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DH/CT/697

DEVANT LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME, LE PANAMA DÉFEND LES MESURES PRISES POUR AMÉLIORER LA CONDITION DES GROUPES VULNÉRABLES

24/03/2008
Assemblée généraleDH/CT/697
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Pacte international relatif                                

auxdroits civils et politiques                            

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-douzième session                              

2519e et 2520e séances– matin et après-midi


DEVANT LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME, LE PANAMA DÉFEND LES MESURES PRISES POUR AMÉLIORER LA CONDITION DES GROUPES VULNÉRABLES


Le Comité des droits de l’homme a ouvert aujourd’hui la seconde semaine de sa session par l’examen du troisième rapport périodique du Panama, soumis avec 17 ans de retard.  Ce délai a été l’occasion de mesurer les progrès accomplis par cet État, réputé pour son dynamisme économique, pour respecter les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel il est partie depuis 1977.


Le Représentant permanent et chef de la délégation du Panama, Alberto Castilleront Correa, a énuméré les initiatives prises pour protéger les groupes nationaux les plus vulnérables, en particulier les femmes, les enfants, les autochtones et les immigrés.  Des réseaux ont par exemple été établis au niveau local pour soustraire les femmes et les enfants aux violences conjugales et autres maltraitances.


La question de l’avortement a été toutefois largement soulevée par de nombreux experts qui, à l’instar de celui de la Tunisie, ont voulu connaître les raisons fondamentales pour lesquelles le Panama ne reconnaissait le droit à l’avortement que dans les cas de viols ou de graves problèmes de santé de la mère.  La délégation a répondu que son pays était historiquement catholique et qu’il consacrait à ce titre certains principes moraux dans sa législation.


Les difficultés des autochtones à s’inscrire sur les registres d’état civil, ont été l’objet de mesures vigoureuses, a expliqué la délégation, non seulement pour tenir à jour le recensement national, mais aussi pour donner à ces communautés l’accès aux services auxquels elles peuvent prétendre comme tout autre citoyen.  Dans les régions de Jaqué et de Tuira, situées dans la province de Darien, la situation est compliquée par la présence de réfugiés colombiens qui jouissent d’un « statut humanitaire de protection temporaire » et que le Gouvernement envisage de régulariser.


L’experte de la France s’est toutefois interrogée sur la raison des obstacles qui semblent se poser au Panama quant à la naturalisation des personnes handicapées.  En outre, si les experts se sont félicités de la réforme pénale engagée par le Gouvernement panaméen, l’experte française s’est cependant inquiétée du phénomène de la surpopulation carcérale, qui semble justifier d’autant plus, selon elle, le recours aux bracelets électroniques pour les détenus de droit commun.


Le Comité a commencé sa journée de travail par une discussion sur l’amélioration de ses méthodes de travail.  L’expert de l’Irlande a fait des propositions sur la révision des directives concernant les rapports présentés par les États parties.  Michael O’Flaherty propose ainsi que les directives soient reformulées de manière à énoncer clairement les obligations correspondant à chaque article du Pacte et à prendre en compte toutes les observations générales et autres textes pertinents du Comité.  Il convient, selon lui, de veiller à ce que la version révisée des directives tienne compte des procédures actuelles d’examen et de suivi.


Le rapport sur l’approche stratégique des relations publiques, notamment des relations avec les médias, a été présenté par l’expert australien.  Ivan Shearer propose d’actualiser, de revoir et d’améliorer la page du site Web de l’ONU consacrée aux droits de l’homme.  Il a proposé de s’assurer le concours des ONG pour l’établissement des stratégies.  Les ONG internationales pourraient, par exemple, aider à identifier les ONG nationales les plus à même de travailler au niveau local.


EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE


Examen du troisième rapport périodique du Panama (CCPR/C/PAN/3)


M. ALBERTO CASTILLERO CORREA, Représentant permanent et Chef de la délégation du Panama, a expliqué que pour remplir ses obligations en matière de droits de l’homme, son gouvernement avait organisé en août 2006, conjointement avec le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l’homme, un atelier de sensibilisation aux organes de traité pertinents.  Le Panama est État partie au Pacteinternational relatifaux droits civils et politiques depuis 1977 et s’est efforcé d’inscrire ses dispositions au cœur de sa législation.  M. Correa a affirmé qu’il y avait eu d’importants progrès dans la mise en œuvre du Pacte, même s’il a reconnu qu’il existait encore des lacunes, notamment en ce qui concerne les engagements à prendre vis-à-vis des peuples autochtones et des descendants d’esclaves.


