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FEM/1644

LES EXPERTS DU COMITÉ CEDAW ONT ENCOURAGÉ LE KENYA À FAIRE PREUVE DE DAVANTAGE DE VOLONTÉ POLITIQUE POUR ÉLIMINER LES INÉGALITÉS ENTRE LES SEXES

27/07/2007
Assemblée généraleFEM/1644
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Comité pour l’élimination de la discrimination

à l’égard des femmes

Trente-neuvième session

Chambre B - 799 & 800e séances – matin & après-midi


LES EXPERTS DU COMIT É CEDAW ONT ENCOURAGÉ LE KENYA À FAIRE PREUVE DE DAVANTAGE DE VOLONTÉ POLITIQUE POUR ÉLIMINER LES INÉGALITÉS ENTRE LES SEXES


Malgré les efforts déployés par le Gouvernement du Kenya pour promouvoir les droits de la femme, les experts du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes se sont déclarés préoccupés par l’applicabilité des projets de lois visant à éliminer les discriminations et en particulier par les dispositions régissant le mariage.


La délégation du Kenya présentait aujourd’hui ses cinquième et sixième rapports combinés sur l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, que le Kenya a ratifiée en 1984.  À ce jour, le Kenya n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif à la Convention qui permet aux femmes ou à des groupes de femmes de porter plainte auprès du Comité pour des violations de leurs droits, après avoir épuisé tous les recours nationaux.  


La délégation du Kenya, conduite par Mme Maina Kamanda, Ministre de l’égalité des sexes, du sport, de la culture et des services sociaux, a présenté les mesures prises par son pays pour promouvoir l’égalité des sexes et les droits de la femme.  Parmi les évolutions récentes survenues dans le pays, elle a insisté sur l’approbation par le Parlement du document de la deuxième session de 2006 sur les sexospécificités et le développement qui fournit un cadre complet pour relancer la croissance tout en garantissant l’égalité entre les hommes et les femmes.  Elle a également souligné le renforcement des mécanismes institutionnels chargés de la promotion des droits des femmes et l’élaboration de toute une série de projets de lois relatifs au mariage, à l’emploi et l’égalité devant la loi et l’action palliative visant à réduire les inégalités entres hommes et femmes.


Félicitant la délégation pour les efforts que son pays mène afin de lutter contre les discriminations à l’égard des femmes, les experts ont pourtant émis des préoccupations sur l’applicabilité même de ces projets de lois.  Constatant que l’article 82 de la Constitution kényenne interdit la discrimination tout en prévoyant certaines exceptions, plusieurs d’entre eux, à l’instar de Dorcas Cocker-Appiah, experte du Ghana, se sont demandés comment un projet de loi pourrait régler le problème des discriminations alors que la Constitution, sa propre source d’autorité, comprend des dispositions contraires.  La délégation a fait valoir qu’un véritable travail de lobbying et de sensibilisation à ces questions auprès des membres du Parlement était mené pour accélérer les procédures tout en reconnaissant que l’égalité entre les hommes et les femmes demeurait un défi constitutionnel.  La question de l’égalité constitue une controverse au sein même de la société, comme l’atteste le rejet de la Constitution de 2005 qui introduisait le principe de l’égalité entre les sexes, a-t-elle indiqué.


Les experts se sont en ce sens inquiétés de la lenteur des progrès dans les engagements pris.  Plusieurs expertes, parmi lesquelles celle de la Chine, Zou Xiaoqiao, ont regretté la faiblesse des progrès réalisés pour encourager une participation plus active des femmes à la vie publique et politique.  La représentation des femmes au Parlement n’a en effet connu aucune évolution positive en stagnant à 8,1% des membres depuis 2003 tandis que le taux des femmes responsables d’un portefeuille ministériel est passé de 10,3% à 5,8%.  Les experts, à l’instar de Meriem Belmihoub-Zerdani,experte de l’Algérie,ont demandé instamment au Kenya de faire preuve de volonté politique pour autonomiser les femmes sur le plan politique, aussi bien au Parlement qu’au sein du Gouvernement.  Sur le plan sanitaire, le Comité a également regretté la prévalence de la pratique des mutilations génitales féminines, qui touchent 32,2% des femmes kényennes âgées de 15 à 49 ans, voire 97% dans certaines régions.  À cet égard, l’experte de la Croatie s’est interrogée sur le manque d’ambition des objectifs du Gouvernement en la matière, l’amenant à se demander si le Gouvernement du Kenya comprenait qu’il s’agissait véritablement d’une atteinte grave à la personne.


