LES COUTUMES DISCRIMINATOIRES ET LA FAIBLESSE ÉDUCATIVE ET ÉCONOMIQUE DONT SOUFFRENT LES NIGÉRIENNES INQUIÈTENT LES EXPERTS DU COMITÉ DE LA CEDEF
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Comité pour l’élimination de la discrimination
à l’égard des femmes
Trente-huitième session
789e et 790e séances – matin et après-midi
LES COUTUMES DISCRIMINATOIRES ET LA FAIBLESSE ÉDUCATIVE ET ÉCONOMIQUE DONT SOUFFRENT LES NIGÉRIENNES INQUIÈTENT LES EXPERTS DU COMITÉ DE LA CEDEF
Face à l’insuffisance de son dispositif législatif et à la persistance de coutumes et de stéréotypes discriminatoires, le Niger a encore de nombreux progrès à accomplir dans la mise en œuvre de la Convention CEDEF*. C’est le constat dressé aujourd’hui par les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui examinaient aujourd’hui le rapport unique valant rapport initial et deuxième rapport du Niger.
Les nombreuses réserves formulées par le Niger à l’égard de la Convention ont été dénoncées par les experts. Le Niger a ratifié d’autres instruments internationaux qui contiennent des clauses d’égalité des sexes, ont-ils relevé. Les réserves émises par le Niger à l’égard de la Convention ne sont donc pas nécessaires, a noté l’expert des Pays-Bas.
Les experts ont déploré le faible niveau d’éducation des femmes au Niger, qui les empêche de connaître leurs droits. Dans ce pays, ont-ils noté, le taux de scolarisation des garçons est en effet disproportionné par rapport à celui des filles et des femmes, dont le taux d’achèvement du cycle de scolarité reste très bas. Le taux d’analphabétisme féminin, qui est de 92% reste extrêmement haut, ont fait remarquer les experts du Comité en soulignant à l’instar de l’experte de la France, que l’éducation des femmes devrait devenir une priorité au Niger.
Il faut d’autre part multiplier les campagnes de sensibilisation à l’amélioration du statut de la femme à l’attention des femmes elles-mêmes, et lutter contre les préjugés et les coutumes discriminatoires, ont recommandé les experts. À cet égard, ils ont estimé que le Niger devait renforcer son dispositif législatif et réformer certaines des lois extrêmement discriminatoires toujours en vigueur. Ainsi, se sont-ils étonnés en illustrant une anomalie allant à l’encontre de la Convention, le Code civil napoléonien de 1804 reste partiellement appliqué au Niger.
S’agissant de la situation socioéconomique des femmes, le comité a noté qu’elles représentent 73% de la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté. Les femmes rurales sont les plus défavorisées, leur accès à l’éducation, à l’eau, aux services de santé ou encore aux ressources productives étant fort limité. 53% des femmes vivant en milieu rural au Niger sont éloignées où très éloignées des établissements de santé, contre 0,8% des femmes urbaines, ont relevé avec regret les experts.
Ils ont néanmoins salué l’introduction par le Gouvernement du Niger d’un quota minimal qui fixe à au moins 10% le nombre de sièges que les Nigériennes doivent occuper dans les fonctions électives et à 25% celui des postes qui leur reviennent au Gouvernement et dans l’administration publique. S’agissant de la lutte contre les pratiques coutumières nocives et transgressant les termes de la Convention, les experts ont félicité le Niger pour les mesures qu’il a récemment prises contre la pratique de l’excision.
Le Comité poursuivra ses travaux, en séance privée, mercredi, le 30 mai. Sa prochaine séance publique sera annoncée dans le Journal.
Composition de la délégation de l’État partie: outre Mme Ousmane Zeinabou Moulaye, la délégation était composée d’une vingtaine de représentants dont les principaux sont: Mme Mariama Mathieu, Député national, M. Abani Aboubacar Ibrahim, Ambassadeur et Représentant permanent du Niger auprès des Nations Unies, Mme Habsou Ali, Conseillère en Genre de la Présidence de la République et Mme Barré Haoua, Secrétaire générale au Cabinet du Premier ministre.
* Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
Présentation du rapport unique, valant rapport initial et deuxième rapport périodique, du Niger (CEDAW/C/NER/1-2)
Mme OUSMANE ZEINABOU MOULAYE, Ministre de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant du Niger, a déclaré que la femme et l’enfant étaient les catégories sociales les plus vulnérables de la société nigérienne et qu’en ce sens, leur protection était un souci constant pour les autorités de son pays. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a adopté la « Politique nationale de la promotion de la femme » en 1996, qui est fondée sur le respect des droits des femmes, l’égalité entre les sexes, l’égalité des chances et leur protection, a-t-elle indiqué.
Sur le plan politique, Mme Zeinabou Moulaye a fait remarquer qu’en plus de l’adhésion de son pays à la CEDEF en 1999 pour accroître la représentation des femmes aux instances de prise de décisions, un quota, qui leur attribue 10% des sièges dans les fonctions électives et 25% dans l’administration de l’État et au Gouvernement a été instauré.
Sur le plan socioéconomique, 63% de la population du Niger vivent en dessous du seuil de pauvreté. Soixante-treize pour cent de ces pauvres sont des femmes, a fait savoir la représentante. À cet égard, parmi les dispositifs mis en œuvre par le Gouvernement du Niger pour améliorer les conditions de vie des populations, figurent, notamment, le Document stratégique de lutte contre la pauvreté, adopté en 2002, des actions de microcrédit et la scolarisation de tous les enfants sans distinction de sexe, a indiqué la Ministre.
Malgré les difficultés économiques connus par le pays, le Gouvernement a déployé des efforts considérables pour améliorer la qualité et l’accès aux services de santé, a-t-elle poursuivi. Elle a à cet égard fait part de la mise en place d’un plan de développement de santé pour la période 2005-2010, qui est axé sur la santé de la femme et de l’enfant; et elle a cité l’adoption, en juin 2006, de la loi sur la santé de la reproduction.
