En cours au Siège de l'ONU

DH/CT/693

LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME OUVRE LES TRAVAUX DE SA QUATRE-VINGT-DOUZIÈME SESSION

17/03/2008
Assemblée généraleDH/CT/693
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Pacte international relatif

aux droits civils et politiques

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-douzième session                              

2511e et 2512e séances – matin et après-midi


LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME OUVRE LES TRAVAUX DE SA QUATRE-VINGT-DOUZIÈME SESSION


Le Ministre tunisien de la justice exprime la détermination de son pays à donner un nouvel élan à la dynamique de protection et de promotion des droits de l’homme


Le Comité des droits de l’homme a entamé aujourd’hui les travaux de sa quatre-vingt-douzième session par l’examen du cinquième rapport périodique de la Tunisie*.  Le Ministre tunisien de la justice et des droits de l’homme, qui le présentait, a exprimé la détermination de son gouvernement à « donner un nouvel élan à la dynamique de protection et de promotion des droits de l’homme ».


M. Béchir Tekkari a notamment indiqué que la Tunisie était un État « abolitionniste de fait » de la peine de mort.  Le Chef de l’État tunisien a annoncé qu’il ne signerait jamais un acte d’exécution, a-t-il déclaré.  L’experte de la France, Mme Christine Chanet, a cependant demandé des éclaircissements sur cette position, la peine capitale figurant toujours dans la loi, a-t-elle souligné.


Lors de cette session, qui se tient jusqu’au 4 avril au Siège de l’ONU, à New York, le Comité doit examiner les rapports de la Tunisie, du Botswana, du Panama et de l’ex-République yougoslave de Macédoine.


Le rapport soumis aujourd’hui aux 18 experts du Comité présente les principales mesures législatives et pratiques adoptées par la Tunisie au cours de la période 1993-2005 afin de renforcer la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont cet État est partie depuis 1969.  Le rapport prend en outre en considération les points que le Comité des droits de l’homme avait soulevés dans ses observations finales en octobre 1994, lors de l’examen du quatrième rapport de la Tunisie.


Dans son rapport, la Tunisie dit avoir « tout mis en œuvre pour le respect de l’humanisme, du pluralisme et du droit à la différence ».  « La démarche tunisienne est certes progressive, mais elle est déterminée, irréversible et prometteuse », est-il en particulier écrit.


En le présentant, le Ministre tunisien de la Justice et des droits de l’homme a énoncé les principales mesures arrêtées par le Gouvernement en matière de protection et de promotion des droits de l’homme.  La première de ces mesures concerne la décision de la Tunisie d’accueillir des rapporteurs spéciaux aussi bien du Conseil des droits de l’homme que de la Commission africaine des droits de l’homme.  La Tunisie a également décidé de remettre, au cours de l’année 2008, huit rapports relatifs aux droits de l’homme à différents organes des Nations Unies, a-t-il dit, mentionnant également le rapport périodique universel qui sera présenté devant le Conseil des droits de l’homme.


En réponse aux questions écrites des experts portant sur des arrestations et détentions arbitraires, la délégation a souligné que la Tunisie avait été un des premiers États à ratifier sans réserve la Convention pertinente.  Le droit et la procédure sont respectés, a-t-elle assuré.  « Si le procureur constate un nombre suffisant de faits qui offrent un fondement à une poursuite en justice, il déclenche la procédure. »


Le Représentant du Secrétaire général, M. Ngonlardje Mbaidjol, avait ouvert  la quatre-vingt-douzième session du Comité, ce matin, en rappelant notamment que le Conseil des droits de l’homme avait repris sa sixième session entre le 10 et le 14 décembre 2007.  Depuis, le Conseil a continué son processus d’examen, de rationalisation et d’amélioration des mandats.  Le Représentant du Secrétaire général a également indiqué que l’« examen périodique universel » du Conseil des droits de l’homme aurait lieu du 7 au 18 avril.  Les fruits des discussions lors de cet examen périodique universel seront utiles pour le Comité, notamment en termes de rationalisation de ses relations avec le Conseil, a-t-il expliqué.


