LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME ENCOURAGE LE CHILI, QUI SORT D’UNE DOULOUREUSE TRANSITION, À POURSUIVRE SES EFFORTS DE DÉMOCRATISATION
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Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
Comité des droits de l’homme
Quatre-vingt-neuvième session
2429e séance – après midi
LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME ENCOURAGE LE CHILI, QUI SORT D’UNE DOULOUREUSE TRANSITION, À POURSUIVRE SES EFFORTS DE DÉMOCRATISATION
Les experts s’interrogent cependant sur le maintien d’un
décret-loi d’amnistie, qui constitue un obstacle à la lutte contre l’impunité
Les experts du Comité des droits de l’homme se sont réunis, cet après-midi, pour examiner le cinquième rapport périodique du Chili* sur l’application des termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La réunion a permis à la délégation de cet État partie au Pacte de présenter et d’expliquer aux experts du Comité les mesures prises par les Gouvernements successifs du Chili pour mettre en œuvre les recommandations formulées en 1999, lors de l’examen du précédent rapport périodique, par le Comité. Au cours des échanges, les experts ont félicité le Chili pour l’abolition de la peine capitale en 2001 et pour les nombreuses réformes entreprises par l’État partie, dont notamment celle de son système pénal.
Le Comité des droits de l’homme est l'un des six organes créés en vertu d'instruments internationaux des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme. Il est composé de 18 experts chargés de surveiller la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des deux Protocoles facultatifs qui s'y rapportent.
Après avoir connu une longue période de normalité dans la succession de ses dirigeants; l’affermissement de ses institutions; la consécration des droits politiques et la consolidation de la liberté d’opinion, le système institutionnel démocratique du Chili s’effondra avec le renversement, le 11 septembre 1973, du Gouvernement du Président Salvador Allende par la dictature militaire d’Augusto Pinochet, dont la junte s’est maintenue au pouvoir jusqu’au 11 mars 1990, date du retour d’un régime civil à la tête du Chili.
Du 11 septembre 1973 au mois d'août 1988, le pays vécut sous le coup d'un ou plusieurs états d'exception constitutionnelle, ce qui rendit possible, pendant cette période, une situation de violation systématique des droits de l'homme, ainsi que l'a indiqué la commission nationale de la vérité et de la réconciliation, organisme créé en 1990 par le Gouvernement démocratique du Président Patricio Aylwin, dans le but d'établir la vérité sur ce qui était arrivé aux victimes des plus graves violations des droits fondamentaux commises sous le régime militaire.
Depuis le retour de la démocratie, un processus de restauration du système institutionnel démocratique a été engagé au Chili. Dans ses observations finales sur le quatrième et avant dernier rapport périodique présenté par cet État, le Comité des droits de l’homme s’en était félicité, mais avait aussi exprimé un certain nombre de préoccupations. L’une d’entre elles portait sur le maintien d’un décret-loi, en vertu duquel les personnes ayant commis des violations entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978 sont amnistiées, ce qui est contraire aux dispositions du Pacte international pour les droits civiques et politiques, auquel le Chili est partie depuis 1972.
C’est à cette question, et plus généralement à celle de la lutte contre l’impunité, que se sont encore intéressés aujourd’hui les experts du Comité. Le chef de la délégation chilienne, Edgardo Riveros, qui est le Sous-Secrétaire général de la Présidence du Chili, a répondu qu’un virage avait été opéré dans la jurisprudence en 1998, lorsque la Cour suprême a rejeté l’application de la loi d’amnistie pour les délits de séquestration permanente, et l’an dernier, pour les exécutions sommaires, ces deux délits étant sanctionnés par les Conventions de Genève.
La torture n’est pas encore concernée par ce changement, mais pourrait l’être très prochainement, a déclaré la délégation chilienne. M. Riveros a ainsi indiqué qu’une commission nationale sur la torture avait été créée pour recueillir les témoignages de plus de 35 000 personnes, qu’elles se trouvent au Chili ou à l’étranger. Le rapport qui en est ressorti constitue une expérience sans précédent dans le monde, puisqu’il a permis non seulement de mettre à jour les réalités funestes d’un régime dictatorial qui n’a pas hésité à banaliser la pratique de la torture pendant des décennies, mais aussi de panser des « plaies historiques », a souligné le chef de la délégation du Chili.
