LA PLACE DES ESTONIENNES DANS LA SPHÈRE POLITIQUE ET SUR LE MARCHÉ DE L’EMPLOI PRÉOCCUPE LES EXPERTS DU COMITÉ CEDAW
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Comité pour l’élimination de la discrimination
à l’égard des femmes
Trente-neuvième session
Chambre B - 793 & 794e séances – matin & après-midi
LA PLACE DES ESTONIENNES DANS LA SPHÈRE POLITIQUE ET SUR LE MARCHÉ DE L’EMPLOI PRÉOCCUPE LES EXPERTS DU COMIT É CEDAW
La progression lente des femmes estoniennes dans la sphère politique, les discriminations qu’elles connaissent sur le marché de l’emploi et la viabilité des institutions consacrées à la parité ont constitué les principaux sujets d’inquiétude des experts siégeant au sein du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.
L’Estonie, qui a accédé sans réserve à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en octobre 1991, présentait aujourd’hui aux experts indépendants du Comité les mesures prises aux plans juridique, législatif, administratif et autres pour garantir l’égalité entre les sexes et éliminer les discriminations que connaissent les Estoniennes. La délégation était conduite par Marina Kaljurand du Ministère estonien des affaires étrangères.
La participation des femmes en politique a progressé lentement au cours de ces dernières années. Selon les chiffres avancés par la délégation, le Parlement estonien compte 24 femmes sur 101 sièges, soit une participation de 22%. Cependant, en 2003, une femme, Ene Egma, a été élue Présidente du Parlement et une autre à l’un des postes de vice-président. Dans le Gouvernement actuel, trois femmes dirigent le Ministère des affaires sociales, le Ministère des affaires démographiques et ethniques et le Ministère de la culture. Le pourcentage de femmes élues aux élections locales est plus élevé, soit 29,6% en 2005 contre 28,4% en 2002, mais peu de femmes se trouvent à la tête des Conseils locaux. Le Conseil municipal de la capitale de l’Estonie, Tallinn, est présidé par une femme et le maire de la deuxième ville du pays est aussi une femme.
Une ségrégation subsiste sur le marché de l’emploi où se produisent des écarts de salaires de 25%, les plus élevés des pays de l’Union européenne, et où les femmes sont confinées à des emplois traditionnels malgré leur niveau élevé d’éducation. Toutefois, en raison d’une croissance économique rapide, la participation des femmes au marché de l’emploi s’est accrue au cours de ces dernières années, faisant dire toutefois à une experte que ce n’était pas forcément un indicateur d’une progression qualitative. Même si le taux de chômage des femmes est inférieur à celui des hommes, soit 5,6% contre 6,2%, le taux de chômage le plus élevé a été enregistré auprès des jeunes femmes, soit 26%.
La délégation a précisé qu’un projet franco-estonien sera lancé en 2007-2008 afin de sensibiliser le secteur de l’emploi privé aux meilleurs outils et pratiques de promotion de l’égalité entre les sexes. La délégation a aussi expliqué que l’Estonie était confrontée à une pénurie de main d’œuvre féminine en raison des difficultés qu’ont les femmes à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Cependant des mesures ont été prises pour permettre aux pères de famille de prendre un congé de paternité et d’assumer leurs responsabilités familiales.
Certains experts se sont félicités de la création d’institutions chargées de la promotion de la femme, et de la promulgation de lois sur la parité et de la mise en place de mécanismes de suivi tout en prévenant l’État partie des conséquences de mécanismes de suivi dotés de ressources financières et humaines insuffisantes. Certains experts ont fait part de leurs préoccupations quant à la cohérence et l’uniformité des projets menés et au partage des compétences. La place de la Convention dans la législation nationale a également fait l’objet de nombreuses questions dans la mesure où, jusqu’à ce jour, elle n’avait jamais été invoquée devant les tribunaux estoniens malgré sa primauté sur les lois du pays.
Aux questions des experts sur les raisons expliquant la non-ratification du Protocole facultatif à la Convention par l’Estonie, la délégation a assuré que son Gouvernement se fixait, entre autres priorités, celle de ratifier cet instrument.
Le Comité, réuni en chambre B, examinera demain, mercredi 25 juillet à
10 heures, le sixième rapport périodique du Brésil.
Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site du CEDAW: www.un.org/womenwatch/daw/cedaw.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES: RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL PRÉSESSION
Quatrième rapport périodique de l’Estonie ( CEDAW/C/EST/4)
Déclaration liminaire
Mme MARINA KALJURAND, Chef de la délégation de l’Estonie, a passé en revue les développements récents qu’a connus son pays. La Loi sur l’égalité entre les sexes est entrée en vigueur le 1er mai 2004 et a constitué l’un des progrès les plus importants, a-t-elle indiqué. Celle-ci a précisé que l’absence de législation spécifique sur l’égalité entre les sexes dans son pays était source de préoccupation des experts lors du dernier examen des rapports de l’Estonie. L’objectif de la loi de 2004 est de promouvoir l’égalité comme un droit fondamental de la personne dans tous les domaines de la vie sociale. Le texte interdit la discrimination basée sur le sexe et donne droit à des réparations. Ce texte est progressif dans la mesure où il engage tous les acteurs de l’État à intégrer une dimension sexospécifique dans leurs activités. La loi a permis la création d’une institution indépendante pour l’égalité entre les sexes qui est habilitée à recevoir les plaintes et elle prévoit en outre de mettre en place un conseil consultatif sur l’égalité. Il n’existe pas de programme d’action spécifique à la parité mais cette dimension est intégrée dans les documents politiques des divers ministères. La représentante a également cité divers programmes d’évaluation, de sensibilisation et d’intégration de la dimension sexospécifique, mis en place en coopération avec les pays de l’Union européenne. En octobre 2005, un Commissaire pour l’égalité entre les sexes a été nommé mais cette institution doit être davantage développée. Depuis 2004, toute personne a le droit de saisir le Ministre de la justice en cas de violation de ses droits.
La représentante a informé le Comité des progrès réalisés par l’Estonie dans la lutte contre le trafic des personnes. Ce phénomène, a-t-elle indiqué, est en diminution grâce notamment à l’amendement au Code pénal qui criminalise désormais ceux qui facilitent la prostitution. Par mesure préventive, une campagne de sensibilisation pour les pays baltes et les pays nordiques a été mise en œuvre en 2002-2003 et une ligne d’appel d’urgence a été ouverte. En 2006, un Programme d’action de lutte contre la traite des êtres humains a été lancé. Trois abris pour victimes de la traite ont été ouverts et en mars 2004, l’Estonie est devenue partie au Protocole additionnel à la Convention contre la criminalité transnationale organisée, relatif à la prévention, la répression et l’élimination de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
S’agissant de la violence à l’égard des femmes, Mme Kaljurand a précisé que des projets de recherche ont permis de déterminer le taux de prévalence de ce phénomène, ses causes et conséquences mais il reste encore à étudier le coût de cette violence et de promouvoir des changements d’attitude chez les auteurs d’une telle violence. Il existe trois foyers pour femmes battues mis en place par des ONG mais ceci est insuffisant, a reconnu la représentante, certaines provinces n’offrant que des services minimes. De même, il n’existe aucun service à l’attention des auteurs de la violence. En 2006-2007 toutefois, l’Estonie a lancé un programme d’action contre la violence au foyer qui entrera en vigueur en 2008 et depuis 2006, il est possible de demander l’éloignement de l’auteur de violence.
La participation des femmes à la vie publique et politique a augmenté lentement au cours des dernières années, a précisé la représentante. Le nouveau Parlement, qui a lancé ses travaux en avril 2007, est présidé par une femme et l’un de ses vice-présidents est une femme. Le Gouvernement estonien actuel compte trois femmes ministres: au Ministère des affaires sociales, au Ministère des affaires démographiques et ethniques, et au Ministère de la culture.
En raison d’une croissance économique rapide, le marché de l’emploi a enregistré des développements positifs au cours des dernières années. Ainsi, le taux de chômage a baissé considérablement et les femmes ont été plus actives sur le marché du travail au cours des dernières années. Le taux d’emploi des femmes a augmenté plus rapidement que celui des hommes. Le taux de chômage des femmes en 2006 était de 5,6% contre 6,2% pour les hommes. Le manque de main d’œuvre constitue un problème. Les femmes âgées constituent la majorité de la main d’œuvre en raison de la création d’emplois de service. Par ailleurs, il existe encore des disparités de salaires dues aux préjugés sociaux. Un projet franco-estonien sera lancé en 2007-2008 afin de sensibiliser le secteur de l’emploi privé aux meilleurs outils et pratiques de promotion de l’égalité entre les sexes.
En matière de vie de famille, la représentante a indiqué qu’une loi sur les allocations parentales a été adoptée en 2004 qui vise à compenser la perte du salaire d’un des parents.