De son côté, le Président du Groupe de travail sur les communications, M. Ivan Shearer de l’Australie, a présenté un bref exposé des activités du Groupe, qui s’est réuni la semaine dernière.  Il a indiqué que 32 textes avaient été examinés.  Trois affaires ont été déclarées recevables, tandis que neuf dossiers ont été rejetés, a-t-il précisé.  En outre, 19 affaires ont été examinées quant au fond, tandis qu’un dossier a été reporté, un complément d’information ayant été demandé aux parties.


Le Comité des droits de l’homme, que préside M. Rafael Rivas Posada de la Colombie, est l’un des sept « organes de traités » créés en vertu d'instruments internationaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme.  Composé de 18 experts indépendants ayant en majorité une riche expérience juridique, il est chargé de surveiller la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte) et des deux Protocoles facultatifs qui s'y rapportent.  À cet effet, les États parties au Pacte doivent présenter au Comité des rapports périodiques sur la situation des droits de l’homme dans leur pays, en application de l’article 40 de cet instrument juridique international qui est entré en vigueur en 1976.


Le Comité des droits de l’homme poursuivra l’examen du cinquième rapport périodique de la Tunisie demain, mardi 18 mars à 10 heures.


* Rapport publié sous la cote CCPR/C/TUN/5


ORGANISATION DES TRAVAUX ET QUESTIONS DIVERSES


Rapport du Groupe de travail sur les communications


Déclarations


M. NGONLARDJE MBAIDJOL, qui intervenait en qualité de Représentant du Secrétaire général, a présenté les éléments nouveaux concernant le Conseil des droits de l’homme.  Il a expliqué que le Groupe d’experts sur le Darfour avait été dissout, le mandat de celui-ci étant maintenant assuré par la Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan, Mme Sima Samar.  Il a aussi mentionné qu’un nouveau rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage sera nommé au cours de la septième session du Conseil, en mars 2008, en remplacement de l’ancien Groupe de travail sur cette question.  En outre, un nouveau mécanisme remplacera l’ancien Groupe de travail de la Sous-Commission sur les populations autochtones.  M. Mbaidjol a ajouté que le Conseil doit examiner les cas de 14 pays et ainsi que des mandats thématiques concernant cinq pays et des sujets comme les défenseurs des droits de l’homme, le racisme, la discrimination raciale.


Le 25 mars, le Conseil des droits de l’homme devra procéder à 14 nominations pour plusieurs organes, a précisé M. Mbaidjol.  Il s’agit tout d’abord des groupes de travail sur les personnes à descendance africaine, sur la détention arbitraire et sur les disparitions forcées.  Il y a aussi les nominations des rapporteurs spéciaux sur les peuples autochtones, la vente d’enfants, l’esclavage, le logement et l’alimentation.  Le Conseil nommera également les experts indépendants sur la réforme économique, la dette étrangère et l’extrême pauvreté, ainsi que le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar et celui sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.  Le Secrétaire général devra aussi pourvoir les postes vacants en ce qui concerne les défenseurs des droits de l’homme et la Somalie.


Le représentant du Secrétaire général a ensuite indiqué que l’« examen périodique universel » du Conseil des droits de l’homme aura lieu du 7 au 18 avril.  Conformément à la résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme, un groupe de trois rapporteurs, appelé « troïka », sera formé pour faciliter les examens prévus.  Le 25 février 2008, a poursuivi M. Mbaidjol, les rapports nationaux de la plupart des 16 États qui devront être étudiés à la présente session ont été publiés sur le site Web du Conseil des droits de l’homme, ainsi qu’une compilation d’informations.  Les États pourront en outre présenter des observations orales, a-t-il précisé.  Il a également mis l’accent sur l’importance des rapports préparés par le Haut Commissariat aux droits de l’homme, qui apportent des informations utiles pour les travaux des organes de traités en général en particulier pour le Comité des droits de l’homme.


