En cours au Siège de l'ONU

DH/CT/682

LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME OUVRE SA SESSION PAR L’EXAMEN DU RESPECT DU PACTE POUR LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES À MADAGASCAR

12/03/2007
Assemblée généraleDH/CT/682
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Pacte international relatif

aux droits civils et politiques

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-neuvième session                              

2424e et 2425e séances – matin & après midi


LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME OUVRE SA SESSION PAR L’EXAMEN DU RESPECT DU PACTE POUR LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES À MADAGASCAR


L’existence de juridictions coutumières violant les normes juridiques internationales et les abus contre les enfants jumeaux préoccupent notamment les experts du Comité


Les travaux de la première session de 2007 du Comité des droits de l’homme se sont ouverts aujourd’hui au Siège des Nations Unies, à New York, par l’examen de la situation des droits civils et politiques à Madagascar.  La délégation de cet État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques a présenté cet, après-midi, aux dix-huit experts du Comité le troisième rapport périodique* de Madagascar, qui intervient après la présentation du deuxième rapport de l’État partie en 1991.  Les rapports périodiques sont présentés au Comité des droits de l’homme par les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte), en application de l’article 40 de cet instrument juridique international qui est entré en vigueur en 1976.  La présentation de l’État partie et les échanges que ses représentants ont avec les juristes, experts du Comité, ont pour but de s’assurer de la bonne mise en œuvre des dispositions juridiques du Pacte par l’État partie au bénéfice de sa population.


Regrettant qu’il ait fallu une quinzaine d’années à Madagascar pour remettre au Comité son troisième rapport-bilan en matière d’application et de respect des normes relatives aux droits de l’homme civils et politiques, les experts du Comité se sont cependant félicités d’un certain nombre de mesures prises par cet État en application du Pacte.  La Ministre de la Justice et Garde des Sceaux de Madagascar, Mme Lala Henriette Ratsiharovala, a, dans sa présentation du rapport de son pays, fait particulièrement valoir les efforts qui y ont été entrepris dans le domaine judiciaire et pénitentiaire.  Elle a notamment cité, à cet égard, la promulgation du statut de la magistrature malgache et d’un décret réorganisant l’administration pénitentiaire du pays.


Dans le troisième rapport périodique de Madagascar, il est précisé que l’impact de la crise qui a secoué le pays en 2002 après le scrutin présidentiel; les effets dévastateurs des cyclones et des inondations; la hausse du coût du pétrole et du riz sur le marché international, et la dépréciation de la monnaie malgache, ont provoqué une forte dégradation de la situation économique de l’île.  Néanmoins, malgré les difficultés auxquels il a été confronté, l’État malgache s’est employé à améliorer la situation des droits humains sur son territoire, en ratifiant la Convention contre la torture en décembre 2005 et les deux protocoles additionnels à la Convention sur les droits de l’enfant.


En outre, est-il stipulé dans le rapport, l’édition en langue nationale de manuels relatifs au respect des droits de l’homme inclut également des recommandations sur l’application du Pacte.  Enfin, le projet de révision de la Constitution de Madagascar, qui sera soumis à un référendum populaire le 4 avril prochain, a permis d’apporter des améliorations dans certaines des dispositions de la loi fondamentale pour y renforcer l’effectivité des conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles Madagascar est partie, a précisé Mme Ratsiharovala.


Au cours de l’entretien qui a suivi la présentation du rapport, les experts du Comité ont demandé des éclaircissements sur le statut des « dinas », ces juridictions coutumières qui rendent la justice dans les zones rurales de Madagascar à la manière des tribunaux d’État.  Méconnaissant les voies d’appel, les « dinas » ont par le passé rendu des condamnations à la peine capitale, alors qu’elles sont supposées prévenir les exécutions sommaires, a-t-il été notamment relevé.  Le représentant de la délégation de Madagascar a répondu que l’arrestation et la condamnation en 1998 d’une personne qui siégeait dans une de ces instances traditionnelles avait mis fin aux arrêts d’exécution.


