SG/SM/18404-SC/12674

La prévention des conflits « n’est pas simplement une priorité, elle est la priorité », affirme le Secrétaire général devant le Conseil de sécurité

On trouvera, ci-après, le message du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcé au Conseil de sécurité, aujourd’hui, lors du débat sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales:

Je vous remercie tout d’abord, Madame la Présidente, ainsi que la présidence suédoise, d’avoir organisé cette séance et de me permettre d’être présent officiellement pour la première fois au Conseil de sécurité pour discuter de ce qui à mon avis occupe une place prioritaire dans tout ce que nous faisons ensemble –prévenir les conflits et pérenniser la paix.  Je crois que l’affluence à la présente séance démontre qu’en effet nous reconnaissons tous pleinement l’importance de ce message.

L’ONU a été créée pour prévenir la guerre en nous unissant tous au sein d’un ordre international fondé sur des règles.  Aujourd’hui, cet ordre est gravement menacé.  Des millions de personnes touchées par une crise attendent du Conseil qu’il préserve la stabilité mondiale et les protège d’effets néfastes, mais l’énorme coût humain et économique des conflits, partout dans le monde, montre combien le défi est complexe.  Cependant, nous dépensons bien plus de temps et de ressources à réagir aux crises qu’à les prévenir.  Le prix à payer par tous est trop élevé.  Les États Membres paient un prix trop élevé.  Il nous faut adopter une approche entièrement nouvelle.

Il s’est avéré très difficile de persuader les décideurs, aux niveaux national et international, que la prévention doit être leur priorité –peut-être parce qu’une prévention réussie n’attire pas l’attention.  Les caméras de télévision ne sont pas là quand une crise est évitée.  La plupart des conflits actuels sont encore essentiellement internes, même s’ils prennent vite une coloration régionale et transnationale.  Ils sont alimentés par la compétition pour le pouvoir et les ressources, par l’inégalité, la marginalisation et l’exclusion, la mauvaise gouvernance, la faiblesse des institutions et les divisions entre sectes.  Ils sont aggravés par le changement climatique, la croissance démographique et la mondialisation de la criminalité et du terrorisme.  Avec tant de facteurs en œuvre, il faut très peu de chose pour déclencher une crise qui risque d’engouffrer un pays ou une région, avec des conséquences planétaires.

Mais, si les causes d’une crise sont étroitement liées, la réponse des Nations Unies demeure fragmentée.  Les crises actuelles sont interconnectées, ce qui nous impose de mener de front nos propres efforts au service de la paix et de la sécurité, du développement durable et des droits de l’homme non seulement en paroles, mais aussi en actes.  Le Programme pour le développement durable à l’horizon 2030 et les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité sur une action soutenue au service de la paix démontrent l’existence d’un ferme appui intergouvernemental à une approche intégrée.  La difficulté est maintenant d’introduire des changements correspondants dans notre culture, notre stratégie, nos structures et nos opérations.

Nous devons rééquilibrer notre approche dans le sens de la paix et de la sécurité.  Pendant des dizaines d’années, elle a été dominée par la réaction aux conflits.  Dans l’avenir, il nous faut faire bien davantage pour prévenir les conflits et pérenniser la paix.  Les réformes que je mets en œuvre visent à y parvenir.  J’ai commencé par les processus de prise de décisions au Secrétariat.  Le Comité exécutif qui vient d’être institué augmentera notre capacité d’intégrer tous les piliers de l’ONU dans le cadre d’une vision pragmatique commune.

J’ai nommé un conseiller principal pour les politiques, dont la première tâche sera de dresser une carte des capacités de prévention du système des Nations Unies et de les combiner en une plateforme intégrée pour la détection précoce et l’action.  Ceci nous permettra d’établir un lien entre la réforme de notre architecture paix et sécurité et la réforme du système de développement des Nations Unies, tout en respectant les domaines spécifiques de compétence du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. 

Nous avons besoin de l’appui de ces deux organes dans nos efforts pour instaurer et pérenniser la paix d’un bout à l’autre depuis la prévention, la résolution des conflits et le maintien de la paix jusqu’à la consolidation de la paix et le développement à long terme.  C’est aux États Membres qu’il appartient en premier lieu de travailler à prévenir les conflits.

L’ensemble du système des Nations Unies doit se tenir prêt à aider les gouvernements à mettre en œuvre le Programme 2030, à renforcer la gouvernance et les institutions et à promouvoir l’état de droit et tous les droits humains, qu’ils soient civils, politiques, sociaux, économiques ou culturels.  L’initiative « Les droits humains avant tout », qui vise également à intégrer les problématiques de la paix et de la sécurité, des droits humains et du développement durable, permettra de continuer à renforcer les capacités de l’ONU dans ce domaine.

Les organismes humanitaires et les acteurs du développement doivent travailler ensemble pour aider les États à prévenir les crises et à renforcer la résilience de leurs sociétés.  Le dispositif fragmenté actuel ne nous donne pas la capacité de nous attaquer aux causes profondes des conflits.

Il est fondamental aussi de faire en sorte que les femmes et les filles participent pleinement à l’édification de sociétés inclusives et résilientes.  Lorsque l’égalité de genre imprègne le tissu social, lorsque les femmes et les hommes font face aux difficultés en tant que partenaires égaux, les sociétés ont de bien meilleurs chances de parvenir à la stabilité et de préserver la dignité humaine et la prospérité.