Pour M. Mbaidjol, il est évident que les fruits des discussions lors de l’examen périodique universel seront utiles pour le Comité, notamment en termes de rationalisation de ses relations avec le Conseil.  Il a encore précisé que le Conseil avait tenu en janvier sa sixième session spéciale sur « les violations des droits de l’homme émanant des incursions militaires israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, y compris la bande de Gaza et la ville de Naplouse, en Cisjordanie ».  Cette session s’est terminée par l’adoption d’une résolution appelant à la protection des civils palestiniens dans ces territoires, conformément au système juridique des droits de l’homme et au droit international humanitaire.


Enfin, le représentant du Secrétaire général a abordé la réforme du système des organes des traités, indiquant qu’est prévue une session d’organisation de la réunion intercomités afin de mettre en évidence les domaines nécessitant une harmonisation.  Il a aussi indiqué que le Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes avait été transféré à Genève et avait adopté des directives révisées pour la rédaction des rapports.  Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels est, pour sa part, en train de revoir ses propres directives.  M. Mbaidjol a ensuite indiqué que Samoa compte désormais parmi les États parties à la Convention, depuis sa récente ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  La République de Moldova a, pour sa part, ratifié le premier Protocole facultatif et les Philippines le deuxième.  Vanuatu et Cuba ont signé le Pacte.


Au cours de la présente session, a rappelé M. Mbaidjol, le Comité examinera les rapports de la Tunisie, du Botswana, du Panama et de l’ex-République yougoslave de Macédoine.  En outre, les Équipes spéciales de pays doivent adopter des listes de questions concernant les rapports périodiques de l’Irlande, du Nicaragua, de la France et du Japon.  Des discussions sur les méthodes de travail du Comité sont aussi à son ordre du jour.  Enfin, il est prévu de commencer l’étude d’un projet général de commentaires sur la question délicate des obligations des États parties en vertu du Protocole facultatif qui a été préparé par M. Shearer.


Le Président du Groupe de travail sur les communications, M. IVAN SHEARER, expert de l’Australie, a présenté un bref exposé des activités du Groupe, qui s’est réuni la semaine dernière.  Dix membres du Comité des droits de l’homme ont assisté aux réunions du Groupe de travail, a-t-il souligné.  Il a indiqué que 32 textes avaient été examinés.  Trois affaires ont été déclarées recevables par consensus et neuf dossiers ont été déclarés non recevables par consensus, a-t-il précisé.  En outre, 19 affaires ont été examinées quant au fond, tandis qu’un dossier a été reporté, un complément d’information ayant été demandé aux parties.  Plusieurs décisions de non-recevabilité ont été adoptées par le biais du rapport du Rapporteur spécial sur les communications, a-t-il ajouté.


M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, s’est dit préoccupé du retard pris dans les travaux.  Il est important de renforcer les pouvoirs du Rapporteur spécial sur les communications de manière à éviter les enregistrements des communications qui sont manifestement irrecevables et qui ne comportent pas des preuves suffisantes, a-t-il affirmé.


Mme IULIA ANTOANELLA MOTOC, experte de la Roumanie, a souhaité de son côté que des discussions du Comité portent pendant cette session sur la question des médias.  Il est nécessaire de s’interroger sur la façon dont le Comité fera ses communications, a-t-elle ainsi expliqué.


EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS


Examen du cinquième rapport périodique de la Tunisie (CCPR/TUN/5)


M. BÉCHIR TEKKARI, Ministre de la Justice et des droits de l’homme, qui présentait le cinquième rapport périodique de son pays, a exprimé la détermination du Gouvernement tunisien à soutenir tous les efforts du Comité des droits de l’homme.  Ce rapport, qui couvre une période de 10 ans, est publié à un moment où le pays passe à la vitesse supérieure en vue de mettre en œuvre son projet sociétal, a-t-il souligné.  Ce projet, a-t-il expliqué, constitue un pari sur l’homme et ses capacités créatrices et puise ses références dans les idéaux de la pensée politique moderne et universelle.  Les multiples réformes engagées en Tunisie permettent de mesurer les avancées réalisées, a-t-il dit, précisant que la protection et la promotion des droits de l’homme représentaient une œuvre sans cesse consolidée mais sans cesse inachevée.


Le Ministre a en outre fait état des principales mesures arrêtées récemment par le Gouvernement tunisien afin, a-t-il assuré, de donner un nouvel élan à la dynamique de protection et de promotion des droits de l’homme.  La première de ces mesures concerne la décision de la Tunisie d’accueillir des rapporteurs spéciaux aussi bien du Conseil des droits de l’homme que de la Commission africaine des droits de l’homme.  La Tunisie a également décidé de présenter, au cours de l’année 2008, huit rapports relatifs aux droits de l’homme à différents organes des Nations Unies.  À ces rapports, s’ajoutera le rapport périodique universel qui sera présenté devant le Conseil des droits de l’homme, a-t-il précisé. 


Entre autres mesures, M. Tekkari a également mentionné la consolidation du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales en application des Principes de Paris, le retrait des réserves au décret portant ratification de la loi sur la protection des droits de l’enfant, un projet de loi en cours d’examen envisageant l’adhésion de la Tunisie au Protocole facultatif au Pacte international aux droits civils et politiques.  S’agissant de la peine capitale, le Ministre a rappelé que la Tunisie était un pays abolitionniste de fait et continuerait à ne pas exécuter les mesures de condamnation à mort.  Le chef de l’État tunisien a annoncé qu’il ne signerait jamais un acte d’exécution, a-t-il déclaré.  M. Tekkari a par ailleurs cité l’invitation lancée à l’organisation « Human Rights Watch » à venir visiter des unités pénitentiaires.  Cette invitation s’ajoute à d’autres formes de coopération avec des organisations internationales agissant dans le domaine des droits de l’homme, a-t-il dit.  Il a en outre souligné la décision de créer auprès du Coordonnateur général des droits de l’homme, une instance chargée du suivi des recommandations des différents organes de traité afin de mesurer leur application effective.


L’approfondissement du processus démocratique est substantiel, a observé le Ministre tunisien de la justice et des droits de l’homme.  Le paysage politique tunisien a évolué, a-t-il expliqué, précisant que neuf partis participaient à l’animation de la vie politique et intellectuelle du pays.  L’État a adopté récemment de manière volontariste un nouveau mode de scrutin afin d’assurer la participation des partis d’opposition aux niveaux national et local, quelle que soit la représentation des partis, a-t-il affirmé.  Le Ministre a également mis l’accent sur les efforts entrepris par son gouvernement pour la promotion des droits de la femme, de l’enfant et de la famille. 


M. Tekkari a en outre souligné la nécessité, pour la communauté internationale de relever le défi du terrorisme qui, en Tunisie, a-t-il dit, n’est pas une vue de l’esprit, citant en particulier l’attentat contre une synagogue en 2002.  Le Ministre a dénoncé l’extrémisme qui offre, selon lui, une vision déformée de la religion.  Il s’est également élevé contre ce qu’il a qualifié de « dérive médiatique », à savoir la diffusion de programmes qui tentent d’endoctriner la jeunesse tunisienne par des discours simplistes et démagogiques.  Les téléspectateurs sont infantilisés comme s’il n’y avait ni intelligence de l’homme ni sagesse de Dieu, a-t-il estimé.  M. Tekkari a enfin condamné les effets pervers de la mondialisation de l’économie, lesquels, à ses yeux, sont de nature à affecter les acquis des Tunisiens en matière de droits économiques et sociaux. 