Au Panama, a-t-il rappelé, les femmes représentent la moitié de la population.  Le Gouvernement a adopté une politique cohérente à leur égard, sous forme de programmes assortis d’indicateurs mesurant les progrès réalisés dans l’amélioration de leur condition.  Des réseaux locaux ont également été créés pour permettre l’isolement immédiat des femmes victimes ou exposées à des menaces.  Le Gouvernement s’est par ailleurs engagé à s’attaquer aux violences conjugales et aux maltraitances des enfants. 


En matière de santé, la gratuité des soins a été instituée pour les enfants de moins de 5 ans et pour les femmes enceintes, tandis que des programmes de dépistage du VIH/sida ont été systématisés au niveau national.  Par ailleurs, le droit à l’éducation universelle est en voie de se réaliser, s’est félicité le chef de la délégation, expliquant que des programmes interculturels bilingues avaient permis de faire reculer l’analphabétisme et le travail infantile dans les zones rurales. 


Mais le droit à la sécurité est encore difficile à garantir, en raison d’un problème persistant de délinquance juvénile.  Des efforts ont été déployés pour faciliter la réinsertion des détenus de droit commun, a-t-il poursuivi.  La véritable démocratie ne pouvant exister sans une bonne administration judiciaire, en 2005, des réformes ont été apportées au Code de procédure pénale pour le mettre en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l’homme. 


En juillet dernier, le Président panaméen a signé une loi importante qui permettra de hâter le traitement des questions judiciaires, en mettant notamment l’accent sur l’utilisation maximale d’Internet.  D’une façon générale, des mesures ont été prises pour doter le pays de nouvelles technologies de l’information et des communications.  Le Panama est en outre engagé dans un vaste projet de réforme du statut du migrant pour l’harmoniser avec les plus hautes normes internationales et favoriser l’insertion des personnes vivant sur le territoire panaméen. 


Par ailleurs, nous avons constaté, a ajouté M. Correa, que dans les régions autochtones les plus reculées, il a été possible de mettre en place des programmes d’enregistrement des nouveau-nés pour qu’ils puissent bénéficier des avantages existant.  S’agissant de la liberté de la presse, le chef de délégation a expliqué qu’il était capital d’assurer la transparence absolue et que dans une vraie démocratie, aucun individu ne pouvait être poursuivi ou persécuté en raison de ses opinions.  Une loi a d’ailleurs été promulguée pour y veiller, a fait valoir le chef de la délégation.  Enfin, 13 milliards de dollars des investissements prévus d’ici à 2025 pour aménager le Canal de Panama seront consacrés à l’amélioration des conditions sociales de part et d’autre du Canal. 


Réponses aux questions écrites des experts


Cadre constitutionnel et juridique dans lequel le Pacte est impliqué (art.2)


La délégation a souligné que le Panama avait adhéré au Pacte le 8 mars 1977 et au Protocole facultatif le 15 octobre 1976.  Plusieurs des articles du Pacte figurent dans la Constitution ou dans le Code pénal.  Le Pacte est consacré dans le texte constitutionnel et des mécanismes pénaux de protection permettent d’éviter les violations. 


Non-discrimination et égalité des droits entre les hommes et les femmes (art.3 et 26)


En termes de parité, des mesures ont été prises par le Ministère du développement social.  De même, des efforts ont été déployés pour tenter de réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes dans le secteur public.  Un décret législatif a été pris pour fixer un salaire minimum égal pour les hommes et les femmes.


La disposition exigeant « la chasteté et la vertu de la victime » comme condition pour pouvoir porter plainte pour viol ne figure plus dans le nouveau Code pénal qui entrera en vigueur à la fin de 2008.


Droit à la vie (art.6)


La Commission de la vérité a été créée par un décret exécutif du 18 janvier 2001 et a achevé son mandat en 2002.  La Commission a remis un rapport au Bureau du Procureur de la République.  Deux cent sept cas ont été retenus, mais seuls 110 ont été documentés et 106 retenus en donnant lieu, selon les cas, à des procédures judiciaires, des condamnations ou des mesures provisoires.  La collecte des preuves a été rendue difficile par le temps écoulé depuis les faits. 


