DH/CT/707

LA DÉTENTION OBLIGATOIRE D’IMMIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE EN AUSTRALIE PASSÉE AU CRIBLE DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

24/03/2009
Assemblée généraleDH/CT/707
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Pacte international relatif

aux droits civils et politiques

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-quinzième session                             

2610e et 2611e séances – matin et après-midi


LA DÉTENTION OBLIGATOIRE D’IMMIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE EN AUSTRALIE PASSÉE AU CRIBLE DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME


Les 18 experts du Comité des droits de l’homme ont conclu aujourd’hui l’examen du cinquième rapport périodique de l’Australie, et ont exprimé, une fois de plus, de vives préoccupations au sujet de la politique du pays en matière d’immigration.


Les experts se sont en particulier penchés sur la pratique de détention obligatoire d’immigrants qui se trouvent en situation irrégulière dans le pays, s’inquiétant, notamment, du fait que certaines personnes pouvaient être détenues pendant deux ans ou plus. 


Les conditions qui entourent leur rétention sur l’île Christmas, ont également constitué un sujet de préoccupation.  « Comment le maintien d’un centre de détention de haute sécurité, à 800 kilomètres de toute juridiction, peut-il être compatible avec l’application des droits énoncés dans le Pacte? », s’est notamment interrogée l’experte de l’Afrique du Sud. 


La délégation australienne a précisé que ces détentions étaient purement administratives de nature et permettaient de garantir la présence sur le territoire australien de la personne pendant la période d’évaluation de son dossier.  « Cette pratique de rétention nous permet de procéder à une évaluation des risques que pourraient présenter les demandeurs d’asile », a-t-elle notamment argué, ajoutant que des alternatives à l’incarcération étaient actuellement à l’étude.  Les réactions des experts ont néanmoins été plus indulgentes à l’égard des initiatives lancées par l’Australie pour améliorer le sort des populations autochtones du pays.


« La question des populations autochtones est très importante sur le plan moral, et il importe de leur rendre justice, en leur permettant, notamment, de choisir leur propre style de vie », a notamment estimé l’experte des États-Unis.  Les experts avaient également à l’esprit le sort de la « génération volée », ces autochtones enlevés dans le passé à leurs parents en vue de leur assimilation de force.  Ils se sont ainsi inquiétés de savoir, à l’instar de l’expert britannique, s’ils seraient en mesure d’obtenir des indemnisations.


Sur ce point, la délégation a admis qu’aucune compensation n’était prévue, mais que le Gouvernement avait l’intention d’accélérer le processus de « guérison », en facilitant le regroupement familial, notamment, et de combler le fossé qui sépare les autochtones des autres Australiens.


Par ailleurs, après avoir dénoncé l’absence d’une loi fédérale contre les appels à la haine, l’expert de l’Argentine a fortement mis en doute l’efficacité du système destiné à prévenir les détentions arbitraires.  « Il n’est ni satisfaisant ni conforme aux droits énoncés dans le Pacte international », a-t-il tranché.  Son homologue britannique, quant à lui, a estimé que l’application de l’extradition en Australie présentait un risque élevé d’exposer une personne à la torture.


La délégation a alors répondu en indiquant que le Gouvernement envisageait actuellement la possibilité de garantir une protection complémentaire contre le non-refoulement fondé sur le droit à la vie et le droit de vivre à l’abri de la torture.


La délégation australienne, qui était dirigée par M. Andrew Goledzinowski, de la Mission permanente de l’Australie auprès des Nations Unies, était composée de M. Bill Campbell et de Mme Roxane Nolan, du Bureau du Procureur; de M. Bruce Smith, du Département de la famille, de l’habitat, des services communautaires et des questions autochtones; de M. Robert Illingworth, du Département de l’immigration et de la citoyenneté; et de Mme Helen Horsington, de la Mission permanente de l’Australie auprès des Nations Unies.


Le Comité poursuivra ses travaux demain, mercredi 25 mars, à partir de 10 heures, avec l’examen du sixième rapport périodique de la Suède.


EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE


Cinquième rapport périodique de l’Australie (CCPR/C/AUS/5)


La délégation australienne a répondu aux critiques sur la méthodologie du rapport.  Nous avons, a-t-elle dit, essayé de dresser un tableau complet des droits de l’homme, tout en évitant les répétitions.  Rappelant que l’Australie avait été un des premiers pays à présenter des lignes directrices harmonisées, la délégation n’a pas caché les difficultés auxquelles elle s’était heurtée pour, par exemple, faire figurer toutes les informations dans le nombre de pages imparti.  Mais elle a assuré le Comité des droits de l’homme qu’elle tiendrait compte à l’avenir de ses avis.


