En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/19316-SC/13555-FEM/2160

Le Secrétaire général présente au Conseil de sécurité des mesures pour encourager la participation des femmes aux processus de paix officiels

On trouvera ci-après la déclaration faite, aujourd’hui, par le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à la réunion du Conseil de sécurité « Les femmes et la paix et la sécurité »:

Je remercie la présidence bolivienne de me donner la possibilité d’aborder la question de la mise en œuvre du programme relatif aux femmes et à la paix et à la sécurité sur la base de l’autonomisation politique et économique des femmes.  Je félicite le Conseil des efforts qu’il a déployés au cours de l’année écoulée pour augmenter le nombre d’orateurs de la société civile, pour le travail accompli par son groupe d’experts sur les femmes et la paix et la sécurité, et pour avoir instauré la parité des sexes et garanti une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes de la part des intervenants durant les présidences de certains de ses membres.

Jamais, au cours des 30 dernières années, le nombre de pays en proie à une forme de conflit violent n’a été aussi élevé.  Les déplacements forcés dus aux guerres et aux persécutions sont plus nombreux que jamais.  Les changements climatiques et le sous-développement menacent de plus en plus notre sécurité, et la question des droits humains est reléguée au second plan.  Il y a tout lieu de s’inquiéter, mais nous devons résister au pessimisme ambiant et ne pas perdre de vue que des solutions existent.  L’espoir a toujours guidé nos pas dans l’action que nous menons collectivement pour les femmes et la paix et la sécurité.  C’est une question porteuse de changement, qui comporte bien des éléments dont nous avons besoin pour relever les défis complexes auxquels le monde doit faire face : changements climatiques, désarmement, égalité et inclusion.  Il s’agit également d’une question fondamentale pour ce qui est de l’atteinte de notre objectif principal : prévention des conflits et des souffrances humaines.

Au cours de l’année écoulée, nous avons observé des exemples positifs de progrès.  Les organisations de femmes continuent d’avoir un impact, du maintien du dialogue en Guinée-Bissau à la reconstruction de communautés en Colombie.  En République centrafricaine et au Mali, les femmes ont contribué avec succès aux négociations entre acteurs armés pour contrer l’escalade des tensions intercommunautaires.  En République arabe syrienne, les femmes ont négocié des cessez-le-feu locaux, facilité la création de zones de sûreté pour les civils et coordonné des initiatives humanitaires et de secours; et elles ont fait de même au Yémen.

Je peux attester personnellement l’importance capitale du travail accompli par les bâtisseuses de la paix que j’ai rencontrées dans le monde entier, du Mali au Bangladesh.  Ici, à l’ONU, le Fonds pour les femmes, la paix et l’action humanitaire fournit des ressources aux organisations de femmes qui en ont besoin.  Le Fonds pour la consolidation de la paix investit plus de 30% de ses ressources dans des programmes de promotion de l’égalité des sexes, et un nombre croissant de donateurs affectent des fonds à la promotion de l’égalité des sexes.

Nous plaçons ces objectifs au cœur de nos partenariats avec les organisations régionales.  La Vice-Secrétaire générale a établi plusieurs missions de haut niveau avec l’Union africaine, axées sur les femmes, la paix, la sécurité et le développement.  Le mois dernier, le prix Nobel de la paix a été décerné au docteur Denis Mukwege et à Mme Nadia Murad, deux défenseurs des femmes, de la paix et de la sécurité qui incarnent le pouvoir propre à chaque personne d’apporter une contribution et le fait que les survivants et les défenseurs sont les mieux placés pour déterminer les changements nécessaires à la réalisation une paix durable.