Malgré la loi sur le mariage en cours d’adoption, les experts ont particulièrement fait part de leur frustration devant la situation juridique des femmes au Kenya dans le mariage, qui interdit à une femme de se marier comme elle le souhaite et lui impose en effet d’adopter le régime en vigueur au sein de la communauté à laquelle elle appartient.  Le Kenya reconnaît cinq régimes matrimoniaux différents, à savoir la tradition africaine-chrétienne, la tradition musulmane, le droit coutumier africain, la tradition hindoue et le mariage civil. Les experts ont appelé le Gouvernement à garantir l’application de la Convention dans le pays et l’égalité des femmes devant la loi en envisageant un régime légal pour toutes. Si la femme n’est pas égale dans ce domaine-là de la vie, alors la Convention n’a plus aucun sens, a tranché Ruth Halperin-Kaddari, experte d’Israël.


Le Comité poursuivra ses travaux, mardi 31 juillet à 10 heures, avec l’examen des cinquième et sixième rapports périodiques de la République de Corée.


Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site du CEDAW: www.un.org/womenwatch/daw/cedaw.


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES: RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL PRÉSESSION


Cinquième et sixième rapports périodiques combinés du Kenya (CEDAW/C/KEN/6)


Déclaration liminaire


Mme MAINA KAMANDA, Ministre de l’égalité des sexes, du sport, de la culture et des services sociaux, a fait part des principales avancées et des réformes clefs introduites par le Kenya depuis la présentation du dernier rapport combiné pour lutter contre les discriminations à l’égard des femmes et des fillettes.  Parmi ces mesures, la Ministre a notamment souligné l’approbation par le Gouvernement du document de la deuxième session de 2006 sur les sexospécifités et le développement qui fournit un cadre complet pour relancer la croissance tout en garantissant l’égalité entre les hommes et les femmes.  Un plan d’action pour assurer la mise en œuvre de cette politique nationale sur les sexospécificités et le développement est en cours d’élaboration.


Au niveau institutionnel, le Gouvernement a décidé de renforcer le Ministère de l’égalité des sexes, du sport, de la culture et des services sociaux et la Commission nationale pour les sexospécificités et le développement par une politique de recrutement d’experts en la matière.  À cet égard, elle a annoncé la nomination d’un Secrétaire chargé des questions sexospécifiques qui a pour rôle de formuler, ajuster et mettre en œuvre les politiques et programmes sexospécifiques et de développement social.  Des fonctionnaires chargés des questions de l’égalité entre les sexes sont également nommés au sein des différents ministères pour faciliter la prise en compte de ces questions dans les différents secteurs, a-t-elle ajouté.


La Ministre a fait remarquer que la proposition de consacrer dans la nouvelle Constitution l’égalité entre hommes et femmes a été rejetée par les Kenyens en novembre 2005.  Le Gouvernement poursuit cependant son examen du processus de réforme constitutionnel et espère qu’il sera possible de parvenir à une solution de l’intégration des dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes


Le Gouvernement a entrepris une série de réformes législatives visant à harmoniser les lois en vigueur avec les dispositions de la Convention, a-t-elle poursuivi.  La Commission de réforme du droit a notamment procédé au réexamen des lois sur le mariage, l’emploi, et l’égalité devant la loi et l’action palliative pour réduire les inégalités entres hommes et femmes.  Un amendement de la loi sur les successions a permis d’aboutir à l’adoption d’une loi plus équitable pour les femmes concernant le partage des biens acquis pendant le mariage et simplifie les procédures pour les aider à faire valoir leur droits, notamment par l’assistance judiciaire, a-t-elle déclaré.


S’agissant de la représentation des femmes au sein de la vie politique et publique, la Ministre a indiqué que la représentation des femmes s’était améliorée au sein des postes soumis à nomination, en application d’une mesure législative enjoignant aux services publics de nommer 30% de femmes. Ce quota sera bientôt porté à 50% et permettra de garantir la parité entre les sexes aux postes de décisions, a-t-elle assuré.  En outre, le Parlement compte 18 femmes parmi ses membres dont deux occupent des fonctions ministérielles importants, a-t-elle ajouté.


Avec l’augmentation de la violence à l’égard des femmes, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures parmi lesquelles la création d’un service de police spécialisé dans cette question et la formation des officiers sur les questions sexospécifiques, a indiqué Mme Kamanda, avant de souligner l’adoption en 2006 d’une loi sur les violences sexuelles pour prévenir et protéger tous les citoyens de violences sexuelles.


