DH/4947

INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES: LES PEUPLES DU PACIFIQUE SONT PARTICULIÈREMENT MENACÉS PAR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

23/04/2008
Conseil économique et socialDH/4947
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Instance permanente sur les questions autochtones

Septième session

5e séance - après-midi


INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES: LES PEUPLES DU PACIFIQUE SONT PARTICULIÈREMENT MENACÉS PAR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES


Tuvalu fait partie de ces États qui pourraient disparaître avant la fin de ce siècle.


Qu’ils soient Kanaks en Nouvelle-Calédonie, aborigènes australiens ou encore Mélanésiens des Îles Salomon, les peuples autochtones du Pacifique ont en commun qu’ils subissent fortement les conséquences des changements climatiques du monde.  Tel a été le constat tiré aujourd’hui lors du débat que l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones a consacré aux risques actuellement encourus par les peuples autochtones dans la région du Pacifique.


Les experts qui composent l’Instance, les États Membres, représentants des institutions de l’ONU et des peuples concernés ont jeté la lumière sur le sort des autochtones du Pacifique, rappelant qu’ils représentent 80 à 90% des 8 millions de personnes vivant dans cette région.  C’est parce que leur mode de vie et leurs ressources sont étroitement liés à la nature, et aussi parce que leurs territoires sont menacés de disparaître, que ces peuples sont aussi vulnérables aux changements climatiques, a-t-on remarqué.


L’existence même des territoires de ces petits États insulaires est en effet menacée par la montée du niveau des mers, de nombreuses communautés autochtones ayant déjà perdu une partie de leurs territoires suite à l’érosion des sols.  Tuvalu a notamment été cité comme faisant partie de ces États qui pourraient disparaître avant la fin de ce siècle.


Les experts ont également parlé du problème de la décoloration des récifs coralliens, sachant que ceux-ci représentent la principale source de revenus des îles du Pacifique.  Autre conséquence des changements climatiques, le phénomène de la migration croissante vers des zones urbaines, certains représentants autochtones allant jusqu’à parler de « déplacements forcés » et de « réfugiés écologiques ».


Outre les difficultés liées au climat, certains représentants autochtones ont dénoncé la militarisation de leurs régions par des puissances administrantes.  Ainsi, le cas de l’île de Guam a été soulevé par la représentante de l’Organisation Chamoru qui a relevé les conséquences sociales d’une nouvelle militarisation en 2008, par les États-Unis, mettant en péril son droit inaliénable à l’autodétermination.


Les essais nucléaires dans les atolls de Mururoa et Fangataufa dans les années 60 et 70 ont aussi été rappelés à la mémoire des participants, ainsi que leurs conséquences qui se font encore sentir aujourd’hui.  Il apparaît par exemple que le cancer de la tyroïde et les leucémies sont trois fois plus importants en Polynésie que dans le reste du monde.


Plusieurs intervenants ont insisté sur le non-respect des droits des aborigènes en Australie du Nord à la suite d’une intervention d’urgence en 2007 décidée par le Gouvernement australien pour protéger des enfants qui auraient été victimes d’abus sexuels.  Ils ont dénoncé la loi d’urgence qui avait alors permis d’enlever des enfants à leurs familles.  Le représentant du Conseil des terres aborigènes du New South Wales a demandé, au-delà des excuses déjà formulées par le Gouvernement, le versement d’une réparation.


De son côté, le représentant de l’Agence kanake de développement a demandé que l’Instance intervienne auprès du Gouvernement français afin que celui-ci invite le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme à se rendre sur place et à faire un rapport circonstancié sur la Nouvelle-Calédonie.


L’Instance permanente sur les questions autochtones reprendra ses travaux demain, jeudi 24 avril, à 10 heures.



DÉBAT SUR LE PACIFIQUE


Déclarations


M. MICHAEL DODSON, expert de l’Australie et membre de l’Instance, a déclaré que les populations autochtones du Pacifique étaient très attachées à leurs terres et droits coutumiers.  La spécificité des îles du Pacifique est que les populations autochtones étaient majoritaires même si, en raison de la colonisation, ces populations autochtones sont aujourd’hui minoritaires dans certaines régions.  À titre d’illustration, il a cité le cas des Kanaks qui ne représentent plus que 44% des habitants de la Nouvelle-Calédonie, celui des Kanaks d’Hawaii qui ne représentent plus que 18% de la population et celui des aborigènes australiens qui ne constituent plus que 2% de la population australienne.