En matière de lutte contre les violences à l’égard des femmes, le Niger a procédé en 2003 à la réforme de son code pénal et de son code de procédure pénale, a ensuite déclaré la représentante. À présent, des infractions relatives aux crimes et délits d’esclavage, aux mutilations sexuelles et au harcèlement sexuel sont punies par la loi, a-t-elle indiqué. Elle a informé le Comité que son pays avait ratifié sans réserve le protocole facultatif du CEDEF.
La promotion du genre occupe une place prépondérante dans nos plans et programmes de développement, et elle fait partie intégrante de la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté, a ajouté Mme Zeinabou Moulaye. Cette promotion est une condition de justice sociale, et représente le seul moyen de bâtir une société viable, juste et développée, a-t-elle déclaré. Une « Politique nationale du genre » a en ce sens été mise en place pour réduire les inégalités et éliminer les stéréotypes sexistes, a-t-elle fait savoir, avant de réaffirmer l’engagement de son pays à poursuivre ses efforts en faveur de la promotion et de l’amélioration du statut de la femme.
Dialogue avec les experts
Questions concernant les articles 1 et 2
Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a exhorté le Gouvernement du Niger à réfléchir sur les réserves qu’il a formulées à l’égard de la Convention. Il semble qu’il y ait des attitudes contradictoires de la part du gouvernement, a noté l’experte. La Convention demande des résultats quant à l’abolition des normes culturelles et traditionnelles, a-t-elle noté en estimant que des mesures sont à prendre pour changer les comportements et les mentalités, et que le Niger devrait changer les réserves qu’il émet, notamment en ce qui concerne son statut de société islamique. Il faut commencer à lancer des campagnes de sensibilisation dans toute la société pour retirer les réserves qui ont été émises le plus vite possible, a indiqué l’experte.
M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a rejoint les commentaires faits par sa collègue au sujet des réserves. Celles-ci ont en effet trait aux articles fondamentaux de la Convention, a-t-il fait remarquer. Le Niger a ratifié sans réserve d’autres instruments de droit international humanitaire, qui contiennent des clauses d’égalité des sexes. Les réserves du Niger à l’égard de la Convention CEDEF ne sont donc pas nécessaires, a expliqué l’expert. M. Flinterman a cependant salué la ratification du Protocole par le Niger. Néanmoins, les femmes ne connaissent pas leurs droits en raison du taux d’analphabétisme élevé, a-t-il relevé. Il a donc demandé ce qui était fait pour que les femmes connaissent leurs droits au Niger.
Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a rappelé l’article de la Convention qui interdit que soient émises des réserves contraires à l’esprit et au but de la Convention. Or, les réserves émises par le Niger le sont, a affirmé l’experte. Quels sont les efforts déployés au Niger pour faire connaitre la Convention CEDEF et le Protocole facultatif? a-t-elle demandé. Il devrait y avoir une volonté politique et un effort du Gouvernement du Niger pour changer les traditions et les conceptions qui y ont cours à l’encontre des femmes.
Mme FERDOUS ARA BEGUM, experte du Bangladesh, a dénoncé les textes juridiques discriminatoires existant au Niger à l’encontre des femmes. Le processus d’élaboration du code de la famille n’est pas encore terminé à cause des conceptions discriminatoires à l’égard des femmes au sein de la famille. Les droits des femmes ne sont donc pas garantis par la loi, mais ils sont régis par la coutume et les traditions, a conclu l’experte, en soulignant que les femmes nigériennes continuent de souffrir de la violence familiale. L’experte a demandé à la délégation nigérienne quand le code de la famille serait adopté et si les dispositions de la Convention allaient y être incorporées.
Mme FRANCOISE GASPARD, experte de la France, a déploré les réserves formulées par le Niger à l’encontre de la Convention. Elle a rappelé que le Code civil napoléonien de 1804 était partiellement appliqué au Niger. Elle a donc demandé si les articles discriminatoires du Code civil y avaient été annulés.
Mme DUBRAVKA SĬMONOVIC, experte de la Croatie, a demandé si le Niger envisageait de ratifier le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme, qui est relatif aux droits de la femme.
La délégation de l’État partie a expliqué que depuis la ratification de la Convention, beaucoup d’efforts avaient été effectués. En outre, la réserve dont il est question avait été formulée pendant une période de régime d’exception au Niger, lorsque le pays avait beaucoup de problèmes internes à résoudre. Mais quand le Niger est revenu dans une situation normale d’état de droit, le gouvernement a compris qu’il fallait tout faire pour avoir un environnement serein. Un argumentaire sur la levée des réserves a été formulé au Niger, a indiqué la délégation. D’autre part, un argumentaire islamique sur l’égalité des genres plaide également en faveur des femmes, a-t-elle estimé, en indiquant que le processus en était engagé. Le maintien de la coutume a été jugé nécessaire depuis la période coloniale, a ensuite expliqué la délégation nigérienne. Néanmoins, le législateur a pris des mesures relatives au cadre d’application de la coutume. Ainsi, elle ne doit pas être contraire à une législation internationale, et les coutumes « obscures » doivent être écartées. D’autre part, les parties en présence ont le droit de choisir l’application ou non d’une coutume. Les coutumes et traditions vont progressivement disparaître, et les méthodes et comportements changeront progressivement, a dit la délégation. Certaines dispositions du Code civil ne peuvent être appliquées que lorsque les parties le choisissent, a expliqué la délégation. S’agissant des recours, a-t-elle poursuivi, la Convention est directement applicable. Elle est donc supérieure à la loi nationale et son application reste égale à ce qu’elle doit être dans les termes du texte. La délégation a d’autre part expliqué que la femme nigérienne était protégée par la loi en ce qui concerne le harcèlement sexuel. À cet égard, la « voie de fait » permet à tout citoyen du Niger de saisir les juridictions pénales et de porter plainte.
