En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/11265

« IMPLIQUEZ-VOUS, FAITES-VOUS ENTENDRE ET SOYEZ PLUS ACTIF SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE », DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DANS SON ALLOCUTION À L’OCCASION DU DÎNER DE GALA DE L’ASIA SOCIETY

06/11/2007
Secrétaire généralSG/SM/11265
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

« IMPLIQUEZ-VOUS, FAITES-VOUS ENTENDRE ET SOYEZ PLUS ACTIF SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE », DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DANS SON ALLOCUTION À L’OCCASION DU DÎNER DE GALA DE L’ASIA SOCIETY


(Publié le 16 novembre – retardé à la traduction)


On trouvera ci-après le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, prononcée lors du dîner de gala annuel de l’Asia Society, hier, le 6 novembre, à New York:


Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur [Christopher] Hill, de vos paroles aimables.  Merci à vous tous de votre accueil très chaleureux.  Cette salle est certes remplie de personnalités, mais on peut s’y sentir comme chez soi.


Certes, j’ai résidé au Waldorf jusqu’à récemment, la résidence officielle du Secrétaire général étant alors en rénovation.  Cet endroit nous a servi de salle à manger familiale.  Je me réjouis que nous soyons maintenant revenus à des dimensions plus modestes.


Ce soir, vous reconnaissez certaines personnes exceptionnelles.  Qu’il me soit permis de rendre hommage à M. [Yoshio] Taniguchi qui a redonné un nouvel éclat au Museum of Modern Art.  M. Shahram Nazeri est une étoile de la musique.  Je suis enchanté qu’il joue ce soir avec le Rumi Ensemble.  Je suis également ravi que vous rendiez hommage à Neville Isdell de Coca-Cola.  Je le connais bien, car nous avons travaillé ensemble sur le Pacte mondial des Nations Unies pour la promotion de la responsabilité des sociétés partout dans le monde. Mes félicitations à vous tous.


Pour ma part, c’est simplement un honneur d’être ici en cette occasion spéciale.  L’Asia Society a été fondée il y a 51 ans pour promouvoir une plus grande compréhension de l’Asie aux États-Unis.  Aujourd’hui, votre association est véritablement une institution planétaire, dont l’importance ne cesse de grandir avec l’émergence de l’Asie sur la scène mondiale.  Vous avez des bureaux à Hong Kong, Shanghai, Bombay et dans d’autres villes du monde.  Il est maintenant tout naturel que vous ouvriez un centre en Corée, que ma Séoul bien-aimée ait sa place parmi vous.


Lorsque j’ai décidé de briguer le poste de Secrétaire général de l’ONU, j’ai sollicité l’Asia Society pour défendre ma candidature.  Maintenant que je suis de retour, une année plus tard, je revois de nombreux amis qui m’ont aidé.  Je ne les embarrasserai pas tous.  Mais j’aimerais exprimer ma reconnaissance à l’Ambassadeur [Richard] Holbrooke, qui m’a préparé aux turbulences que j’allais endurer.


Nous avions à peine échangé une poignée de mains que, d’une manière bien à lui, il me lança à brûle-pourpoint:


« Ban, de quoi traite l’Article 97? ».  J’ai dû admettre, malgré moi, que je n’en savais rien.  Du « Chef de l’Administration » m’a-t-il appris, pointant son doigt vers moi: « Tu es censé être le chef d’orchestre, qui fait rapport à l’Assemblée générale. » et me voilà plongé dans une réflexion sur le sens du terme « général » dans le titre de « Secrétaire général ».


Merci, Richard, pour la douche froide.  Cela a marqué le début d’une longue et éprouvante campagne, passée à répondre à de nombreuses et complexes questions de cette nature.  Tu m’as aidé à trouver la bonne voie.  Merci encore pour tout, et je me réjouis de poursuivre notre action contre le VIH/sida.


L’Asia Society joue un rôle unique dans notre nouvelle ère.  Que l’on soit ou non à l’aube du siècle de l’Asie et du Pacifique, nul ne peut contester l’importance de l’essor de l’Asie ni le rôle grandissant d’institutions comme l’Asia Society.


Dès mes premiers pas de jeune diplomate, j’ai su qu’il s’agissait là d’un lieu de dialogue, de discussion plutôt que de déclaration, d’action plutôt que d’affrontement.  Un lieu où la raison et la compréhension l’emportent sur les formules brèves et la rhétorique politique facile.


Comme vous le savez, telle est ma ligne de conduite en tant que Secrétaire général.  Je crois au pouvoir de la diplomatie et de la coopération.  Lorsque j’étais Ministre des affaires étrangères, le Gouvernement de la République de Corée a préconisé la détente avec le Nord.