Malgré son adoption, la loi sur l’enfance en 2001, qui comprend des dispositions sur les mutilations génitales et le mariage précoce, se heurte à de nombreux obstacles d’origine principalement sociale et culturelle, a reconnu la Ministre.  Les statistiques révèlent que les auteurs de ces actes sont majoritairement des proches et membres de la famille ce qui dissuadent les victimes de porter plainte.  À cet égard, le Gouvernement kényen travaille notamment à sensibiliser les communautés et à les impliquer dans des programmes pour mettre fin à ces pratiques, par le biais de formations et avec le concours d’organisations non gouvernementales.  Elle a par ailleurs fait part de la création d’un Comité interministériel sur les mutilations génitales féminines qui a pour mandat de contribuer au succès de ces stratégies.


En matière d’éducation, la Ministre a indiqué que l’éducation primaire gratuite, décrétée par le Gouvernement depuis 2003, a permis d’enregistrer d’importants progrès dans ce domaine.  En 2003, 51,3% des garçons et 48,7% des filles étaient inscrits à l’école primaire, a précisé Mme Kamanda.  Une attention spéciale est également portée à la formation des adultes pour réduire l’illettrisme.  Les femmes ont également la possibilité de suivre une formation et d’être informées sur les possibilités d’accéder au microcrédit.  À cet égard, le Comité ministériel des subventions travaille à autonomiser les femmes.


Si le Kenya n’a pas encore ratifié le Protocole facultatif à la Convention, il a cependant mis en place un Comité interinstitutionnel en janvier 2005 pour examiner cet instrument.


Dialogue avec les experts


Questions portant sur les articles 1 à 9


M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a jugé très complète la présentation faite ce matin par la Ministre.  Il a rappelé que lors de la dernière présentation, le Comité avait été choqué de constater que les Kenyens avaient voté contre le projet de la réforme constitutionnelle introduisant l’égalité entre les sexes.  Quel est le calendrier prévu pour les discussions de réforme constitutionnelle? Le projet de loi sur l’égalité se concentre-t-il sur les questions d’égalité au sens de la Convention?  L’expert a dit ne pas comprendre les difficultés « politiques » que posaient le Protocole facultatif et les articles 1 et 2 de la Convention.


Mme REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a dit comprendre les difficultés que rencontrait le Gouvernement notamment après le rejet de la réforme de la Constitution.  Ainsi, ni le statut matrimonial, ni le travail au foyer n’accordent de droits à la femme en termes de biens matrimoniaux, a-t-elle relevé.  De même, la garde des enfants nés hors mariage revient toujours à la mère.  Le rejet de la réforme de la Constitution exige que le pays sensibilise la population dans son ensemble au rôle de la femme et ses droits.  Elle s’est aussi dite frappée par le rythme très lent du changement au Kenya, qu’elle qualifie même d’absence de changement.


Mme DRUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, Présidente du Comité et experte de la Croatie, a dit ne pas comprendre pourquoi la délégation ne comportait pas d’hommes, rappelant que l’égalité les concernait aussi.  Devant le rejet de la réforme constitutionnelle garantissant l’égalité entre les sexes, quelle est la place de la Convention dans la législation nationale? Les lois sont-elles alignées sur les dispositions de la Convention?


La délégation a indiqué que sa délégation comprenait deux hommes qui, pour des raisons logistiques, n’avaient pas pu venir à New York.  Elle a assuré le Comité que les discussions menées avec les représentants des ministères associaient beaucoup d’hommes.  Un autre membre de la délégation a indiqué que les questions d’égalité provoquaient une controverse importante.  Elle a expliqué que les dispositions d’égalité qui étaient contenues dans le projet de réforme constitutionnelle avaient été présentées de manière négative en raison de nombreuses manœuvres politiques.  Ces dispositions ont toutefois été introduites dans le projet de loi sur l’égalité sans que cela ne pose de problème.  Il sera présenté au Parlement au mois de septembre prochain.  Une lacune existe en matière de répartition des biens matrimoniaux en cas de divorce et un projet de loi sur la question est en cours d’examen.  Le Kenya examine actuellement un projet de loi sur la violence au foyer qui reprend les dispositions de la Convention.  La délégation a indiqué qu’à ce stade, il n’est pas possible de donner une date pour la relance du processus de révision de la Constitution en raison de la controverse qui y est associée.


Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a demandé de préciser les conséquences qu’entraînerait l’adoption des projets de loi mentionnés par la délégation sur la Constitution en vigueur.  Quelles sont les fonctions du Secrétariat à la condition féminine?  Disposez-vous d’un mécanisme de contrôle sur le projet de programme pour l’égalité entre les sexes et quels sont les documents de base sur lesquels travaille le Gouvernement?