Dans certaines régions du Pacifique, l’eau et la terre sont contaminées par des déchets radioactifs originaires des pays développés, a-t-il ajouté, en notant les nombreux dégâts causés par l’industrie extractive qui menace les modes de vie autochtones.  Les populations vivent dans des zones très délicates où les effets des changements climatiques sont les plus dévastateurs.  L’expert a fait siennes des études indiquant qu’une élévation du niveau de la mer aura des incidences sur le tourisme, la disponibilité en eau douce et la santé humaine en général.  Il s’est inquiété d’une migration croissante vers des zones urbaines, en regrettant que dans certaines régions du Pacifique, rien n’était fait pour faciliter l’installation dans les zones rurales.  Il a aussi dit regretter l’insuffisance de l’appui international à la question des réfugiés dits « écologiques » alors que le sort de ces habitants du Pacifique est très inquiétant.


M. COLLIN BECK (Îles Salomon) a expliqué que les changements climatiques sont une question de survie pour les pays de sa région.  Il a indiqué que 80 à 90% des 8 millions de personnes vivant dans le Pacifique sont des autochtones qui parlent plus de 800 langues différentes.  Dans son propre pays, plus de 90% de la population est autochtone, surtout des Mélanésiens.  Notre culture et nos traditions sont étroitement liées aux forêts, aux rivières, aux montagnes et à la mer.  Nous tirons nos revenus de nos ressources naturelles, notamment par les revenus provenant de nos droits de pêche et par l’exploitation des forêts, a-t-il précisé.  Une augmentation de 1 ou 2ºC de la température serait une catastrophe pour notre économie.  Le corail est déjà menacé de blanchiment et l’existence des lagons est en péril.  Il en résulte des risques pour l’approvisionnement en eau.  Le représentant a aussi parlé du récent tsunami qui a recouvert son pays de 3 mètres d’eau et auquel il n’était pas préparé.  L’augmentation du niveau de la mer a de nombreuses conséquences pour les Îles Salomon, notamment l’accélération de l’exode urbain qui crée de nouvelles tranches de pauvreté.  Les peuples autochtones sont en plus confrontés à la modernité et exposés à des risques plus grands de contamination par des maladies comme le paludisme.


M. Beck s’est ensuite demandé quelle réponse apporter aux changements climatiques.  Il faut que le système des Nations Unies travaille à définir une approche, en s’attachant à la sécurité, notamment alimentaire, et aux droits de l’homme.  Nous avons besoin d’une présence des Nations Unies plus affirmée dans la région, a-t-il insisté.  Le représentant a aussi plaidé en faveur d’investissements plus grands de la part de la communauté internationale.  Il a souhaité notamment qu’on s’attache à l’utilisation des énergies propres et qu’on mette en valeur la forêt vierge.  Il faut savoir que 80% de la terre aux Îles Salomon est propriété commune, a-t-il précisé.  Le représentant a aussi appelé à évaluer les besoins à long et court terme.  Il a enfin rappelé que le Programme d’action de la Barbade, qui concerne les petits États insulaires en développement, contient des dispositions qui traitent des changements climatiques.  Il a appelé à les appliquer.


M. TOM CALMA, Commissaire à la justice sociale des aborigènes et habitants du Détroit de Torres de la Commission australienne des droits de l’homme et de l’égalité des chances d’Australie, a mis l’accent sur les mécanismes qui visent à protéger les droits de l’homme au sein de la région du Pacifique.  Il a noté que les instruments relatifs aux droits de l’homme n’ont pas été ratifiés par un grand nombre de pays du Pacifique.  Il a recommandé que l’Instance nomme un rapporteur permanent pour la région du Pacifique en insistant sur l’importance d’accélérer d’urgence la décolonisation dans cette région du monde.  Il s’est inquiété de la vulnérabilité géographique des pays du Pacifique qui sera accentuée, dans les années à venir, en raison des changements climatiques.  Il a enfin mis en lumière les efforts du Gouvernement australien en vue de combler le fossé entre les autochtones et les autres Australiens en matière de santé.