Lorsque certains, dans le monde, ont réclamé des sanctions et des mesures punitives, la Corée du Sud a poussé au dialogue.  Ce qui est une exigence d’écoute autant que de parole.  Cela consiste à rester fidèle à ses principes tout en s’efforçant de comprendre le point de vue de l’autre partie, aussi irrationnel ou intransigeant qu’il puisse parfois paraître.


Comme mon ami l’Ambassadeur Hill l’a dit, énonçant son premier principe de la diplomatie: « Lorsqu’il se passe quelque chose, il y a une raison à cela.  Il faut faire de son mieux pour comprendre cette raison. »


En ma qualité de Secrétaire général, il est possible que mes propos ne plaisent pas toujours.  Mais soyez assurés que, dans les coulisses, je cherche à comprendre la situation en tenant compte de tous les points de vue – et en mettant toute mon énergie à obtenir des résultats concrets.


C’est ce que nous faisons au Myanmar en ce moment.  À l’heure qu’il est, mon Conseiller spécial, M. Ibrahim Gambari, est de retour à Yangon.  Je l’ai rencontré ce week-end à Istanbul pour examiner ses conclusions.  Cela afin qu’il puisse être un intermédiaire honnête, le Facilitateur du dialogue entre le Gouvernement et les chefs de l’opposition, notamment Mme Aung San Suu Kyi.  Je l’ai dit publiquement au Conseil de sécurité et je le redis ici: il est temps que le Gouvernement du Myanmar libère tous les étudiants et les manifestants détenus, engage un dialogue avec l’opposition et s’achemine vers une société plus démocratique.  Il est surtout temps que le Myanmar rejoigne la communauté internationale.


Une telle diplomatie n’est pas aisée.  Les applaudissements sont rares, souvent on ne perçoit aucun signe de progrès.  C’est un travail de fourmi, serein et discret.  On doit rester accroché à son téléphone, cajoler les dirigeants du monde et les amener à faire ceci ou cela.  C’est une symphonie –souvent pas très harmonieuse– de petits pas que l’on espère voir mener à quelque chose de plus grand.


Il ne faut compter sur rien.  Il faut juste continuer d’essayer, poursuivre les efforts sans garantie de succès.  Puis essayer à nouveau, en étant à l’affût de la moindre chance de progrès qui rendra le prochain pas possible.


Au Darfour, nous en sommes maintenant à ce stade.  Nulle autre situation ne m’a autant accaparé.  J’ai passé des centaines d’heures à travailler en privé avec les différentes parties au conflit – le Gouvernement soudanais, les chefs rebelles, les pays voisins, les partenaires de l’Union africaine.  Cet après-midi même, j’ai eu un entretien long et fécond avec M. Salva Kiir, Premier Vice-Président du Soudan.


Parallèlement, nous progressons dans le déploiement de l’une des opérations de maintien de la paix les plus complexes de notre histoire.  Nous parrainons des négociations de paix très difficiles en Libye.  Nous offrons nourriture et protection à des centaines de milliers de personnes déplacées.  Et ce n’est qu’un début.  Au-delà du rétablissement et du maintien de la paix, il y a un troisième aspect ignoré du conflit: une énorme crise de gestion des ressources et de développement économique, à commencer par l’eau.


Un accord de paix sur le Darfour est possible.  Mais il ne peut être durable que si l’on s’attaque à toutes les causes du conflit, aussi bien celles qui sont liées au développement que celles qui sont de nature politique.


Nous pouvons nourrir l’espoir de faire rentrer plus de 2 millions de réfugiés dans leur foyer.  Nous pouvons protéger les villages et aider à la reconstruction.  Mais que faire face au dilemme fondamental – le fait qu’il n’y a plus assez d’eau ou de bonnes terres pour tout le monde?


Aujourd’hui, ces problèmes de ressources sont au cœur de l’action politique et des activités de développement de l’ONU.  De plus en plus, ils sont au centre de nos stratégies de règlement et de prévention des conflits.


C’est pourquoi je suis très heureux qu’on rende hommage, ce soir, à Neville Isdell, en partie pour avoir fait de la gestion et de la conservation de l’eau la première préoccupation de Coca-Cola.  Ce que Coca-Cola s’est engagé à faire dans ses usines et ses opérations, la communauté internationale doit s’efforcer de le faire sur une échelle beaucoup plus grande au Darfour.  Nous devons reconstituer les ressources hydriques et agricoles du Darfour, qui disparaissent.  Si nous réussissons, un accord de paix sur papier peut se transformer en une paix durable sur le terrain.  Mais, si nous échouons, nous ne ferons illusion à personne d’autre que nous-mêmes en proclamant des cessez-le-feu et des traités vides de sens.