Dialogue avec les experts
Questions portant sur les articles 1 à 6
Abordant une première série de questions sur les articles 1 à 6 de la Convention, M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a voulu savoir si la situation des femmes en Estonie s’était améliorée depuis 2002. La mesure la plus importante prise par le Gouvernement estonien depuis l’examen du dernier rapport périodique par le Comité, a-t-il estimé, était l’adoption de la loi sur l’égalité entre les sexes adoptée en 2004. Sur ce point, il a demandé si la définition de la discrimination était fondée sur le sexe ou sur la notion de discrimination à l’égard des femmes. Il a voulu obtenir des informations précises sur le statut de la Convention dans le droit interne et sur l’absence de référence à la Convention dans les jugements rendus par les tribunaux. L’expert a demandé à la délégation estonienne si les magistrats avaient connaissance de l’existence de la Convention et a souhaité connaître des exemples de jurisprudence faisant référence à la Convention. Il s’est par ailleurs interrogé sur les mécanismes d’indemnisation avant de demander à la délégation de préciser les intentions de son gouvernement sur la ratification du Protocole facultatif.
Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, a jugé très impressionnants et même appropriés les mécanismes judiciaires nationaux. Elle s’est toutefois interrogée sur leur mise en œuvre qui semble se heurter à des difficultés budgétaires et de personnel compétent. Elle a en particulier regretté que le rapport n’indique rien sur le travail effectué par le Commissaire à la parité entre les hommes et les femmes et a demandé des précisions sur la date de création du Conseil de la parité entre les hommes et les femmes et sur le programme de conciliation.
Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, experte de la Croatie, s’est interrogée sur les raisons qui font obstacle à la ratification du Protocole facultatif, faisant remarquer que la quasi totalité de l’Union européenne y était partie. Elle a par la suite demandé si le Parlement avait participé à l’élaboration du rapport et des informations sur la coopération du Gouvernement estonien avec les organisations non gouvernementales en ce qui concerne notamment l’élaboration du rapport ou encore le suivi des recommandations du Comité. Constatant également qu’il n’y avait pas de cas de saisine ou de référence à la Convention par les tribunaux, elle a demandé à la délégation s’il existait des programmes spécifiques destinés aux juristes pour les informer sur la Convention et son application au niveau national. Concernant la Commission à la parité entre les hommes et les femmes, certaines organisations non gouvernementales l’ont jugée peu indépendante, a relevé l’experte, avant de demander des précisions sur son statut.
Répondant à cette première série de questions, la délégation a déclaré que les femmes avaient, d’une manière générale, une meilleure vie qu’en 2002, ce qui ne signifie pas que la situation soit parfaite. Concernant la loi sur la parité et le statut du Commissaire, la délégation a indiqué que la loi fournissait une définition de l’égalité des sexes qui s’applique à tous les domaines de la vie, ce qui la rend conforme à la Convention. Elle a précisé que le Gouvernement estonien a l’intention de parfaire la définition sur le harcèlement sexuel et que le problème de la violence à l’égard des femmes relevait du Code pénal.
Elle a indiqué qu’aucune affaire judiciaire n’ait fait mention de la Convention, ce qui est aussi le cas des autres conventions et traités internationaux. Pourtant les traités internationaux sont supérieurs à la législation nationale. La délégation a aussi reconnu que les juges devraient être davantage sensibilisés aux conventions internationales même si les droits de l’homme font partie de leurs cursus universitaires. Elle a précisé que les observations et recommandations des experts du Comité sont traduites en estonien et diffusées largement auprès du public ainsi qu’auprès du Parlement.
Le mandat de la Commissaire indépendante est de cinq ans, a-t-elle précisé. Au cours de sa première année, la Commission a été saisie de 92 demandes dont 42 pour discriminations et 22 de la part d’employeurs. Dix-neuf cas constituaient vraiment des situations de discrimination, cinq demandes étaient incomplètes, trois ont été retirées et 49 étaient en fait des demandes de précisions sur la loi. La Commissaire a participé aux discussions sur la loi sur la parité et le projet de loi sur l’égalité des chances qui est en cours d’examen au Parlement et sera adopté avant la fin de l’année. Les procédures volontaires de conciliation ne sont pas beaucoup usitées, a indiqué la délégation. Nous menons à l’heure actuelle des discussions importantes sur la composition du comité consultatif qui doit être représentatif des diverses institutions et organisations professionnelles et de la société civile.
