LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME ENCOURAGE MADAGASCAR À RÉDUIRE LES DYSFONCTIONNEMENTS DE SON APPAREIL JUDICIAIRE
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Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
Comité des droits de l’homme
Quatre-vingt-neuvième session
2426e séance – matin
LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME ENCOURAGE MADAGASCAR À RÉDUIRE LES DYSFONCTIONNEMENTS DE SON APPAREIL JUDICIAIRE
Le Comité des droits de l’homme a poursuivi, ce matin, son examen de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à Madagascar, pays qui a ratifié cet instrument international le 21 juin 1971. Le Comité est composé de 18 experts de haute moralité qui possèdent une compétence reconnue dans le domaine des droits de l’homme. Les experts du Comité ont en majorité une riche expérience juridique en tant que magistrats, juristes ou universitaires.
Après s’être inquiétés de certaines dérives liées au fonctionnement des « dinas », juridictions coutumières qui rendent la justice dans les zones rurales de Madagascar, les experts ont, ce matin, orienté leurs questions et commentaires sur le fonctionnement du système légal et pénitentiaire de l’État de Madagascar. Le système juridique du pays avait déjà fait l’objet de critiques du Comité lors de la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie, faite il y a 15 ans, par la délégation malgache. Aujourd’hui, les échanges entre les experts et la délégation ont plus particulièrement porté sur l’amélioration des conditions de détention à Madagascar, qui restent caractérisées par une surpopulation carcérale; ainsi que sur le traitement des dossiers en souffrance; l’incarcération de personnes pour une dette civile; la formation des magistrats et des juges; l’aide juridique et les cas de personnes détenues alors que leurs dossiers d’enquête et d’accusation ont été perdus.
L’expert de la Tunisie, Abdelfattah Amor, a relevé le nombre important de projets existant à Madagascar sur l’amélioration de la condition carcérale tout en notant que malheureusement, ces projets restaient à « l’état de projets ». L’expert a aussi noté que la possibilité de la contrainte par corps pour manquement aux obligations contractuelles en cas de « mauvaise foi » existait toujours à Madagascar. De son côté, l’expert du Bénin, Maurice Ahanhanzo Glèlè-Ahanhanzo, a tenu à évoquer le cas d’un prisonnier, qui attend depuis 30 ans à Madagascar que soit donnée suite à sa procédure d’appel. Lui nier ce droit serait de la part de la justice malgache un acte inhumain, a estimé l’expert. Revenant sur les cas de dossiers perdus, l’experte des États-Unis, Ruth Wedgwood, a quant à elle signalé à la délégation qu’en cas de perte de dossier, il ne devrait pas y avoir de détention, ce type d’arrestation pouvant alors sembler arbitraire.
La délégation malgache qui était dirigée par la Ministre de la justice, Lala Henriette Ratsiharovala, a précisé que 595 dossiers en attente avaient fait l’objet d’un règlement, ce qui avait permis de réduire le nombre de détenus en attente de jugement. Elle a aussi précisé que des mesures alternatives à l’incarcération avaient été prises. En 2006, le Ministère de la justice a doublé le nombre de magistrats recrutés, tandis qu’un institut spécialisé pour la formation des avocats a été ouvert, a indiqué la Ministre. Lorsqu’un débiteur est en position d’honorer ses obligations financières, mais fait preuve de mauvaise foi, il est possible pour l’État de prendre des mesures sur le plan pénal, mais qui ne soient pas contraires à l’article 11 du Pacte, a-t-elle indiqué. Parlant des efforts faits pour éviter les pertes de dossiers, la Ministre a annoncé au Comité que les délégations provinciales des organes de justice sont désormais informatisées, ce qui permet d’éviter les pertes.