Répondant ensuite à une question sur le cadre de protection de la jeunesse, elle a indiqué que ce cadre devrait être examiné par le Conseil des gouvernements au premier semestre de cette année.  Il faut encore finaliser une série de mesures qui mettront l’accent sur la protection des enfants autochtones, identifiée comme une des six priorités.  Les mesures porteront sur l’amélioration de la coordination dans la collecte des informations, la mise en place d’approches de protection plus ciblées, de meilleurs modèles de services dans les villes, villages et régions éloignés ou encore une réactivité plus effective des services de base. 


S’agissant particulièrement de la violence domestique, la délégation a expliqué le travail de la Commission de justice sociale et celui du nouveau Centre d’information national qui est chargé de collecter les informations pour gommer les différences de traitement entre les Australiens et les Australiens autochtones.  La délégation a aussi attiré l’attention du Comité sur le Conseil national de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants, qui est en train d’élaborer un programme. 


S’agissant de la formation judiciaire, la délégation a expliqué que le Gouvernement avait créé une stratégie de sensibilisation destinée aux policiers et magistrats afin de les aider à mieux comprendre la situation des femmes qui se trouvent exposées à la violence.  L’Australie dispose également de plusieurs collèges judiciaires qui comportent une composante de sensibilisation à la violence conjugale, tandis que des manuels d’information sont mis à la disposition des différentes strates du personnel judiciaire.  L’Australie s’efforce également d’améliorer la qualité des enquêtes menées, en mettant l’accent sur l’éducation et la formation.


La délégation a ensuite abordé la question du non-refoulement et a signalé que l’Australie ne refoulait aucune personne si cela risquait d’entraîner une violation des obligations du pays.  Un processus d’évaluation a été mis en place et il existe une latitude pour l’examen des accords judicaires ayant trait à l’accordance des visas.  Le Ministère de la citoyenneté peut ainsi intervenir et accorder un visa à toute personne ayant besoin de protection.  L’obligation du non-refoulement figure au sein des grandes lignes directrices du pays en matière d’immigration, ce qui permet à l’Australie de s’acquitter de ses obligations en la matière, a argué la délégation.  Celle-ci a ensuite indiqué que le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté avait instauré un système de rationalisation du traitement des demandes d’immigration et envisageait d’imposer des critères d’obligation de non-refoulement, comme par exemple le respect du droit à la vie et l’obligation de protéger toute personne susceptible d’être victime d’actes de torture.  L’Australie étudie les pratiques instaurées par d’autres pays, et toute personne ayant une plainte voit son dossier renvoyé au Ministère de la citoyenneté, a expliqué la délégation.


S’agissant des détentions administratives, la délégation a indiqué que celles-ci permettaient d’évaluer les risques d’immigration clandestine et de garantir la présence de la personne pendant la période d’évaluation de son dossier.  Il est en effet possible de détenir une personne pendant deux ans ou plus, a-t-elle souligné, avant de préciser que tous les cas de détention qui dépassaient trois mois étaient minutieusement examinés par le Gouvernement et que le motif de la détention se devait d’être justifié.  Le principe veut que chaque personne désireuse d’obtenir le droit de rester en Australie reste dans la communauté pendant l’examen de sa demande, a-t-elle précisé.  La délégation a ensuite indiqué que 38 personnes étaient actuellement détenues depuis plus de deux ans.  Dix d’entre elles ont bénéficié de modalités de détention alternative, comme les assignations à résidence.  Ces modalités sont appliquées en fonction du risque que présente ladite personne.  Les 28 autres personnes ont été maintenues en détention pour cause de mauvais comportement et pour garantir qu’elles seront à la disposition des autorités jusqu’au moment de leur départ.


Au sujet du processus de consultation sur les droits de l’homme, la délégation a indiqué que c’était là l’occasion d’examiner comment mieux les promouvoir à l’avenir.  Un comité composé de quatre spécialistes en matière des droits de l’homme a été créé et des réunions ont été organisées sur l’ensemble du territoire, y compris dans les localités les plus reculées du pays.  De plus, a précisé la délégation, les personnes qui ne peuvent y participer, comme les détenus, ont le moyen d’y contribuer par l’intermédiaire de l’Internet.  Des sondages d’opinion seront prochainement lancés afin d’en évaluer les retombées, a également signalé la délégation.  Quant au processus de sensibilisation du grand public, la délégation a indiqué qu’il existait, entre autres, un site Internet comportant des informations disponibles en plusieurs langues.