La délégation a indiqué que son Gouvernement accordait une attention particulière à l’adoption du Protocole facultatif, qui a été traduit en estonien, et qu’il travaillait à l’heure actuelle au processus de ratification.
Lançant une autre série de questions, Mme FUMUKO SAIGA, experte du Japon, a demandé si l’avis rendu par la Commissaire avait fait l’objet d’un suivi. Elle a demandé des précisions au sujet du mode de fonctionnement des divers organes chargés de la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Mme MAGALYS AROCHA, experte de Cuba, a jugé floue la réorganisation du département de l’égalité des sexes au sein du Ministère estonien des affaires sociales. C’est pourquoi elle a demandé des éclaircissements sur le rôle de ce département, dont les activités semblent plus de nature technique qu’exécutive. Elle a émis des doutes sur sa fonction d’information auprès du Gouvernement et des organismes publics. Quelle est sa place au sein du système exécutif et quels sont les mécanismes qui assurent la coordination entre le département et le pouvoir local? Elle a par ailleurs tenu à obtenir des informations sur la durabilité des projets menés avec des fonds extérieurs et s’est demandée à cet égard s’il disposait d’un budget pour mener à bien les projets et pérenniser les résultats obtenus.
Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a noté que la persistance des disparités entre hommes et femmes en Estonie s’expliquait principalement par l’existence de stéréotypes et d’une distribution très traditionnelle des rôles entre hommes et femmes. Il manque l’attitude dynamique pour changer les schémas traditionnels concernant les hommes et les femmes, a-t-elle estimé, avant d’interroger la délégation sur les mesures entreprises par le Gouvernement estonien pour modifier les stéréotypes. L’experte a par ailleurs demandé des précisions sur les mécanismes nationaux chargés de la parité entre les sexes en attendant la création du Conseil de la parité entre les hommes et les femmes. Félicitant l’État partie pour l’adoption de la loi relative à l’égalité des sexes, l’experte a demandé des informations sur l’application de cette loi et sur l’existence de mécanismes d’évaluation.
Mme SHANTI DAIRIAM, experte de la Malaisie, s’est également interrogée sur le mode de financement des projets relatifs à la parité entre les sexes et aux droits des femmes, émettant des préoccupations sur la cohérence et l’uniformité des projets menés. Elle s’est également interrogée sur le partage des compétences entre le Comité interministériel chargé de promouvoir l’égalité entre les sexes et la Commission pour la parité entre hommes et femmes.
En réponse à la question des experts sur le financement des projets, la délégation a donné l’exemple d’un projet mené avec les pays nordiques sur la traite des êtres humains. Elle a précisé que l’État avait la responsabilité de financer le budget national et de poursuivre le projet entamé une fois la coopération terminée. S’il n’existe pas une seule et unique stratégie nationale chargée de la promotion des droits de la femme, cette dimension est intégrée dans les stratégies mises en œuvre par les différents ministères, a fait valoir la délégation. Elle est ensuite revenue sur les fonctions de la Commissaire, précisant que son équipe avait été renforcée de deux collaborateurs et qu’ils émettaient des avis et opinions qui aidaient les personnes qui la consultaient à déterminer s’il était nécessaire de porter l’affaire en justice.
Le Chancelier juridique est une personne indépendante qui s’assure de la conformité vis-à-vis de la loi et engage des procédures de conciliation dont le résultat est obligatoire, a expliqué la délégation. Il assume également le rôle d’ombudsman, a-t-elle ajouté.
La délégation a indiqué que le département de l’égalité entre les sexes au sein du Ministère estonien des affaires sociales assumait les fonctions du Conseil non encore formé. Sa réorganisation s’est accompagnée d’un accroissement des effectifs suite à l’intégration des questions de la famille au sein du département. Il assume un rôle consultatif auprès du Gouvernement au moment de l’élaboration de projets de loi et sur toutes les questions ayant trait à la parité, a ajouté la délégation.
La délégation a indiqué que son pays a constaté la prévalence de toute une série de stéréotypes qu’il nous faut combattre. La société tend à évoluer toutefois, le rôle des femmes étant de plus en plus reconnu. S’agissant de la relation entre la Commission pour la parité entre hommes et femmes et le Comité interministériel, elle a précisé que ce dernier était un groupe de travail chargé de l’examen de questions concrètes.