Il est aussi crucial de régler le fléau mondial qu’est le chômage des jeunes, non seulement pour garantir leur épanouissement, mais aussi pour prévenir l’instabilité, les conflits sociaux et réduire l’extrémisme violent.  Combattre le chômage des jeunes doit être non seulement une priorité absolue des politiques nationales de développement, mais aussi une priorité de la coopération au niveau international.

À mesure que les sociétés deviennent de plus en plus multiethniques, multiconfessionnelles et multiculturelles, il nous faudra investir davantage, aux plans politique, culturel et économique, dans l’ouverture et la cohésion, de manière que les populations apprécient les avantages de la diversité et cessent de la percevoir comme une menace.  Tous les groupes doivent se rendre compte que leurs identités individuelles sont respectées, tout en ayant le sentiment d’être des membres reconnus de la communauté tout entière.  Et la société civile a un rôle à jouer pour donner l’alerte lorsque ce respect est menacé ou perdu.

Nous devons nous engager à un surcroît de diplomatie en faveur de la paix, en partenariat avec les organisations régionales, tout en mobilisant toute la gamme des acteurs à même d’exercer une influence – des autorités religieuses à la société civile, en passant par le milieu des affaires.  Nous allons lancer une initiative pour renforcer notre capacité de médiation, tant au Siège de l’ONU que sur le terrain, et appuyer les efforts de médiation aux niveaux régional et national.  J’invite le Conseil de sécurité à recourir davantage appel aux options énoncées au Chapitre VI de la Charte des Nations Unies.  Je suis prêt à appuyer le Conseil en usant de mes bons offices et par le biais de mon engagement personnel.

De trop nombreuses possibilités de prévention ont été gâchées parce que les États Membres se méfiaient des motivations de chacun, et parce que des préoccupations se faisaient jour autour de la souveraineté nationale.  Ces préoccupations sont compréhensibles, dans un monde où le pouvoir n’est pas réparti équitablement et où les principes ont parfois été appliqués de manière sélective.  De fait, la prévention ne devrait jamais servir à réaliser d’autres objectifs politiques.  Au contraire, la prévention est le mieux servie par des États souverains forts, agissant dans l’intérêt de leurs peuples.

Lorsque nous prenons des mesures préventives, il nous faut éviter les normes à deux vitesses.  Mais cela ne signifie pas qu’il n’y a absolument pas de normes.  L’action préventive est indispensable pour éviter les atrocités de masse et les graves violations des droits de l’homme.  Et ce n’est que par des discussions raisonnées, fondées sur les faits et la poursuite de la vérité que nous pourrons atteindre cet objectif. 

La prévention doit systématiquement être considérée comme une valeur en soi.  Elle est un moyen essentiel de réduire les souffrances humaines et de permettre aux populations de réaliser leur plein potentiel.  La coopération internationale en faveur de la prévention, en particulier s’agissant de convertir les alertes rapides en mesures promptes, dépend de la confiance que se témoignent les États Membres et qu’ils ressentent dans leurs liens avec les Nations Unies.  Je suis prêt à encourager une relation marquée par une grande confiance et à améliorer les communications avec le Conseil, avec cohérence, sincérité et transparence. 

Les désaccords concernant le passé ne sauraient nous empêcher d’agir aujourd’hui.  Ensemble, il nous faut faire preuve de leadership et renforcer la crédibilité et l’autorité de l’ONU en mettant la paix au premier plan.  Il est dans l’intérêt de tous de mettre un terme aux souffrances humaines infinies et à l’extravagant gaspillage de ressources qu’entraînent les conflits.  Le Conseil, aux côtés de la Commission de consolidation de la paix, de tous les autres rouages du système des Nations Unies et des organisations régionales, peut faciliter une action préventive plus rapide dès lors que des signes avant-coureurs ont été décelés.  L’inaction coûte tout simplement trop cher.

La guerre n’est jamais inévitable.  C’est toujours une question de choix: le choix d’exclure, de discriminer, de marginaliser et de recourir à la violence.  En restaurant la confiance entre les Gouvernements et leurs citoyens et entre les États Membres, nous pouvons prévenir et éviter les conflits.  Cela étant, la paix non plus n’est jamais inévitable.  Elle est l’aboutissement de décisions difficiles, d’ardeur à la tâche et de compromis.  Nous ne devons jamais la considérer comme acquise, mais nous devons la chérir et l’entretenir dans tous les pays et à tous les instants. 

La prévention n’est pas simplement une priorité, elle est la priorité.  Si nous nous montrons à la hauteur de nos responsabilités, nous sauverons des vies, nous allègerons les souffrances et nous donnerons de l’espoir à des millions de personnes.  Qu’il me soit permis de renouveler l’appel que j’ai lancé il y a 10 jours dans mon premier message en tant que Secrétaire général: faisons de 2017 une année pour la paix.  Je pense qu’il serait naïf de dire que 2017 sera une année de paix, mais il nous incombe à tout le moins de faire tout ce que nous pouvons pour en faire une année pour la paix.

 

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