En outre, la délégation a indiqué que le Comité des consultations réfléchissait actuellement à la meilleure manière d’analyser les informations qui lui ont été transmises et qu’il était tenu de présenter son rapport au plus tard le 31 août 2009.  Quant à l’invocation du droit international à la Cour suprême australienne, elle a admis que les magistrats de la Cour suprême ne partageaient pas tous le même avis.  Certains magistrats n’interprètent en effet le droit international que sous le prisme de la législation nationale, mais ce « militantisme juridique » est jugé, par d’autres, inacceptable.  Le Président de la Cour suprême avait, avant d’être nommé à ce poste, invoqué l’article 18 du Pacte pour juger de la légalité d’une manifestation. Aujourd’hui,  tous les magistrats sont d’accord pour dire que le droit international, et plus particulièrement les droits de l’homme, influent sur l’évolution de la législation interne et que leurs dispositions peuvent avoir un impact sur les interprétations statutaires. 


Les magistrats ne sont pas réellement formés aux dispositions du Pacte, mais le Gouvernement finance le Collège de la magistrature, qui dispense des cours sur l’interprétation du droit en fonction du contexte socioculturel.  Revenant à la question des réserves, la délégation a souligné qu’elles faisaient l’objet d’un examen systématique, mais a insisté sur le fait que pour l’Australie la réserve à l’article 20 était parfaitement acceptable.  L’article stipule que toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi et que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi.


Les ministères sont dûment informés des avis que rend le Comité des droits de l’homme.  Ces avis et les commentaires des différents ministères sont d’ailleurs publiés sur le site Web du Bureau du Procureur général.  S’agissant de l’application de la Convention de Genève, la délégation a admis que pour son pays certains individus ne pouvaient bénéficier de la protection offerte par la Convention.  Toutefois, elle a invoqué les garanties énoncées dans l’article 75 du Protocole additionnel I de la Convention qui, selon l’Australie, relève du droit coutumier international.  La délégation a aussi assuré le Comité du respect par l’Australie des dispositions de la Convention contre la torture, même si elles ne relèvent pas du droit interne.  


Abordant le problème de l’équilibre entre les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, la délégation a indiqué que l’Australie suivait de près l’évaluation de la législation internationale en la matière.  Elle a expliqué qu’il revenait aux tribunaux de déterminer si une caution pouvait être accordée ou pas.  Celle-ci ne peut l’être si la personne détenue présente un risque, a-t-elle cependant nuancé.  La délégation a ensuite précisé que 30 personnes étaient actuellement l’objet de poursuites au titre de délits liés au terrorisme.


S’agissant des « murri courts », la délégation a indiqué qu’en Brisbane, 39% des personnes ayant comparu devant ce type de tribunaux avaient été incarcérées.  La délégation a signalé que les données dont disposait le Gouvernement étaient limitées et qu’elle n’était pas en mesure de savoir si les populations autochtones se dirigeaient davantage vers ce type de tribunaux ou non.  Le Bureau du Procureur de Queensland a cependant lancé une étude pour savoir si ce système permettait de réduire le nombre de personnes autochtones incarcérées, a cependant précisé la délégation.  Il existe également un organe consultatif qui se réuni quatre fois par an, et une série de consultations avec la communauté autochtone seront lancées prochainement. 


Afin de rendre le droit plus souple lors de l’examen de délits perpétrés par des autochtones, la délégation a indiqué que des amendements permettaient dorénavant de ne pas tenir uniquement compte du droit commun pour ces cas.  Un tribunal peut ainsi prendre en compte le fait qu’un délinquant est passible de sanctions infligées par sa tribu.  L’examen des applications de ce système dans le Territoire Nord sera conclu courant 2009. 


La délégation a de même indiqué que l’Australie ne disposait pas de données précises au sujet d’une surreprésentation de la population autochtone dans le système de santé mentale du pays.  Des services de logement leur sont octroyés et l’accent est mis sur la prévention et l’intervention rapide.  La délégation a également affirmé que le système de santé mentale devait être bien intégré au système des soins de base, et que toute personne souffrant d’une maladie mentale, mais apte au travail, devait être en mesure d’obtenir un salaire correct.