Pour éviter que de telles juridictions aillent au-delà de leurs prérogatives, la loi 2001-004 a interdit aux « dinas » de prendre des décisions qui ne seraient pas conformes à la loi malgache et n’auraient pas auparavant reçu une décision marquant une approbation formelle des structures gouvernementales.  Désormais encadrées, les « dinas », qui n’ont plus rien d’« arbitraire ni d’archaïque », ne s’occupent plus désormais que d’infractions mineures, a assuré la délégation malgache, qui a souligné qu’elles participaient de l’organisation et de l’identité de la société malgache.  Si l’experte de la France s’est félicitée que la peine capitale, en attendant d’être abolie, soit rarement appliquée –à l’exception des cas « les plus graves »- elle a regretté que le vol de bétail fasse partie de ces cas « graves », ce qui est clairement contraire à l’article 6 du Pacte, a-t-elle souligné.


Les experts se sont aussi intéressés à une autre « pratique coutumière »: le statut et le sort souvent réservés aux jumeaux à Madagascar.  Alors que l’expert du Bénin a évoqué le fait que, dans son propre pays, il arrive qu’en cas de naissance gémellaire un des jumeaux soit tué à la naissance en raison de certaines superstitions, un membre de la délégation malgache a assuré que cela n’était jamais arrivé à Madagascar.  Elle a, en revanche, reconnu l’ostracisme qui frappe les jumeaux dans certaines régions de l’île, où ils sont parfois abandonnés avant d’être recueillis dans des orphelinats spécialement ouverts par l’État.  Enfin, en dépit de son abolition, inscrite dans la constitution malgache, l’esclavage persiste dans le pays sous certaines formes, notamment à travers l’emploi sous-rémunéré -ou pas du tout- de certaines catégories de personnes, notamment les étrangers, qui peuvent être mal protégés par la Constitution.


Au cours de la brève séance d’ouverture de sa session ce matin, le Comité des droits de l’homme a adopté son ordre du jour provisoire** et a élu les membres de son Bureau: M. Rafael Rivas Posada, de la Colombie, a été élu par acclamation Président du Comité.  Mme Elisabeth Palm, de la Suède; M. Ahmed Tawfik Khalil, de la Tunisie; et M. Ivan Shearer, de l’Australie, en ont été élus Vice-Présidents.  M. Abdelfattah Amor, de la Tunisie, a été élu Rapporteur des travaux.


Au cours de sa quatre-vingt-neuvième session, qui se tiendra jusqu’au 30 mars, cet organe, chargé de superviser la mise en œuvre des droits civils et politiques examinera également les rapports périodiques du Chili -les 14 et 15 mars-; et de la Barbade -les 21 et 22 mars-.  L’examen de la situation des droits des droits de l’homme au Rwanda, initialement prévu à l’ordre du jour, est reporté à une date ultérieure, les autorités de ce pays s’étant engagées à présenter leur rapport périodique d’ici à la fin du mois d’avril au plus tard, a annoncé ce matin, dans son allocution d’ouverture, le Représentant du Secrétaire général, M. Ngonlardje Mbaidjol.


Le Comité poursuivra ses travaux demain, mardi 13 mars, à partir de 10 heures, par un nouvel échange de questions-réponses entre les experts et la délégation de Madagascar.


* CCPR/C/MDG/2005/3

** CCPR/C/89/1


OUVERTURE DE LA SESSION PAR LE REPRÉSENTANT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL


M. NGONLARDJE MBAIDJOL, Représentant du Secrétaire général, a déclaré que depuis la dernière session du Comité, les normes internationales des droits de l’homme avaient été enrichies par l’adoption de trois nouveaux instruments par l’Assemblée générale.  Le 13 décembre 2006, l’Assemblée a ainsi adopté la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, dont les termes s’appliquent à environ 650 millions de personnes vivant dans le monde entier; le 20 décembre, elle a adopté la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui a été ratifiée par plus de 57 pays.  M. Mbaidjol a en outre annoncé que le Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) se réunirait prochainement, alors que le Comité pour la prévention de la torture vient pour sa part de tenir sa première session à Genève.  Ce nouveau mécanisme de surveillance, a expliqué le Représentant du Secrétaire général, est différent des autres mécanismes établis en vertu des traités des Nations Unies, car il met en place un système de visites préventives, qui doivent être effectuées d’une manière qui soit complémentaire à celles menées par les experts nationaux et internationaux.