Concernant les exceptions prévues à l’interdiction générale de l’avortement, le Code pénal ne prévoit pas de sanctions lorsque l’avortement est pratiqué avec l’assentiment de la femme à la suite d’un viol avéré.  L’avortement doit alors être effectué dans les deux premiers mois de la grossesse.  L’avortement thérapeutique est autorisé, avec l’assentiment de la femme, lorsque celle-ci présente des motifs graves de santé, lesquels doivent être reconnus par une commission spécifique.


Interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, traitement des personnes privées de liberté et égalité des droits entre les hommes et les femmes (art.7, 10 et 3)


Pour éviter la surpopulation carcérale, le Ministère public a eu recours à des bracelets électroniques dans les procédures nouvelles et à des remises en liberté provisoire.  La construction de nouveaux centres pénitentiaires modernes est également envisagée.  Par ailleurs, il n’existe pas de discrimination concernant les visites conjugales.  Le fait que certains centres féminins ne disposent pas de maisons conjugales est uniquement dû à des raisons économiques. 


De même, 150 des 300 femmes condamnées dans le pays ont obtenu des permis pour se rendre chez elles, par exemple, à l’occasion de la Fête des mères ou à Noël.  Les conditions de détention déplorables dans la prison La Joyita sont dues essentiellement à des problèmes d’approvisionnement en eau potable.  De nouvelles pompes à eau ont été installées, assurant ainsi un approvisionnement de qualité. 


Droit de ne pas faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires (art.9)


La détention maximale provisoire peut durer jusqu’à quatre mois et être prolongée de deux mois.  La période de garde à vue est quant à elle de 24 heures.  Le projet pilote de bracelet électronique dont il est question au paragraphe 112 du rapport concerne une centaine de personnes à ce jour, s’avérant ainsi un projet efficace et peu stigmatisant.


Non-discrimination, droit à la liberté et à la sécurité de la personne et à la liberté de circulation (art.2, 9,12 et 26)


Le Gouvernement envisage actuellement de régulariser les personnes bénéficiant du statut humanitaire de protection temporaire dans les régions de Jaqué et de Tuira, dans la province de Darien, pour la plupart d’origine colombienne.  Le décret 23 ne fait pas l’objet d’une révision car il permet aux autorités panaméennes de s’occuper des personnes déplacées qui ne réunissent pas les conditions requises pour demander le statut de réfugiés.  Ceux qui ont demandé leur rapatriement volontaire en Colombie ont été rapatriés.  La situation des autres personnes déplacées est prise en considération directement par le Haut Commissariat aux réfugiés.


Procès équitables et garanties judiciaires (art. 14)


En ce qui concerne la réforme de l’administration de la justice, prévue dans le Pacte d’État 2005, le nouveau Code pénal a déjà été adopté et de nouvelles réformes de procédure pénale sont prévues pour renforcer les droits des personnes poursuivies.  Dans ce contexte, la sanction pénale doit être considérée comme le dernier recours à envisager.  Par ailleurs, des audits ont été réalisés dans 83% des départements judiciaires pour vérifier la transparence de l’institution.


Droit de chacun à la reconnaissance de sa personnalité juridique et non-discrimination (art.2, 16 et 26)


Le taux d’inscription des autochtones sur les registres d’État civil est actuellement de 12%.  Les fils et les filles des réfugiés de Colombie nés sur le territoire panaméen sont inscrits sur les listes d’état civil panaméennes.  S’agissant de la situation des homosexuels au sein de la Police nationale, la philosophie est que le comportement individuel ne doit pas mettre en danger la mission de la Police nationale.  À l’inverse, l’institution concernée doit garantir à tous ses membres une protection et un procès équitables en cas de faute professionnelle.  Le fonctionnaire, lorsque certains de ses droits ont été violés, a de son côté la possibilité de présenter devant l’instance pertinente un recours administratif.  Enfin, tous les fonctionnaires sont tenus de renoncer à des comportements discriminatoires.


Questions orales des experts


M. JOSÉ LUIS SANCHEZ-CERRO, expert du Pérou, évoquant un conflit potentiel entre les normes nationales et les dispositions du Pacte, a demandé dans quelles mesures les tribunaux invoquaient le Pacte.  Qu’a fait l’État pour faire connaître les dispositions du Pacte au sein de la société en général, mais aussi auprès des autorités judiciaires et administratives?  Faisant état d’abus physiques et psychologiques dans les établissements pénitentiaires, mentionnés par des études, l’expert a estimé que l’État ne consacrait pas les ressources nécessaires pour que les prisons deviennent plus humaines et plus dignes.  Il a par ailleurs souhaité connaître les mesures envisagées par l’État pour assurer le respect du droit du travail tel que consacré par l’Organisation internationale du Travail (OIT).  Il a enfin demandé à la délégation s’il existait des plans ou des mesures visant à accorder des titres ou des droits fonciers pour les terres ancestrales occupées par les autochtones.