S’agissant du problème d’usage de stupéfiants, la délégation a expliqué que des programmes de prévention étaient destinés aux jeunes autochtones.


Dans le droit australien, a aussi indiqué la délégation, lorsqu’un crime est passible de la peine de mort, l’extradition n’a lieu que si le Ministère de la justice est convaincu que le pays requérant ne l’appliquera pas.  Il en va de même pour la torture, mais, cette fois-ci, l’Australie mène ses propres enquêtes par le biais de ses missions diplomatiques et se sert aussi des informations émanant, par exemple, des associations des droits de l’homme.  Le Ministère de la justice tient aussi compte des risques d’excision, a ajouté la délégation, avant de répondre à une question relative au rôle des forces australiennes dans le scandale d’Abou Ghraib.  Elle a affirmé qu’aucun Australien n’avait été chargé ni de mener des interrogatoires, ni de garder des prisonniers. 


Quant à l’appui offert aux victimes de la traite des êtres humains, sur les 124 personnes impliquées dans le cas cité par les experts, 45 bénéficient déjà d’un programme de soutien de 30 jours, après évaluation de leur situation et leur souhait de coopérer aux enquêtes.  La police est dotée d’une section spécifique sur la traite, et les tribunaux saisis de six affaires dont trois en appel. 


La délégation a également évoqué des réformes envisagées pour la procédure d’octroi des visas.  En 2008, le Ministère de l’immigration et de la citoyenneté a organisé des consultations pour évaluer le cadre actuel, dont les résultats sont toujours sur la table du Gouvernement.  Ce dernier envisage l’élaboration d’une charte des droits des victimes et des mesures plus efficaces pour protéger les témoins vulnérables.  Des consultations populaires seront lancées au cours de l’année, a précisé la délégation. 


Questions orales des experts


M. MICHAEL O’FLAHERTY, expert de l’Irlande s’est dit surpris d’apprendre que l’Australie se contentait de l’engagement d’un pays requérant à ne pas appliquer la peine de mort pour accepter l’extradition, alors qu’un tel engagement ne suffit pas quand il s’agit de torture.  Il a recommandé à la délégation de renforcer la législation australienne ayant trait à la coopération du pays avec ceux qui pratiquent la peine de mort.


L’expert a ensuite demandé des précisions sur le problème de la violence sexuelle faite aux enfants, avant d’évoquer la question de la référence au Pacte dans les tribunaux du pays.  Il a recommandé à la délégation de revenir sur l’application du Pacte dans le pays, pour ensuite la féliciter pour les informations fournies au sujet des « murri courts ».


L’expert de la Tunisie, M. ABDELFATTAH AMOR, s’est quant à lui penché sur le problème de l’incitation à la haine et à la discrimination et a voulu savoir si le pays connaissait les phénomènes d’islamophobie et d’arabophobie.


Sur la question de l’extradition, l’expert du Royaume-Uni, M. NIGEL RODLEY, a estimé que, de la façon dont celle-ci est appliquée en Australie, le risque d’exposer une personne à la torture était très élevé.  Il a demandé des précisions sur la procédure d’examen qui permet aux autorités de s’informer sur ce potentiel de risque, ainsi que sur les pratiques d’interrogatoire déterminées par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  S’agissant de la « génération volée », l’expert a demandé des précisions sur les indemnisations auxquelles elle a droit, avant de recommander la création d’un organe représentatif pour les aborigènes du détroit de Torres.  L’expert a également évoqué l’usage excessif de la force par la police, notamment l’utilisation des pistolets Taser.


Mme ZONKE ZANELE MAJODINA, experte de l’Afrique du Sud, s’est demandée comment le maintien d’un centre de détention de haute sécurité à 800 kilomètres de toute juridiction pouvait être compatible, sur toute l’étendue du territoire australien, avec l’application des droits énoncés dans le Pacte.  Pourquoi, a-t-elle aussi demandé, l’Australie reporte le rétablissement de la protection contre la discrimination raciale dans le Territoire du Nord.  L’experte de la Suisse, Mme HELEN KELLER, a souhaité que l’Australie prenne les mesures voulues pour rassembler des données fiables sur la violence domestique. 