Réponses aux questions écrites posées par les experts


Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte (article 2)


Pour répondre à la première série de questions posées, relative à la valeur et à l’application des traités en droit interne, un membre de la délégation tunisienne a observé qu’il ne suffit pas d’adhérer aux traités mais qu’il faut aussi les invoquer directement devant les tribunaux nationaux.  L’article 32 de la Constitution tunisienne prévoit que les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre des députés ont une valeur juridique supérieure à celle des lois.  Le traité, une fois qu’il a pris place dans l’ordre juridique national, s’impose donc au juge comme aux autres pouvoirs constitutionnels de l’État, a expliqué le représentant.  Il a indiqué que l’introduction des instruments internationaux dans le droit interne a entraîné une discussion devant les tribunaux tunisiens, qui ont à chaque fois jugé que ces instruments, y compris ceux relatifs aux droits de l’homme, pouvaient être directement invoqués par les justiciables.  De l’avis du délégué, on peut donc parler d’application directe des traités dans la vie des justiciables tunisiens.


Il a cité l’exemple d’une décision rendue en juin 2000 par le Tribunal de première instance de Tunis, aux termes de laquelle la juridiction a rejeté une demande de répudiation au motif qu’elle repose sur une forme traditionnelle et religieuse du mariage fondée sur la volonté unilatérale du mari, sans considération aucune de l’intérêt de la famille, ce qui contredit la Constitution tunisienne et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ainsi que les articles 1, 2 et 16 de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.  Le représentant a aussi évoqué un arrêt de la Cour de cassation, en 2001, sur pourvoi d’un père tunisien après un jugement de divorce ayant accordé la garde de l’enfant à la mère belge.  Le pourvoi était fondé sur le caractère contraire à la loi tunisienne du jugement.  La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en se fondant sur le fait que la juridiction belge a statué en fonction de l’intérêt de l’enfant, ce qui ne perturbe pas l’ordre public tunisien, s’agissant d’une question de droit privé international.  En 2003 encore, dans un cas de recherche de paternité grâce à l’ADN, un tribunal de première instance a déclaré que la filiation est un droit de l’enfant qui ne saurait être limité par la forme de relation entre ses parents, c’est-à-dire même si ceux-ci ne sont pas liés par le mariage.


Le juge administratif tunisien a aussi pris des décisions avant-gardistes, a poursuivi le représentant, citant une décision de 1994 où le juge administratif, se fondant sur la Déclaration de 1948, a décidé que l’administration ne pouvait faire figurer dans le dossier administratif d’une personne ses convictions religieuses.  Le délégué a évoqué une autre affaire de 2001, relative à la liberté d’association, où le tribunal s’est fondé expressément sur l’article 22 du Pacte international des droits civils et politiques.  Concernant la liberté de mariage, le tribunal administratif s’est fondé également sur ce Pacte pour reconnaître le droit de se marier à partir de l’âge nubile, dans un cas de non-autorisation préalable au mariage.  Le Conseil constitutionnel a aussi été amené à donner son avis sur une affaire, en relevant que la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant retient en premier lieu l’intérêt supérieur de l’enfant.  Enfin, le représentant a assuré que la Tunisie a commencé activement à étudier la question de son adhésion au premier Protocole facultatif au Pacte, par le biais d’une commission spéciale.


Répondant à la deuxième question, qui porte sur le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, un autre membre de la délégation de l’État partie a expliqué que c’est une entité publique devenue indépendante financièrement.  Elle est conforme aux Principes de Paris, a-t-il assuré.  Sa tâche est d’aider le Président de la république sur les questions des droits de l’homme, notamment d’attirer son attention sur des cas de violation de ces droits.  Nous élaborons aussi des études et des recherches sur les droits de l’homme, ce qui consacre la coopération de ce Comité avec les Nations Unies.  En outre, a-t-il indiqué, le Président du Comité peut rendre visite à des centres d’incarcération sans préavis.  Les membres du Comité représentent toutes les catégories de la population civile, a-t-il ajouté, et cet organe fonctionne en suivant le principe du consensus.