En réponse aux questions soulevées par les experts sur les mécanismes institutionnels chargés des questions sexospécifiques, la délégation a indiqué que les questions de genre étaient traitées au sein du Ministère de l’égalité des sexes, du sport, de la culture et des services sociaux et de la Commission de la condition féminine, organe consultatif auprès du Gouvernement.  Celui-ci a créé le poste de Secrétaire à la condition féminine pour résoudre les questions sexospécifiques, a-t-elle ajouté, avant de souligner que l’objectif du Gouvernement était d’intégrer la dimension du genre dans tous les ministères.  Le document de la deuxième session de 2006, a-t-elle expliqué, offre un cadre pour donner effet à la politique nationale sur les sexospécificités.


Au titre de l’article 5 relatif aux rôles stéréotypés par sexe et préjugés, Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, experte de Cuba, a félicité le Kenya pour les progrès réalisés en la matière.  Elle s’est dite toutefois préoccupée par la lenteur d’application des lois élaborées pour y remédier, qui n’ont pas eu, selon elle, suffisamment d’impact.  Elle a à cet égard demandé des informations sur les mesures spécifiques prises en faveur des populations vivant dans des régions éloignées où les stéréotypes et les pratiques traditionnelles sont les plus ancrés.  Quelles sont les mesures réalisées avec les dirigeants religieux pour éliminer les pratiques de mutilation génitale?  Œuvrez-vous à former des membres de communautés pour soutenir le travail des organisations non gouvernementales et faire connaître aux fillettes leurs droits et l’implication négative des mutilations génitales?



Intervenant à son tour, Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, a elle aussi félicité le pays pour les efforts déployés par le Gouvernement kényen en faveur de la lutte contre les stéréotypes.  Tout en reconnaissant que c’est une question complexe, elle a appelé l’État partie à déployer davantage d’efforts pour éliminer ces stéréotypes.  Se référant à l’article 82 de la Constitution qui interdit la discrimination tout en prévoyant certaines exceptions, elle a constaté que le projet de loi sur l’égalité visait à remédier à ces dispositions discriminatoires.  Comment ce projet de loi pourra-t-il régler ces questions alors que la Constitution, sa propre source d’autorité, comprend des dispositions contraires? s’est-elle interrogée.  Elle a par ailleurs voulu savoir si le Gouvernement avait mené des recherches pour connaître l’impact des stéréotypes sur les manifestations des violences à l’égard des femmes.


L’experte de la Croatie a elle aussi demandé des indications sur les mesures à prendre pour accélérer l’adoption des projets de loi en faveur des femmes.  Abordant la question des mutilations génitales, elle s’est étonnée que le Gouvernement kényen se soit seulement fixé l’objectif de réduire de 40% la proportion des femmes et des filles subissant des mutilations génitales d’ici à 2019.  Elle s’est à cet égard demandée si le Gouvernement comprenait qu’il s’agissait véritablement d’une violation de la personne.


En réponse aux questions sur la lenteur d’application de la loi, la délégation a indiqué qu’un véritable travail de mobilisation et de sensibilisation auprès des membres du Parlement était mené pour y remédier et accélérer l’adoption des lois.


Elle a par ailleurs reconnu que l’égalité entre les hommes et les femmes continuait d’être un défi au niveau constitutionnel et qu’elle ne pouvait être atteinte pour le moment en raison des dispositions discriminatoires inclues dans l’article 82 de la Constitution.  Elle a à cet égard exprimé l’espoir que la nouvelle Constitution en cours de rédaction permettra d’éliminer cette contradiction.


S’agissant des mutilations génitales, la délégation a fait part de l’adoption de la loi sur l’enfance qui interdit la pratique du mariage précoce, et par voie de conséquence de l’excision, les fillettes n’étant considérées comme adultes qu’une fois l’excision réalisée.


En réponse aux demandes d’informations sur les mesures prises pour sensibiliser les fillettes aux conséquences négatives des mutilations génitales, la délégation a rappelé la complexité de la structure familiale et souligné l’importance de prendre contact dans un premier temps avec la communauté et la famille.  Par ailleurs, elle a fait part de la pratique de rites de passage alternatif pour donner aux jeunes filles un sentiment d’appartenance à la communauté.