L’expert des Pays-Bas a abordé l’article 4 sur les mesures temporaires spéciales, précisant que celui-ci est en général mal compris et mal appliqué. Il s’agit d’une obligation de la part des États parties pour éliminer des discriminations profondément ancrées dans la société. Il a fait remarquer que le rapport indiquait que 37% de la population appuyait l’idée des quotas et que 63% de femmes parmi ces 37% y étaient favorables. Les enquêtes publiques sont utiles
mais elles ne peuvent pas servir d’excuses à l’État partie pour se soustraire à ses obligations internationales, a insisté l’expert. Il a souhaité que la délégation lui fournisse des exemples de mesures temporaires spéciales que l’État partie aurait adoptées.
La délégation a indiqué qu’il était souhaitable que les partis politiques adoptent un système de quotas sans qu’il soit nécessaire d’adopter une loi. Dans le cadre de la lutte contre la violence, nous avons en effet adopté des mesures temporaires spéciales en fournissant des services ciblant les femmes, a-t-elle expliqué. Des mesures ont aussi été prises dans le cadre des politiques de l’emploi pour tenir compte des tendances actuelles.
Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, a demandé de préciser les mesures prises pour amender les manuels scolaires. S’agissant de la violence envers les femmes, elle a demandé si le Gouvernement estonien fournissait un appui aux ONG qui dirigent les refuges pour femmes victimes de violence au foyer. Elle a relevé qu’un grand nombre de résultats sont dus en partie à l’aide reçue des États membres de l’Union européenne. Elle a demandé si le Gouvernement était en mesure d’envisager une augmentation du financement de ces programmes pour qu’ils ne soient pas tributaires de l’aide européenne.
L’experte de la Croatie a rappelé que les expertes avaient recommandé dans le passé l’adoption d’une loi spécifique sur la violence domestique ainsi que des mesures d’aide aux victimes. Nous constatons toutefois que le pays a choisi de ne pas adopter de loi spécifique à ce phénomène mais d’amender son Code pénal en la matière. Pourquoi l’État partie a-t-il mis tant de temps pour rédiger le projet de plan national de lutte contre la violence puisqu’il a décidé de ne pas adopter de loi spécifique? Comment compte-t-il améliorer la collecte de statistiques sur les cas de violence domestique? Quelles sont les possibilités pour les femmes victimes de violence de bénéficier de l’aide juridique gratuite?
Concernant la traite, la délégation a indiqué qu’un plan de développement a été mis en place pour lutter contre le phénomène en 2006-2009. Si la traite n’est pas un problème majeur en Estonie, a estimé la délégation, il est cependant important de faire face à ce problème, a fortiori dans un environnement de mondialisation croissante, et donc de poursuivre la coopération aux niveaux régional et international. Dans le cadre des efforts d’assistance aux victimes, la délégation a précisé que des centres de réhabilitation ont été créés pour assurer aux femmes victimes de la traite un soutien psychologique et des soins.
Pour lutter contre la violence familiale, une étude sur les personnes violentes a été menée pour analyser les causes de cette violence, déterminer les moyens d’y remédier et de proposer des mesures adéquates. Par ailleurs, le Gouvernement central et les pouvoirs publics locaux fournissent un appui aux organisations qui gèrent les refuges, a-t-elle ajouté. La délégation a également indiqué que la victime d’actes de violence peut être protégée grâce à une ordonnance restrictive d’une durée maximum de trois ans.
L’experte de la Croatie a demandé dans un premier temps des indications complémentaires sur les mécanismes d’assistance juridictionnelle à disposition des victimes de violence familiale, puis sur l’existence de campagnes nationales de lutte contre la violence pour donner suite aux campagnes du Conseil de l’Europe sur ce thème. L’expert des Pays-Bas a demandé, quant à lui, des informations supplémentaires sur la loi sur la parité entre hommes et femmes qui, selon lui, n’inclut pas de définition de la discrimination à l’égard des femmes. Par ailleurs, il a regretté qu’il n’y ait pas de suivi des avis de la Commissaire à la parité entre les hommes et les femmes et s’est interrogé sur les possibilités de compensation et d’indemnisation. L’experte d’Israël a voulu savoir si les avis de la Commissaire étaient pris en compte. Elle a demandé à la délégation si la Commissaire participait aux réunions gouvernementales et si les instances gouvernementales étaient tenues de prendre en compte ses recommandations dans le cadre du processus législatif.