La délégation a promis des réponses détaillées à toutes ces questions avant jeudi prochain.  Elle a néanmoins indiqué que les procédures d’extradition et d’assistance mutuelle faisaient l’objet d’un examen en ce moment.  Quant aux engagements des pays sur la peine de mort, elle a souligné que l’Australie ne menait pas d’enquête car, contrairement à la torture, la peine de mort est toujours inscrite dans la législation nationale.  Donnant les premiers éléments de réponse aux multiples questions sur les populations autochtones, la délégation a dit l’intention du Gouvernement de travailler avec les représentants de la « génération volée » pour accélérer leur « guérison ». 


Une somme importante a été débloquée pour financer les réunions familiales et le retour chez eux des survivants de cette génération.  Le Gouvernement, qui a annoncé la prorogation de ce projet, s’attend ainsi à 351 réunions supplémentaires et à 100 retours.  Par ailleurs, une « Fondation pour la guérison » a été mise en place pour répondre aux besoins « uniques » de cette génération, en particulier en matière de formation.  Tous ces efforts, a expliqué la délégation, visent à combler le fossé entre les autochtones et les autres Australiens.  Pour appuyer cet objectif, le Conseil des gouvernements a consacré plusieurs millions de dollars à la réforme des politiques de logement, d’éducation et des services de base dans les zones éloignées.  Aucune compensation n’est prévue pour cette génération volée, a admis la délégation, en rappelant que les excuses présentées par le Premier Ministre portaient sur la colonisation et les déplacements forcés.  Toutefois, les membres de la « génération volée » ont tout à fait le droit de saisir les cours et les tribunaux. 


Le Gouvernement a également mis en place des organes représentatifs des peuples autochtones.  Un premier cycle de négociations s’est ouvert, suivi par un comité de 10 experts.  Un rapport sera ensuite présenté au Gouvernement, d’ici à juillet 2009.  S’agissant du Territoire du Nord, le Gouvernement a annoncé qu’il présenterait des textes législatifs au printemps 2009 pour rendre les mesures d’urgence conformes à la loi contre la discrimination raciale.  Le Gouvernement compte aussi légiférer pour garantir aux populations le droit de faire appel.  Comme il est important que la transition se fasse sans heurt, le Gouvernement a fixé un calendrier très clair pour l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, a indiqué la délégation.


La délégation a ensuite abordé le problème de l’islamophobie et a indiqué que le Gouvernement s’évertuait à mettre en place une société multiculturelle.  Elle a expliqué qu’un groupe de référence pour la communauté musulmane avait été institué par le Gouvernement précédent pour une durée d’un an et que cet organe avait ensuite émis un certain nombre de recommandations.  Un conseil consultatif multiculturel sera prochainement créé afin de mettre en œuvre des programmes multiculturels qui favorisent la tolérance, tandis que des bourses destinées aux communautés plus petites leur permettent également de lancer des programmes allant dans ce sens, a-t-elle expliqué.  La délégation a par ailleurs indiqué qu’un programme ciblait la compréhension avec la communauté africaine du pays, ainsi qu’avec les personnes originaires du Moyen-Orient.


Réponses aux questions écrites des experts


Sécurité de la personne et droit de ne pas faire l’objet d’une détention arbitraire/droit à un procès équitable (art. 9 et 14)


La délégation a répondu aux préoccupations des experts qui voulaient savoir si l’Australie envisageait de mettre fin à la politique de détention obligatoire des immigrants entrés irrégulièrement sur son territoire, y compris dans tous les territoires actuellement exclus de la « zone de migration » du pays.


Elle a expliqué que ces détentions étaient administratives de nature et que trois catégories de personnes y étaient soumises.  La plupart de ces personnes posent des « risques inacceptables » pour la communauté ou sont en situation irrégulière, a-t-elle notamment affirmé.  La délégation australienne a ensuite indiqué que des alternatives à l’incarcération étaient actuellement en cours d’évaluation, afin de s’assurer, entre autres, de la limite des durées de détention. 


S’agissant du centre de détention de l’île Christmas, la délégation a indiqué que toute personne arrivant dans un lieu « off shore » pouvait obtenir des informations sur les processus d’immigration auprès d’un centre spécialisé.


La délégation a par ailleurs apporté des précisions sur les interruptions du temps d’enquête, dit « temps morts », que prévoit la loi sur les infractions pénales.  Elle a notamment expliqué que la police pouvait placer une personne en garde à vue pendant quatre heures, deux si la personne était aborigène ou un insulaire du détroit de Torres.  Ce temps d’enquête ne comprend pas les temps de repos ou autres, comme, par exemple, l’obtention de soins médicaux.  Il en va de même pour le temps nécessaire à la collecte d’informations, notamment pour ce qui est des enquêtes internationales, a-t-elle également signalé.  La délégation a précisé que tout ressortissant étranger avait le droit de contacter le consulat de son pays d’origine.