Poursuivant son bilan des activités des organes des droits de l’homme, le Représentant du Secrétaire général a rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait repris ses travaux en novembre dernier et tenu, respectivement le 15 novembre et les 12 et 13 décembre, deux sessions extraordinaires.  Ces sessions avaient respectivement trait aux incursions militaires israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, notamment dans la bande de Gaza et à Beït Hanoun, et à la situation au Darfour.  M. Mbaidjol a ensuite indiqué qu’un groupe de travail sur l’harmonisation des méthodes de travail des organes de traité s’était réuni les 27 et 28 novembre derniers à la lumière de la proposition de la Haut-Commissaire, Louise Arbour, de fédérer l’ensemble des organes existants sous l’égide d’un seul cadre. 


S’agissant de la présente session du Comité des droits de l’homme, M. Mbaidjol a souligné que depuis la tenue de sa dernière session à Genève, le Secrétaire général avait reçu le rapport initial du Botswana, ainsi que les deuxièmes rapports périodiques de l’ex-République yougoslave de Macédoine et de Saint-Marin; le troisième rapport périodique de l’Algérie; ceux de l’Irlande et du Panama; et les sixièmes rapports périodiques du Royaume-Uni, de l’Irlande du Nord et de la Tunisie.  Au cours de la session qui s’ouvre aujourd’hui, les experts examineront les rapports périodiques de Madagascar, du Chili et de la Barbade, a indiqué le Représentant du Secrétaire général.  L’examen de la situation des droits de l’homme au Rwanda est quant à lui reporté en attendant que l’État remette son rapport qu’il s’est engagé à transmettre au Comité d’ici à avril 2007, a précisé M. Mbaidjol, en conclusion.


EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS


Présentation du troisième rapport périodique de Madagascar (CCPR/C/MDG/2005/3)


Présentant le rapport CCPR/C/MDG/2005/3, Mme LALA HENRIETTE RATSIHAROVALA, Garde des Sceaux et Ministre de la justice de Madagascar, a expliqué que le retard accusé par son pays depuis la présentation de son dernier rapport était imputable à plusieurs facteurs.  Cependant, Madagascar se reconnaît obligataire de droit par rapport au Pacte, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent et entend renouer le dialogue avec le Comité en vue de rechercher ensemble les voies et moyens d’améliorer l’application des termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a déclaré la Ministre.  Ainsi, a-t-elle indiqué, l’actuel Gouvernement a mis en place, depuis 2003, un Comité technique de rédaction des rapports initiaux et périodiques liés aux droits de l’homme.  Ce comité technique est composé de membres issus du secteur public, des ONG et de la société civile.


Le Gouvernement malgache remercie le Comité de lui avoir communiqué la liste de ses questions, auxquelles sa délégation répondra.  Les réponses apportées seront d’ordre juridique, législatif, institutionnel, judiciaire et politique, a indiqué la Ministre.  Elles englobent les mesures déjà prises, ainsi que celles qui sont en cours d’application, et d’autres programmes lancés pour renforcer l’application du Pacte.  Depuis la rédaction du rapport qui est présenté aujourd’hui en décembre 2004, a annoncé la Ministre, des avancées ont été réalisées dans le domaine de la réforme du système judiciaire et pénitentiaire.  Le statut de la magistrature et le décret 2006-015, portant organisation régionale de l’administration pénitentiaire, ont ainsi été promulgués.  En outre, Madagascar a procédé à la ratification de la Convention contre la torture en décembre 2005, et des deux protocoles additionnels à la Convention sur les droits de l’enfant.  L’édition en langue nationale de manuels relatifs au respect des droits de l’homme inclut des recommandations sur l’application du Pacte.  Enfin, le projet de révision de la Constitution, qui va être soumis à un référendum populaire le 4 avril prochain, a permis d’apporter des améliorations dans certaines de ses dispositions pour renforcer l’effectivité des conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquels Madagascar est partie, a conclu Mme Ratsiharovala.