Le Comité des droits de l’homme reprendra ses travaux demain, mercredi 14 mars, à 10 heures, et entendra la présentation du cinquième rapport périodique du Chili.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS
Examen du troisième rapport périodique de Madagascar (CCPR/C/MDG/2005/3)
Suite des réponses aux questions des experts du Comité
Donnant réponse, ce matin, aux questions posées hier par les experts à la délégation de son pays, Mme LALA HENRIETTE RATSIHAROVALA, Ministre de la justice et Garde des Sceaux de Madagascar, a commencé par réagir aux remarques relatives à l’impossibilité qu’il y aurait de constituer des syndicats dans les zones franches industrielles de Madagascar. Elle a affirmé, à cet égard, que des pourparlers étaient en cours entre les organisations patronales et celles représentant les travailleurs afin de remédier à cette situation. L’État malgache a, par ailleurs, pris des mesures à cet égard, notamment en dépêchant des inspecteurs du travail pour inciter à la reprise des négociations entre les parties et établir des conventions collectives en facilitant la constitution de comités d’entreprise, a indiqué Mme Ratsiharovala. S’agissant de la question de la polygamie, la Ministre a déclaré que ce phénomène ne touchait que 1,6% des ménages de l’île et était interdit par les termes de la « loi monogamique ». Le nombre de foyers polygamiques tend à diminuer à Madagascar, compte tenu du coût de la vie de plus en plus élevé, a indiqué la chef de délégation.
Concernant les questions relatives au comité national des droits de l’homme, Mme Ratsiharovala a déclaré qu’il n’y avait aucune volonté d’éliminer d’anciens membres de la commission, qui devrait être reconstituée prochainement. À propos des normes régissant l’instauration de l’état d’urgence, elle a reconnu qu’il n’y avait pas d’instance de surveillance de l’exécutif dans ce genre de situation, mais que les citoyens pouvaient toujours engager des recours plus tard. Elle a précisé qu’en 2001, lors de la crise, il n’y avait pas eu de notification de mesures dérogatoires parce que le Gouvernement qui était en place pendant la période d’état d’urgence ne l’était plus au lendemain des élections.
Mme Ratsiharovala a ensuite indiqué que pour mettre fin aux trafics d’enfants, on avait retiré aux centres d’accueil les agréments qui leur avaient été accordés pour qu’ils répondent d’abord à des critères bien précis avant de pouvoir à nouveau en bénéficier. En outre, en vue d’éviter l’esclavage domestique des enfants, un comité national de surveillance a été établi afin de sensibiliser les parents à ce problème grave, tout en s’efforçant de leur procurer des activités génératrices de revenus et de leur faciliter l’accès au microcrédit pour qu’ils puissent créer de petites entreprises, a poursuivi la Ministre. Le fait de faire travailler des prisonniers est, lui, clairement régi par la réglementation régissant les contrats de travail entre l’employeur externe et le centre pénitentiaire, et les détenus sont rémunérés, même si ce n’est pas au même niveau que la main-d’œuvre non pénitentiaire.
Passant à la question de la contraception, la Ministre a dit que l’État malgache avait entrepris de distribuer, à tire expérimental, et dans sept districts, des moyens contraceptifs. À l’issue de cette première campagne de vulgarisation, le nombre d’utilisatrices a quintuplé, a-t-elle indiqué. La Ministre a ensuite annoncé que la torture serait érigée en infraction autonome dans le nouveau projet de loi en cours d’élaboration à Madagascar. Le nouveau texte de loi portant sur la détention préventive a pour sa part déjà été approuvé par le Conseil des ministres et a été transmis au Parlement pour adoption. La détention illimitée n’existera plus grâce à cette nouvelle loi, a annoncé la Ministre, en ajoutant qu’un certain nombre d’agents de l’État, dont de hauts fonctionnaires, avaient été arrêtés et jugés pour actes de corruption. Répondant aux questions posées par les experts sur les enlèvements de personnes à Madagascar, la Ministre a indiqué que la communauté indo-pakistanaise en a été le plus souvent la victime, et non pas la responsable, comme un malentendu avait pu le laisser entendre à la lecture du rapport périodique. Enfin, a conclu Mme Ratsiharovala, un code de déontologie a été élaboré à destination de la magistrature, en vue de prévenir la corruption au sein du corps judiciaire.