Reprenant la parole pour répondre à la question relative aux difficultés d’exécution des jugements, le Ministre de la justice et des droits de l’homme a indiqué que sur les retards d’exécution constatés, il y avait déjà 66% de cas déjà résolus.  Lorsqu’il s’agit d’annuler un acte administratif contraire à la loi, cette annulation est rétroactive, a-t-il expliqué.  Si un concours est entaché de vice, par exemple, il faut le recommencer, et c’est ce qui entraîne des retards.  Le deuxième problème concerne l’indemnisation, car chaque dépense doit être inscrite sur le budget de la Tunisie et on doit donc attendre le budget suivant pour inscrire toute dépense d’indemnisation.


Concernant les mesures prises pour renforcer l’indépendance de la justice, le Ministre a signalé que la dernière modification en 2005 de la composition du Conseil de la magistrature l’a fait passer de 35 à 18 membres.  Huit sont élus, contre six auparavant, et deux femmes sont désignées pour consacrer provisoirement une discrimination positive.  Au niveau de ses attributions, le Conseil a une compétence décisionnelle et non consultative, qu’il s’agisse de la nomination, de la mutation ou de la promotion des magistrats.  La troisième évolution importante de cet organe est son mode de fonctionnement.  En effet, toutes les décisions sont maintenant préparées par un comité restreint, avant la réunion solennelle, qui est présidée par le chef de l’État tunisien, a-t-il expliqué.  En outre, si l’inamovibilité des juges existe encore, elle ne constitue pas cependant un principe absolu et elle est limitée à une durée de cinq ans.


Mesures de lutte contre le terrorisme et respect des droits garantis par le Pacte


Le Ministre de la justice et des droits de l’homme a souligné que son pays disposait, depuis le 10 décembre 2003, d’une loi de lutte contre le terrorisme, la Tunisie ayant été et étant toujours victime d’actes de terrorisme.  Le principal reproche formulé à l’égard de cette loi est une définition imprécise de l’acte terroriste, a-t-il observé.  Cette définition n’a pas été établie pour réagir à certaines mouvances politiques, a-t-il dit, mais a été faite à partir d’instruments internationaux, notamment de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1999.  Cette loi n’englobe en aucune manière les délits d’opinion, a-t-il également assuré.



Non-discrimination et égalité des droits des hommes et des femmes (art. 3 et 26)


Une représentante de la délégation tunisienne a indiqué que la Constitution tunisienne, adoptée en 1959, avait contribué au renforcement et à la consécration du principe de l’émancipation de la femme.  Ceux-ci ne pouvaient se faire sans s’attaquer directement au vécu quotidien des femmes et aux entraves posées par la tradition, aux usages et coutumes considérant la femme comme inférieure à l’homme, a-t-elle affirmé.


Le viol est incriminé et tombe sous le coup des articles 227 et 227 bis du Code pénal, a-t-elle également expliqué, précisant que la loi s’appliquait à tous, y compris aux époux.  Le viol conjugal est puni en Tunisie, a-t-elle insisté.  La représentante a en outre déclaré que plusieurs associations de défense des droits de la femme faisaient des campagnes de sensibilisation à l’égard des femmes.  S’agissant de l’adultère, celui de l’homme et celui de la femme sont traités de manière parfaitement égale, a-t-elle affirmé.  De même, le législateur a abrogé l’article 207 du Code pénal, qui faisait bénéficier des circonstances atténuantes le mari qui tuait son épouse surprise en flagrant délit d’adultère.  Ce crime est désormais soumis à la peine appliquée en matière d’homicide, à savoir la prison à vie, a-t-elle dit.