Répondant aux questions complémentaires des experts, la délégation a indiqué que l’aide fournie aux victimes dans les refuges était un système d’aide juridique gratuite, financé à partir du budget de l’État. Elle a par ailleurs précisé qu’une campagne nationale en langue russe et estonienne avait été mise en œuvre pour lutter contre la violence familiale.
En réponse à la demande de précisions sur la loi sur la parité entre hommes et femmes, la délégation a indiqué que la loi prenait en compte non seulement les discriminations passées et actuelles mais prévoyait également les possibilités de discriminations futures. S’agissant des mesures d’indemnisation et de réparation, elle a expliqué que la Commissaire n’est habilitée qu’à émettre un avis sur le caractère discriminatoire d’un fait. C’est aux tribunaux de déterminer s’il y a eu ou non discrimination.
Questions portant sur les articles 7 à 9
Abordant une nouvelle série de questions sur les articles 7 à 9 de la Convention, respectivement relatifs à la vie politique et publique, la représentation et la nationalité, Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte d’Algérie, a félicité la délégation pour les progrès réalisés depuis le dernier rapport. Toutefois, si 29,6% des élus locaux en 2005 étaient des femmes contre 28,4% en 2002, l’experte a estimé qu’avec une population de 1,4 million d’habitants, il était possible de faire davantage de progrès. Elle a à cet égard demandé des informations chiffrées sur la composition du Parlement et notamment sur la proportion des femmes d’origine russe, ukrainienne et bélarusse et sur le taux de représentation des femmes dans la magistrature. Elle a également tenu à recevoir des indications sur les actions que mène le Gouvernement envers les russophones.
Elle s’est aussi interrogée sur les conditions d’acquisition de la nationalité estonienne, notamment de la mère à l’enfant et d’une femme à un apatride. Elle a en outre demandé des explications sur le taux élevé d’apatrides dans le pays.
En réponse aux questions de l’experte de l’Algérie sur la nationalité, la délégation a indiqué que le taux d’apatrides dans le pays était de 8% contre 32% lors de l’accession à l’indépendance de l’Estonie en 1991. Cette baisse s’explique d’une part par un mouvement d’émigration vers la Russie et d’autre part par l’acquisition de la nationalité estonienne pour la majorité des cas. S’agissant des conditions d’acquisition de la nationalité, l’enfant devient automatiquement estonien si l’un des deux parents a la nationalité estonienne. Toutefois, la citoyenneté estonienne n’est pas attribuée automatiquement par le mariage, a-t-elle reconnu, précisant qu’une demande devait être faite dans ce cas. Elle a par ailleurs expliqué la proportion du taux d’apatride par le manque de motivation de la population apatride elle-même, celle-ci ne souffrant d’aucune discrimination sur la base de leur statut en ce qui concerne les droits sociaux.
La délégation a indiqué que des progrès avaient été réalisés en termes de représentation politique tout en reconnaissant qu’il restait beaucoup à faire et qu’il importait d’encourager les femmes à participer davantage à la vie politique. Elle a aussi fait remarquer que plus de la moitié des fonctionnaires étaient des femmes, qui occupaient parfois des postes élevés, notamment au Ministère des affaires étrangères. Ainsi, 24% des ambassadeurs et directeurs généraux au sein de ce Ministère sont des femmes, a-t-elle précisé. Par ailleurs, 3 des 6 membres estoniens au Parlement européen et 24 sur les 101 membres du Parlement national, soit 22%, sont des femmes, a indiqué la délégation. Bien que leur participation à la vie publique et politique du pays augmente, leur nombre demeure insuffisant, a-t-elle reconnu. Elle a déclaré ne pas disposer de statistiques sur la représentation des minorités nationales au sein du Parlement.
Articles 10 à 16 de la Convention
Mme XIAOOQIAO ZOU, experte de la Chine, a relevé le bon taux d’éducation des filles tout en jugeant qu’elles restaient confinées à des domaines traditionnels, ce qui les défavorise sur le marché de l’emploi. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement estonien pour inciter les étudiantes enceintes à reprendre leurs études après leur grossesse? Elle a relevé le peu de femmes dans l’enseignement supérieur qui est de 17%, soit 1% seulement de progression par rapport à la dernière présentation du rapport de l’Estonie. L’experte du Portugal a relevé elle aussi une contradiction qui veut qu’il y ait un nombre élevé de filles élèves dans l’enseignement supérieur et un nombre faible de femmes professeurs.