Questions concernant l’article 3
Abordant l’examen de l’application, par l’État partie de l’article 3, relatif aux mesures législatives, Mme SAISUREE CHUTIKUL, experte de la Thaïlande, s’est interrogée sur les différences qui existaient entre les politiques gouvernementales en 1996 et en 2006, ces politiques visant toutes les deux à promouvoir les droits de la femme. Elle a à cet égard demandé à la délégation du Niger des informations supplémentaires sur les mécanismes de coordination existant entre tous les ministères qui mènent des politiques dans ce domaine et sur les instruments utilisés pour garantir la mise en œuvre de ces politiques.
L’experte de la France s’est également interrogée sur la question des moyens disponibles pour la mise en œuvre de ces politiques en faveur des femmes. Notant le fort taux d’analphabétisme dont souffre le Niger, elle a déclaré que la scolarisation des femmes était un élément fondamental pour le développement du pays. Elle a en ce sens demandé des détails sur les actions de sensibilisation menées au Niger pour permettre aux femmes nigériennes de connaître leurs droits.
Mme VIOLETA NEUBAUER, experte de la Slovénie, a également souhaité recevoir de plus amples renseignements sur les mécanismes nationaux relatifs à la promotion de la femme et sur les ressources allouées à ces mécanismes. Elle a par ailleurs demandé quels obstacles se posant à la mise en œuvre de ces politiques avaient été identifiés par le Gouvernement.
Mme NAELA MOHAMED GABR, experte de l’Égypte, a déploré que, malgré la mise en place d’actions de longue date en faveur de la promotion des droits de la femme, il existait toujours des problèmes qui entravent le bon fonctionnement de ces mécanismes. Déclarant que le Niger se devait de s’organiser pour éviter toute duplication de mandat dans les divers mécanismes et institutions, l’experte s’est demandée quelles étaient les mesures prises par le Gouvernement du Niger pour éviter tout double emploi.
L’experte de l’Allemagne a, pour sa part, voulu connaître les mesures de sensibilisation prises pour diffuser le résultat des verdicts relatifs aux violences commises à l’encontre des femmes et a demandé que soient fournies des données chiffrées sur la question. Préoccupée par les éventuels effets négatifs que pourraient avoir les résultats des négociations sur la libéralisation du commerce entre l’Union européenne et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’experte a demandé des informations sur l’impact d’une telle libéralisation sur la sécurité alimentaire des femmes nigériennes.
Répondant à cette série de questions, la délégation de l’État partie a indiqué qu’en 2006 une politique sur le genre avait été adoptée pour changer les comportements discriminatoires et créer un environnement propice à l’égalité des sexes.
S’agissant des questions relatives sur le suivi des politiques et sur l’Observatoire national pour la promotion de la femme, la délégation a indiqué que cet Observatoire assumait une fonction de suivi des actions gouvernementales relatives à la promotion du statut de la femme et de conseil pour accroître l’efficacité de ces politiques, et qu’il entretenait des rapports étroits avec le Gouvernement. Pour combler les lacunes, la représentante a indiqué qu’était privilégiée une action concertée avec les organisations non gouvernementales et les associations, ce qui permet de compléter l’action gouvernementale sur le terrain et la coopération avec les chefs traditionnels qui participent aux actions de sensibilisation pour lutter notamment contre les mariages précoces. Les principaux obstacles à la mise en œuvre des politiques conçues en faveur des femmes sont l’illettrisme, la pauvreté, le manque d’information sur les droits des femmes et le manque de confiance, a ajouté la délégation du Niger.
Répondant aux questions sur la situation de la scolarisation au Niger, la délégation a indiqué que le taux de scolarisation des femmes y est passé de 29% en 2000 à 44% en 2006 pour un taux moyen national qui était de 54% en 2006. Cette évolution s’explique par la mise en œuvre d’actions de sensibilisation, notamment celle des filles, et par l’utilisation de mesures incitatives sous forme de distribution de kits scolaires et de vélos pour les familles qui acceptent de scolariser leurs filles, a-t-elle fait savoir.
Concernant les mesures de sensibilisation sur les verdicts relatifs aux violences commises à l’encontre des femmes, c’est le code de procédure pénale qui régit ce domaine, a fait savoir un membre de la délégation du Niger, qui a également rappelé les bénéfices provenant du travail de la presse en ce domaine. Concernant l’existence et la disponibilité de données statistiques, le représentant nigérien a indiqué qu’elles n’étaient toujours pas disponibles, le Ministère n’ayant pas terminé son travail d’informatisation.
Le processus relatif à l’adoption du Code de la famille est relancé, a expliqué la délégation nigérienne. Le Code du statut personnel doit être adopté et doit faire l’objet d’un consensus. D’autre part, toutes les parties prenantes au rapport ont été invitées. Lors de la réception des questions, toutes les parties ont également été invitées pour l’élaboration des réponses. Dès 2003, le Niger a élaboré une stratégie nationale de mise en œuvre des dispositions de la Convention CEDEF, a précisé la délégation. Les stéréotypes perdurent cependant, notamment dans la magistrature et la police. Des actions ont donc été ciblées dans ces deux sphères afin de vulgariser la Convention CEDEF et de sensibiliser les professionnels aux dispositions de la Convention, et des actions ont également été lancées à l’attention des journalistes afin de les sensibiliser aux questions des droits des femmes, a dit la délégation de l’État partie. Sur le même thème, elle a ajouté que des actions destinées aux points focaux des Ministères avaient été entreprises afin de les former. Le Gouvernement au Niger est instable, mais des programmes de sensibilisation ont été mis en place à l’attention de tous les ministères afin de leur faire connaitre la Convention et ses dispositions.
