En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/16625-SC/11841

Face à la situation en Syrie, en Iraq, en Libye et au Yémen, le secrétaire général annonce le lancement en septembre d’un plan d’action de l’ONU visant à prévenir l’extrémisme violent

On trouvera ci-après le discours prononcé par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, au débat public du Conseil de sécurité sur les victimes d’attaques et d’exactions ethniques ou religieuses au Moyen-Orient, aujourd’hui à New York:

Je remercie le Ministre français des affaires étrangères d’avoir convoqué ce débat de haut niveau. 

Je suis vivement préoccupé par les graves dangers auxquels sont exposées les minorités dans certaines parties du Moyen-Orient.  Des millions de vies sont en jeu, ainsi que le tissu social de pays entiers.

À l’heure actuelle, des milliers de civils sont à la merci de l’État islamique d’Iraq et du Levant, appelé également Daech.  Ses combattants tuent de manière systématique les membres des minorités ethniques et religieuses, celles et ceux qui ne partagent pas leur interprétation tendancieuse de l’islam et quiconque s’oppose à leur conception apocalyptique.  Ils s’en prennent aux femmes et aux enfants avec une brutalité sans nom.  Ils détruisent des symboles religieux et culturels qui constituent le patrimoine de l’humanité.

Nous constatons que ces actes se propagent en Syrie, en Iraq, et maintenant en Libye et même au Yémen, où les attaques à la bombe perpétrées contre des mosquées la semaine dernière ont encore attisé les violences confessionnelles.

Je condamne dans les termes les plus vifs tous les actes de persécution et les violations du droit à la vie et à l’intégrité physique commis contre des personnes et des communautés, quel qu’en soit le motif – religieux, ethnique, national, racial ou autre. Je demande instamment à toutes les parties d’assurer la protection des civils et d’épargner les vies innocentes.

Les membres de ce conseil – et tous ceux qui ont de l’influence – doivent aider les populations de la région à se réapproprier leur diversité historique et leur dynamisme.

Cela est essentiel pour garantir notre avenir commun.

Les crimes atroces qui sont perpétrés dans la région appellent une réaction urgente.  Nous devons mettre un terme à l’impunité des personnes qui commettent des crimes graves, que ce soit contre une communauté ou contre toutes.

Je tiens à souligner de nouveau que toute atteinte commise dans le cadre de la lutte antiterroriste est moralement inacceptable et contreproductive sur le plan stratégique.  En matière de droits de l’homme, les gouvernements ont des obligations dont ils ne sauraient s’exonérer sous prétexte que des atrocités ont été commises. 

En ce qui concerne l’Iraq, les informations citées par la mission d’enquête du Conseil des droits de l’homme laissent peu de doutes sur le fait que Daech aurait commis un génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.

Mes Conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et pour la responsabilité de protéger ont averti, en août dernier, que les actes perpétrés par Daech laissaient présager un génocide.  Or, nous constatons aujourd’hui que les populations locales se trouvant dans des zones qui ne sont plus sous le contrôle de Daech subissent elles aussi des violences confessionnelles. 

Tout porte à croire que les membres de plusieurs minorités ont été victimes de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’autres violations très graves des droits de l’homme ou atteintes à ces droits.  Cela est tout particulièrement vrai en ce qui concerne les femmes et les filles.  

Nous ne devons pas oublier par ailleurs que l’existence de l’extrémisme violent en Iraq date d’avant l’avancée de Daech, et qu’il faut en combattre les causes profondes.

Je salue les mesures que le Gouvernement iraquien a prises pour favoriser la réconciliation nationale et l’inclusion, renforcer la cohésion sociale et réformer le secteur de la sécurité.

Je demande au Gouvernement de faire davantage pour faire respecter les droits de l’homme et rétablir l’état de droit dans les zones qui ne sont plus tenues par Daech.

La communauté internationale doit aider l’Iraq à ce faire.

Cinq ans après le début du conflit en Syrie, on assiste à une augmentation exponentielle du nombre de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres violations des droits de l’homme, le principe de responsabilité n’étant pas respecté.

Les forces gouvernementales comme les groupes armés non étatiques en Syrie, surtout Daech et le Front el-Nosra, se livrent à ces actes déplorables.

Dans notre réflexion sur le sort des minorités, nous devons éviter de souligner les différences et réaffirmer les valeurs de diversité et de coexistence pacifique.

J’exhorte les membres de la communauté internationale, à commencer par le Conseil de sécurité, à surmonter leurs divergences et à trouver de nouveaux moyens d’assurer la protection de tous les civils syriens. 

Dans quelques jours, je me rendrai au Koweït pour participer à une conférence internationale d’annonce de contributions pour la Syrie.

Je demande à tous les pays de faire preuve de générosité pour apporter une aide aux millions de Syriens qui souffrent et aux pays voisins qui supportent la plus grande part du fardeau.

Cette aide humanitaire est également essentielle à la stabilité politique de la région.

Je suis très inquiet de l’évolution de la situation en Libye. 

Les groupes qui sont affiliés à Daech s’en prennent aux minorités et aux sites religieux.  Dans ce contexte de violence généralisée, les minorités religieuses demeurent très vulnérables.

Les principales parties doivent trouver rapidement un terrain d’entente pour mettre fin au conflit militaire et politique.  Ainsi pourra-t-on éviter que la Libye tombe aux mains de groupes terroristes.

Je suis également préoccupé par les tensions tribales qui perdurent dans le sud du pays et qui pourraient déboucher sur des violences identitaires. 

Aucune stratégie ne pourra réussir sans une coopération régionale forte et un État libyen doté de moyens d’action.

L’ONU s’emploie à élaborer un plan d’action visant à prévenir l’extrémisme violent, qui sera lancé en septembre.

Nous sommes plus que jamais déterminés à défendre –et à protéger– la diversité au Moyen-Orient.

J’espère réunir un groupe d’hommes et de femmes respectés ayant une bonne connaissance de la région du point de vue religieux, civil, culturel, universitaire et économique.  Ils auraient un rôle consultatif sur les dynamiques qui sont à l’œuvre au sein des groupes confessionnels et entre ces groupes.

Certes, c’est aux États et aux parties qu’il incombe au premier chef de protéger les minorités, mais nous devons engager le dialogue avec les partenaires de la société civile, les chefs religieux et d’autres acteurs ayant de l’influence, notamment les acteurs régionaux.

En particulier, j’attends des chefs religieux et autres qu’ils rappellent à leurs communautés que les religions reposent sur des valeurs de paix, et non de violence et de guerre.

Le mois prochain, le Président de l’Assemblée générale et moi-même inviterons les personnalités influentes de diverses confessions à une réunion extraordinaire qui se tiendra à l’ONU.  Nous nous inspirerons de ce que fait l’Alliance des civilisations de l’ONU pour favoriser l’entente mutuelle et la réconciliation.

Il est largement admis que le Moyen-Orient est le berceau de plusieurs grandes civilisations. 

Décidons aujourd’hui de donner aux populations de cette région – surtout aux jeunes – les moyens d’en faire le berceau d’un monde plus stable et plus sûr.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.