SG/SM/18495-SC/12798-DH/5349

Devant les quinze, le Secrétaire général souligne que l’unité du Conseil de sécurité est cruciale pour s’attaquer aux violations les plus flagrantes des droits de l’homme

On trouvera, ci-après, l’allocution du Secrétaire général, M. António Guterres, prononcée, aujourd’hui, à l’occasion du débat thématique du Conseil de sécurité consacré aux droits de l’homme et à la prévention des conflits armés:

Je remercie la présidence américaine du Conseil d’avoir organisé cette importante séance.

Nous sommes tous conscients que des violations massives des droits de l’homme sont source de terribles souffrances et compromettent les perspectives de paix et de réconciliation durables.  Guérir ces blessures n’est jamais sans difficulté ni sans douleur.  Pourtant, cette responsabilité va croissant avec chaque nouveau massacre de masse, chaque nouveau déplacement de masse, chaque nouveau cas de violence sexuelle.

La prévention est un moyen essentiel de réduire la souffrance humaine, d’édifier des sociétés stables et prospères et de permettre à chacun de réaliser pleinement son potentiel – et la défense des droits de l’homme est un élément clef de la prévention.  La coopération internationale aux fins de la prévention, notamment pour traduire les alertes rapides en actions rapides, exige la confiance entre les États Membres et dans leurs relations avec l’Organisation des Nations Unies.

Le Conseil de sécurité a un rôle clef à jouer.  L’Article 24 de la Charte des Nations Unies est clair: la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales incombe au Conseil de sécurité « [a]fin d’assurer une action rapide et efficace ».  C’est dans cet esprit que je m’adresse au Conseil.  La question qui se pose actuellement n’est pas que les violations des droits de l’homme portent atteinte à nos valeurs et à nos efforts communs sous tous leurs aspects, mais plutôt de savoir comment les Nations Unies réagissent.

Je voudrais appeler l’attention du Conseil sur trois points afin de mieux délimiter la discussion.  Premièrement, la quête de la paix est ce qui doit nous guider, le long d’un continuum qui va de la prévention, du règlement des conflits à la consolidation de la paix et au développement durable.  La paix est une entreprise qui appelle des efforts inlassables, à laquelle toutes les institutions et tous les organes des Nations Unies doivent œuvrer, dans le respect de leurs mandats et de leurs responsabilités.

Deuxièmement, la paix, la sécurité, les droits humains et le développement durable se renforcent mutuellement.  La Charte des Nations Unies, que nous nous devons tous de défendre, a joué ici un rôle fondateur, en ce qu’elle lie ces trois piliers.  Quand l’ONU tente de les traiter isolément, souvent, elle faillit à la mission que les États Membres et les peuples lui ont confiée.  Plusieurs processus de réforme ont mis en évidence que la fragmentation de notre action est l’une de nos faiblesses majeures.  Ensemble, nous devons revenir à la lettre et à l’esprit de la Charte pour prévenir les conflits armés et parvenir à une paix durable en faveur du développement.  D’où l’impératif de protéger effectivement tous les droits humains, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

Troisièmement, l’ONU doit envisager les droits humains selon une démarche cohérente et rationnelle.  Il appartient au premier chef aux États Membres d’intégrer la promotion et la protection des droits humains dans leurs politiques nationales.  Mais une étroite coopération entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et tous les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies, y compris le Conseil de sécurité, améliore la prise de conscience générale des situations de crise potentielles et notre capacité collective à y remédier. 

Les États Membres attendent du Secrétariat qu’il présente les informations et options appropriées, tout en respectant les mandats et le principe d’indépendance.  Je suis prêt à promouvoir une relation plus confiante et à améliorer la communication avec le Conseil, en mettant l’accent sur la cohérence, la franchise et la transparence.  Les droits humains sont intrinsèquement liés à la paix et à la sécurité, et leur prise en compte dans les délibérations et décisions du Conseil de sécurité est d’une grande importance.  L’unité du Conseil est cruciale pour s’attaquer de manière efficace aux violations les plus flagrantes des droits de l’homme, et en particulier pour éviter les atrocités de masse.  J’appelle le Conseil à n’épargner aucun effort pour mettre un terme aux souffrances intolérables du peuple syrien.  Ne pas y parvenir est une tragédie qui nous fait honte.