Questions concernant l’article 4
L’experte de la République de Corée a déploré le manque de compréhension existant envers l’article 4, notamment en ce qui s’agit des mesures temporaires spéciales. La plupart des politiques adoptées au Niger sont des programmes généraux et non pas des mesures temporaires spéciales, a noté Mme Heisoo Shin. L’experte a proposé que la délégation lise la recommandation numéro 25, qui a trait aux mesures spéciales publiées par le Comité. Ces mesures ont pour but d’accélérer l’égalité de facto entre hommes et femmes, a-t-elle précisé. Elle a demandé si le Niger pouvait envisager d’élargir la loi sur les quotas de 2000, ou bien d’avoir une vision élargie des mesures spéciales. Cela lui permettrait d’adopter des mesures temporaires spéciales dans davantage de domaines, a souligné l’experte.
Les femmes sont à l’avant-garde des luttes politiques et ont le droit de se porter candidates à des postes électifs, a affirmé la délégation du Niger. En outre, des femmes ont occupé de hautes fonctions dans les instances les plus hautes du Niger, et le Ministère de la communication a été occupé par une femme, a-t-elle ajouté. La ratification de la CEDEF a permis de sortir du carcan dans lequel se trouvait le Niger. Les femmes sont aujourd’hui sur tous les fronts, a affirmé la délégation. Maintenant, la femme nigérienne a la parole et participe à la vie politique nationale. Des résultats probants ont été obtenus en ce domaine, et le Niger a fait un bond en avant grâce à la ratification de la Convention, a indiqué la délégation. Quatorze femmes sont entrées au Parlement, accédant ainsi le quota fixé par la loi, et six femmes occupent des postes ministériels. Au Parlement et ailleurs, les femmes siègent au même titre que les hommes, et elles participent aux votes et au dépouillement des votes.
La loi sur les quotas est considérée comme une discrimination positive car elle permet aux femmes d’accéder à des postes de responsabilité. Il a également été créé au Niger une instance chargée de la promotion de l’éducation des filles. D’autres actions de discrimination positive ont été créées, a expliqué la délégation au Comité. La loi sur les quotas est en effet appliquée dans tous les secteurs professionnels, et pas seulement dans le domaine politique. Ainsi par exemple, chaque année, le nombre de femmes militaires augmente.
Questions concernant l’article 5
Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a félicité le Niger pour les nombreuses mesures adoptées pour lutter contre les discriminations. L’article 5 demande que l’État partie prenne des mesures pour éliminer les préjugés traditionnels et les pratiques coutumières. Mais selon la loi coutumière, les hommes sont supérieurs aux femmes, et celles-ci ne sont que des citoyens de seconde classe au Niger, a estimé l’experte, en indiquant que les femmes sont discriminées en matière d’emploi, d’éducation, etc. Des efforts ont été faits par le Gouvernement, mais une stratégie globale pour faire face aux changements culturels serait nécessaire, a recommandé Mme Tavares Da Silva. La modification des manuels scolaires et la formation des enseignants est indispensable. L’État doit prendre toutes les mesures nécessaires, et la levée de la réserve qu’il a émise à cet égard serait un signe fort, a indiqué l’experte.
Mme SILVIA PIMENTEL, experte du Brésil, s’est dite déconcertée par les réponses apportées par le Niger au titre des questions ayant trait à l’article 5. Elle a déploré les dispositions discriminatoires contenues dans le droit coutumier. L’experte a demandé des précisions sur le contenu, la portée et les résultats du cadre de concertation pour les acteurs participant à la lutte contre les discriminations.
Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, experte de Cuba, a expliqué que les actions adoptées par le Niger n’étaient pas assez souples et efficaces pour influencer le poids des traditions, des coutumes et des systèmes de pensée. L’éducation a une portée limitée dans le pays, a souligné l’experte. Elle a demandé quelles étaient les mesures spécifiques prises pour lutter contre les stéréotypes dans les zones rurales. Elle a également demandé s’il existait des évaluations du degré d’acceptation et d’efficacité de ces mesures.
Mme GLENDA P. SIMMS, experte de la Jamaïque, a dit que la coutume était un vrai problème au Niger. Des formes d’esclavage y semblent maintenues, mais ne peut être justifiées en aucune manière dans des États démocratiques. Combien de maîtres et de personnes ayant pratiqué des mutilations génitales ont été poursuivis? a demandé l’experte en soulignant que l’esclavage, sous toutes ses formes, est un déni de toute humanité.
Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, a invité le Niger à faire tout son possible pour retirer les réserves qu’il a émises à l’encontre de la Convention. S’il y a une volonté politique, le Niger devrait pouvoir modifier les stéréotypes qui y ont cours contre les femmes. Il faut en effet absolument changer la manière dont on perçoit les femmes dans ce pays, a dit Mme Coker-Appiah. Elle a demandé ce que le Niger faisait pour régler la question des violences familiales.
L’experte de l’Égypte a dit qu’il était très important de faire une étude comparative sur les réserves émises à l’encontre de l’article 5 par différents pays islamiques afin que le Niger retire sa réserve. Majoritairement, les pays africains n’ont pas de réserve sur cet article, a noté l’experte. Le Niger devrait donc logiquement retirer sa réserve à l’encontre de cet article, a-t-elle souligné. Enfin, Mme Gabr a sollicité des informations concernant la pratique du pèlerinage par les Nigériens.
L’experte de la Croatie a demandé si la délégation pouvait partager les informations en sa possession sur l’excision des filles au Niger. Que fait le Niger pour les femmes victimes de violences? a demandé l’experte.
La délégation de l’État partie, qui répondait aux questions ayant trait aux mutilations génitales à l’encontre des femmes, a fait part des progrès enregistrés au Niger dans ce domaine, indiquant que le taux de femmes qui en étaient victimes était passé de 5% à environ 2.2% de la population féminine.
