Approches holistique et inclusivepartenariats et prévisibilité des ressources: la formule du Secrétaire général pour la consolidation et la pérennisation de la paix
On trouvera ci-après le discours du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à la réunion du Conseil de sécurité sur la consolidation et la pérennisation de la paix, aujourd’hui:
Je souhaite une chaleureuse bienvenue à S. E. le Président Alassane Ouattara et je remercie par la même occasion la Côte d’Ivoire de mettre à profit sa présidence du Conseil de sécurité pour proposer le thème d’aujourd’hui, qui met l’accent sur les liens qui unissent le développement économique durable, la paix et la sécurité.
L’expérience de la Côte d’Ivoire elle-même, qui avance dans le chemin de la consolidation de la paix et du développement, nous montre que la paix et le développement sont indivisibles. En outre, après avoir accueilli sur son sol une opération de maintien de la paix des Nations Unies, la Côte d’Ivoire peut en effet apporter une contribution précieuse et partager son expérience avec les opérations de paix en cours dans d’autres pays du monde. Ces faits attestent sans nul doute des résultats que nous pouvons obtenir si nous unissons nos efforts. C’est là l’esprit-même de mon initiative « Action pour le maintien de la paix ».
Sur le long terme, et à la lumière des crises aigues et prolongées qui secouent le monde d’aujourd’hui, il est clair que la méthode consistant essentiellement à réagir aux crises a un coût humain et financier trop élevé. C’est pourquoi je tiens tant à recentrer nos activités sur la prévention, à rééquilibrer notre action dans les domaines de la paix et de la sécurité, et à coordonner nos activités entre les trois piliers que sont la paix, le développement durable et les droits de l’homme. La paix ne peut être pérenne sans développement et une paix durable est indispensable à la préservation des acquis du développement. À partir de ce constat, je souhaiterais aujourd’hui partager quatre messages clefs avec le Conseil.
Premièrement, nous devons adopter une approche holistique. Cette approche suppose essentiellement que nous combattions les facteurs potentiels d’instabilité tels que les inégalités, les changements climatiques, la compétition pour les ressources, la corruption et la criminalité transfrontalière. Elle suppose également une prise de conscience réelle qu’investir dans les services de base, le développement durable et la cohésion sociale, c’est investir dans la paix. Elle suppose enfin de mieux adapter la présence des Nations Unies à l’évolution des besoins dans les pays qui, au lendemain d’un conflit violent, cherchent à instaurer une paix durable. Pour ce faire, nous devons nous efforcer en priorité de répondre aux besoins du pays hôte et à mobiliser autour de ces besoins l’ensemble du système des Nations Unies, toutes les opérations de paix, tous les acteurs humanitaires et du développement. C’est là un des éléments fondamentaux des réformes que j’ai engagées. Trop souvent, hélas, les pays qui ont connu des crises peuvent parfois basculer encore dans la violence, si un programme de développement inclusif n’est pas bien mené.
Deuxièmement, nous devons adopter des approches plus inclusives. Il est essentiel que les activités de paix et de développement soient prises en main, dirigées et menées par les acteurs nationaux et locaux. Pour cela, nous devons mobiliser les citoyens en premier lieu, ainsi que le secteur privé, et veiller à ce que le champ d’action de la société civile reste entier. Nous devons aussi associer à nos efforts les couches sociales qui sont trop souvent marginalisées et exclues, comme les femmes et les filles, les personnes âgées, les jeunes, les personnes handicapées et les membres des groupes minoritaires. La participation des femmes, notamment, est un moyen sûr d’améliorer l’efficacité et la pérennité de la consolidation de la paix. Leur contribution est en effet cruciale au redressement économique, à la légitimité politique et à la cohésion sociale.
Troisièmement, nous devons nouer davantage de partenariats. Je suis résolu à poursuivre la consolidation de nos liens avec les organisations régionales et sous-régionales et avec les institutions financières internationales pour préserver les acquis du développement, accroître la résilience et renforcer les capacités locales visant à prévenir les conflits et à y faire face. Cet aspect est particulièrement important dans les contextes de transition, lorsque la mission se retire et que l’attention internationale et l’afflux de ressources extérieures commencent généralement à faiblir.
Notre partenariat avec l’Union africaine est crucial et continue de se développer. Nous avons conclu des cadres communs sur la paix et la sécurité et sur la mise en œuvre de l’Agenda 2063 et du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Nous avons en outre mené conjointement des missions axées sur les femmes en vue de démontrer l’importance primordiale de l’égalité femmes-hommes. Plus tôt cette année, j’ai conclu un Cadre de partenariat stratégique avec la Banque mondiale et nous nous attachons actuellement à mettre en application les conclusions de notre étude conjointe, intitulée « Chemins pour la paix: Approches inclusives pour la prévention des conflits violents ».
La Commission de consolidation de la paix joue un rôle utile de médiateur et de rassembleur. Elle constitue une plateforme où divers acteurs et parties prenantes s’efforcent d’améliorer la cohérence des objectifs politiques et d’appuyer le développement durable dans les pays touchés par un conflit. De fait, les échanges de la Commission avec les militants de la paix et la société civile à l’échelon local sont essentiels pour faire le lien entre la consolidation de la paix au niveau national et les discussions relatives aux politiques au niveau mondial.
Quatrièmement, nous devons disposer de ressources suffisantes et prévisibles pour les activités de consolidation de la paix et de développement menées tout au long du cycle des conflits. Nous devons aider les États Membres à améliorer la mobilisation de ressources nationales et à attirer des investissements étrangers.
Le Fonds pour la consolidation de la paix a besoin d’un appui accru, et il le mérite. Instrument dynamisant, rapide et souple, le Fonds favorise la participation locale et, c’est extrêmement important, fournit une aide aux zones reculées – y compris transfrontalières – qui sont souvent laissées pour compte. Le Fonds alloue par ailleurs plus de 30% de ses ressources annuelles à la défense des droits des femmes et à l’égalité femmes-hommes à l’appui de la pérennisation de la paix. Je demande de nouveau à tous les États Membres et aux entités des Nations Unies de suivre son exemple. Je demande de nouveau également que les opérations de paix africaines placées sous l’autorité du Conseil de sécurité soient dotées d’un financement prévisible, durable et souple, notamment au moyen de contributions versées à l’ONU si nécessaire.
Je suis fermement résolu à apporter mon appui au Conseil de sécurité tandis que nous nous efforçons ensemble de consolider nos activités tout au long du continuum de la paix.
La restructuration et le repositionnement des piliers paix et sécurité et développement de l’ONU contribueront à promouvoir une nouvelle génération d’approches et de mécanismes pour répondre plus efficacement aux problèmes les plus urgents auxquels le monde est confronté. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la pérennisation de la paix sont complémentaires et se renforcent mutuellement. J’encourage tous les acteurs à faire davantage pour faire de ces cadres nos meilleures garanties contre l’instabilité et l’insécurité. Je remercie à nouveau S. E. le Président Ouattara et la Côte d’Ivoire d’avoir porté notre attention sur ce travail de la plus haute importance.