En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/19335-SC/13571

Plaidoyer du Secrétaire général pour un multilatéralisme « en réseau et inclusif »

On trouvera ci-après le discours du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à la réunion du Conseil de sécurité sur le « Renforcement du multilatéralisme et le rôle de l’ONU », aujourd’hui:

Je remercie la Chine d’avoir profité de sa présidence du Conseil de sécurité pour souligner à quel point il importe de renforcer le multilatéralisme et le rôle de l’ONU.

Le débat d’aujourd’hui a lieu quelques jours à peine avant le centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale.  Tragédie colossale, ce conflit a été le terrifiant présage des sanglantes décennies qui allaient suivre.

L’Europe était un continent multipolaire à l’époque, mais cela n’a pas suffi pour prévenir la violence.  En l’absence de mécanismes multilatéraux de règlement des problèmes internationaux, la guerre a éclaté et a duré des années.  Il a fallu une deuxième catastrophe mondiale pour que soient adoptés les accords multilatéraux dont nous disposons aujourd’hui.  Ces accords ont fait leurs preuves en permettant de sauver des vies, de réaliser des progrès sur le plan économique et social et d’éviter une troisième guerre mondiale.

Ces dernières années ont été marquées par des réalisations encourageantes en matière de diplomatie internationale, notamment le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  Les opérations de paix autorisées par le Conseil sont également une expression importante du multilatéralisme en action.  Le maintien de la paix a permis à un grand nombre de pays de se relever d’un conflit armé.  Nos missions sont souvent de véritables remparts contre le chaos et les bains de sang.  C’est pour cette raison que je me réjouis que 151 pays, ainsi que quatre grandes organisations internationales et régionales, aient exprimé leur appui à l’initiative Action pour le maintien de la paix, qui vise à renforcer ces partenariats collectifs.

Par contre, dans d’autres domaines, les efforts multilatéraux sont mis à rude épreuve.  Nous vivons à une époque marquée par la multiplication des conflits, l’intensification des changement climatiques, l’exacerbation des inégalités et l’intensification des tensions commerciales.  Nous assistons à des déplacements sans précédent de populations à travers les frontières, en quête de sécurité ou de perspectives d’avenir.  Nous sommes toujours confrontés au risque de prolifération des armes de destruction massive et notre compréhension des dangers potentiels posés par les nouvelles technologies est encore très limitée. L’anxiété, l’incertitude et l’imprévisibilité règnent partout dans le monde.  La méfiance s’accroît, au sein des pays et entre les pays.  Les populations perdent confiance dans les institutions politiques – nationales et mondiales.  Des certitudes fondamentales sont remises en cause, des initiatives importantes sont sabotées et des institutions clefs sont mises à mal.  Il semble souvent que plus la menace à une portée mondiale, moins nous sommes capables de coopérer.  Cela est très dangereux face aux défis d’aujourd’hui, pour lesquels des approches globales s’imposent.

Dans ce contexte difficile, nous devons encourager un retour à la coopération internationale.  Il nous faut un système multilatéral réformé, redynamisé et renforcé.  En fin de compte, le multilatéralisme n’est rien d’autre que des pays qui se rassemblent, qui se respectent mutuellement et qui établissent de formes de coopération garantissant la paix et la prospérité pour tous sur une planète saine.  À cette fin, nous devons renforcer notre engagement en faveur d’un ordre fondé sur des règles, avec l’ONU au centre et les différents institutions et traités qui donnent vie à la Charte.

Néanmoins, il ne suffit pas d’avoir des lois et des conventions internationales, aussi importantes soient-elles.  Nous devons adopter de nouvelles formes de coopération avec d’autres organisations internationales et régionales – un multilatéralisme en réseau.  Nous devons aussi resserrer les liens avec la société civile et les autres parties prenantes – un multilatéralisme inclusif.  Le Conseil de sécurité a un rôle central à jouer pour montrer l’importance de la coopération internationale.  Je voudrais rappeler que la Charte des Nations Unies confère au Conseil une stature, des pouvoirs et des responsabilités bien particuliers.  Par conséquent, cet organe a la responsabilité de protéger non seulement sa propre réputation, mais aussi celle de l’ONU dans son ensemble.  Je pense que nous convenons tous que les crises en Syrie, en ce qui concerne le processus de paix au Moyen-Orient et ailleurs ont ébranlé la confiance des populations dans la capacité de la communauté internationale à trouver des solutions.

J’encourage les membres du Conseil à faire davantage pour surmonter les divisions, s’approprier les programmes de prévention et de consolidation de la paix et privilégier la médiation et les autres instruments énoncés au Chapitre VI de la Charte pour le règlement des différends par des moyens pacifiques.  Je reste convaincu de la nécessité d’intensifier les efforts diplomatiques, et je suis encouragé par les exemples récents de solutions politiques négociées à des problèmes qui semblaient auparavant insolubles.  Dans le même esprit, j’encourage tous les États Membres à investir davantage dans l’édification d’une mondialisation équitable qui bénéficie à tout le monde et dans la cohésion sociale qui donne à tous le sentiment d’être partie prenante dans la société, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il est inadmissible de diaboliser les minorités, les migrants et les réfugiés et d’étouffer la diversité qui enrichit nos sociétés.

Alors que nous célébrons le centenaire de la Première Guerre mondiale, nous devons en tirer des enseignements et renforcer notre pratique du multilatéralisme pour qu’il puisse faire face aux difficultés et aux menaces d’aujourd’hui et de demain.  Face au risque de voir les défis du XXIsiècle devancer les institutions et les mentalités du XXsiècle, nous devons réaffirmer les idéaux de l’action collective tout en mettant en place de nouvelles approches et de nouveaux dispositifs à même de faire face à ces défis.  La réforme de l’ONU a une contribution importante à apporter à cet égard, et je me réjouis à la perspective de poursuivre cet effort, dans tous les domaines.

Toutefois, par-dessus tout, c’est notre Charte des Nations Unies résiliente et toujours en avance sur son temps –qui énonce des valeurs universelles, qui est ancrée dans la paix, le développement, les droits de l’homme et l’état de droit, et qui envisage des pays vivant l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage, avec un destin et un avenir communs– qui nous montre la voie à suivre.  Renforcer le multilatéralisme, c’est renforcer notre engagement en faveur de la Charte.  Cet engagement est plus que jamais nécessaire de la part de tous ceux qui sont assis autour de cette table et dans le monde entier.

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