DH/CT/695

LE BOTSWANA DÉFEND DEVANT LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME LES « PROGRÈS CONSIDÉRABLES » ACCOMPLIS DEPUIS 40 ANS

19/03/2008
Assemblée généraleDH/CT/695
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Pacte international relatif

aux droits civils et politiques

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-douzième session                              

2515e et 2516e séances – matin et après-midi


LE BOTSWANA DÉFEND DEVANT LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME LES « PROGRÈS CONSIDÉRABLES » ACCOMPLIS DEPUIS 40 ANS


Des experts estiment que le droit coutumier ne peut être opposable au Pacte international relatif aux droits civils et politiques


Le Botswana, jeune pays devenu leader en matière de liberté économique, d’ouverture, de transparence et de bonne gouvernance en Afrique, a soumis aujourd’hui au Comité des droits de l’homme son rapport initial* sur les mesures prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droit civils et politiques.  Plusieurs experts du Comité se sont interrogés sur la place du Pacte dans la hiérarchie des normes, le Botswana ayant un système juridique mixte qui associe le droit coutumier et le système de « common law ».


Le Botswana, partie au Pacte depuis 2000, a signé les principaux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme, a rappelé son Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité du Botswana, M. Phandu T. C. Skelemani, qui présentait devant le Comité le premier rapport de son pays, attendu depuis 2001. 


« La démocratie est basée sur une Constitution qui garantit les libertés civiles et les libertés fondamentales, comme la liberté d’association, d’expression et de religion », a-t-il assuré, énonçant notamment les progrès considérables accomplis depuis 40 ans en ce qui concerne l’égalité des sexes et l’égalité de chacun devant la loi.


Cependant, les experts du Comité, lorsqu’ils n’ont pas émis des doutes sur la compatibilité de certains principes de nature coutumière avec les dispositions du Pacte, se sont dits préoccupés des difficultés d’intégrer les conventions internationales dans la législation interne.  Selon l’expert de la Tunisie, le Pacte doit s’appliquer quelle que soit la structure sociale, tribale ou culturelle de l’État.  « Le droit coutumier ne peut en aucune manière être opposable au Pacte », a-t-il souligné. 


« Le Gouvernement a adopté une approche progressive qui consiste à promulguer des lois qui modifient le droit coutumier, sans faire trop de bruit », a répondu M. Skelemani.  Au Botswana, les instruments internationaux n’ont pas une application automatique dans le droit interne tant qu’ils ne sont pas intégrés par la législation, est-il expliqué dans le rapport. 


Selon la délégation du Botswana, aucune initiative ou mesure n’a été pour l’instant mise en place pour susciter une prise de conscience parmi les chefs traditionnels de tribus des droits protégés par le Pacte et pour veiller à ce que ces droits soient pris en compte par les tribunaux coutumiers et les forces de police locale.  « Le droit coutumier n’étant pas écrit, cela constitue un défi », a ainsi reconnu un délégué.


Nombre d’experts ont par ailleurs demandé au Botswana de retirer, au plus tôt, sa réserve à l’article 7 du Pacte sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements dégradants.  « Cette réserve ne fait pas bon effet », a ainsi jugé l’expert de l’Irlande, pour qui « elle peut laisser à penser que l’État souhaite se ménager un espace de liberté dans ce domaine ».  Elle constitue « une atteinte inutile à la réputation du Botswana », a-t-il ajouté.


Le Ministre a reconnu la poursuite de la pratique des châtiments corporels, inscrite, a-t-il dit, dans la culture du pays, tout en constatant qu’elle n’avait jamais conduit à des décès.  « Il appartient à une autre génération de changer les mentalités et les pratiques », a-t-il déclaré.


S’agissant de la peine de mort, M. Skelemani a expliqué que la population, consultée sur cette question, avait exprimé son souhait de la voir maintenue.  Le Ministre a cité l’article 6-2 du Pacte qui stipule que « dans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves ».  La Constitution et le Code pénal n’imposent pas la peine de mort aux jeunes de moins de 18 ans ou aux femmes enceintes, a-t-il assuré, précisant qu’elle s’appliquait pour les auteurs de meurtres commis de manière délibérée.  « La peine capitale doit continuer de faire l’objet d’un débat jusqu’à ce qu’une majorité décide de l’abolir », a-t-il dit.  « Dans l’intervalle, l’intention est d’imposer la loi en l’état », a-t-il insisté. 