Mme MALIA NOBREGA, représentante du Caucus régional du Pacifique, a signalé que beaucoup de populations n’étaient pas reconnues comme autochtones.  La fin des essais nucléaires ne signifie pas la fin de l’ère nucléaire, a-t-elle ajouté, en insistant sur l’importance pour les populations autochtones de mettre un terme au transport et au stockage des matières radioactives sur leur territoire.  « Notre air, notre terre et notre mer sont sacrés et nous ne voulons pas être la décharge du reste du monde », a-t-elle encore insisté.  Elle s’est inquiétée qu’un nombre croissant de populations autochtones soit obligé d’abandonner ses terres pour s’établir ailleurs en demandant que ceux qui sont responsables de ces migrations forcées prennent leurs responsabilités.  Elle a fustigé les sociétés minières et les industries destructrices qui opèrent impunément aux dépens des intérêts et droits des peuples autochtones.  Elle s’est aussi inquiétée de la fragilité des écosystèmes face aux nouveaux flux migratoires.  Elle a regretté que la région du Pacifique ne dispose pas d’un organisme intergouvernemental régional, qui à l’instar d’autres régions, pourrait mettre en place une charte ou convention régionale défendant les intérêts et spécificités locales des autochtones.  Elle a invité l’Instance, en collaboration avec le Conseil des droits de l’homme et le Groupe d’appui interinstitutions, à voir si les politiques et projets des gouvernements du Pacifique étaient conformes aux objectifs des peuples autochtones.


M. GREG ROCHE (Australie) a indiqué que depuis 2006 l’Australie finance largement le Fonds mondial pour l’environnement (GEF) qui alloue 30% de ses fonds à la question des changements climatiques.  Notre engagement à verser 59,8 millions de dollars australiens pour la période 2006-2010 porte notre contribution totale à 240 millions depuis 1991.  Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a averti que les petits États insulaires du Pacifique sont particulièrement vulnérables aux effets des changements climatiques, a rappelé M. Roche.  Il a indiqué que l’Australie s’est engagée aussi dans le cadre du Plan d’action sur les changements climatiques des îles du Pacifique pour la période 2006-2015, et qui a mis l’accent sur l’adaptation.  Son gouvernement s’attache à aider les pays voisins du Pacifique à faire face à ces questions.  L’aide financière qu’il apporte pour l’adaptation aux changements climatiques se monte à 150 millions de dollars australiens pour les trois prochaines années.  Le représentant a précisé que son pays apporte également une aide scientifique et technique, partageant ainsi son expertise sur ces questions.  Il a ajouté que son pays s’attaque aussi à la question de la déforestation, en coopération  avec notamment la Papouasie-Nouvelle-Guinée et l’Indonésie.  Sur son propre territoire, l’Australie fait face à l’augmentation du niveau de la mer et à l’érosion des sols qui touchent les résidents du Détroit de Torres.  Plusieurs projets de recherche sont en cours, a-t-il précisé, l’un d’eux s’attachant à promouvoir la participation des communautés à ces projets.


Mme KIRSTY GRAHAM (Nouvelle-Zélande) a souligné quelles étaient les obligations constitutionnelles de la Nouvelle-Zélande envers les îles Cook et Tokélaou.  Elle a précisé qu’après l’Afrique subsaharienne, le Pacifique était la région du monde qui aura le plus de difficultés à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Elle a mis l’accent sur le rôle actif de son pays pour aider les îles du Pacifique à réagir par le biais d’un appui aux processus politiques.  Conscients de la vulnérabilité des îles du Pacifique, a-t-elle ajouté, nous appuyons la mise en place d’un cadre et plan d’action du Pacifique pour promouvoir l’adaptabilité aux changements climatiques.  Au niveau international, a-t-elle précisé, la Nouvelle-Zélande défend les intérêts du Pacifique par le biais de négociations avec les autres pays développés.  Parmi les initiatives de la Nouvelle-Zélande, elle a cité la promotion de l’utilisation et de la gestion traditionnelles des terres ou encore l’appui à la mise en place d’un tribunal foncier traditionnel à Vanuatu.