Un autre délégué a commenté l’article 58 du Code du statut personnel relatif au droit des enfants au regard de sa compatibilité avec les articles 3 et 26 du Pacte, expliquant, en substance, qu’il ne souffrait d’aucune inégalité entre les sexes et qu’il ne consacrait aucune discrimination.  Cet article, qui a pour objet la détermination des conditions que doit remplir le titulaire de la garde de l’enfant, est conforme au principe d’égalité, a-t-elle souligné.


Droit à la vie (article 6)


En ce qui concerne le nombre de prisonniers condamnés à la peine de mort, le Ministre de la justice et des droits de l’homme a expliqué que la Tunisie est un pays abolitionniste de fait.  Le chef de l’État tunisien a confirmé récemment la position qu’il a prise en ce sens dans les années 1990.  Le fait de se contenter de ne pas exécuter les peines entraîne cependant des souffrances tant pour le condamné que pour leurs familles, a-t-il reconnu, assurant que la situation n’est pas statique.  Il a en effet expliqué que la loi avait réduit le nombre de cas dans lesquels la peine de mort est encourue.  En outre, toutes les personnes condamnées à la peine capitale sont présentées à la grâce présidentielle.  La Commission de grâce considère maintenant la durée qui s’est écoulée depuis le prononcé de la peine, avant de décider de commuer la peine de mort en peine d’emprisonnement.  Le Ministre a aussi assuré que le débat dans la société sur cette question est très actif.


Interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, droit à la liberté et à la sécurité et traitement des prisonniers (articles 7, 9 et 10)


Concernant la question des arrestations et détentions arbitraires, un membre de la délégation tunisienne a rappelé que son pays a été un des premiers États à ratifier sans réserve la Convention pertinente.  Il existe des ONG qui accusent la Tunisie de détenir de façon arbitraire quelques défendeurs des droits de l’homme, a-t-il noté.  Il a cependant assuré que le droit et la procédure sont respectés.  Si le procureur constate un nombre suffisant de faits qui offrent un fondement à une poursuite en justice, il déclenche la procédure.  Il a ensuite exprimé son désaccord avec une décision du Comité des détentions arbitraires, qui a estimé qu’un avocat avait été victime de ce genre de détention, et en indiquant qu’en fait cet avocat avait agressé une de ses collègues femmes, la blessant sur 10% de son corps.  Le Ministre tunisien a ajouté que le procureur a le droit d’apprécier le bien-fondé de la plainte, mais que ce droit n’est pas discrétionnaire et qu’une plainte classée sans suite peut quand même faire l’objet de poursuites à l’initiative de la partie lésée.  Il a aussi dénoncé le fait que de nombreux dépôts de plaintes sont destinés à faire gonfler le nombre des plaintes.


Les prisons tunisiennes sont visitées par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a poursuivi le Ministre de la justice et des droits de l’homme, qui répondait à la question sur les conditions de détention.  Cet accord a permis de bénéficier de l’expérience du CICR dans ce domaine, s’est-il réjoui.  L’ouverture des prisons à ce genre de visites entraîne un changement de mentalités au sein des structures pénitentiaires, a-t-il ajouté.  Cette expérience avec le CICR nous encourage à élargir ces visites et nous avons ainsi signifié à Human Rights Watch notre accord pour cela.


Répondant à la question des mauvais traitements de la part des agents et de l’État, un autre membre de la délégation a indiqué que les tribunaux de droit commun garantissent que chaque plaignant puisse présenter au procureur sa plainte à l’encontre d’agents chargés de faire appliquer la loi.  En l’absence de statistiques dénombrant le nombre de ces violations, l’examen des annales juridictionnelles permet de recenser un certain nombre d’affaires dans lesquelles des agents de police, de la Garde nationale et de l’administration pénitentiaire ont été déférés devant les tribunaux pour des faits liés à l’exercice de leurs fonctions.  Le Ministre a repris la parole pour assurer que la législation tunisienne n’admet pas qu’un défenseur des droits de l’homme soit inquiété du fait de ses fonctions.