En réponse aux inquiétudes suscitées par l’existence de dispositions discriminatoires contenues dans le droit coutumier, un représentant de la délégation a rappelé qu’il existait à la racine de chaque système de droit une certaine conception et une certaine vision de l’homme. À cet égard, il a souligné la particularité du système de droit nigérien, qui n’est pas comparable à d’autres systèmes en raison de la coexistence du système du droit écrit et de celui de la coutume. Si des mesures législatives sont prises pour réduire les dispositions discriminatoires, la coutume est la loi personnellement pratiquée par des populations, et il difficilement possible de la supprimer par autorité, a ajouté le représentant, précisant à cet égard que les coutumes avaient tendance à être progressivement rejetées par les jeunes générations. Il a fait savoir qu’un vaste programme de réformes législatives, destiné à actualiser les textes, était mené au sein du Ministère de la justice, et ce en fonction des moyens et des priorités gouvernementales. Il a cité à titre d’exemple l’élaboration d’un code la famille.
Si aucun conflit n’existe entre l’article 8 de la Constitution nigérienne et la loi de 1962 modifiée en 2004, relative à l’organisation judiciaire et aux compétences des juridictions, le représentant a toutefois reconnu l’existence de certaines insuffisances de la loi de 2004, qui ont contribué au maintien de la coutume. Il a cependant fait part de l’existence de garde-fous pour prévenir toute application arbitraire et généralisée de la coutume.
S’agissant des violences commises à l’égard des femmes, le représentant a indiqué que le Code pénal réprimait sévèrement ces violences, qu’il s’agisse de la violence au foyer ; du viol, ou des attentats à la pudeur. Il a précisé que les femmes avaient le droit de porter plainte.
Face aux inquiétudes relatives à la pratique de l’esclavage au Niger, les membres de la délégation ont indiqué qu’aucun citoyen nigérien ne pouvait être esclave, et que de nombreux efforts étaient déployés pour lutter contre tout traitement dégradant de l’être humain. Si quelques survivances du passé existent, l’esclavage en tant que tel n’existe pas au Niger, a indiqué un membre de la délégation nigérienne qui a précisé que des mesures législatives visant à prohiber cette pratique avaient été prises dès l’adoption du Code pénal en 1961 et que l’esclavage était considéré comme un crime et un délit au Niger.
En réponse aux questions portant sur les actions prises en faveur des femmes au travers des médias, une représentante de la délégation du Niger a indiqué qu’il existait une radio nationale dont les fréquences couvraient l’ensemble du territoire nigérien, et plus d’une centaine de radios communautaires, ce qui contribue à faire connaître à la population les droits et les devoirs des femmes.
Questions concernant l’article 6
L’experte du Bangladesh a rappelé les différentes formes d’exploitation des femmes existant au Niger, comme le mariage forcé, précoce et le commerce des filles. Entre le Niger et le Nigéria, des hommes achètent des femmes pour en faire leur esclave, a-t-elle affirmé. En outre, les personnes âgées et les réfugiés sont également victimes de la traite. Le Niger étant selon elle « un pays de destination et de transit pour la traite », l’experte a demandé quelles mesures étaient prises pour lutter contre ce phénomène. Elle a demandé s’il existait des mesures bilatérales pour lutter contre ce commerce frontalier. Combien de refuges ont été créées pour en accueillir les victimes? a demandé l’experte. Elle a également voulu savoir si des conseils psychosociaux étaient donnés aux victimes de la traite humaine, et si des perspectives de réinsertion leur étaient offertes. Enfin, elle s’est interrogée sur le statut du projet de loi destiné à en pénaliser les coupables.
Mme SAISUREE CHUTIKUL, experte de la Thaïlande, a félicité le Niger pour la ratification du Protocole contre la traite en 2005. Elle a demandé quel était le statut et où en était l’avancement du projet de loi contre la traite datant de 2006. Elle a demandé si le Plan d’action national élaboré au sein du Comité interministériel était mis en œuvre et quel organe était responsable de sa coordination. Enfin, elle s’est interrogée sur le statut et sur le nombre de membres de l’Accord sur la coopération multilatérale pour combattre la traite.
Questions concernant les articles 7 et 8
L’experte de la Slovénie a félicité le Niger pour les efforts entrepris afin que les femmes jouissent de leurs droits au titre des articles de la Convention. Cependant, le seul établissement de quotas pour les postes publics paraît trop faible en lui seul pour garantir le principe de l’égalité, a-t-elle estimé. L’experte a voulu savoir si davantage de données existaient sur la part des femmes occupant des postes dans le secteur public. Elle a dit qu’il était important de comparer ce chiffre par rapport au pourcentage d’hommes dans ce domaine. Elle a demandé s’il était envisagé d’augmenter le quota de femmes pour les élections.
En réponse à la série de questions posées au titre de l’application de l’article 6 de la Convention, qui est relatif à la traite des personnes et à l’exploitation des femmes, la délégation de l’État partie a assuré que le Niger n’était ni un pays de départ ni un pays de destination des victimes de la traite d’êtres humains, mais qu’éventuellement le Niger pouvait en être un pays de transit. Le Représentant nigérien a à cet égard informé les experts que le Niger avait signé un accord multilatéral de lutte contre la traite des enfants avec des pays de la région d’Afrique de l’Ouest, et avec la CEDEF, et que des mesures ont été prises pour prévenir la traite et ses abus. Parmi ces mesures, il a cité notamment la formation d’agents de surveillance et d’inspection aux frontières. De plus, des mécanismes institutionnels ont été créés contre le phénomène de la traite, a-t-il poursuivi, citant entre autres la création de la commission nationale de lutte contre le travail forcé et contre la discrimination. La Constitution du Niger en fait un des rares pays qui en consacre un chapitre entier à la protection de la personne humaine, a ajouté le représentant, qui a à cet égard cité en particulier les articles 10 et 19 de la Constitution nigérienne, relatifs au devoir qu’a l’État de protéger ses citoyens.