Selon le rapport, depuis 1966, 40 personnes ont été exécutées, dont trois femmes.  Depuis 2000, six exécutions ont eu lieu, la plus récente remontant à 2003.  Actuellement, trois condamnés attendent dans le couloir de la mort. 


Le Comité des droits de l’homme poursuivra l’examen du rapport initial du Botswana demain, jeudi 20 mars à 10 heures.


* Rapport publié sous la cote CCPR/C/BWA/1


EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE


Examen du rapport initial périodique du Botswana (CCPR/C/BWA/1)


Présentant le rapport initial de son pays sur l’application du Pacte international des droits civils et politiques, M. PHANDU T. C. SKELEMANI, Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité du Botswana, a spécifié que son pays avait signé les principaux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme.  Le Botswana est ainsi partie à 8 des 13 Traités des Nations Unies sur les droits de l’homme et à deux sur les trois instruments de l’Union africaine.  Notre démocratie est basée sur une Constitution qui garantit les libertés civiles et les libertés fondamentales, comme la liberté d’association, d’expression et de religion, a assuré le Ministre.  Il a estimé que le dialogue constructif et l’échange d’informations représentent le meilleur moyen de régler les conflits nationaux et internationaux, et s’est réjoui de l’occasion qui est donnée à sa délégation de dialoguer avec le Comité sur la mise en œuvre du Pacte.  Nous reconnaissons le Conseil des droits de l’homme créé il y a deux ans et l’appuyons pleinement, a poursuivi le Ministre, qui s’est aussi dit impressionné par la rapidité avec laquelle il a mis en place ses structures.  Il s’est aussi félicité de la création du mécanisme d’Examen périodique universel grâce auquel 48 pays, dont le Botswana, seront passés en revue.


Le Botswana a fait de grands progrès dans la consolidation de sa démocratie depuis 40 ans que l’État est indépendant, a indiqué le Ministre.  Il a mentionné entre autres les progrès considérables accomplis en ce qui concerne l’égalité des sexes et l’égalité de chacun devant la loi.  Il a fait remarquer la forte réduction de la pauvreté, qui est passée de 47% en 1994 à 37% en 2001 et à 30% en 2004.  Il est prévu que ce taux tombe à 23% en 2009, a-t-il annoncé.  S’agissant du défi posé par le VIH/sida, le Botswana continue de combattre ce fléau et espère réduire de façon importante le nombre de nouvelles infections et de décès.  Depuis une dizaine d’années, le pays est aussi un leader en matière de liberté économique, d’ouverture, de transparence et de bonne gouvernance en Afrique mais aussi au-delà du continent.  Nous avons aussi mis en place des institutions comme la Direction chargée de la lutte contre la corruption et le crime économique, le Bureau de l’Ombudsman et le Conseil des marchés publics et de la répartition des ressources.


En tant que jeune pays, nous avons mis l’accent sur la construction de la nation et les questions de développement, a poursuivi M. Skelemani.  Nous sommes sûrs que les mesures mises en place permettront à notre population de jouir pleinement de ses libertés fondamentales.  La plupart des ressources du pays sont consacrées au développement humain et des infrastructures dans tout le pays.  Nous voulons aussi supprimer l’analphabétisme, a-t-il ajouté.  Sur les 25 questions posées par écrit par les experts, le Ministre a répondu tout d’abord à celle de la peine de mort, en précisant que la population consultée sur cette question avait exprimé sa préférence pour cette peine.  Il a indiqué qu’elle n’est imposée que lorsqu’un meurtre est commis dans des circonstances particulières.  Il a ainsi cité le cas du meurtre qui a été perpétré pour des raisons rituelles ou encore le cas où des organes ou membres ont été prélevés sur la victime alors que celle-ci était encore en vie.


Réponses aux questions écrites posées par les experts


Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte (art. 2)


Le Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité du Botswana a affirmé qu’à l’exception de contradictions très claires, les lois du pays devaient être interprétées conformément aux dispositions du Pacte.  Une fois que les instruments juridiques internationaux sont adoptés, ils peuvent être invoqués devant les tribunaux, a-t-il précisé.  Il a par ailleurs souligné que si le Gouvernement n’avait pas mis en place des ateliers pour informer les membres de l’appareil judiciaire ou les forces de l’ordre des dispositions du Pacte, ces derniers étaient toutefois parfaitement au courant des spécificités de cet instrument important.