Dans le domaine de l’éducation, a indiqué la délégation, le Kenya a procédé à une révision complète des manuels scolaires qui véhiculaient des images stéréotypées et confinaient les femmes et hommes dans des rôles traditionnels.  Si le Kenya a pu arriver à une parité entre les sexes pour ce qui est de la scolarisation à l’école primaire, des inégalités au niveau régional persistent, a-t-elle reconnu.  Parmi les mesures palliatives, elle a notamment cité la création d’écoles mobiles qui viennent aux communautés nomades.



L’expert des Pays Bas a indiqué que la ratification du Protocole facultatif contribuera considérablement au renforcement des voies de recours.  Il s’est à cet égard félicité de la formation d’un comité interinstitutionnel pour réfléchir aux implications de cette ratification et a demandé des éclaircissements sur la nature des difficultés qui entravent cette ratification.


Pour sa part, l’experte du Japon a voulu savoir si la contradiction en raison de la Constitution permettait tout de même de mettre en œuvre les projets de loi.


L’experte du Ghana a relevé que plus de 400 000 personnes étaient déplacées à l’intérieur du pays, chiffre auquel vient s’ajouter un grand nombre de réfugiés somaliens.  Ce sont les femmes qui sont les plus vulnérables à la violence sexuelle, y compris de la part de ceux qui sont censés les protéger.  Quelles sont les mesures de protection et les mesures punitives qui ont été adoptées pour garantir les droits fondamentaux des femmes réfugiées et déplacées?  Rappelant que le tourisme est la principale ressource du pays, l’experte a mis en garde contre l’industrie de la prostitution qui en découle.  Elle a noté que la législation du Kenya, qui qualifiait la prostitution d’illégale, ne prévoyait de sanctions qu’à l’égard des femmes. 


La délégation a expliqué que la question de la ratification du Protocole facultatif est examinée.  Nous nous engageons, de retour à la capitale, à travailler à convaincre le Gouvernement de la nécessité d’adhérer à cet instrument, a-t-elle assuré.  S’agissant des réfugiées et des personnes déplacées, la délégation a évoqué la loi sur les délits sexuels qui répond à tous les cas de violence sexuelle et s’applique à toutes les personnes, qu’elles soient réfugiées ou ressortissantes kenyennes.  La délégation a convenu que la loi sur la prostitution était ridicule dans la mesure où seules les femmes sont punies alors que l’on sait bien qu’il faut deux personnes pour danser le tango.  Elle a précisé toutefois que la Commission de révision de la loi prendra le pouls de la population kényenne pour savoir ce qu’elle pense de la prostitution avant toute révision de la loi.  S’agissant des mariages, elle a expliqué qu’il existait quatre régimes matrimoniaux: musulman, judéo-chrétien, hindou et coutumier polygame.  Notre nouvelle loi sur le mariage tente d’unifier les diverses procédures.  Dans le cadre du divorce, une loi de 1882 est encore en vigueur mais un projet de loi sur les biens matrimoniaux, actuellement à l’examen, établira la division des biens entre l’homme et la femme et donnera la définition de ce qu’est un bien matrimonial.


La délégation a expliqué que la Ministre de la condition féminine mène d’autres activités relatives au sport et à la culture mais accorde une importance particulière à l’intégration des sexospécificités.  Pour cela, un secrétariat à la condition féminine a été créé qui coordonnera le travail de ses 400 agents.  Il existe donc un engagement de la part du Gouvernement.  Par ailleurs,

1 milliard de shillings kényens a été accordé à des programmes d’autonomisation économique des femmes, ce qui permettra de lutter contre la prostitution et la traite des enfants, a indiqué la délégation.


Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a regretté fortement le rejet de la Constitution par référendum mais elle a demandé à la délégation de ne pas se décourager et d’aller de l’avant.  L’experte a en particulier insisté sur la nécessité d’améliorer la représentation politique des femmes sans quoi il ne sera pas possible d’avancer.  Elle a demandé instamment au Kenya de faire preuve de volonté politique pour autonomiser les femmes sur le plan politique, aussi bien au Parlement qu’au sein du Gouvernement.  Elle a invité l’État partie à fournir un financement aux partis politiques qui respectent le principe de la parité lors de la constitution des listes électorales.  Elle l’a aussi invité à promouvoir les femmes dans le secteur de la justice car « une société sans femmes est une société infâme ».


Constatant également la faible participation des femmes à la politique,

Mme ZOU XIAOQIAO, experte de la Chine, a regretté la faiblesse des progrès réalisés dans ce domaine qui résulte, selon le rapport, du fait que la société ne comprend pas l’importance de la participation de la femme à la politique.  Elle a à cet égard demandé des informations sur les activités entreprises par le Gouvernement pour changer cette perception stéréotypée, notamment auprès des dirigeants de haut niveau.  Tout en faisant siennes les préoccupations exprimées par l’experte de la Chine, l’experte du Portugal s’est interrogée sur les difficultés qui empêchent le Parlement de modifier le nombre de ses sièges. 


