Réception pour la Francophonie: le Secrétaire général se prête au jeu des subtilités de la langue française, « langue en vie », à travers le monde
Vous trouverez ci-après le texte intégral du discours du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, à la réception pour la Francophonie, le 30 septembre:
Je suis touché par cette attention pour mon épouse. Et je me joins à vos vœux. Très Joyeux anniversaire, mon petit chou!
Je suis ravi de m’exprimer à nouveau devant vous en français, comme nous en avons pris l’habitude ces dernières années.
Je dois l’avouer – j’aime cet exercice annuel qui me permet d’évaluer ma maîtrise du français face à vous.
Depuis des années, j’ai déjà exprimé ici mon amour du français –langue dans laquelle je persiste à progresser– et ce, malgré certaines difficultés face aux subtilités de la langue.
Et je pense avoir enfin atteint une solide maîtrise du français, de ses exceptions et de ses spécificités.
Mais petit à petit, à travers mes déplacements à l’étranger, je me suis rendu compte que le français du Quai d’Orsay n’est qu’une version de la langue de Molière.
À chaque visite à Genève ou à Bruxelles, et il y en a eu beaucoup ces huit dernières années, j’ai appris à changer soixante-dix en septante, et quatre-vingt-dix en nonante. Jusque-là, pas de problème…
J’étais loin de m’imaginer qu’à travers mes voyages dans les pays francophones, j’allais apprendre que des pans entiers de la langue française m’avaient échappé.
Je vous laisse imaginer mon étonnement lorsqu’on m’a offert un cornet en Suisse pour la première fois – et que je me suis retrouvé avec un sac plastique plutôt qu’une glace ou des frites.
J’ai été tout aussi perplexe lorsque j’ai compris qu’à Paris on se met sur son trente-et-un pour sortir alors qu’au Québec on fait de la surenchère en se mettant sur son trente-six.
Qu’au Burkina Faso, on mord le carreau, alors qu’en France, on mord la poussière…
Qu’en République démocratique du Congo, un sapeur est un homme bien habillé et pas un pompier.
Qu’au Maroc, une gazelle est une belle femme.
Qu’en Haïti, on trouve ‘raz’ ce qui n’est pas intéressant.
Qu’en Côte d’Ivoire, lorsqu’on fait caïman, on travaille très dur…
De la Belgique au Burundi, d’Haïti au Bénin, en passant par les Congos et bien sûr, les différentes régions françaises, j’ai découvert une foule de nouveaux mots et une richesse incomparable d’expressions.
J’ai même découvert des mots qui n’existent pas dans le dictionnaire officiel et qui font du français plus qu’une langue vivante: une langue en vie.
Poutzer qui, pour ceux qui n’ont jamais eu la chance d’aller en Suisse, signifie faire le ménage.
Ziboulateur, utilisé à Kinshasa par exemple pour désigner un ouvre bouteille.
Camembérer, dérivé du célèbre et délicieux fromage normand, qui au Cameroun, il me semble, désigne des pieds d’une fraîcheur un peu passée…
De tous mes voyages dans des pays francophones, de toutes les rencontres en Europe, en Afrique, en Amérique, et même en Océanie où j’ai pu échanger avec vos compatriotes, j’ai retenu la conviction que la Francophonie est plus qu’une langue.
Elle est une culture, un trait d’union, une famille, dont je suis fier de faire partie.
Et malgré les difficultés, je continuerai d’apprendre ces expressions, ces proverbes, ces métaphores qui me renforcent dans ma volonté de maîtriser au maximum les subtilités de la Francophonie.
Bref: Je ne vais pas lâcher l’affaire.
C’est d’ailleurs ce que je vous demande de faire dans cette ligne droite vers la COP-21.
Je sais que la France est pleinement engagée pour assurer le succès de cette Conférence. Je le suis aussi. Continuons ensemble, avec tous les pays de la Francophonie, à œuvrer sans relâche pour faire de cette rencontre à Paris un moment historique pour la planète et pour l’humanité.
Vive la COP-21 et vive la Francophonie!