La délégation a également indiqué que le Botswana n’avait pas encore mis en place des initiatives ou des mesures pour susciter une prise de conscience parmi les chefs traditionnels de tribus des droits protégés par le Pacte et pour veiller à ce que ces droits soient pris en compte par les tribunaux coutumiers et les forces de police locale.  Le droit coutumier n’étant pas écrit, cela constitue un défi, a reconnu un délégué. 


Un membre de la délégation a en outre souligné qu’un Bureau de l’Ombudsman avait été établi en 1985 par un acte du Parlement, une mesure qui constitue, a-t-il précisé, un exemple des initiatives prises par le Botswana en vue d’assurer le respect des droits de l’homme.  Le Bureau de l’Ombudsman est un organe indépendant du pouvoir exécutif créé par un statut, a-t-il expliqué, ajoutant que l’Ombudsman n’avait ainsi à répondre à personne.  L’Ombudsman remet au Parlement son rapport sur les différents cas traités au cours de l’année, a-t-il précisé. 


Interdiction de la discrimination et égalité des sexes (articles 2, 3 et 26)


Pour éviter la discrimination entre les sexes, nous avons promulgué une loi sur l’emploi qui le règlemente, en évitant la discrimination à l’égard des non-citoyens du Botswana, a expliqué un membre de la délégation de l’État partie.  Il a aussi parlé de l’abolition du Marital Power Act en 2004, loi qui était discriminatoire pour l’épouse puisqu’elle en faisait la propriété de son époux.


Sur les mesures adoptées pour améliorer le statut des femmes dans le droit coutumier, un autre membre de la délégation a assuré que la femme n’a plus à demander l’autorisation de son père, frère, époux, ou tout autre gardien de sexe masculin pour prendre une décision lorsqu’elle veut agir dans la vie civile.  Elle peut par exemple disposer d’une propriété sans en référer à un homme de sa famille.


Passant à la question relative à l’incrimination des relations sexuelles entre deux personnes de même sexe, un membre de la délégation a expliqué que si la loi en fait un délit c’est parce que, de l’avis général, ce genre d’acte n’est pas moral.  Les pratiques homosexuelles vont en effet à l’encontre des convictions traditionnelles et religieuses, a-t-il expliqué.


Droit à la vie (art. 6)


Le Ministre de la justice a cité l’article 6-2 du Pacte qui stipule que « dans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves ».  Il s’agit d’un domaine où les avis divergent, a reconnu M. Skelemani.  La Constitution et le Code pénal n’imposent pas la peine de mort aux jeunes de moins de 18 ans ou aux femmes enceintes, a-t-il expliqué, précisant qu’elle s’appliquait pour les auteurs de meurtres commis de manière délibérée.  Le Ministre a néanmoins souligné que des circonstances atténuantes pouvaient être évoquées dans les cas où l’auteur d’un meurtre était en état d’ébriété au moment des faits.  La peine capitale doit continuer de faire l’objet d’un débat jusqu’à ce qu’une majorité décide de l’abolir, a-t-il dit.  Dans l’intervalle, l’intention est d’imposer la loi en l’état, a-t-il affirmé. 


Dans les cas de meurtre, la procédure doit aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la Cour d’appel, a-t-il dit, notant que la question était ensuite soumise au chef de l’État, lequel doit demander l’avis d’un comité.  La décision ultime appartient au Président, a-t-il assuré.  Le Ministre a indiqué qu’il n’avait pas été jugé utile que les avocats du condamné plaident une seconde fois au sein de ce comité.  C’est là où le débat doit se poursuivre, a-t-il estimé.


Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 7)


La délégation a ensuite abordé la question des experts sur la portée de la réserve émise par le Botswana à l’article 7 du Pacte.  Cet article dispose que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.  En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique ».  La Constitution du Botswana prévoit que toutes ces formes de punition, dont la plupart avaient été instaurées par les Britanniques pendant la période coloniale, sont illégales.  Nous ne pouvons donc pas pratiquer la torture ou tout traitement inhumain ou dégradant, a-t-il assuré.  Il a ajouté que les châtiments corporels ne sont pas autorisés pour non-paiement de dettes, en vertu d’une jurisprudence spécifique à ces cas.  Il résulte de celle-ci que ces châtiments n’ont pas été interdits de façon générale, a-t-il reconnu.