Questions des experts
Reprenant les questions, Mme CHRISTINE CHANET, experte de la France, s’est félicitée d’apprendre que la loi malgache ferait de la torture une infraction autonome et que le projet de loi, accepté par le Conseil des ministres, concernant les limites imposées à la détention provisoire, allait être transmis au Parlement. Elle s’est en revanche déclarée déçue par la réponse concernant les exécutions sommaires perpétrées par les forces de l’ordre et par le sort réservé aux enfants jumeaux qui, s’ils ne sont plus tués, continueraient tout de même d’être abandonnés. L’expert de Maurice a déclaré que le seul moyen de mettre fin à l’existence des instances coutumières que sont les « dinas » était de s’en tenir à une stricte application du Pacte, dans la mesure où ces juridictions traditionnelles rendent des arrêts contraires aux droits de l’homme.
M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, s’est déclaré de son côté impressionné par la sincérité des réponses de la délégation de Madagascar et par la qualité du rapport qu’elle a remis, qui contient des mesures encourageantes concernant le renforcement du principe de la présomption d’innocence. Il est également très important que l’article 131 de la Constitution malgache ouvre la voie à une ratification au Statut de Rome, a noté l’expert. Il s’est cependant interrogé sur les ambigüités de l’article 19 qui garantit la protection des individus « dès la naissance ». Il a demandé si le droit à l’avortement était inscrit dans la Constitution? Ensuite, s’est-il interrogé, l’invocation du « respect des valeurs culturelles et sociales », garanti par la Constitution, peut-elle servir à justifier le maintien de coutumes telles que celles qui sont appliquées aux jumeaux ou qui permettent aux dinas de rendre la justice?
M. MICHAEL O’FLAHERTY, expert de l’Irlande, a demandé la date à laquelle la commission des droits de l’homme serait rétablie. Évoquant l’état d’urgence, il s’est interrogé sur les modifications qui pouvaient être apportées au système actuel pour permettre la mise en œuvre de l’article 4 du Pacte, qui est relatif aux situations d’exception. Il a cependant félicité le Gouvernement malgache d’avoir mis en place des ateliers sur la ratification des protocoles facultatifs.
Mme RUTH WEDGWOOD, experte des États-Unis, est pour sa part revenue sur les arrestations de chefs de villages reconnus responsables d’exécutions sommaires, et qui auraient bénéficié de « peines proportionnées ». De quel genre de peines s’agit-il? a-t-elle demandé à la délégation.
Réponses aux questions des experts
Prenant la parole au sujet de l’amélioration des conditions de détention, la délégation de l’État partie a précisé que des efforts portant sur le règlement des dossiers en suspens ont permis d’en régler 595 et donc de réduire le nombre de détenus en attente de jugement. « Nous avons aussi pris des mesures alternatives à l’incarcération », a indiqué la délégation, « et nous avons pris des mesures pour la séparation des prisonniers, comme le demande le Pacte, ainsi que pour l’amélioration de l’alimentation des détenus ». Il n’est plus possible de contraindre par corps le recouvrement d’une dette civile. En 2006, nous avons recruté deux fois plus de magistrats, et un Institut spécialisé pour la formation des avocats a été ouvert. Des réformes sont d’autre part en cours pour la simplification et l’amélioration de l’aide judiciaire, a précisé la délégation malgache.
S’agissant des questions relatives à des violations de la liberté d’expression, de réunion et d’association, le représentant malgache a précisé que le régime de détention est uniforme. Le droit de saisine de la Haute Cour constitutionnelle revient à tout électeur inscrit et à tout candidat. Par ailleurs, il n’existe pas à Madagascar de minorités ethniques au sens traditionnel du terme. Les minorités linguistiques sont constituées de communautés étrangères qui sont libres de pratiquer leurs us, coutumes et religions. Le Gouvernement a prévu la mise en place de programmes de formation au Pacte qui reposent sur des cas pratiques de violations des droits de l’homme, a indiqué la délégation malgache au Comité.