Réponses aux questions des experts du Comité


Répondant ensuite aux questions qui ont été communiquées à la délégation malgache, la délégation de Madagascar a d’abord évoqué la portée juridique de l’article 8 de la Constitution sur le statut accordé à un étranger dans le pays.  Il a expliqué que la Constitution de Madagascar répondait aux exigences du Pacte dans la mesure où le libellé de cet article garantit la protection devant la loi de tous les citoyens et les défend contre toute violation des droits de l’homme.  Certains droits, comme celui d’occuper une fonction politique, sont cependant hors de portée des personnes étrangères.  Le représentant a ensuite indiqué que la diffusion des textes relatifs aux droits de l’homme n’était pas encore achevée et que l’État malgache entendait corriger cette insuffisance, notamment par l’organisation d’ateliers de formation des acteurs du secteur judiciaire et d’activités de sensibilisation aux dispositions du Pacte.  Pour ce qui concerne les mesures accompagnant une situation d’état d’urgence, les garanties existantes sont de nature constitutionnelle et juridique, a dit la délégation malgache.  L’état dit d’« exception » ne prend effet qu’après promulgation d’un texte de loi, qui est valable 15 jours pour une situation d’urgence, et trois mois pour un état d’exception.  Des recours sont possibles dans ce contexte, s’il y a eu des abus de pouvoir pendant les périodes concernées, a indiqué la délégation.


Répondant ensuite aux interrogations des experts du Comité sur l’égalité entre hommes et femmes, le représentant de la délégation de Madagascar a affirmé que le nombre de femmes malgaches occupant des postes aux niveaux national et international était en hausse.  En ce qui concerne la participation des femmes à l’économie du pays, la parité y est également en hausse.  Il y a aussi lieu de noter les dispositions juridiques prises par le Gouvernement pour établir l’égalité entre hommes et femmes, ainsi que les mesures prises en vue de mettre fin à certaines coutumes contraires aux dispositions du Pacte, a souligné la délégation malgache.  Pour ce qui est des articles 6 et 7 du Pacte, qui ont trait au droit à la vie et à l’interdiction de la torture, la délégation a indiqué que la mortalité maternelle était en baisse.  Elle a en particulier souligné la baisse notable de la mortalité due à des avortements clandestins.  Madagascar compte augmenter le taux de prévalence de la contraception, a ajouté à cet égard le représentant.


Une proposition de loi visant l’abolition de la peine de mort a été examinée, bien que son adoption ait été ajournée à une date ultérieure, a poursuivi le représentant.  Il a par ailleurs déclaré qu’il n’y avait plus d’exécutions liées à des juridictions coutumières, puisque la justice malgache est rendue désormais par les cours d’appel et les juridictions d’État.  Cependant, en 1998, l’État a fait arrêter et condamner une personne qui siégeait dans une juridiction coutumière, ce qui a mis fin aux arrêts d’exécution de ce genre d’instances.  Pour éviter l’existence de telle juridictions, la loi 2001-2004 qui a été adoptée par le Parlement, interdit à ces juridictions de prendre des décisions qui ne soient pas conformes à la loi malgache et n’ont pas reçu auparavant une décision d’approbation.  Ces juridictions ne s’occupent plus désormais que de certaines infractions mineures, a assuré la délégation.  En ce qui concerne les allégations de tortures qui auraient été perpétrées par les partis des deux candidats à l’élection présidentielle de 2001, la délégation a répondu qu’il y avait eu des plaintes qui avaient été enregistrées et avaient fait l’objet de jugements, certaines victimes étant ensuite indemnisées.


Enfin, comme il a été indiqué par la Ministre de la Justice dans sa présentation, un nouveau décret a été adopté en 2006.  Il règlemente le travail pénitentiaire et interdit l’utilisation de la main d’œuvre pénale à titre gratuit.  Il est cependant possible de faire travailler les prisonniers concernés à partir du moment où ils sont rémunérés.  Mais cette rémunération n’atteint pas le niveau de celle qui serait octroyée à des hommes ou femmes libres.


Répondant à la question posée à sa délégation sur la protection des travailleurs domestiques, la représentante de Madagascar a précisé que ceux-ci sont traités comme tous les autres travailleurs et bénéficient donc de congés payés, leur salaire étant au moins égal au SMIC.


S’agissant de la surpopulation carcérale, il existe une ordonnance de prise de corps immédiate qu’un nouveau projet de loi tente de supprimer.  Les détentions seront donc limitées après adoption de cette loi.  Des efforts ont été déployés pour régler des dossiers en suspens datant de plus de trois ans. 