En réponse aux préoccupations suscitées par la présence prépondérante des hommes dans le secteur des emplois publics et ce, malgré l’existence de quotas, un autre membre de la délégation de l’État partie a indiqué que sur les 32 000 fonctionnaires du pays, 9 000 sont des femmes. Parmi celles-ci, 1 600 travaillent à un niveau supérieur dans l’échelle de la hiérarchie et sont donc susceptibles d’occuper un poste de responsabilité, a-t-il déclaré. Pour le Niger, il s’agit davantage d’avoir une égalité devant l’accès à l’emploi public et de disposer à cet égard de ressources humaines valables, quel que soit le sexe des personnes considérées, a-t-il souligné. S’agissant de l’implication des femmes dans la vie politique et dans la vie publique, il a informé le Comité que le pays s’était engagé dans un processus de décentralisation et que les quotas mis en place concernaient notamment les postes électifs. En ce sens, il appartient à tous, et également aux femmes élues, de planifier le développement local et de prendre part à l’élaboration des politiques dans un conseil communal.
Questions concernant l’article 9
Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, a félicité le Niger pour son amendement des dispositions relatives à la nationalité, qui permettent à présent à un enfant né d’un père non nigérien de recevoir la nationalité nigérienne. Toutefois, elle a constaté la persistance de certaines discriminations, puisqu’une femme nigérienne ne peut donner la citoyenneté à son mari, et s’est interrogée à cet égard sur les intentions qu’a le gouvernement en abrogeant la loi y relative.
Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a déclaré qu’elle partageait les inquiétudes de l’experte du Ghana, et a posé plusieurs questions sur l’accès des Nigériennes à un passeport et sur les conditions d’obtention de ce document.
La délégation de l’État partie a rappelé que l’obtention de la nationalité nigérienne était régie par l’ordonnance de 1984, modifiée par une loi de 1999 qui a notamment autorisé la transmission par la mère de sa nationalité à son enfant. Le représentant a reconnu qu’un étranger marié à une ressortissante nigérienne ne pouvait prétendre à la nationalité nigérienne, mais a indiqué que d’autres moyens de l’obtenir existaient pour le mari, telle la naturalisation. Il a par ailleurs fait savoir qu’une Commission de réforme avait notamment pour mandat de traiter de la question de la nationalité.
En réponse à la question sur le passeport, le représentant a rappelé que la femme nigérienne avait une capacité civile totale et qu’en ce sens elle n’avait pas besoin de l’autorisation du mari pour jouir de ce droit. S’agissant de l’enfant, c’est le parent qui a l’autorité parentale qui bénéficie du droit de mettre le nom de l’enfant sur son passeport, a-t-il fait savoir.
Questions concernant l’article 10
L’experte du Portugal a regretté la faible participation des filles au système d’éducation, constatant que cette situation était jugée alarmante dans le rapport. Elle s’est demandée pourquoi la progression des filles était plus lente que celle des garçons dans ce domaine. Suggérant de prendre des mesures de sensibilisation et d’incitation pour accroître la scolarisation et le maintien des filles à l’école, elle a par ailleurs demandé de plus amples informations sur les mesures en place visant à châtier les parents qui ne scolarisant pas leur enfant.
L’experte de Cuba a partagé les préoccupations de l’experte du Portugal. Elle a noté le maintien de disparités entre les sexes, constatant que le nombre de garçons dans les écoles y augmentait plus rapidement que celui des filles. Elle a à cet égard demandé s’il existait des programmes de scolarisation pour maintenir les filles dans le système scolaire et si on avait pensé à mettre en place des programmes pour les femmes adultes.
L’experte de la Jamaïque a déploré que le statut et les rôles des filles soient conditionnés par les modes d’éducation. S’il est vrai que les filles sont influencées par les rôles traditionnels historiques, comment les femmes peuvent-elles s’ouvrir à des secteurs non traditionnels et être à la pointe du changement? a-t-elle demandé à la délégation. Il est d’autre part aussi important pour une fille et un garçon de recevoir le même degré d’attention de leur père et de leur mère pour se construire de manière équilibrée, a-t-elle déclaré.
L’expert des Pays-Bas a estimé que l’éducation de tous les citoyens était fondamentale pour parvenir au développement durable de la société d’un pays. Il a à cet égard demandé quel était le calendrier fixé par le Gouvernement du Niger pour parvenir à l’enseignement obligatoire et gratuit pour tous, sans faire de distinction de sexe, et quelles mesures étaient envisagées par le Gouvernement nigérien pour sensibiliser à cet égard les pères. Il s’est également inquiété du faible taux de représentation des femmes dans l’enseignement supérieur.
Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a regretté que le taux d’achèvement de la scolarité reste très bas. Concernant l’idée de châtier les parents qui ne scolarisent pas leurs enfants, soulevée par l’experte du Portugal, Mme Saiga a demandé des informations supplémentaires sur les dispositions législatives prises par le Niger en la matière.
Beaucoup de mesures ont été prises par l’État nigérien pour favoriser l’éducation. Ainsi, les tâches ménagères des femmes ont été allégées afin de les pousser à aller à l’école, a dit la délégation de l’État partie. Les jeunes filles en particulier sont plus libres, et ont moins besoin d’aider leurs mères pour les taches domestiques. Il n’existe pas de discrimination volontaire, a expliqué la délégation. Le fonctionnement du système scolaire est fondé sur la mixité, et les filles et les garçons bénéficient des mêmes droits. Néanmoins, les garçons ont un plus grand accès à l’école, mais les inégalités que l’on observe sont plus du aux habitudes de la société qu’au système mis en place par l’État. L’offre éducative s’est accrue afin de pouvoir faire entrer les filles dans les écoles, mais l’état d’esprit des gens doit être modifié en conséquence, a indiqué la délégation. La politique du Ministère de l’éducation nationale consiste à permettre aux filles d’aller à l’école et à alléger les tâches domestiques des mères afin qu’elles laissent leurs filles partir à l’école. Il faut également améliorer le taux d’achèvement de la scolarité des filles. Un guide a été créé pour éliminer les stéréotypes sexistes à l’égard des femmes dans les programmes scolaires, a dit la délégation. D’autre part, les cadres qui conçoivent les politiques sont sensibilisés aux problèmes relatifs à la scolarisation des filles. L’objectif du Niger est d’atteindre la parité garçons/filles en matière scolaire, d’ici 2015. Le Niger fournit tous les efforts nécessaires en ce sens, mais ils doivent encore être poursuivis et renforcés, a reconnu la délégation. Il n’y a pas de refus catégorique des parents contre le fait d’envoyer leurs enfants à l’école. En effet, c’est le manque de moyens seul qui oblige les femmes à garder leurs enfants à la maison, a regretté la délégation, en indiquant que le gouvernement a créé des kits scolaires qui encouragent les parents à envoyer leurs filles à l’école. Le nombre de femmes allant dans le secondaire est très faible, mais le Niger fournit actuellement des efforts pour augmenter le taux de scolarisation dans le primaire. Il convient en effet de partir de la base pour ensuite s’assurer que les femmes accèdent à l’Université.