Questions des experts
L’expert de la Tunisie a relevé le grand nombre de projets portant sur l’amélioration de la condition carcérale. Ce ne sont toutefois que des projets, et il faudrait qu’ils aboutissent, a-t-il souhaité. Il a relevé qu’en droit malgache, en cas « de mauvaise foi », il peut y avoir contrainte par corps pour manquement aux obligations contractuelles. Il a demandé quel était le contenu exact de l’article 408 du Code pénal que la délégation estime être en conformité avec le Pacte. S’agissant de la coexistence religieuse, il a relevé que celle-ci était une source de richesses. Mais toutefois, a-t-il demandé, y a-t-il eu une instrumentalisation politique de certaines églises? Est-ce que les Églises se sont comportées en institutions strictement religieuses ou ont-elles été tentées par la politique, y compris en 2001 et en 2002? D’autre part, le refus du Conseil électoral de saisir la justice à la demande d’un électeur peut-il être contesté dans le cadre d’un recours? L’expert de Maurice a demandé des données statistiques sur les méthodes d’arrestations à Madagascar et sur la proportion de prisonniers incarcérés pour des dettes publiques.
Mme ELISABETH PALM, experte de la Suède, a demandé ce qui était prévu pour punir ceux qui font travailler les enfants au lieu de les envoyer à l’école. Revenant sur le droit à un procès équitable, elle a déclaré que si introduire une nouvelle législation était une chose, la rendre opérationnelle et efficace en était une autre. Elle a aussi demandé des explications sur les deux cas de figure impliquant des dossiers perdus, ce qui révèle l’absence de système d’enregistrement des dossiers. Quels sont les émoluments des juges? a-t-elle demandé. Est-ce qu’un juge peut perdre son poste pour faute disciplinaire? Elle a ensuite demandé à la délégation de donner des informations sur le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
L’expert de Maurice s’est déclaré préoccupé par le fait qu’en ce qui concerne la situation des groupes ethniques et des langues, l’État malgache semblait opérer dans le rapport une distinction entre la communauté « malagasy » et les minorités dites « étrangères ». Ces communautés minoritaires comptent-elles parmi elles des citoyens malgaches? s’est-il interrogé. Dans le cas contraire, ces « étrangers » bénéficient-ils des mêmes droits que les Malgaches? a-t-il demandé à la délégation.
M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, expert de l’Inde, a demandé pour sa part qui étaient les personnes qui gèrent l’École nationale de la magistrature, établie en 1997, et celles qui y enseignent. Il s’est déclaré soucieux de savoir si c’étaient des juges qui s’occupaient de former d’autres juges et si toutes les garanties d’impartialité étaient réunies dans cette école, dont dépend l’indépendance de l’appareil judiciaire. Y a-t-il par ailleurs un programme d’assistance juridique et une loi le prévoyant? a poursuivi l’expert, qui s’est montré soucieux de savoir si tous les accusés bénéficiaient d’une défense appropriée. Se félicitant d’apprendre qu’une loi avait été adoptée en 2004 contre la corruption, il a voulu savoir dans combien de cas celle-ci avait à ce jour été effectivement appliquée.
Mme ZONKE ZANELE MAJODINA, experte de l’Afrique du Sud, a demandé si les étrangers en situation irrégulière étaient placés en détention provisoire jusqu’à la détermination de leur statut. Prenant l’exemple d’un demandeur d’asile en provenance d’Angola dont la demande ne serait pas fondée, elle a demandé quelles procédures seraient suivies pour assurer le retour, dans la dignité, de cette personne dans son pays d’origine. L’experte sud-africaine a également demandé quelles étaient les mesures prises par le Gouvernement pour s’assurer que la commission nationale des droits de l’homme soit complètement indépendante de l’exécutif. Elle a rappelé que le Haut Commissariat aux droits de l’homme fournissait une assistance technique aux pays qui en expriment le besoin pour les aider à respecter les Principes de Paris.
M. MAURICE AHANHANZO GLÈLÈ-AHANHANZO, expert du Bénin, a évoqué le cas d’un prisonnier à Madagascar, qui attend depuis 30 ans que soit donnée suite à son appel. Il a déclaré que lui dénier ce droit serait un acte inhumain.