La délégation a ensuite indiqué que l’Australie n’avait pas l’intention d’abroger les dispositions relatives aux sanctions obligatoires (appelées « règles des trois infractions »), qui existent encore dans le Code pénal de l’Australie occidentale.  Elle a expliqué que ces mesures s’appliquaient uniquement pour les cas de cambriolage.  En outre, le principe de la sanction obligatoire ne se traduit pas par l’incarcération d’un mineur, et des circonstances atténuantes peuvent également être prises en compte avant l’attribution de cette peine.  La délégation a également estimé que ces peines étaient proportionnées eu égard aux récidivistes et que le pays n’entendait aucunement modifier ce texte de loi.


Pour ce qui est du problème des placements en détention et des condamnations injustifiés, la délégation a indiqué que des enquêtes avaient été menées à ce sujet et que l’Australie estimait qu’il n’était pas nécessaire d’instaurer des mécanismes supplémentaires d’enquête.  Elle a expliqué que si toutes les voies de recours avaient été utilisées, une affaire pouvait être reconduite devant la cour d’appel.  Des organes officieux peuvent également enquêter sur les allégations de détention injustifiée.


La délégation a de même souligné que l’Australie avait l’intention de maintenir sa réserve à l’article 14 du Pacte qui traite du versement des indemnités statutaires, avant d’expliquer qu’une personne condamnée à tort pouvait demander une indemnisation.


Sur la question de la compatibilité de la procédure d’habilitation qui permet aux avocats d’avoir accès à des renseignements classifiés avec l’article 14 du Pacte, la délégation a déclaré que l’Australie avait instauré un équilibre raisonnable entre les mesures de protection de l’État et de l’accusé.  Elle a expliqué qu’au titre d’une loi de 2004, tout représentant juridique pouvait présenter une demande d’habilitation de sécurité auprès des organes compétents, ainsi que la tenue d’audiences à huis clos.


Traitement des personnes privées de liberté (art. 10)


La délégation a indiqué que le Gouvernement australien et les États coopéraient pour améliorer les conditions de détention et de traitement des détenus souffrant de maladie mentale.  Les lignes directrices spécifient que les prisonniers doivent avoir accès à des services psychiatriques, ainsi qu’à une prise en charge en cas de maladie.  Les États et les Territoires font en sorte qu’un personnel qualifié soit présent dans les prisons.  Ils ont d’ailleurs élaboré un guide des meilleures pratiques à l’intention du personnel pénitentiaire.  Le 25 juillet 2008, le quatrième plan de santé mentale dans les prisons a été élaboré alors que le Comité permanent sur la santé mentale examine régulièrement les normes nationales.  La délégation a aussi fait état du suivi donné aux recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme et de l’égalité des chances concernant les lieux de rétention des immigrants. 


Poursuivant, elle a précisé que le projet de directives révisé disposait que, dans la mesure du possible, les prévenus ne devaient pas être placés au contact des condamnés contre leur gré.  Il prévoit que les prévenus pourront, entre autres privilèges, porter leurs propres vêtements s’ils sont convenables, travailler et recevoir davantage de visites et ce, à la discrétion du directeur de la prison.  En revanche, la liberté sous caution des détenus inculpés d’une infraction de terrorisme peut être renversée lorsqu’il s’agit de circonstances exceptionnelles.  Mais comme ce terme n’est pas défini dans la loi, les tribunaux travaillent au cas par cas.


Protection pour les expulsions arbitraires (art. 13)


Le Gouvernement, a indiqué la délégation, envisage la possibilité de garantir une protection complémentaire contre le non-refoulement fondé sur le droit à la vie et le droit de vivre à l’abri de la torture.


Liberté de pensée, de religion et d’expression (art. 18 et 19)


La législation interdit toute discrimination et garantit aux Australiens la jouissance de leur liberté religieuse sans intimidation.  Depuis la parution du rapport « Ismar Listen », le Gouvernement a mené plusieurs initiatives, dont l’élaboration d’un plan d’action national et le lancement du programme pour une Australie diverse.  La Commission nationale des droits de l’homme a, de son côté, lancé un projet de partenariat entre la police et la communauté musulmane ainsi qu’une initiative permettant d’entendre les préoccupations et les idées de cette communauté. 