L’experte de Cuba s´est félicitée de ce que la place des femmes sur le marché de l’emploi se soit améliorée tout en jugeant que ce n’était pas forcément un indicateur d’une progression qualitative. Elle a souhaité obtenir des statistiques dans ce domaine, notamment pour ce qui est des écarts de salaires qui, à la lecture de rapports alternatifs d’Amnesty International notamment, sont de nature à susciter des préoccupations.
L’experte du Ghana a demandé si des études avaient été réalisées pour connaître les causes de l’augmentation du taux d’infection des femmes par le VIH/sida. Elle a relevé que le pays a tendance à se concentrer uniquement sur les utilisateurs de drogues injectables alors que le comportement sexuel des jeunes a été reconnu comme posant également un problème. Il constitue certainement la raison expliquant l’augmentation du taux d’infection des femmes, a-t-elle indiqué.
L’experte de la Chine a demandé si depuis la promulgation des lois sur l’égalité entre hommes et femmes, des campagnes de sensibilisation avaient été lancées par le Gouvernement estonien et si des employeurs avaient été sanctionnés pour discrimination. Même si le taux de chômage des femmes est inférieur à celui des hommes, le taux de chômage le plus fort a été enregistré auprès des jeunes femmes, soit 26%. Quelle est la cause du chômage des jeunes femmes?
L’experte de la Malaisie a rappelé à la délégation qu’une recommandation avait été formulée dans le passé pour que le Gouvernement estonien développe ses activités de recherche sur la santé des femmes. Elle a regretté l’absence de données ventilées par sexe en la matière.
Intervenant à son tour, Mme ANAMAH TAN, experte de Singapour, a demandé dans quelle mesure les femmes avaient été prises en compte dans le cadre du programme de développement rural de l’Estonie. Comment les femmes rurales ont-elles accès aux processus de prise de décisions alors qu’elles ne sont présentes qu’à hauteur de 20% dans les instances politiques des communautés rurales? Elle a aussi relevé que 23% des ménages vivent dans des conditions de pauvreté et dans des logements insalubres qui ne disposent ni de toilettes, ni de douche. Est-ce que cette situation touche les zones rurales uniquement?
Répondant à un certain nombre de questions posées dans la matinée, la délégation a expliqué que le nombre de femmes assassinées chaque année est de 40, la moitié l’étant à la suite de violences familiales. Trois victimes de traite ont fait une demande auprès des refuges. Passant à la situation des femmes et l’éducation, elle a convenu que les femmes s’orientaient plutôt vers des matières traditionnelles tout en assurant que l’attitude des familles évoluait. La Présidente du Parlement, qui est elle-même une universitaire, est très sensible à la question de concilier la vie professionnelle et la vie de famille des professeurs d’université. Par ailleurs, le nombre d’adolescentes enceintes dans le secondaire est très faible et elles peuvent choisir entre la possibilité de rester à l’école et celle de suivre des cours du soir. Le taux d’échec scolaire dans le primaire est préoccupant, a convenu la représentante, notamment pour ce qui concerne les garçons.
La délégation a reconnu que les écarts de salaire de 25%, soit le taux le plus élevé de l’Union européenne, était très préoccupant. Elle a reconnu que les mesures prises dans la passé n’avaient pas été couronnées de succès et n’avaient pas permis de réduire cet écart. Nous allons lancer un projet sur l’égalité homme femme comme principe de base de la durabilité du secteur privé, a-t-elle assuré. Sur le marché de l’emploi, a expliqué la délégation, il existe un problème lié à la pénurie de main d’œuvre féminine en raison des difficultés qu’ont les femmes à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Cependant des mesures ont été prises pour faciliter la prise du congé de paternité et pour que les pères assument leurs responsabilités familiales.
En réponse aux questions sur la loi sur les salaires, la délégation a assuré que le principe « à travail égal, salaire égal » était appliqué. Elle a toutefois reconnu qu’il existait toujours une différence salariale d’environ 23% entre hommes et femmes. Le problème de la rémunération inégale est à présent reconnu au sein de la société grâce notamment aux médias, a-t-elle précisé. Concernant les femmes rurales, la délégation a indiqué que plusieurs organisations de femmes travaillaient à redynamiser le développement des zones rurales tel le mouvement Kodukant. Elle a ajouté que, suite aux dernières élections locales, 20% des femmes participaient concrètement au développement de la vie rurale en participant directement à la prise de décisions.