On est de plus en plus conscient que les violations des droits peuvent signaler l’existence de menaces à la sécurité et que le respect des droits peut contribuer à la paix.  L’expérience récente nous offre de nombreux exemples à cet égard.  De plus en plus, les opérations de paix des Nations Unies se voient confier des mandats robustes en matière de protection des civils et des droits de l’homme.  En effet, 15 opérations de paix instituées par le Conseil de sécurité ont une composante de droits de l’homme. 

Grâce au suivi systématique des violations des droits de l’homme et à la communication d’informations y relatives, les victimes peuvent se faire entendre et des progrès sont réalisés en matière de lutte contre l’impunité.  En outre, ces efforts permettent d’envoyer des avertissements importants aux sociétés, qui mettent également en évidence la volonté du Conseil de prévenir de nouvelles atteintes.  Pour faire avancer ces efforts, j’encourage le Conseil à coopérer étroitement avec mon Conseiller spécial pour la prévention du génocide.

Les activités menées en matière de droits de l’homme contribuent aux efforts des missions visant à protéger les civils menacés tout comme la coopération des missions avec les États hôtes en matière de droits de l’homme contribue à renforcer les capacités et parfois, à préserver l’espace démocratique.  Le Conseil a également pris des mesures décisives pour poursuivre les auteurs présumés des crimes les plus ignobles en créant des tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda, l’ex-Yougoslavie et ailleurs, et en renvoyant des affaires devant la Cour pénale internationale.  L’obligation de rendre des comptes pour ces crimes est un élément important de la réconciliation ainsi que de l’édification de sociétés et d’institutions judiciaires résilientes à long terme.

Parmi d’autres initiatives importantes du Conseil, on peut mentionner la promotion de la protection des enfants en période de conflit armé et de la lutte contre la violence sexuelle dans les situations de conflit armé.  Le Conseil a également fait des droits fondamentaux des femmes et des enfants une priorité, en tant qu’élément important de ses efforts en faveur de la paix.  Je reste fermement engagé en faveur de cette question et je n’épargnerai aucun effort pour intensifier les efforts et l’appui du Secrétariat. 

Protéger les jeunes générations des situations de conflit est l’un des meilleurs investissements que nous pouvons faire pour pérenniser la paix.  En dépit de tous ces efforts, il y a encore des millions de personnes qui ne sont pas protégées face aux crises, et nous consacrons encore beaucoup plus de temps et de ressources à réagir aux crises qu’à prévenir les crises.  Si nous voulons vraiment relever les défis actuels, nous devons faire de la prévention une priorité, nous attaquer aux causes profondes des conflits, contribuer à la mise en place et au renforcement des institutions et réagir plus tôt et plus efficacement face aux préoccupations en matière de droits de l’homme.  C’est l’enseignement que nous avons tiré de nombreux conflits, et je reste fermement attaché à cette question.

Notre monde est confronté à des défis sans précédent liés à la paix et à la sécurité, qui sont dus à l’absence de prévention et à des insuffisances dans la mise en œuvre des obligations en matière de droits de l’homme, notamment les droits sociaux et économiques.  Les conséquences pour les individus et les États, voire pour l’humanité, sont ressenties par des dizaines de millions de personnes et par des régions entières.  Pour relever ce défi, des mesures plus efficaces et moins politisées en matière de droits de l’homme sont de la plus haute importance, ainsi que des progrès rapides dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.

Qu’il me soit permis de proposer un test théorique.  Si les problèmes les plus graves en matière de droits de l’homme et de développement étaient réglés à l’instant même, combien de situations constitueraient-elles encore des menaces pour la paix et la sécurité et seront toujours inscrites à l’ordre du jour du Conseil?

J’ai lancé plusieurs réformes au sein du Secrétariat, qui nous permettront de mieux jouer notre rôle, compte tenu des mandats que les États Membres nous ont confiés et de la confiance qu’ils placent en nous.  Les résolutions sur la pérennisation de la paix et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 sont source d’espoir et des progrès en matière de droits de l’homme permettraient de renforcer ces avancées.

J’espère que les États Membres s’investiront dans les mois à venir, par l’intermédiaire de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, pour appuyer mes propositions de réforme et les renforcer en en présentant d’autres.

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