Pour sa part, l’expert des Pays Bas s’est penché sur la question de la nationalité, au titre de l’article 10 de la Convention.  Il a relevé l’existence de discriminations en ce domaine, les hommes et les femmes ne jouissant pas des mêmes droits dans les cas de transfert de nationalité.  Il a notamment estimé que les femmes qui souhaitent voyager devraient pouvoir le faire sans demander l’autorisation du père ou du mari et a, à cet égard, demandé que soit mise fin à la discrimination à laquelle elles sont soumises.


En réponse aux questions soulevées par les experts sur la représentation des femmes à la vie politique, la délégation a indiqué que la question était l’une des priorités du Gouvernement.  Elle a rappelé que l’instauration d’un quota de 30% de représentation des femmes au sein de certaines institutions avait permis une augmentation de la proportion des femmes au sein de la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, par exemple, et une sensibilisation de la communauté à ces questions. Elle a ajouté que de nombreuses femmes avaient exprimé leur intérêt pour occuper un siège au Parlement, que 300 femmes en avaient fait de même pour des fonctions politiques au niveau local et que cinq femmes envisageaient de se présenter aux élections présidentielles.  Ces candidatures témoignent de l’efficacité des campagnes de sensibilisation et laissent entrevoir une amélioration de la représentation des femmes, a-t-elle fait observer.  La loi sur la nationalité nécessite un changement et la situation actuelle n’est pas acceptable, a-t-elle reconnu, avant de souligner que cette modification dépendra de la réforme de la Constitution. 


La délégation a indiqué que le Gouvernement avait mené un audit pour connaître la position des femmes dans les services publics pour s’assurer l’application du quota.


Articles 10 à 14


Au titre de l’article 10 relatif à l’éducation, l’experte de la Chinea noté avec satisfaction qu’en 2003, le Gouvernement avait assuré l’accès gratuit des enfants à l’école primaire, ce qui a permis de faciliter l’accès des filles à l’éducation primaire et de parvenir à une parité. Préoccupée par le refus de certains parents d’envoyer leurs filles à l’école pour des raisons culturelles, notamment dans les régions rurales qui enregistrent un taux de scolarisation plus faible, elle a à cet égard demandé si le Gouvernement avait lancé des campagnes de sensibilisation auprès des parents pour les sensibiliser à l’importance de l’éducation des filles.  Par ailleurs, elle a demandé des données ventilées par sexe et par région rurale et urbaine et des données spécifiques expliquant l’échec scolaire des jeunes filles.


En réponse, la délégation a indiqué que, pour remédier à l’absence de scolarisation de certaines jeunes filles, le Gouvernement continuait de promouvoir l’éducation en organisant par exemple des journées portes ouvertes au cours desquelles celles-ci peuvent écouter le témoignage de femmes éduquées qui ont réussi leur vie, en mettant en place dans les écoles un programme d’aide alimentaire ou encore en créant un système d’écoles mobiles dans les régions reculées.  L’enseignement secondaire sera de plus désormais gratuit dès l’année prochaine, a-t-elle annoncé, et une action de discrimination positive est menée au niveau universitaire pour pallier les disparités, les femmes ne représentant que 30% des étudiants.  Elle a reconnu que les grossesses et les mariages précoces des adolescentes demeuraient un problème pour la poursuite de la scolarité, tout en soulignant que la réadmission des jeunes filles était désormais possible après leur accouchement.  Elle a par ailleurs indiqué que la loi relative à l’enfance prévoyait des sanctions à l’encontre des parents qui n’enverraient pas leurs enfants à l’école.


S’agissant de la sensibilisation au VIH/sida, la délégation a indiqué que le sujet était abordé dans les programmes scolaires et que des cours de prévention étaient dispensés.  Toutefois, il n’y a pas d’éducation sexuelle en raison de certaines oppositions religieuses, a-t-elle admis.  La délégation a indiqué qu’elle fournirait des données ventilées lors de l’examen du prochain rapport.


Intervenant à son tour, Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, s’est dite impressionnée par les efforts déployés par le Gouvernement kényen.  Au titre de l’article 11 relatif à l’emploi, elle a regretté que le rapport ne donne que très peu d’informations sur la situation des femmes dans le secteur privé. L’égalité des salaires existe-t-il dans le secteur privé? a-t-elle notamment demandé.  Elle a par ailleurs demandé des informations sur le nombre de femmes employées dans le secteur informel et sur les mesures de protection des femmes lors de la reprise d’une activité professionnelle après un accouchement ou en cas de harcèlement sexuel.