Sur les plaintes relatives à la torture et la privation de liberté, la délégation a assuré que la loi interdit la torture et les mauvais traitements aux prisonniers.  Ceux-ci peuvent présenter des plaintes au ministre, au comité qui visite les prisons et aux personnes qui font des inspections.  Ensuite, un comité d’enquête indépendant présente ses conclusions et éventuellement des recommandations en matière disciplinaire.


Quant à la question de la violence domestique, une représentante a expliqué que c’est un crime grave qui peut être poursuivi en justice.  Les agressions physiques sont traitées dans le Code pénal de façon générale, sans distinction entre les cas de violence, mais un projet de loi spécifique pour la violence domestique est en cours de discussion, a-t-elle précisé.  Ce projet a d’ailleurs reçu un fort soutien, s’est-elle réjouie.  Les informations concernant la violence domestique ne sont pas disponibles puisqu’elles rentrent dans le nombre de violences dans tous les cas de figure.  Il y a cependant des organisations qui se spécialisent dans ce domaine, comme des services d’appui aux victimes, a expliqué la représentante.


Liberté et sécurité de la personne et traitement des prisonniers (art. 9 et 10)


Le Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité a indiqué que la durée d’une garde à vue ne peut excéder 48 heures, un mandat devant être obtenu pour la prolonger.  La Constitution stipule par ailleurs que toute personne retenue en garde à vue a droit à un avocat.


Le Ministre a ajouté que la surpopulation carcérale représentait un problème important au Botswana.  La capacité actuelle des prisons est de 3 994 places.  Au mois de novembre 2007, 6 042 personnes étaient incarcérées, a-t-il souligné, précisant que des efforts étaient entrepris pour remédier à la situation en créant des cellules supplémentaires.


M. Skelemani a en outre affirmé que les prisonniers condamnés avaient droit à des visites de 20 minutes, ce qui n’empêche pas des communications par correspondance.  L’État est chargé de procéder à l’inhumation des corps dans les prisons afin d’éviter d’imposer un stress à la famille, a-t-il poursuivi.  De l’avis du Ministre, si les familles ne sont plus informées de la date prévue de l’exécution d’un condamné, c’est que cette pratique a été interrompue lorsque des responsables furent un jour inondés de requêtes particulières de la part des proches.


Questions des experts


      M. MICHAEL O’FLAHERTY, expert de l’Irlande, a félicité la délégation pour les progrès accomplis par le Botswana, notamment en termes d’éducation et de développement.  Il a noté que la ratification du Pacte international des droits civils et politiques par le Botswana a été assortie de deux réserves, l’une à l’article 7 (torture et mauvais traitements) et l’autre sur l’article 12 (liberté de mouvement).  Certains avaient fait observer que la portée de ces réserves était trop vaste et donc que les réserves n’étaient pas valables, a-t-il rappelé.  De l’avis de l’expert, celle de l’article 7 en particulier semble aller à l’encontre des libertés fondamentales.  Il a donc engagé le pays à retirer cette réserve le plus tôt possible.  L’expert a regretté également la présentation tardive du rapport, mais a reconnu ses qualités, qui ont permis un bon examen de la situation des droits de l’homme.


Il serait utile cependant de connaître davantage la situation sur place, grâce à des données ventilées, surtout pour les articles 2 et 3 (non-discrimination), a estimé l’expert.  Il a aussi remarqué que le rapport ne traite pas de questions importantes pour le Comité, même si ce ne sont pas des problèmes au Botswana, comme la question de la traite des êtres humains.  En outre, certaines réponses sont très brèves, comme celle portant sur l’article 27 et les problèmes des groupes minoritaires.


Concernant la question relative à l’incorporation du Pacte dans la loi nationale, M. O’Flaherty a rappelé l’utilité d’une application directe de ses dispositions et a engagé le Botswana à le faire.  Il a demandé si le Botswana envisage de mettre en œuvre des programmes de formation professionnelle pour éduquer aux dispositions du Pacte, pas seulement pour les magistrats.  Abordant la question du droit coutumier, l’expert a rappelé que ce droit ne peut pas violer les dispositions du Pacte et a demandé ce qui était mis en place pour surveiller que les acteurs du droit coutumier les respectent.  Il a aussi relevé le rôle crucial de la prise de conscience et de la formation sur les droits de l’homme au niveau de la police locale.