Les experts du Comité se sont élevés aujourd’hui contre la manière dont avait été appliquée la loi antiterroriste chilienne, dont les dispositions ont été employées à l’encontre des Mapuches, principale communauté autochtone du Chili, après les manifestations qu’ils ont organisées pour réclamer la restitution des terres dont ils ont été spoliés. À cet égard, M. Walter Kälin, l’expert de la Suisse, a demandé quelle était exactement la définition du terrorisme adoptée par les autorités chiliennes dans ce cas, et si toutes les garanties de procédure avaient été respectées lors de l’application de cette loi.
La délégation de l’État partie a assuré que les processus juridictionnels à travers lesquels le texte avait été appliqué avaient totalement respecté les droits des citoyens concernés.
Le Comité poursuivra ses travaux demain, jeudi 15 mars à 10 heures, par un nouvel échange de questions et de réponses entre les experts et la délégation du Chili.
*CCPR/C/CHL/5
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS
Présentation du cinquième rapport périodique du Chili (CCPR/C/CHL/5)
Présentant le rapport, M. EDGARDO RIVEROS, Président de la délégation et Sous-Secrétaire général de la présidence du Chili, a rappelé que sous la dictature d’Augusto Pinochet, la situation des Chiliens avait fait l’objet de préoccupations permanentes de la part de la communauté internationale. Pour la première fois, c’est une femme, Michelle Bachelet, qui préside aujourd’hui aux destinées de la nation chilienne; son élection est un évènement qui a entraîné une mutation profonde de la société chilienne désormais plus ouverte à la parité, a dit M. Riveros. Le Sous-Secrétaire général de la présidence du Chili a indiqué qu’en 2005, la dix-huitième réforme de la Constitution chilienne avait été adoptée. Les révisions apportées à ce texte ont mis notamment fin aux « enclaves autoritaires », résidus du régime militaire, c’est-à-dire à la possibilité d’élire des sénateurs « à vie ». Le Président a également recouvré son pouvoir sur les forces armées, dont il est redevenu le Commandant en chef, ainsi que celui des carabiniers. Le pouvoir du Congrès a en outre été renforcé, et il est habilité désormais à créer des commissions d’enquête, a poursuivi M. Riveros, qui a aussi précisé que la question de l’instauration d’états d’exception institutionnels avait été entièrement réglée et que des mécanismes de surveillance d’abus de pouvoirs étaient désormais en place.
La réforme a introduit d’autres changements, comme le fait que la durée du mandat présidentiel ait été ramenée de six à quatre ans, a ajouté le chef de la délégation. Ces changements ne signifient pas toutefois qu’il ne reste plus rien à faire, a-t-il indiqué. Il faut notamment sortir du système « binomial » qui empêche le développement d’une société multipartite et promouvoir la reconnaissance institutionnelle des droits des peuples autochtones du Chili. Sur ce dernier point, un projet de loi est en cours d’élaboration, a-t-il ajouté. S’agissant de la libre expression, le droit de l’exercer a été renforcé avec l’adoption, en 2005, d’une loi renforçant la liberté d’opinion et celle de la presse. D’autre part, en 2006, la censure qui pesait sur les œuvres cinématographiques a été levée. M. Riveros a, en outre, noté la fin du service militaire obligatoire au Chili et le renforcement du droit à l’éducation, la durée de scolarisation minimale ayant été relevée.
Le harcèlement sexuel est désormais frappé de sanctions pénales au Chili, et en 1999, la loi d’adoption des mineurs a été remplacée par un autre texte, d’essence plus moderne. Des tribunaux familiaux ont été créés, qui légifèrent sur les violences au foyer, a indiqué M. Riveros. Le chef de la délégation a également indiqué que des mesures avaient été prises pour renforcer la participation des femmes à la vie publique et au monde du travail, et pour hâter la réforme de la gestion des biens dans le cadre du mariage.
