Au Conseil de sécurité, le Secrétaire général rappelle que l’ONU peut aider les États Membres à lutter contre la corruption liée aux conflits
On trouvera ci-après la déclaration fait aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à la réunion du Conseil de sécurité sur la corruption et conflits:
Je remercie la présidence américaine du Conseil de sécurité d’avoir organisé cette séance d’information, qui témoigne de la reconnaissance de l’importance de la lutte contre la corruption dans le cadre de nos efforts pour maintenir la paix et la sécurité internationales.
La corruption est présente dans tous les pays, riches et pauvres, du Nord et du Sud, développés et en développement. Les chiffres révèlent l’ampleur surprenante du problème. Le Forum économique mondial estime que le coût de la corruption représente au moins 2,6 billions de dollars, soit 5% du produit intérieur brut mondial. Selon la Banque mondiale, les entreprises et les particuliers paient plus d’un billion de dollars en pots-de-vin chaque année.
La corruption prive les écoles, les hôpitaux et d’autres établissements de fonds dont ils ont un besoin vital. Elle pourrit les institutions, car les fonctionnaires s’enrichissent ou ferment les yeux sur la criminalité. Elle prive les personnes de leurs droits, chasse les investissements étrangers et porte atteinte à l’environnement. La corruption engendre la désillusion à l’égard du gouvernement et de la gouvernance et est souvent à l’origine de dysfonctionnements politiques et de désunion sociale. Les pauvres et les personnes vulnérables souffrent de manière disproportionnée, et l’impunité aggrave le problème.
La corruption peut être un déclencheur de conflits. Lorsque les conflits font rage, la corruption prospère. Et même lorsque les conflits diminuent, la corruption peut entraver la reprise. La corruption se nourrit de l’effondrement des institutions politiques et sociales. Ces institutions ne sont jamais plus en crise qu’en période de conflit. La corruption est liée à de nombreuses formes d’instabilité et de violence, telles que le trafic d’armes, de stupéfiants et de personnes.
Les liens entre la corruption, le terrorisme et l’extrémisme violent ont été reconnus à maintes reprises par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale. Les avoirs volés par la corruption peuvent être utilisés pour financer d’autres crimes, y compris des actes extrémistes violents et terroristes.
Des enquêtes à grande échelle sur la corruption menées par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime ont révélé que la corruption d’agents publics était particulièrement élevée dans les zones touchées par les conflits. Dans les situations de conflit, les parties prenantes telles que les commissions de lutte contre la corruption, la société civile et les médias peuvent être affaiblies ou entravées dans leur travail essentiel.
Les conséquences de la corruption en temps de conflit peuvent être particulièrement dévastatrices, car elles peuvent affecter les besoins les plus élémentaires et exacerber la faim et la pauvreté.
Les États Membres doivent être en première ligne dans la lutte contre la corruption. Il est particulièrement important de renforcer les capacités des commissions nationales de lutte contre la corruption et les poursuites judiciaires. Les gouvernements peuvent également renforcer les efforts de lutte contre la corruption en garantissant l’indépendance du pouvoir judiciaire, une société civile dynamique, la liberté des médias et une protection efficace des dénonciateurs. La communauté internationale peut compléter ces efforts en luttant plus efficacement contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et les flux financiers illicites qui privent les pays de ressources indispensables et alimentent la corruption.
Comme les membres du Conseil le savent, j’ai demandé que l’on redouble d’efforts pour prévenir les conflits et parer rapidement aux risques avant toute escalade. Dans cet esprit, la lutte contre la corruption et le règlement des problèmes de gouvernance, qui sont à l’origine de nombreux conflits, doivent être une composante des approches préventives. C’est une occasion pour fonder solidement la confiance et la responsabilisation et pour renforcer la résilience de la société face aux crises.
Dans les opérations de paix, notre engagement doit être conçu et concrétisé dans une optique anticorruption plus claire afin de renforcer une culture de responsabilité et de respect de l’état de droit. À son sommet de janvier dernier, l’Union africaine a décidé de faire de 2018 l’Année africaine de lutte contre la corruption. Je suis heureux de noter que les efforts faits en matière de lutte contre le blanchiment d’argent au Nigéria et en Tunisie ont permis la restitution de fonds.
Comme je l’ai dit à l’Assemblée générale en mai, en marquant le quinzième anniversaire de l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la corruption, le rôle de l’Organisation des Nations Unies est crucial. L’Organisation peut aider les États Membres de plusieurs façons, qui vont du partage des pratiques optimales à l’appui aux efforts visant à renforcer les institutions nationales chargées de lutter contre la corruption. La Commission internationale contre l’impunité au Guatemala en est un bon exemple.
Avant l’adoption de la Convention, il n’existait aucun instrument mondial pour criminaliser la corruption ou recouvrer les sommes volées. Aujourd’hui, 186 États sont parties à la Convention, et des lois pénalisant le crime de corruption sont en vigueur dans quasiment tous les pays du monde. Les solides mécanismes d’évaluation par les pairs institués par la Convention ont servi de cadre mondial de coopération internationale pour renforcer la prévention, perturber les opérations de blanchiment d’argent, récupérer l’argent volé déposé dans des banques étrangères et autres actions nécessaires. J’encourage tous les États Membres à la mettre en œuvre avec une plus grande détermination.
Il nous faut aussi mettre à profit les progrès de la technologie, qui nous permettent de renforcer massivement la participation du public à la gouvernance et d’améliorer la responsabilisation. Dans le même temps, nous savons qu’il faut que les conventions et les mesures juridiques soient complétées par un leadership fort, qui érige la corruption au rang de préoccupation et qui en fasse un domaine d’action prioritaire.
Partout dans le monde, on continue de se dire outré par la corruption des dirigeants et par le fait que la corruption est profondément enracinée dans la société. On demande à juste titre à la classe politique d’œuvrer dans la transparence et de façon responsable ou de laisser la place à ceux qui en ont la volonté. Je demande aux dirigeants du monde entier d’écouter, de promouvoir une culture d’intégrité, et de mettre les citoyens en état de faire leur part au niveau des collectivités.
Nous devons tous faire davantage pour lutter contre la corruption, renforcer la gouvernance et mettre en place des institutions dignes de confiance pouvant garantir probité et progrès pour tous.