La délégation a répondu que le projet de loi sur l’emploi s’appliquera aussi bien au secteur privé que public.  Dans le secteur public, les différences de salaires sont minimes car les salaires sont réglementés.  Les femmes dominent le secteur officieux de l’emploi et la difficulté tient au fait que ce secteur est très peu réglementé, ce qui explique le peu de statistiques. 


L’experte de Cuba a relevé que les taux de mortalité infantile des enfants de moins de cinq ans avaient légèrement augmenté.  Elle a souhaité connaître les causes de la morbidité maternelle et de la mortalité infantile.  Elle s’est félicitée de ce que le taux de prévalence du sida ait baissé dans l’ensemble, même si dans les zones rurales, ce taux peut être supérieur à la moyenne nationale. Quels sont les programmes de sensibilisation à la santé sexuelle et génésique pour les jeunes n’étant pas scolarisés?  L’experte a relevé que 40% des femmes mariées utilisent les préservatifs, méthode de planification familiale qu’elles abandonnent après un an.  Que faites-vous pour encourager les femmes à avoir recours au préservatif?


L’experte du Ghana est revenue sur la question de la mortalité maternelle.  Pour prévenir les avortements clandestins qui exposent à des risques la vie des femmes, l’État devrait remettre en question la dépénalisation de l’avortement, a-t-elle suggéré.  Elle a précisé à l’attention de la délégation que les femmes étaient plus vulnérables au VIH/sida en raison de facteurs biologiques et socioéconomiques qui veulent que les femmes n’ont pas le contrôle de leur sexualité.  Mais le Gouvernement tient-il compte des vulnérabilités relatives au genre dans le cadre de son plan stratégique de lutte congre le VIH/sida?


Un membre de la délégation a expliqué que c’est grâce à la volonté des donateurs que les activités de lutte contre le sida ont pu être mises en œuvre.  Nous savons que les femmes sont plus vulnérables au VIH/sida et dans un premier temps, nous avons travaillé à l’élimination des barrières et des pratiques culturelles.  Le Gouvernement a éliminé les frais des soins de santé pour les jeunes filles nubiles.  Il est vrai que l’application de nos politiques laisse à désirer en raison de notre manque de ressources mais nous comptons sur l’appui de nos donateurs pour nous tirer d’embarras.  Une étude a permis de voir que plus de 5 000 femmes par an meurent des suites d’avortements pratiqués dans des conditions d’insalubrité.  La politique actuelle est réactive et non pas prospective, a convenu la délégation.  Le Kenya dispose cependant d’une directive qui stipule que les femmes ayant subi une violence sexuelle et qui se rendent dans un centre de santé dans les 72 heures ont le droit à la contraception d’urgence. 


La délégation a rappelé que la pandémie du sida était considérée comme un désastre national.  Elle a indiqué que la question de l’accès des femmes aux soins ne se limitait pas à une question financière.  D’autres facteurs contribuent à la sous-utilisation des équipements, comme l’attitude parfois peu courtoise du personnel des services de santé qui dissuade les femmes de se rendre dans les établissements ou encore l’éloignement.


Intervenant à son tour, Mme ANAMAH TAN, experte de Singapour, a noté que plus de 80% des femmes vivaient dans des zones rurales où la majorité d’entre elles pratiquent des cultures vivrières et l’élevage et que les femmes constituaient 70% de l’ensemble des employées du secteur agricole.  Elle a en ce sens demandé des détails sur les programmes mis en œuvre dans les communautés rurales et sur les institutions qui accordent des crédits sans garantie aux femmes.


Répondant à cette série de questions, la délégation a indiqué que les femmes travaillaient dans de petites exploitations, avaient de faibles revenus et n’avaient pas de droit sur la terre, ce qui rend difficile leur accès au financement.  C’est pourquoi, le Gouvernement a adopté une nouvelle politique foncière pour remédier à la situation.  Il a également créé certaines institutions, comme le Fonds de développement aux entreprises gérées par les femmes qui a pour but de financer des projets mis en œuvre par des femmes et de  leur donner la possibilité d’être plus autonomes sur le plan financier.  Le Ministère de l’égalité des sexes, du sport, de la culture et des services sociaux octroie pour sa part des bourses pour soutenir des projets, a-t-elle ajouté.  Plusieurs établissements de crédit au Kenya permettent aux femmes d’accéder au crédit à de faibles taux d’intérêt, a-t-elle poursuivi.  Les politiques à présent mises en place visent à atteindre toutes les femmes directement sur le terrain, a-t-elle fait valoir.