Réponses aux questions des experts
Aux questions posées par les experts, la délégation a répondu qu’à Madagascar, lorsqu’un débiteur est en position d’honorer ses obligations financières, mais fait preuve de mauvaise foi, l’État a la possibilité de prendre des mesures de nature pénale, mais qui ne sont pas contraires à l’article 11 du Pacte. S’agissant de la formation des magistrats, il a déclaré que le cycle d’études de l’École nationale de magistrature comportait deux phases, une phase théorique et une phase pratique juridictionnelle, complétée par une formation continue. Par ailleurs, en ce qui concerne la liberté religieuse, elle est consacrée par la Constitution. Réagissant aux remarques relatives à la fermeture des deux églises par l’État, la délégation a répondu que la première était une église protestante réformée qui avait enfreint le droit commun en essayant de s’approprier des biens appartenant à l’Église dont elle était une branche dissidente. Un recours administratif a été déposé par ses représentants, a précisé la délégation. Quant à la seconde église concernée, il s’agissait d’une église sectaire non reconnue qui n’avait pas sollicité le statut d’association culturelle avant d’ouvrir ses portes.
La délégation a ensuite indiqué qu’à Madagascar, les réfugiés étaient pris en charge dignement, que leurs droits étaient respectés et qu’il n’y avait pas eu de rapatriements forcés. Par ailleurs, le nombre de personnes naturalisées n’atteint pas un chiffre significatif et ne constitue pas une communauté à part entière, a poursuivi la délégation. Évoquant la question des « dossiers perdus » de certains détenus qui ont été libérés en 2005, l’un des membres de la délégation a assuré que toutes les représentations provinciales étaient désormais informatisées, ce qui permet aux dossiers de ne plus se perdre comme c’était le cas auparavant. Cependant, des greffiers ayant perdu des dossiers se sont vus imposer des mesures disciplinaires pour les inciter à faire preuve d’une plus grande vigilance à l’avenir.
En outre, a poursuivi la délégation, tous les inculpés peuvent prendre un avocat et se faire assister par une personne de leur choix. Le Conseil supérieur de la magistrature, composé de représentants de cours d’appel, de la Cour suprême, du Gouvernement et de magistrats élus par leurs pairs, a pour fonction de statuer sur la promotion des juges. C’est aussi un organe disciplinaire qui a les prérogatives de désigner deux membres de la Haute Cour constitutionnelle. À l’appui de la loi anticorruption, un bureau de sensibilisation et de répression a été mis en place pour mener des enquêtes, a précisé la délégation, qu’ainsi qu’une « chaîne anticorruption » qui ne s’occupe que des affaires de ce type. Cette « chaîne » n’est pour le moment active que dans la zone de la capitale, Antananarivo, mais le Gouvernement a l’intention de la mettre en place dans les trois autres provinces.
Questions de suivi
Reprenant les questions, l’experte de la Suède a précisé qu’elle souhaitait avoir des précisions sur la durée et les modalités des mandats des juges. Se félicitant en outre des améliorations apportées pour trouver des solutions à la question des dossiers perdus, elle a émis l’espoir que l’informatisation des systèmes serait poursuivie dans toutes les provinces. Quant au Conseil de la magistrature, elle s’est déclarée inquiète de sa composition, en estimant que l’exécutif la domine. Il semble, en outre, que les décisions prises par cet organe soient secrètes, s’est inquiétée l’experte. Si ce fait s’avère exact, cela pourrait avoir des conséquences sur l’indépendance des juges, a-t-elle estimé.
L’expert de l’Inde a indiqué qu’il partageait les objections émises par son homologue de la Suède. Il s’est en outre demandé s’il existait un organe permettant aux gens les plus pauvres d’avoir un accès gratuit à l’aide juridique. Enfin, a relevé l’expert, un certain nombre de télévisions et de radios ont été fermés à Madagascar. Pour quelle raisons? a-t-il souhaité savoir, tout en demandant si ces décisions avaient été prises par le Gouvernement.
L’experte des États-Unis a pour sa part, déclaré que lorsqu’il n’y avait pas de dossier, il ne devrait pas y avoir de détention. Sinon les détentions opérées sont arbitraires, a estimé l’experte. Revenant sur la question des religions dites non traditionnelles, elle a indiqué qu’il était très important de se souvenir que la liberté de culte devait s’appliquer à toutes ces religions, qu’elle soient traditionnelles ou non traditionnelles.