Répondant à la question 12 sur les cas d’arrestation et de détention arbitraire avant et pendant les périodes électorales, le représentant a indiqué que pour parler de détention arbitraire, il fallait que cette arrestation et cette détention aient été faites en dehors du cadre légal sans que références soient faites à une loi ou à une procédure pénale.  Pendant la période électorale de 2001, il n’y a pas eu avant, pendant, ni après le déroulement du scrutin de problèmes opposant les deux camps, sauf à partir de la proclamation du résultat qui a fortement été contesté par la population.  Celle-ci a souhaité une confrontation entre les procès verbaux détenus par la Cour constitutionnelle et ceux détenus par l’opposition.  Des arrestations ont été faites le 6 mai après la validation des résultats de vote, et les arrestations et détentions qui ont eu lieu reposent sur des infractions précises comme la destruction d’ouvrages et de biens publics; des détournements de fonds publics; des séquestrations; des meurtres; des voies de faits et blessures et des atteintes à la sûreté intérieure de l’État.  On ne peut pas dire dans ces cas qu’il s’agisse de détention arbitraire, a estimé la délégation de Madagascar. 


Questions des experts


M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, a vu dans la présentation du rapport un signe de sérieux certain et une volonté de contribuer à l’évolution prometteuse des droits de l’homme à Madagascar.  Formulant un certain nombre de remarques générales et de questions spécifiques, notamment sur l’article 8 de la Constitution malgache, il a noté que le 4 avril prochain aura lieu un référendum au sujet d’une nouvelle constitution.  La Constitution et le droit positif malgaches en général, nous interpellent sur la place du droit et des structures coutumières, y compris de nature juridictionnelle.  On ne peut pas s’empêcher de constater qu’au nom des coutumes, bien des outrages sont commis contre les droits de l’homme, a relevé l’expert.  La question de la compatibilité de ces structures avec le Pacte peut poser problème, car certaines pratiques sociales observées à Madagascar, comme la polygamie, ou l’infanticide de l’un des deux jumeaux ne sont pas acceptables au regard du Pacte.  Il revient à l’État, et à l’État seul, de prendre en charge le respect des dispositions du Pacte.  Le droit a une fonction de changement social qui est indiscutable, et il appartient à l’État de provoquer le changement nécessaire en mettant à contribution le droit et les sanctions qu’il prévoit, a dit M. Amor.  Si le Pacte n’est pas applicable immédiatement, est-ce que des lois ont repris ses dispositions internes? s’est demandé l’expert.  Est-ce que le Pacte a une valeur supra-ordinaire?  M. Amor a souhaité savoir s’il existe à Madagascar des procédures et des mécanismes chargés de veiller au respect des dispositions du Pacte.  Il a aussi soulevé la question de la réciprocité du Pacte.


M. MICHAEL O’FLAHERTY, expert de l’Irlande, a demandé quelle a été l’issue de l’affaire dans le cadre de laquelle le Pacte a été invoqué devant la Cour suprême de Madagascar.  Il a souhaité en savoir plus sur le programme de sensibilisation au Pacte mis en œuvre avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a aussi souhaité savoir si le Gouvernement malgache disposait d’un calendrier pour le rétablissement de la Commission des droits de l’homme.  Il a aussi demandé des précisions sur l’application de l’article 8 du Pacte, qui interdit toutes les formes d’esclavage.  Comment cet article est-il appliqué pour lutter contre la traite des êtres humains? a voulu savoir l’expert irlandais.


M. MAURICE GLELE-AHANHANZO, expert du Bénin, a soulevé le problème des jumeaux, qui se pose également dans son propre pays.  Ainsi, alors que dans le sud du Bénin, on se réjouit de la naissance de jumeaux, dans le nord, quand on a deux enfants, la tradition veut que l’on en élimine un, a-t-il expliqué.  Cette question a également été soulevée par M. AHMED TAWFIK KHALIL, expert de l’Égypte, qui a rappelé que la Convention des droits de l’enfant faisait des recommandations très spécifiques pour qu’il soit mis fin à de telles pratiques.  Par ailleurs, qu’est-il fait par l’État pour sensibiliser les Malgaches à la question déterminante de l’égalité entre hommes et femmes?  Enfin, que fait le Gouvernement pour faire connaître et diffuser le Pacte parmi la population?, a-t-il ajouté