Ceci dit, et en dépit des progrès accomplis dans certains domaines, les faits sur le terrain montrent qu’il nous reste un long chemin à parcourir.  La participation des femmes aux processus de paix officiels reste très limitée. Entre 1990 et 2017, les femmes n’ont constitué que 2% des médiateurs, 8% des négociateurs et 5% des témoins et signataires dans tous les principaux processus de paix.  Les conflits continuent d’avoir des effets dévastateurs sur les femmes et les filles.  L’ONU a recensé plus de 800 cas de violence sexuelle liée aux conflits en 2017 – une augmentation de 56% par rapport à 2016.

Les femmes qui défendent les droits de l’homme, les dirigeantes politiques, les journalistes et les activistes, qui jouent un rôle important dans la lutte contre les causes profondes des conflits, sont ciblées à un rythme alarmant.  La marginalisation des femmes, le manque d’accès aux services de santé et d’éducation et la désautonomisation économique restent à la fois des causes et des conséquences des conflits.  Le financement des programmes de promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes dans les pays touchés par des conflits ne représente que 5% de l’aide bilatérale totale à ces pays.

Les preuves du lien entre l’égalité des sexes et la paix ont récemment été exposées dans l’étude conjointe que nous avons menée avec la Banque mondiale, intitulée Chemins pour la paix: approches inclusives pour la prévention des conflits violents.  Cette étude est convaincante et bien connue.  C’est probablement la raison pour laquelle la liste des orateurs pour le présent débat est si longue chaque année.  En 2015, le débat public sur cette question a compté le plus grand nombre d’orateurs de l’histoire du Conseil de sécurité (voir S/PV.7533).

Il y a toutefois une énorme différence entre les paroles que nous prononçons dans cette salle et ce que nous faisons à l’extérieur.  Chaque année, nous prenons des engagements louables, mais ils ne sont pas suivis par la mobilisation de l’appui financier et politique nécessaire.  Nous répétons des statistiques sur la viabilité des processus de paix sans exclusive, mais ce n’est pas ainsi que nous arbitrons la plupart des conflits.  Nous louons l’influence positive des femmes sur la consolidation de la paix, mais nous n’ouvrons guère d’espace à leur participation.  Nous nous appuyons fortement sur les organisations de femmes, mais nous ne les finançons pas de manière adéquate.  Nous reconnaissons l’importance de l’analyse des questions sexospécifiques, mais nous réduisons les budgets de ces activités.  Pour combler cette lacune, je prévois de donner priorité à plusieurs mesures au cours de l’année à venir.

Premièrement, la parité entre les sexes a le plus fort effet potentiel sur l’efficacité et la crédibilité de nos opérations de terrain.  C’est toutefois dans ce domaine que les chiffres sont les plus faibles, et le taux de changement le plus lent.  Les femmes représentent actuellement 41% des chefs et chefs adjoints de nos opérations de paix – plus que jamais auparavant.  Leurs perspectives différentes ont déjà eu un effet positif, mais le nombre de femmes dans les opérations de paix n’a pas progressé.  Faute d’action résolue, leur nombre diminuera car les effectifs de certaines missions sont en cours de réduction. C’est pourquoi j’ai créé un groupe de travail chargé de mettre en place des mesures d’urgence pour traiter cette question.  Certains éléments doivent être approuvés par les États Membres, et j’espère que l’engagement manifesté par les participants dans cette salle aujourd’hui se reflétera dans leur appui à ces réformes lorsque nous demanderons à l’Assemblée générale de modifier certains de nos règlements et règles.

Le fait que les femmes ne représentent que 4% de nos Casques bleus et 10% de nos effectifs de police érode notre crédibilité et affaiblit notre capacité de protéger.  L’Organisation des Nations Unies appuie pleinement l’action novatrice lancée cette année par les États Membres pour encourager une représentation élargie des femmes.