L’expert s’est ensuite dit surpris du domaine de compétence très limité de l’Ombudsman et a pris note de quelques allégations sur son manque d’indépendance.  Quelles sont les qualifications en matière de droits de l’homme du personnel du Bureau de l’Ombudsman? a-t-il demandé.  Enfin, l’expert a noté la réponse limitée de la délégation sur les institutions de contrôle de l’application des droits de l’homme et a appelé le pays à jouer un rôle de chef de file à cet égard dans la région.


M. YUJI IWASAWA, expert du Japon, s’est en particulier dit préoccupé de voir que le droit coutumier pouvait être appliqué d’une manière non conforme au Pacte.  Quelles sont les règles qui s’appliquent au mariage traditionnel? a-t-il par exemple demandé.  Il a en outre demandé si le Gouvernement du Botswana envisageait d’interdire la polygamie en vertu du droit coutumier.


M. AHMED TAWFIK KHALIL, expert de l’Égypte, a noté que la délégation est prête à mener un dialogue constructif, mais a relevé des points qui restent encore à éclaircir.  Il a cité la question de la peine de mort et le faible taux de commutation en peine d’emprisonnement.  Le Comité consultatif sur l’exercice du droit de grâce a un rôle important à jouer en la matière, a-t-il relevé.  En outre, il a noté que les personnes défavorisées condamnées à la peine capitale ne bénéficient pas toujours des services d’un avocat.  La réserve formulée par le Botswana à l’article 7 du Pacte (torture et mauvais traitements) fait passer le mauvais message, a ensuite indiqué l’expert, qui a aussi regretté la persistance de la pratique des châtiments corporels.  Il a ensuite demandé des renseignements sur les mécanismes permettant d’examiner les plaintes pour mauvais traitements ou torture, formulées à l’encontre de policiers ou du personnel pénitentiaire.  Le rapport donne l’impression que ces mécanismes ne fonctionnent pas très bien, a-t-il remarqué.  Il n’est pas clairement expliqué auprès de qui la personne peut déposer sa plainte.


En ce qui concerne l’accès des ONG aux détenus, l’expert égyptien a relevé dans le rapport que des structures officielles sont en place pour permettre ce genre de visite, mais a douté de la réalité en pratique de ces visites, les ONG se voyant souvent refuser l’autorisation d’accès.  Concernant le traitement des prisonniers, en particulier ceux en garde à vue et en détention provisoire, il a voulu savoir comment on tentait de résorber le problème d’encombrement des juridictions, qui oblige les détenus à rester plus longtemps que prévu en détention avant d’être jugés.  L’expert a aussi demandé d’indiquer les mesures qui étaient prises pour réduire la surpopulation carcérale.  La durée des visites accordées aux familles des détenus est très réduite, a aussi remarqué l’expert.


À son tour, Mme ELISABETH PALM, experte de la Suède, a abordé la question de la violence dans les familles.  Le projet de loi pertinent constitue un grand pas en avant, s’est-elle réjouie.  Cela permettra notamment de disposer à l’avenir de statistiques et d’assurer une meilleure protection des victimes.  Elle a cependant souhaité obtenir plus de renseignements sur le contenu de cette loi et a demandé un exemplaire de ce projet de loi.  L’experte a aussi demandé des précisions sur l’état de cette violence au Botswana et sur les mesures concrètes prises pour mettre fin à ce type de violence et indemniser les victimes.


M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, a poursuivi le débat en demandant des éclaircissements sur la place du Pacte dans la hiérarchie des normes au Botswana et sur le rapport du droit interne avec le droit international, notamment avec le droit international des droits de l’homme.  Il s’est préoccupé des termes du rapport selon lesquels « le droit coutumier est fluide et dépend des comportements des communautés.  Cela pourrait rendre difficile l’intégration des conventions internationales dans le droit coutumier. »  L’expert a rappelé que le Pacte doit s’appliquer quelles que soient la structure et la base culturelle de l’État.  Celle-ci doit être respectée dans la limite de sa conformité avec les dispositions du Pacte, a-t-il rappelé.  L’État est tenu de donner effet au Pacte quelle que soit sa structure sociale, tribale ou culturelle, a-t-il insisté.  Il a d’ailleurs émis des doutes sur la compatibilité de certains principes de nature coutumière avec les dispositions du Pacte.