Questions concernant l’article 11
Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a souligné que les actions menées dans la pratique étaient bien différente des recommandations des textes législatifs. En effet, a-t-elle constaté, au Niger, les femmes occupent rarement des postes à haute responsabilité. Certains textes discriminatoires sont aussi toujours appliqués, a déploré l’experte. Elle a demandé si le Gouvernement avait l’intention d’abroger de telles règles. Quelles sont donc les mesures prises pour assurer l’application des règles sur la protection des femmes sur le lieu du travail? a demandé l’experte.
Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, a déploré que le rapport du Niger ne contienne pas assez de détails. Ce document n’éclaire guère les experts, a-t-elle affirmé. En matière d’emploi et de participation des femmes à la main d’œuvre, il faut une démarche active pour éliminer toute discrimination officieuse, a-t-elle recommandé. De manière plus spécifique, l’experte a demandé s’il y avait des cas de femmes licenciées pour cause de grossesse. Une allocation maternité est-elle prévue? a-t-elle demandé. Elle a demandé si le Gouvernement comptait faire quelque chose au sujet de la liste d’emplois interdits aux femmes. Elle a invité la délégation à fournir davantage de données dans son prochain rapport.
La délégation du Niger a rappelé que le droit au travail et à l’emploi étaient consacrés par la Constitution. Toutes les règlementations en vigueur confirment les obligations contractées au titre de la Convention. Aucune distinction n’est faite entre l’homme et la femme dans la législation. Néanmoins, il y a plusieurs interprétations faites sur les décrets nationaux. Il y a aujourd’hui beaucoup de femmes chefs de famille, a relevé la délégation. Dans le cadre du processus de réforme, le statut de la fonction publique nigérienne est en train d’être modifié, a-t-elle poursuivi. Dans cette logique, le décret portant sur la rémunération et les avantages des employés fera l’objet d’une relecture. La délégation de l’État partie s’est montrée confiante quant à l’évolution du statut de la fonction publique. D’autre part, le Code du travail a été adapté au nouvel environnement dans lequel le Niger évolue, a-t-elle fait remarquer. À partir de la présente session, a assuré la délégation, des statistiques fiables seront produites aussi bien dans le privé que dans le public sur la place des femmes. Il n’y aura donc plus de préoccupations sur la disponibilité des statistiques.
S’agissant des prestations sociales, la délégation a expliqué qu’une mutuelle de santé allait bientôt être créée afin de prendre en charge toutes les dépenses de maladie. Toutes ces dispositions devraient soulager la femme travailleuse, a-t-elle affirmé. En outre, toute femme enceinte a le droit à un congé de maternité de 14 semaines, et elle bénéficie de la rémunération due à son emploi et des prestations sociales. S’il y a licenciement abusif, la femme enceinte a le droit de porter plainte devant un tribunal, a précisé la délégation.
Questions concernant l’article 12
L’experte du Brésil, a voulu savoir s’il existait des plans et structures adéquats pour un soutien aux personnes handicapées et âgées. Félicitant le Gouvernement pour l’adoption de dispositions interdisant les excisions, elle a demandé si les exciseuses acceptaient facilement de « rendre leurs scalpels et leurs couteaux ».
Mme MARY SHANTHI DAIRIAM, experte de la Malaisie, a constaté que le Gouvernement distribuait gratuitement des contraceptifs et a tenu en ce sens à connaître les effets d’une telle mesure. Par ailleurs, elle a demandé au Gouvernement nigérien de préciser son action dans le domaine de la lutte contre les grossesses précoces
Répondant aux experts, la délégation du Niger a indiqué qu’il existait une réelle volonté politique pour aider les personnes handicapées, dont le Ministère de la solidarité est en charge, et que son pays s’attelait à être en conformité avec tous les textes auxquels il est partie.
S’agissant de la pratique de l’excision, le Gouvernement du Niger entreprend des actions de reconversion rémunératrices pour les exciseuses, a indiqué un membre de la délégation nigérienne, qui a expliqué que les activités traditionnelles des exciseuses leur permettaient d’accroître leurs revenus. Dans le domaine sanitaire, la représentante a de plus fait part de l’adoption d’un plan de développement sanitaire pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Ce plan vise notamment à réduire la mortalité maternelle, très forte au Niger en raison des grossesses multiples et rapprochées des femmes nigériennes, en renforçant les capacités existantes; en augmentant l’accessibilité aux services de santé, et en renforçant le processus de décentralisation des services de santé, a-t-elle expliqué. La loi sur la santé et la reproduction est en cours d’application, a ajouté la représentante, et elle consacre l’accès universel aux soins de santé et au planning familial.
Questions concernant les articles 13 et 14
L’experte de Maurice a constaté qu’une part prépondérante de la population nigérienne et en particulier les enfants, souffrait de sous-alimentation. Faisant référence aux négociations en cours sur la libéralisation des échanges commerciaux, elle a demandé à cet égard si une évaluation des conséquences de cette libéralisation, en termes de sécurité alimentaire, avait été menée. Elle a par ailleurs demandé de plus amples informations sur le nombre de femmes qui bénéficient de crédit et sur les conditions d’accès au crédit.