Concernant le sujet du harcèlement des opposants politiques, un membre de la délégation a indiqué qu’il existe en Tunisie neuf partis, qui sont représentés à la Chambre des députés et qui bénéficient de subventions publiques.  Les groupes politiques non reconnus doivent agir selon les principes de la Constitution et respecter la forme républicaine du régime et ses fondements, a-t-il précisé.  Outre l’interdiction de discrimination et de violence dans les principes d’un parti, il ne peut s’appuyer fondamentalement dans ses principes et activités sur une langue, un sexe, une race, une langue ou une région.  S’agissant du harcèlement, les autorités tunisiennes ne veulent pas rester indifférentes à l’égard de toute agression de cette nature.  Le Ministre a ajouté que cinq ou six cas de détention arbitraire ont déjà abouti à une indemnisation.


Droit à un procès équitable (art. 14)


La délégation a affirmé que la loi tunisienne interdisait d’invoquer comme éléments de preuve, dans toute procédure, des déclarations obtenues par la torture ou les mauvais traitements.  C’est un principe général de droit que tout acte obtenu par la violence est nul et de nullité absolue.


Questions des experts


Mme CHRISTINE CHANET, experte de la France, a demandé pour quelles raisons la Tunisie n’avait pas encore adhéré au Protocole facultatif.  Elle a également demandé des précisions sur le fait que la Tunisie se déclare pays abolitionniste de fait de la peine de mort, alors qu’elle figure toujours dans la loi.  Elle a par ailleurs estimé qu’une garde à vue de trois jours, renouvelée pour six jours était lourde.  De quel recours dispose une personne arrêtée et qui ne bénéficie pas d’un avocat? a-t-elle notamment demandé.  Mme Chanet a estimé que les réponses apportées sur les cas de torture et de mauvais traitements étaient très vagues alors que les plaintes étaient, elles, très précises, notamment sur des cas de torture par l’électricité.  Elle a en outre fait état de cas de harcèlements contre des journalistes, des avocats ou des militants, des comportements excessifs, a-t-elle dit, qui portent atteinte à la liberté d’expression.


À son tour, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, expert de l’Inde, a apprécié les informations détaillées fournies dans le rapport par la délégation tunisienne, même si certaines questions demeurent sans réponse.  Il a aussi félicité la délégation pour les mesures prises visant l’abolition de la peine de mort ainsi que celles qui ont pour objectif d’empêcher la discrimination à l’égard des femmes.  En ce qui concerne le Comité supérieur des droits de l’homme, il a voulu connaître la durée du mandat de ses membres et la façon dont est assurée leur indépendance.  Il a également voulu savoir si les recommandations étaient contraignantes pour le Gouvernement et si des recommandations avaient été faites, combien de ces recommandations ont été suivies et combien de recommandations ont été rejetées par l’État partie.


Concernant l’Ombudsman, il a demandé dans combien d’instances ces recommandations ont été acceptées et rejetées.  Est-ce que le gouvernement doit motiver son rejet?  Comment les juges des tribunaux administratifs sont nommés et comment peut-on mesurer leur compétence? a-t-il aussi voulu savoir.


S’agissant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, il a relevé que le recrutement des juges est assuré par le ministère, donc par l’exécutif, et non pas par le judiciaire.  Il s’est aussi inquiété de ce que les procédures d’enquête disciplinaire et les motifs de fautes sont laissés à l’appréciation du Gouvernement et non pas des institutions judiciaires.


M. MAURICE AHANHANZO GLÈLÈ-AHANHANZO, expert du Bénin, faisant référence à la loi tunisienne antiterroriste, s’est dit frappé par le secret qui est imposé dans certains aspects de la procédure, notamment sur l’identité des officiers de police.  Cela lui rappelle les pays où les juges n’ont pas de visage ou de nom.  Il a par ailleurs regretté que les ONG qui rendent visite aux administrations pénitentiaires ne soient que des ONG internationales.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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