CNUCED XII: BIEN EXPLOITÉE, L’ENVOLÉE DES PRIX DES PRODUITS DE BASE PEUT OFFRIR UNE ALTERNATIVE ÉCONOMIQUE AUX PAYS EN DÉVELOPPEMENT
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CNUCED XII: BIEN EXPLOITÉE, L’ENVOLÉE DES PRIX DES PRODUITS DE BASE PEUT OFFRIR UNE ALTERNATIVE ÉCONOMIQUE AUX PAYS EN DÉVELOPPEMENT
(Publié tel que reçu)
Accra, GHANA, 23 avril –- Comment les pays en développement peuvent-ils tirer parti de la tendance à la hausse des prix des produits de base pour relancer leur croissance économique? Telle est la question à laquelle la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) s’est efforcée de répondre, ce matin, au cours d’une table ronde tenue dans un contexte international dominé par la flambée des prix des denrées alimentaires, la pire qu’ait connue le monde depuis plus de 30 ans.
À la fin du XXe siècle, les prix des produits de base étaient au plus bas, en raison essentiellement de la faible croissance de la demande par rapport à l’offre, a expliqué en préambule Supachai Panitchpakdi, le Secrétaire général de la CNUCED. Après avoir baissé en valeur réelle à partir des années 80, ils sont repartis à la hausse depuis 2002, principalement grâce à l’augmentation de la demande dans les pays en développement nouvellement industrialisés.
Si le cycle de croissance et d’industrialisation des pays en développement se poursuit, a-t-il ajouté, l’envolée actuelle des prix des produits de base pourrait marquer le renouveau économique de ce secteur au XXIe siècle. Il serait alors caractérisé par une reprise durable de la demande en produits de base dans le commerce mondial et par une hausse à long terme de la valeur de ces produits.
Il s’ensuit que les pays en développement à faible revenu et dont les économies sont tributaires des produits de base pourraient tirer suffisamment de gains du commerce de ces produits pour atténuer les problèmes de financement qu’ils rencontrent et favoriser une croissance économique soutenue. La douzième session de la CNUCED est l’occasion pour la communauté internationale de s’entendre sur un plan d’action international visant à s’assurer que l’envolée actuelle des prix des produits de base contribue à cette dynamique.
Dans cette perspective, les économistes de la CNUCED plaident pour que les pays en développement profitent de cette situation pour diversifier leurs économies et réduire de ce fait leur dépendance envers l’exportation des produits de base, dont les prix peuvent décliner. Malheureusement, les pays qui ont entamé cette transition sont encore trop peu nombreux. Quelques-uns d’entre eux sont venus évoquer la « reconversion » économique dans laquelle ils se sont engagés.
L’exemple des pays exportateurs de pétrole
Indiquant que 95% des revenus à l’exportation de son pays étaient constitués par la vente de pétrole, le Ministre de l’industrie de l’Angola, Joaquim David, a reconnu les risques d’une telle dépendance. Le Gouvernement angolais a donc décidé de miser sur le renouveau d’autres secteurs d’activité, grâce aux ressources générées par l’industrie pétrolière, et à l’ouverture d’un programme de crédit de quatre milliards de dollars signé avec la Chine, qui est un modèle exemplaire de la coopération Sud-Sud largement encouragée aujourd’hui. Fait sans précédent, le taux de croissance de tous les secteurs industriels angolais a été l’an dernier supérieur à celui du secteur pétrolier, s’est félicité le Ministre.
À Oman, où le pétrole représente 66% des ressources de l’État, le Gouvernement profite de cette manne financière pour financer le développement d’autres industries, a expliqué le Sous-Secrétaire au commerce et à l’industrie de ce pays. Ahmeed Bin Hassan Al Dheeb a, à cet égard, évoqué en particulier le secteur touristique, avec l’ouverture prochaine d’une station balnéaire dont les infrastructures auront coûté trois milliards de dollars. Ajouté à l’ouverture prochaine d’un port industriel, ce projet est destiné à revaloriser le littoral omanais.
De son côté, la représentante du Venezuela, a défendu les bienfaits du programme « Petrocaribe », qui est une alliance entre les pays des Caraïbes et le Venezuela, et qui permet aux États caraïbes d’acheter le pétrole vénézuélien à des conditions préférentielles. La représentante a voulu y voir un modèle d’intégration régionale à resituer dans le contexte de la coopération Sud-Sud.