L’expert tunisien a demandé des explications sur la « pratique des meurtres rituels ».  Quelle est l’importance de ce phénomène et qui en sont les auteurs? a-t-il également demandé.  Il a aussi voulu connaitre l’attitude de l’État en termes de prévention et de sanction.


Évoquant le principe d’égalité entre les sexes, consacré dans le Pacte, M. RAJSOOMER LALLAH, expert de Maurice, a demandé si les femmes pouvaient exercer des fonctions à haute responsabilité, comme la présidence de l’État ou du Parlement.


Mme RUTH WEDGWOOD, experte des États-Unis, a préconisé, pour préserver la santé des prisonniers, la distribution de préservatifs dans les prisons.  Les relations homosexuelles existent dans les prisons réservées aux hommes, et il faut en tenir compte si le pays veut lutter efficacement contre le VIH/sida, a-t-elle souligné.  S’agissant de la question de la peine de mort, elle a critiqué la mesure qui empêche la famille d’un condamné exécuté de récupérer son corps.  L’experte a demandé également si les femmes étaient autorisées à exercer les fonctions de Kgosi.


M. NIGEL RODLEY, expert du Royaume-Uni, s’est dit préoccupé de l’absence de données statistiques concernant la peine de mort.  Un mystère semble flotter sur cette question, a-t-il affirmé.  Il serait utile de connaître, sur une base annuelle, le nombre de personnes condamnées à la peine capitale et d’exécutions, a-t-il dit.  Par ailleurs, il a estimé que la réserve à l’article 7 du Pacte, relatif à la torture et aux mauvais traitements, était exagérée et a invité le Botswana à réexaminer la nécessité d’une telle position.


Réponses de la délégation


Le Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité du Botswana a admis que le Code pénal ne parle pas de torture, mais il a indiqué qu’il interdit certains actes qui peuvent être interprétés comme des actes de torture.  Si le rapport présenté ne parle pas de la traite des êtres humains, c’est seulement par omission, a ensuite expliqué M. Skelemani, qui a reconnu que ce problème existe au Botswana.  Par l’intermédiaire d’Interpol, notre politique est de combattre la traite.


Pour revenir sur l’application dans le droit interne des dispositions du Pacte et l’éventuelle incompatibilité du droit coutumier avec le Pacte, le Ministre a expliqué que le Gouvernement a adopté une approche progressive qui consiste à adopter des lois qui modifient le droit coutumier, sans faire trop de bruit.  On peut admettre qu’aucun gouvernement ne peut prendre des mesures trop brutales qui vont entraîner sa chute, a-t-il argumenté.  Il a aussi émis l’espoir que des cours de formation professionnelle sur les dispositions du Pacte seraient rapidement mis en place.  Les ministres ont déjà commencé à recevoir une formation, avec l’aide notamment des États-Unis.


Pour ce qui est de l’application du droit coutumier, qui n’est pas un droit écrit, le Ministre a rappelé qu’une femme non mariée doit être « guidée » par son père ou son frère pour conclure une transaction immobilière.  Or, a fait valoir le Ministre, on a pu changer cette loi coutumière, la femme pouvant maintenant acheter un terrain sans l’accord d’un homme de sa famille.  M. Skelemani a également mis l’accent sur la nécessité de former les femmes sur le contenu de leurs droits.  Il nous faut aussi les éduquer sur la question de la polygamie.


L’Ombudsman agit en toute indépendance, a ensuite assuré le Ministre, et nous n’avons jamais eu de cas où il recevait l’ordre d’enquêter sur telle ou telle question.  Il est vrai qu’il serait bon d’avoir une commission qui s’occupe de la zone d’ombre dont l’Ombudsman ne s’occupe pas, a-t-il reconnu.  Quant à la question de la discrimination, il a rappelé les dispositions de l’article 15 de la Constitution qui prévoit son interdiction.  Mais quand un Botswanais peut faire un travail, on lui donne la préférence par rapport à un non-citoyen.  On ne traite cependant pas les réfugiés comme les autres étrangers, a-t-il ajouté, et des emplois leur sont ouverts plus facilement.  Ils reçoivent, par exemple, des autorisations leur permettant de quitter leurs camps pour rechercher un travail.