Pour ce qui est du secteur judiciaire, le Chili s’est efforcé de le réformer pour qu’il soit doté de toutes les caractéristiques de l’État de droit, a indiqué le représentant. Il a, à cet égard, énuméré des réformes dans tous les domaines, notamment dans celui de la responsabilité pénale des adolescents. Mais plus largement, c’est le système pénal dans son ensemble qui a été réformé, en particulier par l’interdiction des « procédures secrètes », qui prévoyaient jusqu’à présent que des arrestations pouvaient être effectuées sur la simple base de soupçons, a souligné le Sous-Secrétaire général de la présidence du Chili. La réforme a nécessité un effort financier de 622 millions de dollars pour doter le Chili de juridictions appropriées, a précisé M. Riveros. En 2000, un nouveau plan a été lancé pour élargir le nombre d’établissements pénitentiaires et améliorer les conditions dans ceux existants, a-t-il indiqué.
Évoquant ensuite les droits des autochtones, il a indiqué qu’une loi avait été votée pour reconnaître les droits culturels et sociaux de ces communautés, ce qui a permis de leur restituer des centaines de milliers d’hectares de terres. La commission pour la vérité historique, qui a été établie en 2001, vise à reconstituer l’histoire des peuples autochtones pour déterminer l’ampleur des restitutions auxquelles ils ont droit et renforcer leurs droits. Une politique de développement culturel a été également été lancée, à travers le programme « Origenes », doté de 230 millions de dollars, et plus de 24 000 bourses annuelles sont accordées chaque année à de jeunes autochtones, a poursuivi le Sous-Secrétaire général de la présidence du Chili. Il a enfin fait part de la volonté du Chili d’adhérer à la Convention des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Dans le cadre de la politique de réparations pour les violations infligées pendant la dictature, des pensions mensuelles ont été versées aux victimes de ces abus ou à leur famille. Par ailleurs, une commission nationale sur la torture a été créée pour entendre les témoignages de plus de 35 000 personnes, qu’elles soient au Chili ou à l’étranger. Le rapport qui en est ressorti constitue une expérience sans précédent dans le monde, puisqu’il a permis de mettre à jour les réalités funestes d’un régime dictatorial qui n’a pas hésité à banaliser la pratique de la torture pendant des décennies. En 2004, une loi a été adoptée en faveur des victimes de la dictature. Elle prévoit des retraites, une aide psychologique et des compensations, a conclu le chef de la délégation, qui s’est déclaré impatient d’entendre les recommandations des experts du Comité pour consolider les progrès accomplis par son pays.
Dialogue et réponses aux questions écrites transmises par les experts
M. RAFAEL RIVAS POSADA, Président du Comité des droits de l’homme, a loué les efforts du Chili qui a transmis ses réponses aux questions intersessions bien avant le début des travaux du Comité, ce qui a permis la traduction de ces documents dans les six langues officielles.
Les questions écrites 1 à 11 des experts avaient trait au cadre constitutionnel et juridique dans lequel le Pacte est appliqué; aux mesures de lutte contre le terrorisme et au respect des garanties; à la non-discrimination et à l’égalité entre hommes et femmes; et au droit à la vie et à l’interdiction de la torture.
Le Sous-Secrétaire général de la présidence du Chili y a répondu en signalant d’abord un virage dans la jurisprudence de son pays, qui veut que désormais les cours d’appel et la Cour suprême infirment les jugements rendus par les tribunaux militaires malgré le décret d’amnistie. Ce sont les Conventions de Genève qui s’appliquent désormais aux cas de prise d’otage des « disparus », a indiqué M. Riveros. En 2006, dans un cas opposant la Cour interaméricaine des droits de l’homme et le Chili, la Cour a statué que le décret d’amnistie ne devait pas constituer un obstacle à la comparution des auteurs de violation des droits de l’homme. Une norme d’interprétation a aussi établi une distinction de la responsabilité pénale qui veut qu’elle ne soit pas applicable aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre, a poursuivi le chef de la délégation.