La reprise en main des secteurs miniers nationaux
Anciennement appelé « Côte d’or », le Ghana, a indiqué sa Ministre des terres, des forêts et des mines, invite la CNUCED XII à réfléchir d’ores et déjà à un plan qui permettrait à l’industrie minière de profiter non seulement aux sociétés minières mais aussi aux pays où elles travaillent. Car aujourd’hui, a indiqué Esther Obeng Dapaah, le secteur minier, qui emploie 17 500 personnes, n’apporte qu’une contribution « minime » de 6,44% au produit national brut (PNB) ghanéen, alors que le cours de l’or, par exemple, ne cesse de grimper. Le Ghana exploite l’or, le diamant, la bauxite et le manganèse, et compte se lancer dans l’exploitation d’autres matières premières comme le kaolin ou la colombite.
Dans un souci de prendre réellement part à l’industrie minière, plutôt que d’en percevoir juste des dividendes, le Gouvernement ghanéen a établi un Comité national, chargé d’examiner les moyens d’accroître les revenus miniers et de renforcer la valeur ajoutée des produits. Dans ce contexte, il entend amender des lois libérales qui sont « trop favorables » aux investisseurs. L’industrie minière ne peut demeurer dans cette enclave que l’on connaît, a estimé la Ministre, en indiquant que ce secteur d’activités devait s’intégrer à l’économie nationale.
Productrice de onze millions de tonnes de fer par an pour un potentiel de trente millions de tonnes l’année, la Mauritanie, dont le Gouvernement détient 70% des actions de ce secteur, tire un grand profit de l’envolée actuelle des prix des produits de base, a admis son Ministre du commerce et de l’industrie, d’autant que le pays est riche en d’autres ressources naturelles. Le prix du fer ayant connu une hausse de 68%, en deux ou trois ans, l’argent est là, s’est réjoui le Ministre. Mais comment en faire profiter notre économie?
En effet, importatrice nette de produits alimentaires, la Mauritanie est confrontée à un marché où le riz et l’huile de palme se négocient à prix d’or. Tous les PMA étant déficitaires dans le domaine agricole, doivent-ils investir toutes leurs ressources dans les denrées alimentaires pour combler un pouvoir d’achat qui s’effrite de jour en jour? La Mauritanie, a indiqué le Ministre, a déjà procédé à la défiscalisation des importations, l’État renonçant ainsi à des ressources importantes. Elle consacre aussi des ressources à la stabilisation des prix des denrées alimentaires, ce qui risque de faire exploser la Caisse de compensation. Que faire?
Le Ministre a proposé, comme première piste, la reconstitution des caisses de compensation des organisations financières internationales. Il a aussi appelé à la lutte contre les distorsions commerciales telles que les taxes à l’exportation prohibitives qu’imposent des pays comme l’Inde et l’Argentine. Il a enfin jugé essentiel d’entamer une réflexion sur les questions d’approvisionnement, car le marché ne joue plus son rôle. Aujourd’hui, a-t-il dit, les risques sont tellement élevés dans le secteur alimentaire que les importateurs ne veulent plus importer. L’État est obligé de prendre le relais en opposition à tous les principes de libéralisation. En Mauritanie, le secteur privé en est réduit à demander au Gouvernement de contacter le Gouvernement d’un pays exportateur pour qu’il autorise son secteur privé à vendre tel ou tel produit. Cette situation est intenable, a conclu le Ministre.
Les défis qui se posent aux pays exportateurs des produits agricoles de base
L’augmentation du prix des produits de base peut s’avérer à double tranchant. Alors que les pays exportateurs de minerais et de pétrole ont réalisé de larges bénéfices, de nombreux pays en développement à faible revenu, tributaires de leurs exportations de produits agricoles, en particulier en Afrique subsaharienne, ont vu les prix de leurs exportations dépassés par ceux de leurs importations (carburants et denrées alimentaires), et font donc l’expérience d’une détérioration significative des termes de l’échange. La hausse actuelle du prix des denrées alimentaires a un effet perturbateur, provoquant inflation et insécurité alimentaire, en particulier dans les pays pauvres.
Représentant d’un pays « béni des dieux », le Secrétaire d’État au commerce de l’Ouganda, Nelson Gaggawal, a plaidé pour que l’on change les règles du jeu. Le café devrait être torréfié en Afrique et le coton transformé en fil ou tissu sur place. La hausse du prix des produits de base est l’occasion idéale pour aller de l’avant, a-t-il dit, en soulignant néanmoins que pour profiter de cette situation, les PMA doivent surmonter les problèmes liés au manque d’infrastructures physiques et de capacités de transformation. Le développement des infrastructures est le problème numéro un, a insisté le Secrétaire d’État. Le Ministre en charge du développement des exportations et du commerce international du Sri Lanka a confirmé les graves problèmes posés par l’absence d’infrastructures et la distribution, que le pays essaie de surmonter par la mise en place de coopératives.
