiés sur les réseaux sociaux, en particulier les femmes et les hommes qui couvrent les questions de santé publique. L’Organisation des Nations Unies est à vos côtés.
L’utilisation des réseaux sociaux a augmenté de façon spectaculaire depuis le début de la crise, car ces réseaux offrent des moyens sans pareil pour communiquer et accéder à l’information. Il est encourageant de constater que les plateformes de médias sociaux commencent à prendre leurs responsabilités au sérieux.
Je salue les engagements récents de ces réseaux de mettre en avant les contenus factuels et de lutter contre la désinformation – en particulier ceux qui suppriment de manière proactive les contenus nuisibles. Je les exhorte à poursuivre ces efforts qui contribuent à éviter la propagation de rumeurs dangereuses et de faux remèdes.
À l’Organisation des Nations Unies, nous travaillons avec les plateformes de médias sociaux pour promouvoir des messages qui assurent la sécurité et la santé de tous. Et nous avons lancé notre propre initiative pour inonder internet de données factuelles et scientifiques tout en contrant la désinformation et les mensonges de toutes sortes.
Les organisations internationales, ainsi que les gouvernements, ont un rôle important à jouer pour promouvoir les faits et les méthodes scientifiques. Mais personne pendant cette pandémie ne peut se substituer aux médias pour transmettre au public des informations et des analyses, et pour contrer les rumeurs et la déformation des faits.
J’appelle les gouvernements et les dirigeants de tous bords à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les journalistes et les professionnels des médias et renforcer la liberté de la presse, pendant la pandémie du COVID-19 et au-delà.