Mme TRISHA RIEDY, Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), a donné des informations sur un Programme de formation mené dans la région du Pacifique.  Cette région est une des plus isolées du monde et les peuples autochtones y sont les plus négligés, a-t-elle constaté.  Un Programme de formation de l’UNITAR est donc à la disposition de ces personnes.  Ce Programme a été présenté en Australie en août 2007, au Centre aborigène australien situé à Cambera, et a été financé par le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède et la Suisse.  Des études de cas sur les conflits d’identité, ainsi que sur les façons de négocier avec les gouvernements et avec les industries de l’extraction ont aussi été menées.  Le membre australien de l’Instance permanente y était présent, a-t-elle précisé.


M. DOUGLAS NAKSHIMA, Division de la politique sociale et du développement durable de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a souligné le souci de l’UNESCO de promouvoir une éducation de qualité tenant compte de l’importance de la langue maternelle.  Il s’est dit conscient de la nécessité de tenir compte des savoirs et pratiques coutumières dans un souci de viabilité environnementale.  Il a mentionné la publication par l’UNESCO de brochures sur la cogestion de l’environnement, qui reconnaît ainsi les savoirs traditionnels comme outils exceptionnels de gestion de l’environnement.  Il a cité la production d’un CD-ROM interactif sur les autochtones du Pacifique destiné aux jeunes pour que ceux-ci soient fiers de leur culture et rétablissent des liens avec leurs aînés.  Il a invité les autochtones à participer au Forum Internet qui sera lancé par l’UNESCO, dans quelques semaines, sur le thème des changements climatiques dans le souci de rappeler la contribution importante des autochtones dans le domaine de l’adaptabilité.


Mme CELESTE MCKAY, Caucus des peuples autochtones de la région Amérique du Nord, a noté les effets adverses des changements climatiques sur la région du Pacifique qui se traduisent par l’élévation du niveau des mers qui risque d’entraîner la disparition de certains États comme Tuvalu.  Elle a prévenu que des déplacements forcés de populations se multiplieront.  La représentante a ensuite exhorté l’Instance permanente à s’attaquer à ces questions avec la plus grande priorité.  Le groupe de travail du caucus recommande d’évaluer les résultats des études et recherches menées sur ces questions.


Mme LILIKALA KAME’ELEIHIWA, Caucus mondial des femmes autochtones, a expliqué qu’à Hawaii, sur l’île Oahu où se trouve Honolulu, les Forces armées américaines se livrent à des opérations militaires d’entraînement, alors qu’aucun territoire en Iraq ne ressemble au terrain géographique de cette île.  Elle a aussi noté que la flotte des sous-marins nucléaires américains est ancrée à Pearl Harbour.  Les femmes autochtones sont au cœur même de notre communauté et nous souffrons de la perte de notre culture, a poursuivi la représentante.  Celles qui vivent dans des régions de l’Australie se voient privées de l’accès à la santé parce qu’elles doivent parcourir de longues distances, étant « parquées » dans des zones éloignées.  L’élévation du niveau des mers, due à la fonte des glaces en Arctique et Antarctique, menace les îles du Pacifique, a-t-elle aussi relevé.  La représentante a encore averti des risques liés à la décoloration du corail.  Elle a dénoncé également la surpêche et certaines pratiques de pêche où l’on a recours à l’eau de javel ou à la dynamite.


Mme JULIA AGUON, Organisation Chamoru, s’est insurgée contre la nouvelle militarisation en 2008, par les Etats-Unis, de l’île de Guam.  Elle s’est inquiétée de l’arrivée de 50 000 personnes incluant 8 000 soldats américains et 9 000 dépendants en provenance d’Okinawa.  Elle s’est aussi souciée des conséquences de ces mouvements sur les droits de la population autochtone qui ne représente déjà que 37% des 170 000 habitants de l’île et met en péril son droit inaliénable à l’autodétermination.  Elle s’est inquiétée des conséquences sociales de cette nouvelle vague de militarisation en estimant que les États-Unis ne respectaient pas ses responsabilités à l’égard de l’île de Guam.  Elle a recommandé que l’Instance convoque un séminaire d’experts de façon à examiner l’incidence du processus de décolonisation sur les territoires figurant sur la liste des pays à décoloniser.