M. NIGEL RODLEY, expert du Royaume-Uni, s’est penché sur les travaux de la Commission de la vérité, demandant à la délégation si ceux-ci avaient été achevés.  Il a en outre souhaité savoir si un projet de loi visant à créer une nouvelle commission de la vérité faisait réellement l’objet d’un véto de la part du pouvoir exécutif.  Il a par ailleurs demandé des précisions concernant le délai maximum de deux mois de grossesse pour l’avortement. 


M. EDWIN R. JOHNSON-LOPEZ, expert de l’Équateur, s’est étonné que la délégation panaméenne n’ait pas apporté de réponses quant à l’inscription sur les registres d’état civil des mariages, des divorces et des décès des populations autochtones.  Existe-t-il par ailleurs des registres des personnes faisant la demande d’une carte d’identité?


Mme FRANÇOISE CHANET, experte de la France, est revenue sur la question préoccupante de la surpopulation carcérale.  Elle a estimé que le bracelet électronique était une bonne formule qu’il faudrait généraliser.  Elle s’est félicitée en outre de la présence d’un avocat dès le début de la garde à vue, qui ne doit pas excéder 24 heures.  Quelles mesures sont d’ailleurs prises lorsque cette durée maximale n’est pas respectée? a-t-elle souhaité savoir. 


De même, elle s’est interrogée sur les critères de nomination des juges et sur l’existence d’une disposition dans la loi panaméenne sur l’élimination de la torture pour extorquer des aveux.  Par ailleurs, en matière de naturalisation, l’experte a demandé une modification de la disposition selon laquelle une demande de naturalisation ne peut être déposée par des personnes handicapées physiques et mentales.


M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, a attiré l’attention sur les abus commis par la Police et a demandé si un organe était mandaté pour prévenir de tels abus et en signaler l’existence.  Par ailleurs, quelles mesures le Gouvernement du Panama peut-il prendre pour juguler le problème des enfants nés et non enregistrés?  Enfin, s’agissant de l’avortement, il a pris note des circonstances exceptionnelles dans lesquelles il peut être effectué, en particulier en cas de viols. 


Mais quels sont les fondements de l’interdiction de l’avortement?  Ne s’agit-il pas d’une immixtion de l’État dans la vie privée des femmes, qui doivent pouvoir disposer librement de leur corps?  Ces questions ont une importance fondamentale non seulement pour l’État Membre concerné mais pour les pays de la région en général, a-t-il souligné.


Réponses de la délégation


La délégation a indiqué que, conformément à la hiérarchie des conventions internationales, l’article 4 de la Constitution reconnaissait les accords internationaux adoptés par le Panama et leur donnait un statut particulier dans le cadre de la législation interne, sans pour autant leur accorder un rang constitutionnel.  En outre, des circulaires ont été publiées, notamment en ce qui concerne les enquêtes pénales, pour qu’à tout moment de la procédure soient respectées les normes internationales. 


La délégation a souligné que l’autorisation d’un avortement n’était accordée que dans les cas où la santé de la mère est gravement menacée ou lorsque la grossesse est le résultat d’un viol.  L’autorité judiciaire, en l’occurrence le Ministère public, doit être mise au courant au cours des deux premiers mois de la grossesse afin que l’avortement puisse être pratiqué pendant cette période.  Ce délai est justifié par le fait que l’on considère qu’à partir du troisième mois, le fœtus est déjà formé.  Le Panama demeure un pays catholique et respecte certains principes moraux dans sa législation, a précisé un représentant.


La délégation a également fait part d’une augmentation des ressources, sous forme d’un crédit extraordinaire, pour améliorer le système pénitentiaire et lutter en particulier contre la surpopulation carcérale.  Le plan-cadre d’équipement prévoit non pas la construction de nouvelles structures mais le remplacement des anciennes.  Un délégué a en outre fait part de la volonté du Procureur général de procéder à une plus grande utilisation du bracelet électronique.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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