L’experte d’Israël a réitéré sa question sur les mesures de protection prises par le Gouvernement pour protéger les personnes dont les droits sont bafoués, prenant l’exemple des femmes qui n’osent pas demander une égalité de salaire de peur de perdre leur emploi.



En réponse à cette question sur les mécanismes de protection, la délégation a soutenu que les femmes au Kenya pouvaient faire valoir leurs droits par le biais des syndicats, des tribunaux spéciaux en matière de droit du travail et des questions sociales, ou d’organisations civiles qui offrent une aide judiciaire gratuite.  Par ailleurs, la Commission nationale des droits de l’homme peut conduire des médiations, a-t-elle poursuivi, avant d’ajouter que la plupart des questions liées à l’emploi avaient été prises en compte dans le cadre du débat sur la loi relative à l’emploi au Parlement.


L’experte de l’Algérie a relevé que l’article de la Constitution autorise une femme à accéder au plus haut poste de direction du pays, mais celle-ci ne peut cependant pas se marier comme elle le souhaite.  Elle doit en effet adopter le type de mariage en vigueur au sein de sa communauté, soit l’un des cinq régimes en vigueur dans le pays en matière de mariage et de divorce.  Les femmes ne sont donc pas les égales des hommes dans le mariage.  Il faut garantir la domestication de la Convention et l’égalité des femmes devant la loi en contractant une seule forme de mariage civil, ce qui n’empêche pas de réserver les coutumes et traditions à la sphère privée.


Aucune loi ne régit la cohabitation des couples dont le nombre est en augmentation, a relevé une autre experte, tandis que l’experte d’Israël a dit toute sa frustration devant la situation juridique des femmes au Kenya dans le mariage et le divorce.  Si la femme n’est pas égale de l’homme dans ce domaine-là de la vie, alors la Convention n’a plus aucun sens.  Selon le mariage coutumier, les femmes n’ont pas le droit à la pension alimentaire ni à la garde des enfants.  Elle a demandé à la délégation de lui fournir une définition de la propriété matrimoniale.


La délégation a convenu que les pratiques en vigueur au moment de la dissolution du mariage sont aussi disparates que les lois sur le mariage et c’est  aussi la raison pour laquelle une loi unique sur le mariage et le divorce est en cours d’élaboration.  Il est vrai que les femmes, selon le statut personnel, n’ont aucun contrôle.  Un projet de loi sur la violence domestique a été rédigé, il y a huit ans, qui recommandait entre autres de mettre fin à la polygamie.  Mais la majorité des hommes sont polygames et les législateurs qui débattent de l’abolition de la polygamie le sont aussi, a-t-elle fait remarquer.  Le nouveau projet de loi sur le mariage propose que tous les mariages soient enregistrés, quel que soit le régime matrimonial adopté.  Il est aussi recommandé qu’un certificat de mariage soit délivré deux ans après qu’un mariage coutumier a lieu.  Nous ne disposons pas de loi organique sur la propriété matrimoniale qui ne bénéficie donc d’aucune définition.


La délégation a convenu que le nombre d’unions libres augmentait au Kenya, ce qui est source de complications au moment de la rupture d’une telle union.  La loi autorise le mariage des filles à partir de 16 ans avec le consentement des parents. 


Composition de la délégation de l’ État partie


La délégation du Kenya était dirigée par la Ministre de l’égalité entre les sexes, du sport, de la culture et des services sociaux, Mme 0Maina Kamanda.  En faisaient également partie la Ministre adjointe, Mme Alicen Chelaite; la Représentante permanente du Kenya auprès des Nations Unies, Z.D. Muburi-Muita; la Commissaire adjointe pour l’égalité entre les sexes et les services sociaux et cheffe de la division de l’égalité entre les sexes, Mme Mary C. Wambua; la Commissaire pour l’égalité entre les sexes et le développement, Mme Collette Suda; une juge, Mme Joyce Aluoch; Robin Achoki du Bureau du vice-Président au Ministère des affaires intérieures; Rukia Subow de Macndeleo ya Wanawake; Nancy Baraza de la Commission de révision de la loi kényenne; Atsango Chesoni, Consultante sur les questions de parité, législatives et de droits de l’homme; Jean Kamau, Directeur exécutif de Democratic Foundation, Ltd, et Grace W. Cerere, Stella K. Orina et John K. Mosoti de la Mission permanente du Kenya auprès des Nations Unies à New York.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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