Mme MILILANI TRASK, Association-Intervention mondiale des peuples autochtones, a défendu le droit à l’autonomie des territoires inscrits sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser, liste établie par les Nations Unies.  Depuis la fin de la Guerre froide, a-t-elle regretté, il n’y a que le Timor-Leste qui ait obtenu l’indépendance dans le Pacifique.  Malgré l’adoption en 2006, par l’Assemblée générale, d’un Plan pour les territoires non autonomes à décoloniser, elle a estimé qu’une situation de racisme institutionnalisé ou d’accommodement colonial prévalait.  Elle a recommandé que l’Instance exprime ses inquiétudes concernant les droits des peuples autochtones, mais aussi ceux de l’ensemble des populations des territoires non autonomes.


M. THIHMANA HMEGEZIE, Agence kanake de développement, a recommandé de mettre en œuvre sans attendre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour le bénéfice du peuple kanak.  Il a aussi demandé que l’Instance intervienne auprès du Gouvernement de la France afin que celui-ci invite le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et la situation des peuples autochtones à se rendre sur place et à faire un rapport circonstancié sur la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna.  Il a noté que la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie résulte d’une période coloniale que les Nations Unies ont condamnée.  Tant que les peuples concernés n’auront pas exercé leur droit à l’autodétermination, cette situation perdurera.  Dix ans après la signature de l’Accord de Nouméa, qui reconnaît l’existence du peuple kanak, de graves violations de leurs droits sont toujours constatées, a poursuivi le représentant.


La société dominante non autochtone ne prend pas en compte les caractéristiques de ce peuple.  Les politiques foncières menées par les autorités locales empêchent d’autant plus les Kanaks d’exercer leurs droits.  D’autre part, des projets d’extraction minière sont imposés au détriment du principe de consentement préalable.  Les Nations Unies ont déjà affirmé leur préoccupation face à l’exploitation des ressources naturelles des terres où se trouvent des peuples autochtones, a rappelé le représentant.  En Nouvelle-Calédonie, selon lui, les autorités gouvernementales ne semblent pas avoir pris connaissance des Objectifs du Millénaire pour le développement et font la sourde oreille au respect des droits des peuples autochtones.  Il a enfin souligné que l’Assemblée générale a déjà appelé les puissances administrantes à ne pas mener de manœuvres militaires sur les territoires administrés, mais que de tels exercices ont encore lieu en Nouvelle-Calédonie.


M. LES MALEZER, Association australienne aborigène, a indiqué que le Gouvernement australien n’a pas encore accordé le droit à l’autodétermination aux aborigènes.  Le Gouvernement a aussi suspendu l’application de la loi contre la discrimination raciale pour en appliquer une autre qui est incomplète.  Il a aussi estimé que les droits à l’intégrité et à la sécurité des peuples autochtones, garantis par les articles 7 et 8 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, étaient violés par la nouvelle loi.  Les gouvernements des États de l’Australie empêchent les activités de plaidoyer en faveur des autochtones et privent ceux-ci de leurs ressources, a-t-il ajouté.  Le représentant a expliqué que les tribunaux australiens ont annulé une décision qui appuyait les droits des autochtones en Australie.  Il a demandé que son pays s’engage dans le sens de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et a souhaité que le Gouvernement invite les membres de l’Instance à se rendre sur le terrain.  Une déclaration des peuples autochtones devrait être adoptée par tous les pays du Commonwealth, a-t-il conclu.


Mme PELPINA SAHUREKA, Communauté Alifuru, a fustigé le colonialisme occidental qui a été la source de la perte de la langue et culture Alifuru.  Aujourd’hui nous souffrons des manifestations du néocolonialisme, a-t-elle ajouté, en dénonçant la condamnation par la justice indonésienne de danseurs Alifuru qui ont exprimé leur patrimoine culturel.  Elle a demandé à l’Instance permanente de demander au Conseil des droits de l’homme d’enquêter sur les violations systématiques par l’Indonésie des droits des peuples autochtones. 