Remarques finales
Mme RATSIHAROVALA a précisé que selon la Constitution malgache, les juges sont inamovibles. Leur mandat n’a pas de durée prédéterminée, mais les fautes disciplinaires peuvent coûter la révocation du magistrat, a-t-elle précisé. Dans les cas où les dossiers ont été perdus, les prisonniers doivent être libérés immédiatement. Il existe peu de cas ayant impliqué une aide judiciaire, en raison du nombre important de formalités nécessaires pour l’établissement de l’état d’indigence du demandeur, mais nous tentons de corriger cet état de fait, a précisé la Ministre. Nous disposons toutefois de bureaux d’information juridique gratuite, a-t-elle indiqué. Un autre membre de la délégation a ensuite expliqué que la liberté de religion était garantie à Madagascar.
M. RAFAEL RIVAS POSADA (Colombie), Président du Comité, a félicité l’État partie pour les efforts qu’il mène en vue de réviser sa législation. Mais il a néanmoins relevé la persistance de questions préoccupantes, et qui doivent être traitées de toute urgence. Il a manifesté sa surprise devant la longue période qui s’est écoulée entre la présentation du deuxième et du troisième rapports périodiques de Madagascar. Une aussi grande durée ne contribue pas au bon déroulement des travaux du Comité, a prévenu le Président. Il a demandé à l’État partie des précisions sur ce qu’il entendait faire au sujet de deux sujets qui ont particulièrement préoccupé les experts, à savoir l’existence de tribunaux coutumiers et le sort réservé aux jumeaux en raison de tabous existant dans certaines régions de Madagascar. Un troisième sujet de préoccupation porte sur le fonctionnement de l’État en cas de situations d’urgence, a ensuite noté M. Posada, en s’inquiétant que dans certains cas cet état d’urgence puisse être indéfiniment prolongé. Le Président a, par ailleurs, exprimé des doutes sur le traitement des détenus qui sont soumis au travail forcé. Il a ensuite suggéré à État partie de donner une définition de ce qui est considéré comme une minorité à Madagascar.
Faisant une déclaration finale, la Ministre a affirmé que le dialogue engagé avec le Comité des droits de l’homme avait permis à sa délégation de prendre conscience de l’importance de l’attention qu’il faut accorder à la promotion et au respect des droits de la personne humaine dans le droit national d’un pays. Le développement auquel nous aspirons, a-t-elle continué, ne consiste pas au seul progrès matériel, mais doit prendre l’homme dans toutes ses dimensions. Aussi tenons-nous à mettre en exergue cet aspect humain du développement, car l’accroissement des richesses ne sera pas durable sans l’épanouissement de l’homme. C’est dans cette mesure que l’éducation par exemple, tient une place importante parmi les objectifs du MAP (« Madagascar Action Plan »), car la transformation de l’éducation de base est un facteur essentiel de promotion et d’appropriation de la démocratie.
Nous sommes certains que le Comité a pu appréhender à travers ce rapport les réalités existantes à Madagascar, a poursuivi la Ministre. Mais nous devons ajouter qu’étant donné la date de publication de ce rapport, certaines réalités qui y sont rapportées sont déjà dépassées, car il faut reconnaître que Madagascar avance rapidement. La tradition séculaire du « moramora » malgache est en passe de devenir une légende, a dit la Ministre. Outre l’adhésion aux grandes conventions internationales, Madagascar a veillé à renforcer sa législation dans la promotion des droits de l’homme. Ceci est surtout perceptible dans l’évolution des droits des personnes vulnérables: tel est le cas des personnes handicapées, ou de celles atteintes du VIH/sida; et surtout de celles vivant dans le milieu carcéral et soumises au droit des détenus. Dans le domaine pénitentiaire, la situation est encore préoccupante, mais beaucoup d’améliorations ont été apportées, a insisté la Ministre. Il y a cependant toujours un décalage entre les lois votées et les réalités vécues, mais des efforts pratiques sont faits pour combler ce fossé, a-t-elle affirmé. La Ministre a déclaré, en conclusion, que son gouvernement tiendrait compte des observations du Comité, et se déclarait favorable à la mise en œuvre de dispositifs d’observation des pratiques de la démocratie, et du respect des droits et des libertés.
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