En matière de divorce, une nouvelle loi va bientôt permettre à la femme d’avoir sa propre résidence et de saisir le juge de ce ressort plutôt que celui qui est compétent au lieu de résidence du mari.  Nous avons aussi aboli le caractère de chef de famille du mari, même si le droit coutumier ne l’a pas aboli.  Maintenant l’époux ne peut pas effectuer une transaction sur des biens fonciers sans le consentement de l’épouse, a-t-il donné comme exemple.  En outre, la capacité juridique des femmes est maintenant la même que celle des hommes.  La loi a aussi intégré la question sexospécifique.  Pour ce qui est de l’homosexualité, cette question relève de la moralité de toute la communauté.  Mais si on ne fournit pas des préservatifs dans les prisons, on s’expose à des cas d’infection, a reconnu le Ministre.


Depuis 1973, chaque fois qu’il y avait des circonstances atténuantes, 99% des affaires n’ont pas abouti à la peine de mort, a poursuivi M. Skelemani.  Dans les autres cas, il a constaté que les avocats ont tendance à reprendre toujours les mêmes arguments qui ont déjà été rejetés par la Cour d’appel.  Pour expliquer la réserve sur la torture, il a indiqué que la pratique des châtiments corporels se poursuit au Botswana, car c’est inscrit dans la culture du pays.  On n’a jamais eu de cas de décès après ce genre de châtiment, qui est prodigué de façon modérée et dont le but est simplement de corriger.  Le service communautaire pourrait en effet remplacer la bastonnade, a admis le Ministre.  Il appartient à une autre génération de changer les mentalités et les pratiques, a-t-il conclu sur ce point.


M. Skelemani a répondu ensuite aux questions sur la violence domestique, en rappelant le projet de loi en cours d’adoption.  Il a aussi évoqué l’importance de l’éducation sur cette loi afin qu’elle produise les résultats voulus.  Pour ce qui est des « meurtres rituels », il a expliqué qu’ils sont basés sur la croyance que l’absorption d’une potion composée d’une partie du corps humain mélangée à des herbes peut être bénéfique à la santé.  Le pire est que, pour que cela marche, on pense qu’il faut l’absorber tant que la victime est encore vivante.  Le Ministre a reconnu le caractère inadmissible de cette pratique et a souhaité qu’elle disparaisse.


Le Ministre a affirmé également que, selon les coutumes des tribus, les femmes pouvaient ou non exercer des fonctions de chef.  Il a estimé possible le fait qu’un jour une femme puisse devenir Présidente de la République.


Questions et commentaires des experts


L’expert de l’Irlande a qualifié d’information utile le fait que le Botswana reconnaisse le problème de la traite.  Il s’est félicité de l’intention du Botswana de créer une commission des droits de l’homme.  L’expert a également estimé que la réserve à l’article 7 du Pacte ne faisait pas bon effet car, a-t-il précisé, elle laisse penser que l’État souhaite se ménager un espace de liberté dans ce domaine.  Cette réserve est une atteinte inutile à la réputation du Botswana, a-t-il ajouté.


L’expert du Japon, abordant la question du droit des non-citoyens, s’est en particulier dit préoccupé par l’article 15 de la Constitution qui, à ses yeux, constitue une exception à l’interdiction de la discrimination.


L’expert de la Tunisie a demandé au Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité de lui fournir le nombre des crimes rituels commis au cours des trois dernières années.  Tous les crimes rituels sont-ils portés à la connaissance des autorités? s’est-il interrogé.


Réponses de la délégation aux questions et commentaires des experts


Le Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité du Botswana a affirmé que si aucun programme officiel ne s’attaquait pour l’instant au fléau de la traite, le Gouvernement demeurait néanmoins ouvert à des discussions avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour en étudier la faisabilité.


Le Ministre a en outre indiqué qu’il devait consulter les procureurs pour connaître le nombre de crimes rituels.  Il y aura toujours plus de cas portés à la connaissance de la police que ceux qui font l’objet de poursuites, a-t-il néanmoins souligné.