M. RONALD WAROMI, Association pour la protection des intérêts de la Papouasie occidentale, a défendu le droit des autochtones de la Papouasie au bien-être et au développement.  Dépossédés de nos terres ancestrales et déplacés, nos droits ne sont plus garantis en Papouasie occidentale depuis 1963, a-t-il déclaré.  Il a mis l’accent sur les difficultés d’une population qui souffre du sous-développement, du chômage et de la  discrimination.  Même si l’autonomisation nous a été accordée, a-t-elle ajouté, nous devons faire face à d’immenses problèmes alors que de nombreux colons indonésiens occupent nos terres.  Il nous est interdit d’utiliser notre propre drapeau en tant qu’emblème culturel, a-t-elle encore dit.  Nous demandons la paix et la justice et la mise en œuvre de l’article 3 de la Convention de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, qui affirme leur droit à l’autodétermination, a-t-elle encore insisté.


M. JETHRO TULIN, Amis de la Terre, une association de Papouasie-Nouvelle-Guinée, a expliqué que la population qu’il représente est confrontée à des problèmes liés aux mines d’extraction.  Nous sommes exposés à des substances chimiques dangereuses et nos rivières sont polluées.  Il revient donc au Gouvernement de s’assurer que ces mines ne nuisent plus aux peuples autochtones.  Le représentant a recommandé que l’Instance appelle à la mise en œuvre de la recommandation de 2005 sur les mines d’extraction et des dispositions sur les droits des peuples autochtones dans les cas d’exploitation de leurs ressources naturelles.  Il a aussi demandé une enquête sur les conditions dans lesquelles les multinationales sont autorisées à travailler sur leurs territoires.


Mme MAREVA NETI DE MONTLUC, Hiti Tau et Pu Fenua Pu Metua, a abordé la question des essais nucléaires qui ont eu lieu dans les atolls de Mururoa et Fangataufa dans les années 60 et 70.  Ces essais ont entraîné notamment des contaminations en surface, a-t-elle rappelé.  Depuis cette époque, cette région est devenue une zone démilitarisée en vertu d’un traité qui ne contient cependant pas de clause pour gérer les conséquences des essais antérieurs.  La représentante s’est remémorée non seulement les tirs aériens qui ont eu lieu de 1966 à 1974, dispersant des matières nucléaires et polluant gravement la région, mais aussi les essais souterrains qui ont pris le relai, causant des fuites radioactives qui ont contaminé les sols et les lagons.  Les risques de relâchement de ces matières nucléaires dans les atolls ne sont pas hypothétiques, a-t-elle indiqué.


La représentante a aussi dénoncé l’existence de chapes de béton contenant des déchets radioactifs dans les fonds sous-marins et qui posent de grands risques avec l’élévation du niveau de la mer.  Mme de Montluc a précisé que le cancer de la tyroïde et les leucémies sont trois fois plus importants en Polynésie que dans le reste du monde.  Le Traité de Rarotonga ne prévoit pas la responsabilité des puissances nucléaires, a-t-elle poursuivi.  La représentante a enfin fait valoir que l’article 29 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones établit le droit de conserver l’environnement et interdit aux gouvernements de stocker des substances dangereuses sans le consentement préalable et informé des autochtones.


Mme ERITRY TEAVE, Parlement Rapanui, a estimé que la Convention de l’ONU n’aura de valeur à long terme que si nous sommes en mesure de la traduire en actions concrètes et durables.  Elle a estimé que la pauvreté dont souffraient les autochtones était liée à leur marginalisation.  Si nous souhaitons pouvoir décider de notre avenir, nous devons défendre et obtenir notre souveraineté sur nos territoires, a-t-elle ajouté.  Alors que nous vivons dans des écosystèmes fragilisés par les changements climatiques, nous devons pouvoir disposer de capacités accrues qui nous permettent de gérer nos territoires de manière durable.


M. TEANAU TUIONO, Équipe spéciale autochtone des technologies de  l’information et de la communication (TIC), a souligné l’importance des TIC pour défendre les intérêts et travaux de la communauté autochtone internationale.  Les TIC permettent de traverser les frontières et d’échanger nos connaissances.  Il a dénoncé les exactions de la Police néo-zélandaise qui a saisi un certain nombre de matériel de son organisation en s’appuyant sur la législation antiterroriste.  Certains de nos membres ont été arrêtés et mis en joue, dont une fille de 12 ans.  Il a demandé que les gouvernements cessent d’utiliser l’argument de la lutte antiterroriste pour museler les mouvements autochtones.