Abordant la question du harcèlement sexuel, la délégation a fait remarquer que si aucune affaire en la matière n’est actuellement examinée par un tribunal, une étude menée en 2005 a révélé cependant que 31% des femmes et 19% des hommes avaient fait l’objet d’harcèlement sexuel au cours de l’année. Il ressort en outre de cette enquête que les cas de harcèlement se sont produits principalement dans un cercle d’amis plutôt que sur le lieu de travail.
S’agissant des programmes de lutte contre le VIH/sida, le Gouvernement estonien a mis en place des programmes spécifiques pour les jeunes, les prostituées, les prisonniers, la propagation ne touchant plus uniquement les personnes droguées, a fait savoir la délégation. Par exemple, 18 centres d’aide et de consultation pour les jeunes, dirigés par des organisations non gouvernementales, ont été mis en place et sont financés par le Gouvernement central et les pouvoirs publics locaux.
La mortalité maternelle est rare en Estonie et ne concerne qu’un ou deux cas par an, a poursuivi la délégation. Les soins génésiques et reproductifs sont d’un très haut niveau mais se concentrent davantage sur les femmes et attirent peu les hommes, a reconnu la délégation.
Abordant une dernière série de questions sur les articles 15 et 16, l’experte d’Israël s’est interrogée sur la disponibilité des nouvelles méthodes de reproduction, telle la fécondation in vitro, en dehors du cadre du mariage et a par ailleurs demandé des informations chiffrées sur la pratique de l’union libre. Elle a ensuite demandé si le droit de propriété concernait également les biens immobiliers.
L’experte de Singapour a estimé que l’un des changements principaux du nouveau droit de la famille portera sur la division des biens au moment du divorce. Elle a à cet égard fait valoir que la contribution directe d’un bien était une condition pour que la femme puisse obtenir sa part au moment du divorce et que les hommes avaient généralement une position plus avantageuse sur le plan financier. Elle a donc demandé si les contributions indirectes des femmes, comme leur participation à la vie du foyer, seront également prises en compte dans cette nouvelle loi et si une étude de l’impact de cette nouvelle loi avait été menée. Elle s’est par ailleurs dite préoccupée par le manque de protection des unions libres et a demandé à ce que la population soit sensibilisée aux problèmes que pourraient poser une telle union.
L’experte l’Algérie a estimé pour sa part que l’âge de mariage devrait être identique pour les garçons et les filles. Elle a à cet égard demandé à la délégation d’appliquer les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles l’Estonie est partie et de ramener l’âge du mariage pour les filles à 18 ans, en vue de se conformer à la Convention sur les droits de l’enfant et en particulier à son article 16.
Répondant à diverses questions, la délégation a indiqué que le phénomène du concubinage est très répandu en Estonie. L’insémination artificielle est disponible pour les femmes non mariées, a-t-elle ajouté. Les contraceptifs sont par ailleurs remboursés à hauteur de 50% par le Fonds pour l’assurance estonienne.
En ce qui concerne la nouvelle loi sur le droit de la famille, la délégation a indiqué que le projet de loi, qui est actuellement examiné par le Parlement, prévoit qu’il y ait séparation de biens à la dissolution d’un mariage. En outre, la différence entre les avoirs de l’homme et de la femme sera de plus répartie entre les deux, a-t-elle expliqué.
L’experte d’Israël a demandé si les lois sur le partage des biens concernaient les couples en union libre. Pour ce qui est des droits de propriété, elle a demandé ce qu’il advenait des revenus et biens acquis après la séparation.
Intervenant à son tour, l’experte de Singapour a noté une diminution du taux de divorce qui s’est stabilisé autour de 20% en 2002 et a demandé une explication sur cette évolution de la situation.
Répondant à ces dernières questions, la délégation a indiqué qu’en Estonie, la propriété des couples en union libre était différente de celle des couples mariés pour le moment. Elle a regretté de ne pouvoir fournir de réponses à la question sur la séparation des biens futurs et de la baisse du taux de divorce.
Composition de la délégation de l’État partie
Outre Marina Kaljurand, Ambassadeur au Ministère des affaires étrangères estonien, la délégation est composée de: Tiina Intelmann, Représentante permanente de l’Estonie auprès des Nations Unies, Heljo Pikhof, députée et présidente de la Commission des affaires sociales au Parlement, Kadi Katharina Viik, Directrice du département de l’égalité entre les sexes au Ministère des affaires sociales, Mai Hion, chef de la division des droits de l’homme du département des affaires juridiques du Ministère des affaires étrangères et Ülle-Marike Papp, Conseillère au département de l’égalité entre les sexes au Ministère des affaires sociales.
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