Réponses aux questions écrites sur les articles 14 à 27


Droit à un procès équitable (article 14)


Une déléguée a expliqué que l’État s’est efforcé d’assurer l’indépendance du secteur judiciaire, avec des juges inamovibles jusqu’à leur retraite à l’âge de 70 ans, comme prévu dans la Constitution.  Ils perçoivent des indemnités fixées par le Parlement, a-t-elle précisé.  Un juge ne peut être démis de ses fonctions que s’il est dans l’incapacité de s’acquitter de ses fonctions.  Elle a aussi expliqué que les indigents qui encourent la peine de mort se voient attribuer un avocat commis d’office.  Ce sont des avocats compétents, a-t-elle assuré.


Les juridictions relevant du droit coutumier ne peuvent pas examiner toutes les infractions pénales, a-t-elle ensuite indiqué, comme la trahison, le meurtre, la corruption, le viol ou encore l’insolvabilité.  Certaines affaires soumises aux tribunaux coutumiers sont transférées devant des tribunaux de droit commun si le défendeur le demande, avec possibilité d’appel si ce droit n’est pas accordé.


Liberté d’expression (article 19)


La délégation a indiqué qu’au moment de l’indépendance en 1965, il n’existait pratiquement pas de journaux.  Une étude indépendante a montré que les neuf journaux privés se sont développés, l’un d’eux, « Mmegi » ayant dépassé la publication du Governement Daily News.  Elle a aussi évoqué les trois radios privées qui sont autorisées à émettre, comme Radio Botswana.  Quant à la télévision, elle travaille sans aucune ingérence du Gouvernement.  Après avoir été autorisée à émettre au-delà de Gaborone, elle a connu des difficultés et a dû être refinancée.  Elle doit être relancée en avril.  Il y a aussi des informations qui sont mises en ligne sans interférence de la part du Gouvernement.


Concernant la liberté d’expression, elle a assuré que les médias peuvent exprimer leurs vues même si celles-ci ne sont pas appréciées par les autorités.  Les médias publics comme privés se voient seulement limités par le respect des droits des personnes.  Aucun journaliste n’a jamais été interdit de mener son activité professionnelle en application du droit pénal, a-t-il ajouté.


Droit au mariage, choix du conjoint et égalité des droits et responsabilités des conjoints (article 23)


La délégation a indiqué qu’il existe deux types de mariage, selon le Common Law et le droit coutumier.  Le premier interdit le mariage de personnes de moins de 18 ans.  En droit coutumier, les mariages ne sont pas enregistrés et sont célébrés selon les rites de chaque tribu, ce qui rend difficile de surveiller leur légalité et de les faire enregistrer.  Avec la nouvelle loi, tous les mariages devront être enregistrés et toute infraction quant à l’âge des époux sera ainsi connue.


Un autre membre de la délégation a expliqué que si la polygamie est interdite par la loi, elle est cependant tolérée par le droit coutumier.  Pour ce qui est de la tutelle des femmes non mariées, c’est une pratique culturelle et non une obligation légale, qui devrait évoluer avec la transformation actuelle de la société.  L’abolition du Marital Power Act permet déjà d’avancer dans l’amélioration du statut de la femme, a fait remarquer la déléguée.


Droit de prendre part à la direction des affaires publiques, de voter et d’être élu et d’avoir accès au service public (article 25)


Le Gouvernement ne finance pas les partis politiques, a indiqué la délégation, car cela aboutirait à la prolifération des partis et ne profiterait pas au grand public.  Mais les partis ont accès aux médias, comme la radio et la télévision.  Un calendrier est prévu pour permettre aux partis de diffuser leurs manifestes, a-t-il ajouté, et les médias audiovisuels assurent une couverture large des campagnes électorales.


Composition de la délégation de l’État partie


Outre M. Phandu Skelemani, Ministre de la justice, de la défense et de la sécurité du Botswana, la délégation de ce pays était composée de M. Samuel Outlule, Représentant permanent du Botswana auprès des Nations Unies à New York; M. Boometswe Mokgothu, Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève; M. Augustine Makgonatsotlhe, Secrétaire politique permanent du Président; Mme Dimpho Mogami, Principale Conseillère d’État et Conseillère juridique au Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale; Mme Tapiwa Mongwa, Représentante permanente adjointe du Botswana auprès des Nations Unies à New York; et Mme Tebatso Baleseng, Première Secrétaire à la Mission du Bostwana, également auprès des Nations Unies à New York.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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