Le soixante-dixième anniversaire de l’ONU doit nous rappeler que les deux premiers mots de la Charte, « nous, peuples », décrivent clairement le moteur de notre action, déclare le Secrétaire général
On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, au début public du Conseil de sécurité sur le thème « Maintien de la paix et de la sécurité internationales: tirer les enseignements du passé et réaffirmer notre attachement indéfectible aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies »:
Je remercie la République populaire de Chine d’avoir organisé le présent débat pour réaffirmer notre attachement à la Charte en cette année de célébration des 70 ans de l’ONU.
À l’approche de son soixante-dixième anniversaire, l’ONU est une organisation qui a de nombreuses réussites à son actif et de multiples de crises inscrites à son ordre du jour et à laquelle se présentent d’immenses possibilités. L’ONU a été créée pour prévenir une nouvelle guerre mondiale, et elle a atteint cet objectif. En dépit de la récurrence de génocides et de l’apparition de nombreux conflits armés, les sept dernières décennies auraient certainement été plus sanglantes si l’ONU n’avait pas été là.
La vie des peuples s’est également améliorée à d’autres égards. Dans la plupart des régions, les personnes vivent plus longtemps et sont en meilleure santé. L’autonomisation des femmes, la promotion du droit international et la progression de la démocratie contribuent à améliorer notre bien-être collectif. Le monde est très différent de ce qu’il était lorsque les auteurs de la Charte se sont réunis à San Francisco en 1945. Le nombre de Membres de l’ONU a pratiquement quadruplé. De nouvelles puissances sont apparues. La mondialisation, l’urbanisation, les migrations, les changements démographiques, les avancées techniques, les changements climatiques et d’autres événements sismiques continuent de remodeler nos sociétés et de transformer les relations internationales.
Pourtant, les aspirations de « nous, peuples » consacrées par la Charte gardent toute leur pertinence, tout leur intérêt et toute leur importance vitale. La Charte est un document vivant, et non une feuille de route détaillée. Elle est notre boussole, et elle consacre des principes qui résistent à l’épreuve du temps. Au cœur de la Charte se trouve une détermination à prévenir les conflits armés en réglant les différends par des moyens pacifiques et en protégeant les droits de l’homme. La sécurité collective est le but principal de l’Organisation.
Cependant, contrairement à 1945, tous les esprits ne s’accordent plus sur le sens de cette expression. Nous devons réfléchir à ce qui a changé et renforcer notre sentiment d’unité. Plusieurs décennies d’action dans les domaines de la diplomatie préventive, de la médiation, du maintien de la paix et de la consolidation de la paix –les succès comme les revers– nous ont permis de perfectionner notre action en faveur de la paix et d’empêcher que des crises en gestation ne deviennent plus meurtrières et plus coûteuses pour toutes les parties concernées.
C’est aux États Membres qu’incombe la responsabilité principale de la prévention des conflits. La Charte est très claire sur ce point, et pourtant, trop nombreux restent les échecs des États Membres à cet égard. Nos efforts communs sont fondés sur le consentement et le respect de l’égalité souveraine de tous les Membres de l’ONU, que la Charte définit comme un principe fondamental. Une action rapide en vue de prévenir les conflits et de protéger les droits de l’homme contribue à renforcer la souveraineté au lieu de la remettre en question ou de la restreindre. Nous devons nous demander, par exemple, si des mesures avaient été plus rapidement prises pour lutter contre les violations des droits de l’homme et les problèmes politiques en Syrie, cela aurait permis d’éviter que la situation ne connaisse une escalade aussi terrible.
Un obstacle majeur à l’action de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme est la crainte des États Membres que cela ne porte atteinte à leur souveraineté nationale. En réalité, ce sont les graves violations des droits de l’homme qui compromettent la souveraineté. Ces exactions sont meurtrières et provoquent des déplacements de population, divisent les communautés, ébranlent les économies et détruisent le patrimoine culturel. Elles réduisent au silence les responsables gouvernementaux, les parlementaires, les fonctionnaires, les juges et autres personnalités qui sont à la tête des institutions nationales essentielles à la souveraineté.
L’action menée par l’ONU dans le domaine des droits de l’homme vise principalement à soutenir tous ces acteurs. Ce faisant, elle apporte l’appui le plus essentiel à la souveraineté nationale. Une évolution conceptuelle de la manière dont nous comprenons l’action menée par l’ONU dans le domaine des droits de l’homme pourrait avoir un effet positif et transformateur sur le rôle du Conseil de sécurité en matière de paix et de sécurité. Nous devons être prêts à agir avant que les situations ne se détériorent. Il s’agit à la fois d’une responsabilité morale et d’un élément essentiel au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous ne pouvons nous permettre de rester indifférents.
Nous devons également reconnaître que l’exercice de la souveraineté s’accompagne d’importantes responsabilités. Les gouvernements acquièrent, maintiennent et renforcent leur souveraineté en rendant des comptes à leur population, en défendant les droits de l’homme, en garantissant la primauté du droit et en pratiquant une gouvernance sans exclusion. Par ailleurs, la responsabilité de gouverner n’est pas simplement un défi national; elle signifie que nous devons reconnaître les liens qui nous unissent et nous comporter en citoyens régionaux et mondiaux responsables.
Dans de très nombreux domaines, des changements climatiques au commerce et aux communications, de la dégradation de l’environnement à la santé publique, les distinctions entre les sphères nationale et internationale sont en train de s’effacer. Le terrorisme et l’extrémisme sont devenus de graves menaces transnationales. À la réunion sur l’extrémisme violent qui s’est tenue jeudi dernier à Washington, j’ai souligné la nécessité de lutter fermement contre l’extrémisme sans multiplier le problème et dans le plein respect des droits de l’homme. La souveraineté reste un élément fondamental de l’ordre international, mais aujourd’hui, moins la souveraineté sera considérée comme un mur ou un bouclier, plus nous aurons de chances de protéger les peuples et de résoudre nos problèmes communs.
Nous devons saisir l’occasion du soixante-dixième anniversaire de l’ONU pour réfléchir sérieusement à notre entreprise commune – en ce qui concerne les opérations de paix, la consolidation de la paix, l’autonomisation des femmes, la réduction des risques de catastrophe et de nombreux autres sujets. Nous devons saisir les possibilités qui se présenteront cette année de prendre des mesures porteuses de changement dans les domaines du développement durable et des changements climatiques. Dans tous ces efforts, nous ne devons pas oublier que les deux premiers mots de la Charte décrivent clairement le moteur qui alimente l’ONU – « Nous, peuples ». Réaffirmons qu’il est de notre devoir de servir ces peuples avec toute la créativité et toute la volonté possibles. Réaffirmons notre attachement les uns aux autres pour défendre la noble cause qu’est la vie en commun dans la dignité et la paix pour tous.