Nous avons créé un Conseil présidentiel sur la protection de la personne, qui vise uniquement la défense et la promotion des droits de l’homme, et c’est dans ce cadre que nous avons avancé l’idée du défenseur des citoyens. Une autre initiative a vu la création de l’institut national des droits de l’homme, qui dispose de sa propre personnalité juridique. Cet institut devrait reprendre à son compte l’examen de toutes les questions relatives à la protection des droits de l’homme, a dit M. Riveros, en ajoutant que cet institut se trouve à un stade avancé du processus législatif, la Chambre des députés ayant déjà été franchie.
S’agissant des demandes d’extradition de l’ancien Président péruvien, Alberto fujimori, le chef de la délégation chilienne, a expliqué que ce processus relevait entièrement du système judiciaire et de la Cour suprême. Concernant l’application de la loi antiterroriste et le traitement de membres de la communauté autochtone, il a expliqué que son pays n’avait jamais eu recours à cette loi pour ignorer les demandes légitimes des membres de la communauté autochtone visant la protection de leurs droits. De telles demandes ont toujours été prises en compte, a-t-il affirmé. La loi de 1993 et son application ont permis d’accorder un budget de 31 millions de dollars par an à l’agrandissement du patrimoine territorial autochtone. Toutefois, en ce qui concerne l’application de la loi antiterroriste contre certaines actions violentes de ressortissants autochtones, qui posaient une menace à la primauté du droit, les processus juridictionnels à travers lesquels le texte a été appliqué ont totalement respecté les droits des citoyens, a tenu à préciser M. Riveros.
Par ailleurs, a-t-il poursuivi, le projet de loi instaurant le mariage sous le régime de la communauté de biens est bien avancé. Le Chili s’est engagé, devant la Convention interaméricaine, à donner un caractère d’urgence à ce projet de loi, et nous souhaitons que le Sénat l’adopte au mois d’avril prochain, a indiqué le chef de délégation. S’agissant des discriminations dans le travail à l’encontre des femmes, le Sous-Secrétaire général de la présidence du Chili a précisé, dans un premier temps, que la participation des femmes avait augmenté de manière régulière pour atteindre 38%. Au cours des premiers mois de la présidence de Mme Bachelet, 810 crèches ont été créées. Entre 1998 et 2000, l´écart existant dans les salaires hommes/femmes est passé de 40% à 35%, a indiqué l’État partie, tout en estimant que ces disparités étaient notamment attribuables aux responsabilités familiales qui, généralement, incombent aux femmes.
S’agissant de l’interdiction de la torture, M. Riveros a mentionné la création de la commission vérité et réconciliation, et la commission nationale chargée de la torture, afin que plus jamais ces pratiques ne se reproduisent au Chili.
Il a précisé, en réponse à la question 8 sur l’égalité devant les tribunaux et les Cours de justice, qu’un nouveau système d’application des peines est mis en place actuellement, qui deviendra l’épine dorsale de la réforme du système pénitentiaire. S’agissant du Code de justice militaire, et de la mention « sans motif rationnel », il a précisé que cette mention signifie que l’auteur de l’acte de violence sera sanctionné encore plus sévèrement. Le Code de justice miliaire du pays est toutefois dépassé sur certains points et n’est plus en phase avec certaines doctrines modernes et les normes des droits de l’homme. Ce Code est en cours d’examen. Pour que les carabiniers relèvent des juridictions pénales ordinaires et non pas militaires, le Gouvernement entend définir les délits qui dépendent d’une juridiction ou d’une autre, a indiqué le chef de la délégation.
Un grand nombre de politiques visent à prévenir les circonstances de l’avortement par le biais d’une éducation sexuelle, d’un appui aux adolescentes et de la fourniture de contraceptifs dans le cadre de politiques de planification familiale. Mais adopter des lois en matière d’avortement ne fait pas partie des projets du Gouvernement, a-t-il souligné.