Participation à la vie publique (art. 25)


La Cour suprême a confirmé la compatibilité du fait de refuser le droit de vote aux prisonniers condamnés à la prison ferme avec l’article 25 du Pacte.  Un prisonnier condamné à une peine de moins de trois ans garde son droit de vote et la suspension temporaire de tout droit de vote pour un prisonnier condamné à une peine plus sévère est un objectif raisonnable, a insisté la délégation.


Diffusion d’informations concernant le Pacte (art. 2 et 40)


La délégation a affirmé que les observations du Comité des droits de l’homme étaient diffusées très largement en Australie, entre autres, auprès du Parlement, des États et des Territoires.  Des consultations ont aussi lieu avec les organisations non gouvernementales (ONG) et la Commission nationale des droits de l’homme.  L’Australie a une communauté active des ONG, qui fournit des informations essentielles au public et aux autorités du pays, a souligné la représentante, qui a indiqué que les États et les Territoires menaient aussi des activités de sensibilisation. 


Reprenant la série de questions, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, expert de l’Inde, a voulu connaître l’impact des changements apportés à la politique d’asile et d’immigration sur la détention et la rétention des immigrants.  Multipliant les questions, l’expert s’est inquiété du sort des personnes qui arrivaient par mer.  Leurs demandes sont-elles examinées dans l’île Christmas?  Combien de temps dure la rétention obligatoire?  Quelles sont les voies de recours?  En quoi les « nouvelles valeurs » en matière de rétention vont-elles améliorer les choses? 


L’expert ne s’est pas arrêté là.  Il s’est interrogé sur le nombre de personnes détenues dans l’île Christmas.  Combien d’entre elles ont le droit de demander protection et d’obtenir une assistance juridique?  Le Gouvernement d’Australie occidentale prévoit-il la rétention obligatoire?  L’expert s’est aussi inquiété des activités de la Commission des droits de l’homme et de l’Ombudsman. 


L’experte de la Suisse, Mme HELEN KELLER, a voulu savoir quels facteurs justifiaient la mise en liberté d’une personne accusée de terrorisme.  Elle a également souhaité connaître les raisons pour lesquelles une personne pouvait prouver l’existence de circonstances exceptionnelles capables de justifier une mise en liberté sous caution.


À son tour, M. FABIAN OMAR SALVIOLI, expert de l’Argentine, a mis en doute l’efficacité du système destiné à prévenir les détentions arbitraires.  Il n’est ni satisfaisant ni conforme aux droits énoncés dans le Pacte international, a-t-il tranché.  Car en la matière, s’est-il expliqué, il ne s’agit pas seulement d’enquêtes mais de versement d’une indemnisation et de réparations.  Invoquant la jurisprudence internationale, il a dit ne pas voir pourquoi l’article 14.6 serait incompatible avec les normes internationales générales.  La délégation peut bien citer des mécanismes tels que l’Ombudsman, le Médiateur ou la Commission nationale des droits de l’homme, mais elle feint d’ignorer que leur rôle se limite à des recommandations, a-t-il dit, ajoutant qu’ils ne pouvaient prendre aucune décision sur le versement de compensation et d’indemnisation. 


S’agissant de la brutalité de la police, l’expert s’est demandé si un mécanisme indépendant et transparent serait bientôt mis en place pour enquêter sur ces mauvais comportements.  Toujours sur le droit pénal, il a voulu savoir si le tribunal informait le défendeur des conséquences qu’il y a à être défendu par un conseil non habilité.  Comment en effet préparer la défense dans ces conditions, s’est-il interrogé.  L’expert s’est également dit préoccupé face aux cas de traitements dégradants, y compris des cas d’isolement et confinement qui pourraient être contraires au Pacte international.  À cet égard, il a estimé que l’île Christmas ressemblait à s’y méprendre à un centre de détention de haute sécurité. 