Je reste déterminé à mettre fin à toutes les formes d’exploitation et d’atteintes sexuelles au sein du système des Nations Unies – l’une des premières initiatives que j’ai prises lorsque j’ai pris mes fonctions.  Je continuerai de travailler sur cette question avec ma Coordonnatrice spéciale chargée d’améliorer les moyens d’action de l’Organisation des Nations Unies face à l’exploitation et aux atteintes sexuelles, la Défenseuse des droits des victimes et les États Membres.  Je suis fier que près de 100 États Membres aient maintenant signé le pacte facultatif que j’ai présenté pour lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles, et j’invite les autres à faire de même.  Le Cercle de dirigeants –chefs d’État et de gouvernement– chargé de cette question est attaché à la politique de tolérance zéro afin de prévenir ce fléau et d’y mettre fin, ainsi que de remédier à ses effets de façon efficace et humaine.

Deuxièmement, s’agissant de la médiation, nous savons qu’une participation véritable et directe des femmes permet d’instaurer une paix plus durable.  Et pourtant nous continuons d’appuyer et de mener des processus qui ne sont pas inclusifs.  La création de plusieurs réseaux de femmes ces dernières années est une tendance importante, sachant qu’ils peuvent jouer un rôle s’agissant d’influer sur les processus dans un sens favorable.  Je suis heureux d’apprendre que les membres de mon Conseil consultatif de haut niveau sur la médiation –où la parité entre les hommes et les hommes atteint un niveau d’équilibre parfait– se trouvent ici cette semaine pour travailler avec les représentants de ces réseaux.  La participation des femmes ne doit pas se limiter à des rôles de conseil ou à des structures parallèles, et je me félicite du sentiment d’urgence croissant démontré par les États Membres, la société civile et d’autres pour garantir que nous sommes en train de concevoir des processus de paix plus efficaces avec une participation beaucoup plus forte des femmes.

Troisièmement, une approche sexospécifique de la paix et de la sécurité implique d’appuyer la consolidation de la paix au niveau local, même durant un conflit.  Étant donné que les processus de paix achoppent aux niveaux national et international, nous devons soutenir systématiquement les groupes locaux de femmes qui négocient l’accès humanitaire, renforcer la résilience des communautés et apprendre d’elles, et construire la paix à partir de la base.

Quatrièmement, le financement de ce programme est crucial, et l’ONU entend donner l’exemple.  J’ai mis en place une équipe spéciale de haut niveau chargée de revoir la façon dont nous finançons la parité des sexes, y compris dans le pilier paix et sécurité.  Je tiendrai les entités des Nations Unies pour responsables du respect de l’engagement pris d’accroître les dépenses consacrées aux femmes et à la paix et à la sécurité, l’objectif étant d’atteindre ou de dépasser 15% d’ici à 2020.

Enfin, j’inclurai à partir d’aujourd’hui une analyse par sexe dans mes rapports au Conseil de sécurité chaque fois que cela importe pour guider ses décisions.

Dans deux ans, nous marquerons le vingtième anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 (2000), le cinquième anniversaire de l’accord mondial qui a donné naissance au Programme de développement durable à l’horizon 2030, et le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration de Beijing.  L’égalité des sexes et la participation des femmes sont un fil conducteur de la mise en œuvre de ces accords historiques en faveur des droits de l’homme, du développement durable et de la paix et la sécurité.  En prévision de ces dates historiques, mon rapport sur les femmes et la paix et la sécurité de l’année prochaine comportera une évaluation de l’application des recommandations pertinentes issues des trois examens consacrés en 2015 aux questions de la paix et de la sécurité, notamment de l’Étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, et de l’application de la résolution 2242 (2015), adoptée il y a trois ans.  Les conclusions et les recommandations qui seront issues de cette évaluation seront la base d’efforts accrus durant la période précédant 2020.  J’invite les États Membres à mettre en route des préparatifs et examens similaires.

Dans cette perspective, je prie instamment le Conseil de sécurité d’investir dans l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, non seulement en tant que fin en soi, mais comme moyen essentiel d’atteindre notre but suprême, qui est de prévenir et de mettre fin aux conflits, ainsi que d’asseoir la paix et la prospérité partout dans le monde.

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