Questions des experts
Entamant une série de questions, Sir NIGEL RODLEY, expert du Royaume-Uni, a salué la qualité du rapport présenté aujourd’hui par l’État partie, tout en regrettant quand même que ce document arrive avec quatre ans de retard. L’expert s’est aussi félicité de l’abolition de la peine de mort par le Chili. S’agissant du décret-loi d’amnistie, il s’est demandé s’il était effectivement applicable aux auteurs d’exécutions extrajudiciaires et de tortures. S’il l’est dans le principe, cela se vérifie-t-il dans la pratique? s’est-il interrogé, en demandant que la délégation lui cite des exemples. D’autre part, la jurisprudence dont il est fait état au sujet du décret d’amnistie, peut-elle être incorporée immédiatement au droit chilien? a poursuivi Sir Rodley. D’autre part, Alberto Fujimori pourra-il être extradé du Chili? Et quelle est exactement la situation de celui-ci vis-à-vis de la loi? s’est demandé l’expert.
S’agissant des réparations versées aux victimes de tortures, Sir Rodley s’est félicité que la nouvelle commission nationale soit habilitée à enquêter sur tous les cas, mais a estimé que le montant de ces réparations était plus symbolique qu’autre chose. Quel est le processus de calcul qui a été retenu pour déterminer le montant de ces rétributions? En outre, à titre de comparaison, quel est le niveau général des pensions et des retraites dans le pays? a-t-il demandé. Évoquant ensuite les cas d’abus en milieu pénitentiaire, il a souhaité connaître le niveau de gravité des actes qui ont été reprochés à un gardien de prison brièvement suspendu pour mauvaise conduite. Concernant le recours à la force et à la violence, il a rappelé que le seul « motif raisonnable » qui peut être justifié est le droit à l’autodéfense. Évoquant enfin la question de l’avortement, dont la pratique est encore criminalisée au Chili, l’expert a demandé si des poursuites avaient été engagées contre des personnes ayant avorté ou ayant réalisé des interruptions de grossesses.
M. WALTER KÄLIN, expert de la Suisse, s’est demandé dans quelle mesure l’institut national des droits de l’homme, qui sera prochainement créé, sera conforme aux Principes de Paris. Il a émis des doutes sur l’éventuel respect de ces Principes par cet institut. S’agissant de la loi antiterroriste, il a demandé à la délégation chilienne quelle définition du terrorisme avait été utilisée pour justifier son application contre les groupes autochtones qui ont revendiqué la restitution des terres dont ils avaient été privés? En outre, les garanties de procédure ont-elles été respectées dans l’application de cette loi? a-t-il voulu savoir.
Mme CHRISTINE CHANET, experte de la France, est revenue sur la pénalisation de l’avortement au Chili, et a déclaré que la législation chilienne était pleine de contradictions, puisqu’elle garantit le secret médical mais criminalise l’avortement. Par ailleurs, elle a dit ne pas comprendre pourquoi le passage de la loi sur la réforme du régime matrimonial était bloqué depuis 10 ans au niveau
du Sénat, alors que le projet qui lui est relatif semblait avoir été adopté en première lecture. Quelle est la raison institutionnelle qui permet au Sénat de bloquer un tel projet, et dans quelle mesure la Cour interaméricaine peut-elle intervenir dans cette affaire? a demandé Mme Chanet. En matière de discrimination sur le lieu de travail, elle a demandé si l’inversion de la charge de la preuve existait dans le Code pénal chilien.
M. MICHAEL O’FLAHERTY, expert de l’Irlande, s’est intéressé à la situation des personnes handicapées, s’interrogeant sur l’organisation du régime de tutelle et l’introduction de la notion d’examen périodique. Il semblerait, en outre, qu’il n’existe pas dans le droit chilien, de garantie contre le fait d’interner une personne contre son gré, a-t-il noté. S’agissant de la situation des homosexuels, des informations font état de la restriction de leurs droits au Chili, a indiqué l’expert, qui a attiré l’attention sur des allégations portant sur des exactions commises par la police. Tout en reconnaissant que l’homosexualité avait été dépénalisée au Chili, l’expert a constaté que des préjugés homophobes y dominent toujours. Est-il prévu de mettre en place des mécanismes de surveillance pour prévenir de tels comportements et préjugés, qui semblent très répandus au sein de la population? a-t-il ajouté.
M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, a demandé quel était le régime de protection des handicapés, et en particulier des handicapés mentaux, notamment en ce qui concerne les cas d’internement. Au sujet de l’avortement, M. Amor a demandé quels étaient les fondements culturels, sociaux et politiques de l’interdiction de l’avortement, surtout quand on constate que la société chilienne a considérablement évolué.