En tant que Secrétaire général originaire d’Asie qui s’adresse à l’Asia Society, je voudrais terminer en exposant ma vision du rôle de l’Asie dans le monde d’aujourd’hui.


Nous, les Asiatiques, nous vivons sur le plus grand continent du monde, qui est également le plus peuplé et dont la croissance économique est la plus rapide.  Notre histoire est riche et notre culture ancienne.  Pourtant, dans les affaires internationales, notre rôle est très en deçà de ce qu’il pourrait être.


La contribution de l’Asie à l’ONU, quoiqu’importante, pourrait être nettement plus grande.  Son aide humanitaire –pour dire les choses poliment– n’est pas aussi généreuse qu’elle pourrait l’être.  Notre continent est le seul où l’intégration régionale et les marchés communs ne se sont pas imposés.


Les Latino-Américains et les Américains du Nord rêvent de créer une zone de libre-échange – des États-Unis des Amériques.  Les Européens parlent de bâtir des États-Unis d’Europe.  L’Union africaine aspire à se transformer en États-Unis d’Afrique.  Pourquoi n’y aurait-il pas des États-Unis d’Asie?  Nous aurions alors trois nouveaux États-Unis!


Pourquoi l’Asie est-elle différente?  Il y a plusieurs raisons à cela: l’histoire, la diversité culturelle, les différends territoriaux et politiques non résolus, le manque d’expérience multilatérale et la suprématie d’un ou de deux centres de pouvoir.  Mais la raison principale est que nous n’avons pas essayé.


Cette situation n’est pas digne de l’Asie.  En tant que Secrétaire général originaire d’Asie, j’espère que cela changera.  J’espère voir une Asie à la fois mieux intégrée et plus active sur la scène internationale.


En particulier, j’attends beaucoup de mes concitoyens coréens, de ce peuple remarquable qui a su s’épanouir – ainsi que le reconnaît l’Asia Society en y établissant son nouveau centre.  J’espère voir la Corée assumer davantage de responsabilités dans le monde, à la mesure de sa puissance économique grandissante – notamment dans le domaine du développement, qui est l’un des trois piliers de la Charte des Nations Unies.  La Corée devrait être plus généreuse dans son aide publique au développement.  Les Coréens doivent s’impliquer davantage, prendre la parole et faire plus.


C’est maintenant qu’il faut agir.  Aussi sommes-nous énormément redevables à l’Ambassadeur Christopher Hill, ce diplomate par excellence, qui a contribué plus que quiconque au succès des Pourparlers à Six avec la Corée du Nord.


Chris, ta persévérance et tes talents de négociateur font que nous sommes sur le point, j’en suis convaincu, de résoudre ce conflit, dernier vestige de la guerre froide.  Tu peux imaginer comme je suis heureux, en tant que Coréen, du message exprimé dans la récente résolution de l’Assemblée générale, intitulée « Paix, sécurité et réunification dans la péninsule coréenne ».  Une péninsule pacifiée, dénucléarisée et unie n’est plus une utopie, en grande partie grâce à tes efforts.


J’imagine sans peine quelle gageure diplomatique ça a été que de coordonner tous ces efforts au sein de ton propre gouvernement, sans parler de la Corée du Nord.  Le fait qu’il s’agisse de questions de sécurité parmi les plus délicates, faisant intervenir quatre grandes puissances, ainsi que les deux parties directement concernées, prouve que le multilatéralisme peut fonctionner en Asie comme ailleurs dans le monde.


Il est encourageant que la Corée du Nord, fidèle à sa parole, ait maintenant commencé à démanteler ses installations nucléaires.  Si jamais ce processus aboutit, nous pouvons envisager de transformer le mécanisme de consultation à six en un dispositif de sécurité permanent pour l’Asie du Nord-Est.


C’est un début prometteur pour la Corée et pour la cause de la paix et de l’intégration régionale.  Il s’agit maintenant d’aller plus loin.


Et me voilà exhortant mes concitoyens asiatiques à prendre la parole, alors que je l’ai si longtemps monopolisée.


Je crains de devoir vous quitter.  Je dois me rendre à l’aéroport, j’ai un vol à prendre, ce soir, à destination de Buenos Aires, première étape d’une mission d’observation écologique qui me conduira en Argentine, au Brésil, au Chili et dans l’Antarctique.  Je veux me rendre compte par moi-même des effets du changement climatique sur la forêt amazonienne et sur la calotte glacière.  Je veux voir quelles mesures ces gouvernements ont prises.  Parmi les nombreux problèmes mondiaux auxquels nous sommes confrontés, le réchauffement de la planète me paraît être le plus grave.


Une fois encore, je vous remercie Mme la Présidente, M. Holbrooke, Mesdames, Messieurs, chers amis.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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