L’expert de l’Irlande, M. MICHAEL O’FLAHERTY, a souhaité connaître les délais prévus pour la réforme de la procédure d’octroi des visas.  Les consultations en cours sont-elles aussi menées avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a-t-il demandé.  L’expert a aussi dénoncé l’absence d’une loi fédérale contre les appels à la haine, compte tenu des prescriptions « très précieuses » de l’article 20 du Pacte international, qui exige des États parties qu’ils instituent en délit certaines formes extrêmes de la liberté de religion.  En conséquence, les réserves à cet article, émises il y a 29 ans quand le monde était très différent, ne sont-elles pas devenues obsolètes, a demandé l’expert, en s’interrogeant aussi sur la suite que l’Australie compte donner au rapport « Ismar Listen ».  Il a ainsi recommandé d’instituer en délit la discrimination religieuse.  La question des droits des demandeurs d’asile a été une nouvelle soulevée par l’expert du Royaume-Uni, M. NIGEL RODLEY, qui a voulu en savoir plus sur la possibilité qu’ils ont de contester leur détention.  


Le rapport périodique de l’Australie est peut-être novateur, mais il est avant tout surprenant et léger, a commenté M. RAFAEL RIVAS POSADA, expert de la Colombie.  Il semble, a-t-il accusé, que l’État partie ait une vision particulière des différents organes de traités.  S’il est vrai que ces organes souhaitent parvenir à une harmonisation et à une rationalisation des rapports, il faut néanmoins garder à l’esprit la tradition et les méthodes de travail spécifiques de chacun d’entre eux.  N’oublions pas l’article 40 du Pacte relatif au travail du Comité, a ajouté l’expert, en soulignant que ses homologues et lui étaient là non pas pour entrer en confrontation avec l’État partie mais pour l’aider, par leurs observations, à progresser sur la voie des droits de l’homme.  Pour ce faire, il faut encore que le Comité ait des informations détaillées sur lesquelles fonder son opinion.  La tendance lancée aujourd’hui par l’Australie risque de nous conduise à des « caricatures de rapports » sans intérêt aucun, a dit craindre l’expert.  


L’expert de l’Algérie, M. BOUZIB LAZHARI, a demandé des précisions sur la législation du New South Wales où réside la majorité de la population musulmane du pays.


Mme IULIA ANTOANELLA MOTOC, experte de la Roumanie, a relevé, quant à elle, que l’Australie était l’un des rares pays à avoir évoqué dans son rapport le sort réservé aux femmes autochtones.  Elle a demandé à la délégation des précisions sur les améliorations qui méritent encore d’être apportées et dans quel domaine.


L’expert de l’Égypte, M. AHMAD AMIN FATHALLA, a relevé que la législation fédérale ne traitait pas du problème de la calomnie religieuse, et a voulu savoir quelles lois du pays traitaient de ce problème.  Il a également constaté que la terminologie employée accordait une définition très large à ce qui constituait un groupe religieux.


L’experte des États-Unis, Mme RUTH WEDGWOOD, a estimé que la question des autochtones était très importante sur le plan moral.  Il faut leur rendre justice et l’Australie se doit de leur permettre de choisir leur propre style de vie, a-t-elle lancé.


Réponses de la délégation


La délégation australienne a indiqué que l’île Christmas faisait parti de l’Australie, et a expliqué que les arrivées non autorisées n’étaient admises dans les autres parties du pays que sur intervention du Ministère.  Elle a indiqué qu’une personne pouvait obtenir une protection de la part de l’État une fois l’examen de son dossier conclu, et que cette procédure d’examen avait été renforcée dans les centres de l’île.  Des mesures protectives sont également mises à la disposition des personnes dans le besoin.  Par ailleurs, tout candidat à l’immigration peut rester sur le territoire australien jusqu’à la conclusion de l’examen de son dossier.  C’est là une amélioration par rapport à la législation précédente, qui voyait la personne obligée d’attendre la décision de l’État dans un pays tierce, a souligné la délégation.


La délégation a également indiqué que les arrivées non autorisées par voie maritime étaient traitées sur l’île Christmas.  Le pays reçoit environ 4 000 demandes d’asile par an, et ces personnes ne sont pas détenues.  Par ailleurs, le cas des personnes détenues fait l’objet d’un examen afin de s’assurer du bien-fondé de leur détention.  La délégation a également indiqué que la durée de la procédure de traitement pour les arrivées non autorisées dans l’île Christmas équivalait à la durée d’examen sur le reste du continent.  Il est également possible de demander un recours à la Cour suprême, qui a juridiction sur l’île.  La délégation a ensuite indiqué qu’après examen de leur dossier, la plupart des clandestins arrivés par bateau recevaient une autorisation de rester sur le territoire australien.


De son point de vue, la pratique de rétention permet de procéder à une évaluation des risques que pourraient présenter les demandeurs d’asile.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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