Réponses aux questions des experts
En réponse aux remarques des experts, la délégation a évoqué l’abrogation de la loi d’amnistie qui veut que depuis 1998, une jurisprudence rejette l’application de cette loi, en reprenant la formule de délit de séquestration permanent. La Convention de Genève s’applique pour les faits s’étant déroulés après 1973, a indiqué la délégation. Les exécutions sommaires sont des crimes contre l’humanité et ne sont pas amnistiables. Le Congrès n’a aucune influence dans ce processus. S’agissant de la demande d’extradition de l’ex-Président péruvien Fujimori, le représentant de la délégation a précisé que la partie de la procédure concernant l’enquête était achevée. « Le rapport que nous attendons à ce sujet sera rendu public prochainement », a-t-il indiqué, en ajoutant que le Pérou avait demandé l’application du traité bilatéral d’extradition qu’il a avec le Chili.
Selon la loi chilienne, les victimes d’un processus pénal peuvent demander une indemnisation aux instances civiles, mais pour l’instant aucune décision relative à une indemnisation n’a été prise par une telle instance, a poursuivi l’État partie. S’agissant de la loi antiterroriste et du cas des personnes autochtones d’origine Mapuche, la délégation a précisé que cette loi datait de 1984 et que son applicabilité prévoit un ensemble de délits prévus par le Code pénal, comme l’incendie criminel et la menace faite à la population. La loi antiterroriste a été modifiée en 1991, ce qui a mené à la modification de la Constitution délimitant les divers types de délits pénaux.
Par ailleurs, a expliqué la délégation, il existe deux régimes de relations économiques matrimoniales entre l’homme et la femme: le contrat conjugal, où le mari administre les biens familiaux et qui constitue la majorité des régimes matrimoniaux; et le régime fondé sur le principe de l’égalité entre les conjoints. Mais ce dernier régime n’a pas eu, à ce jour, beaucoup de succès.
Au sujet de la torture et des réparations, la délégation a précisé que le Chili a mis en place un programme de réparations en faveur de toutes les personnes victimes de violations des droits de l’homme depuis 1990. Ce programme porte sur les aspects économiques, mais aussi sur la vie au quotidien de ces personnes, sous la forme d’une aide psychologique, d’une aide au logement et d’autres avantages. Le dernier jugement rendu par la Cour interaméricaine a salué et reconnu ce type de réparations, a indiqué la délégation. Elle ajouté qu’une autre forme de réparations se concrétiserait bientôt avec la mise en place de l’institut des droits de l’homme, dont les statuts prévoient de décerner un prix des droits de l’homme.
S’agissant de la réforme de la justice militaire, un membre de la délégation a précisé que le Gouvernement chilien entend présenter un projet de loi cette année, qui vise à modifier les compétences de la justice militaire, notamment dans les cas qui font intervenir des civils. Nous avons déjà procédé à une réforme importante de la justice, et nous ne sommes pas dans l’immédiat en mesure de lancer une réforme de grande ampleur de la justice militaire en raison du manque de ressources, a-t-il indiqué. Concernant le délit de violence excessive et la contradiction qui existe dans ce texte qui y est relatif, un autre membre de la délégation a expliqué que l’expression « motif rationnel » faisait référence à la légitime défense.
Sur l’avortement, la délégation a précisé que peu de femmes ont été condamnées au Chili pour cause d’avortement. Par ailleurs, dans le secteur privé, une loi sanctionne le harcèlement sexuel. Cette loi établit une distinction selon que le harcèlement est commis dans le privé ou dans le public. Au cours des premiers mois d’application de cette loi, 274 plaintes ont été déposées, dont 250 par des femmes. L’une des premières mesures prises par la Présidente Michelle Bachelet a été l’élaboration d’un Code de conduite du secteur public, qui a ensuite été repris par le secteur privé, a indiqué la délégation.
Il existe une Commission nationale pour les handicapés, qui peuvent déposer des plaintes pour violation de leurs droits. Il existe d’autre part un projet de loi globale qui régira les questions liées aux handicapées, a conclu la délégation.
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