Pistes de solutions
Gamini Lakshman Peiris a cependant mis l’accent sur la question fondamentale de la valeur ajoutée. Le Gouvernement sri-lankais a choisi d’investir dans les secteurs de pointe pour améliorer la qualité du produit, notamment du thé et de la cannelle, dont le Sri Lanka produit 90% de la demande mondiale, et de privilégier un développement économique respectueux de l’environnement. C’est aussi le message qu’a fait passer le représentant de l’Argentine, dont le pays a renoncé à exporter de la viande congelée dans un marché hyperconcurrentiel pour se concentrer exclusivement sur la viande fraîche découpée de très haute qualité.
Le Bangladesh, a dit son représentant, est le plus grand producteur de riz au monde avec trente millions de tonnes an. Or l’an dernier, il a dû importer 2,5 millions de tonnes de riz, devenant ainsi importateur net de ce produit. On peut attribuer cette situation à une météorologie défavorable, mais le fait que le prix du riz ait augmenté de 7% et que les paysans consacrent 62% de leurs revenus à l’achat des denrées alimentaires ne tient pas qu’aux caprices du temps, a insisté le représentant. Il a d’abord imputé cette situation à la hausse du prix du pétrole mais surtout au voisinage de son pays avec deux grands producteurs de riz, l’Inde et la Chine, dont les variations de prix affectent le Bangladesh. Il a donc dénoncé le manque de coordination sur le marché du riz, en appelant à une révision des politiques de fixation des prix. C’est exactement la raison pour laquelle l’« Initiative mondiale pour les produits de base » a été lancée en mai 2007, a indiqué son Directeur. Il faut, une fois pour toutes, a-t-il dit, briser la conspiration du silence de la communauté internationale par rapport à la problématique de ces produits.
Appuyant ces propos, le représentant du Brésil s’est tout de même élevé catégoriquement contre les « déclarations populistes » qui établissent un lien « fallacieux » entre les biocarburants et l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Le représentant a invité les délégations à faire la distinction entre les facteurs structurels tels que l’augmentation de la demande, et les facteurs à court terme, tels que la spéculation sur les marchés internationaux. Les biocarburants, s’est-il expliqué, sont fabriqués à partir de différentes plantes. Au Brésil, l’éthanol est produit en n’utilisant que 10% de la culture de canne à sucre, une culture présente dans le pays depuis plus de 500 ans. Le Brésil compte d’ailleurs doubler la superficie des terres arables sans pour autant s’attaquer à la forêt amazonienne. La crise alimentaire actuelle, a conclu le représentant, montre la nécessité de miser sur la technologie et de la mettre au service de l’agriculture. L’Organisme brésilien de recherche agricole a par exemple permis la culture de soja, et forte de son expérience, il signe des accords de coopération technique avec de nombreux pays dont le Ghana.
Le Brésil est peut-être le seul pays au monde qui ne subventionne pas sa production d’éthanol, a reconnu le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Mais s’est-il demandé, combien de temps pourra-t-on alimenter la production de biocarburant, compte tenu des pressions actuelles sur le marché des denrées alimentaires. Il s’est montré plus optimiste sur la situation du marché des céréales en pronostiquant qu’il devrait recouvrer sa sérénité dans un an. La communauté internationale, a-t-il dit, doit réfléchir à la manière d’apporter une vraie assistance commerciale aux pays concernés. Il a aussi prôné l’harmonisation des règles commerciales.
Il faut, a renchéri le représentant de la Côte d’Ivoire, placer les choses sous une perspective systémique qui exige que l’on examine le caractère structurant des produits de base dans les économies nationales et les nouveaux paradigmes de coopération Nord-Sud et Sud-Sud pour atténuer la volatilité des prix. L’examen doit aboutir à des recommandations techniques destinées à changer le visage des produits de base et à promouvoir une révolution verte articulée autour d’une agriculture fondée sur l’autosuffisance.
Il a aussi prôné la conception et la mise en œuvre de stratégies concertées de mise en marché, la création d’une nouvelle architecture des organismes internationaux chargés des produits de base, et le renforcement des capacités institutionnelles et humaines dans la maîtrise des normes de qualité et de traçabilité des produits. La CNUCED, a dit le représentant ivoirien, doit lancer les discussions sur toutes ces questions.
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