M. GARY THOMAS, Réseau australien pour l’éducation supérieure des autochtones, a signalé que les Autochtones d’Australie subissaient une situation désastreuse en matière d’accès aux services publics.  L’Australie n’a toujours pas reconnu qu’il y avait sur son territoire deux systèmes d’éducation, l’un se fondant sur les connaissances autochtones et l’autre qui impose des savoirs dominants.  Il a souhaité la mise en place d’une académie des savoirs autochtones en exhortant l’Instance permanente à demander la création d’un poste de rapporteur spécial pour l’éducation autochtone.


M. NORMAN LAING, Conseil des terres aborigènes du New South Wales, a présenté le réseau d’institutions des peuples autochtones du New South Wales, en Australie, qui réunit 20 000 personnes et emploie 300 personnes dont la plupart sont des autochtones.  Nous disposons d’un fonds fiduciaire qui fournit un appui financier aux peuples autochtones.  Il existe aussi un Conseil de terres qui décide de la meilleure façon d’utiliser celles-ci.  Notre priorité est d’assurer que les peuples autochtones vivent dans un environnement culturel et économique durable, a-t-il assuré.  La politique ou plutôt l’absence de politique de l’Australie dans les territoires du Nord est aussi un sujet de préoccupation pour les autochtones de New South Wales.  Il a considéré que les excuses du Gouvernement par rapport aux enlèvements d’enfants autochtones par la force à leurs familles ne suffisaient pas et qu’il fallait aussi prévoir des réparations.  Il s’est par ailleurs félicité que l’Instance s’intéresse aux changements climatiques et a demandé qu’elle en fasse une priorité.


Mme BARBARA SHAW, Communauté Faira de l’Australie, a parlé au nom des organisations de l’Australie centrale.  Elle a rappelé les mesures punitives qui ont été prises par le Gouvernement australien à l’encontre des peuples autochtones, sous prétexte de protéger leurs enfants contre des sévices sexuels.  La loi d’intervention d’urgence ainsi adoptée a suspendu une loi de 1984 sur la propriété foncière et viole en outre les dispositions de la Convention contre toutes les formes de discrimination raciale.  La représentante a regretté que le Gouvernement australien n’appuie pas la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Elle a donc recommandé que le Gouvernement remette en vigueur la loi sur la discrimination qui était en vigueur auparavant et qu’il abroge la loi d’urgence.


Mme YOAB SYAFFLE, Dewan Adat Papua, s’est inquiétée de l’abatage massif de la forêt tropicale de Papouasie par cinq grandes compagnies qui dominent les ventes mondiales de parquets.  Elle a estimé que la Police et l’Armée indonésiennes chargées de protéger les ressources naturelles profitaient en fait de ces coupes illégales.  Illustrant son propos, elle a indiqué que le Groupe Greenpeace venait de demander au Gouvernement Indonésien de faire des efforts pour protéger sa forêt tropicale.  Elle a souligné l’intérêt de ces forêts qui ont permis au peuple papou de survivre depuis les plus anciens temps.  Elle s’est inquiétée des concessions offertes aux coupeurs de bois avec toutes les conséquences que cela représente en matière de dégradation de l’environnement et l’impact sur les ressources en eau potable des populations autochtones.  Elle a souhaité que l’Instance demande à l’Indonésie de décréter un moratoire sur la coupe de bois de la forêt de Papouaise occidentale.


Droit de réponse


Exerçant un droit de réponse, la représentante de la Chine, a regretté que le terme de « peuple de Taiwan » ait été utilisé par une organisation de peuples autochtones en rappelant que Taiwan faisait partie intégrante de la Chine et que la terminologie exacte devait être utilisée en mentionnant le territoire chinois de Taiwan.


L’expert du Maroc et membre de l’Instance, M. HASSAN BALKASSM, notant l’évolution de la politique australienne en faveur des autochtones, a demandé si l’Australie avait l’intention de mettre en œuvre la Convention de l’ONU sur les droits des peuples autochtones.  En outre, il a demandé ce que le Gouvernement néo-zélandais comptait entreprendre pour promouvoir la langue maorie.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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