Mme ANAMAH TAN, experte de Singapour, constatant que le contrôle des technologies nouvelles était principalement concentré entre les mains des hommes, a demandé quelles étaient les mesures prises pour accroître l’accès des femmes à ces technologies. Par ailleurs, abordant la question du droit des femmes à la terre, elle s’est interrogée sur les efforts déployés par le Gouvernement pour éduquer les femmes à leur droit à la terre et s’il existait une assistance judiciaire pour aider les femmes à faire valoir leurs droits fonciers.
L’experte de la Malaisie a posé plusieurs questions sur l’accès à la justice, et a demandé des données chiffrées, notamment concernant la situation dans les zones rurales.
Répondant à cette série de questions, la délégation du Niger a indiqué que beaucoup de mesures avaient été prises ou sont en cours d’étude pour accroître l’accès des femmes au crédit.
En réponse aux questions sur le droit des femmes à être propriétaire de la terre, le représentant a fait savoir que la coutume interdisant à la femme d’accéder à la propriété foncière n’existait plus. D’autre part, l’accès des femmes à la justice est libre, a affirmé un représentant, reconnaissant que pouvaient se poser des difficultés financières pour certaines femmes. Il a fait part de l’existence d’actions bénévoles de la part d’ONG et d’avocats, avec la mise en place, par exemple, de cliniques juridiques et d’une « caravane de la défense », qui interviennent dans le milieu rural pour assister les femmes dans leurs démarches. Du côté gouvernemental, un texte sur l’assistance judiciaire est actuellement en cours de préparation, a-t-il ajouté, précisant que la justice est gratuite dans le droit coutumier.
Le représentant a, par ailleurs, déclaré que les services de base tels que la distribution de l’eau et l’éducation sont les premières compétences que l’État transférera aux communes. Cela permettra un accès plus efficace aux services sociaux tant pour les hommes que pour les femmes, a-t-il fait valoir.
Le Président de la République du Niger a fait de la réduction de la pauvreté son cheval de bataille, a indiqué la délégation en ajoutant que son programme de lutte contre ce phénomène a eu un impact important dans le monde rural. Ainsi, des vaches laitières ont été distribuées aux femmes rurales, et 83 villages ont été électrifiés et ont permis aux femmes de passer des activités manuelles à des activités économiques plus élaborées. D’autres mesures ont été adoptées pour l’amélioration de leurs conditions de vie en milieu rural. S’agissant des nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) en milieu rural, l’accès des femmes y est très restreint, a reconnu la délégation. Néanmoins, des centres multimédias devraient être ouverts à destination uniquement des femmes. L’accès au crédit bancaire est identique pour les hommes et les femmes, mais à condition que la personne qui le sollicite ait des garantis suffisantes.
Questions concernant les articles 15 et 16
Mme MERIEM BELMIHOUB ZERDANI, experte de l’Algérie, a noté que beaucoup de femmes étaient soumises à de nombreuses restrictions dans leur vie privée. La Convention est contraignante, et le Niger est tenu de mettre en conformité sa législation nationale avec les dispositions de la Convention, a rappelé l’experte. Elle a demandé au Niger de mettre en application la loi précisant que les coutumes ne sont appliquées que si elles ne sont pas contraires aux dispositions du droit international.
L’experte de Singapour a souligné le manque de consensus en ce qui concerne l’adoption du Code de la famille au Niger. Elle a demandé s’il allait être adopté dans un futur proche et quelles étaient les objections des autorités religieuses. Elle a demandé quel droit était le plus important, entre le droit coutumier, la Constitution et le droit international. Elle a également voulu savoir si une femme pouvait demander de l’aide lorsque la garde des enfants lui était refusée. L’experte a déploré le fait que le mari ait le droit de divorcer de manière unilatérale et de répudier sa femme. Elle a également mis l’accent sur le manque d’inscription de cette procédure au registre des mariages.
L’experte d’Israël a attiré l’attention du Comité sur la pratique des mariages forcés, des coups et blessures, et de la claustration. Elle a demandé si le Niger envisageait de retirer ses réserves à la Convention. S’agissant du droit de la famille, l’experte a demandé s’il y avait des femmes dans les instances judiciaires et politiques traditionnelles.
La délégation de l’État partie a expliqué que le Niger avait eu une histoire mouvementée, mais que des efforts étaient sans cesse poursuivis. La Constitution du Niger consacre toutes les libertés et l’égalité de l’homme et de la femme. Néanmoins, le Niger a besoin de ressources, car le contexte économique dans lequel il évolue étant difficile. La chefferie traditionnelle est une institution qui puise sa justification dans les coutumes des populations locales. Or, aucun pays ne peut changer ses traditions à partir d’une décision sans prendre en compte la situation exacte qui existe sur le terrain. Par le passé, certaines régions du pays ont connu des reines et des chefs guerrières très puissantes, a rappelé la délégation.
En cas de conflit, la Constitution a la primauté, puis suivent la loi écrite et, en dernier lieu, la coutume. Lorsqu’il y a conflit entre la loi et la coutume, la loi s’applique. La Convention est supérieure à la loi nationale et toutes les lois qui lui sont contraires sont abrogées. Lorsqu’une coutume est contraire à la Convention, elle est évidemment abrogée, a assuré la délégation. Le problème de la répudiation est crucial, a-t-elle ensuite indiqué. En effet, un certain nombre d’abus ont été commis, car les règles liées à la répudiation sont souvent mal appliquées. Les juges ont été formés au droit écrit et au Code civil et non pas à la coutume. Les juges aux affaires matrimoniales sont de plus en plus jeunes, et ils sont souvent célibataires, donc ils ne connaissent rien à la question de la répudiation. Le constat de la répudiation ne doit pas se faire aveuglément. Le juge doit faire prévaloir sont rôle de conciliateur et il doit rapprocher les parties. Si la répudiation est prononcée, le juge doit statuer sur la garde de l’enfant et sur le montant de la pension. S’agissant de l’enregistrement, tout mariage doit désormais être déclaré. Si le mariage n’est pas déclaré, le responsable de cet état de fait doit être sanctionné.
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