M. Khalil a ensuite noté que le rapport de l’État partie contenait toute une série de recommandations sur le respect du droit à la vie.  Il y est notamment mentionné l’ignorance qui entoure l’utilisation des moyens contraceptifs modernes.  S’agissant des enfants non désirés et du problème d’avortement clandestin, on aurait pu croire que l’accent aurait été mis sur l’utilisation de ces méthodes.  Or elles sont peu employées, a fait observer l’expert, qui s’est demandé ce que le Gouvernement faisait pour y remédier.  La question des « dinas » a également été soulevée par M. Khalil, qui a demandé si les tribunaux étaient satisfaits par les décisions rendues par ces juridictions.  S’agissant des mesures prises pour abolir la torture, il a rappelé que les ONG avaient demandé que soit adoptée une définition claire de cette pratique par l’État partie.  En outre, le Protocole facultatif à cette convention fait obligation à chaque État de hâter la prévention en ce domaine.  Madagascar compte-t-il adhérer à cet instrument? s’est-il demandé.


S’agissant de l’article 8 du Pacte, Mme ELIZABETH PALM, experte de la Suède, a noté qu’il était dit dans le rapport que l’esclavage avait été aboli.  Mais elle a cependant regretté la subsistance de formes d’esclavage, puisque certaines catégories de personnes exercent encore à Madagascar des emplois peu ou pas rémunérés.  Le Gouvernement a certes mis un terme à l’emploi à titre gratuit des détenus et fait passer un décret interdisant le travail des enfants à domicile.  Mais, a-t-elle demandé, qu’est-il fait précisément pour veiller à ce que les enfants soient effectivement protégés?


M. RAJSOOMER LALAH, expert de Maurice, a félicité Madagascar de son excellente présentation, regrettant cependant d’avoir du attendre 15 ans pour qu’il soit remis au Comité.  Un certain nombre de réformes reste à prendre pour que Madagascar respecte pleinement les dispositions du Pacte, a-t-il estimé.  M. Lalah a dit qu’il aurait souhaité qu’une référence soit faite aux recommandations antérieures du Comité, ce qui n’est pas le cas, sauf peut-être en ce qui concerne les femmes.  En outre, étant donné la situation de certaines personnes condamnées à la suite des troubles de 2001, il a déclaré qu’il fallait s’assurer que l’impunité n’était pas permise.  Or, à Madagascar, le secteur judiciaire n’est pas toujours perçu comme une entité complètement indépendante, a estimé l’expert.  Il a demandé s’il y avait eu des discriminations dans les décisions de justice rendues contre les partisans des deux formations en lice aux élections présidentielles de 2001. 


Évoquant ensuite l’article 4 du Pacte, relatif aux situations d’exception, M. Lalah a affirmé qu’il n’était pas fait mention de la question de l’état d’urgence dans le rapport.  Ce n’est que dans les réponses écrites qu’il y est fait allusion, a-t-il noté.  Pourtant, cet article est essentiel, a souligné l’expert, parce que ces droits sont les éléments de base auxquels l’exécutif ne saurait déroger à aucun moment.  Lorsque l’état d’urgence a été déclaré en 2001, des informations ont-elles été notifiées au Secrétaire général et au Comité? a demandé M. Lalah.  En outre, les tribunaux qui autorisent les « dinas » à rendre justice tiennent-ils compte des dispositions du Pacte?  Toute décision d’une dina peut-elle faire l’objet d’un appel?  Enfin, les droits garantis au paragraphe 14 de l’article 5, qui s’appuient sur la présomption d’innocence, sont-ils respectés par les dinas? a demandé l’expert.


Mme CHRISTINE CHANET, experte de la France, a relevé l’écart important qui sépare la présentation des rapports de Madagascar.  Douze années se sont écoulées entre le premier et le deuxième, et quinze années entre le deuxième et le troisième.  Elle a aussi regretté que les mêmes problèmes semblent se poser à Madagascar, et y semblent chroniques.  Même si la peine de mort a été abolie de facto -sauf pour les cas les plus graves- nous savons que le vol de bétail fait partie de ces « cas graves », ce qui est contraire à l’article 6 du Pacte, a noté Mme Chanet.  Elle a aussi relevé que les « dinas », ces institutions traditionnelles qui rendent encore la loi à Madagascar, n’ont pas remplacé les exécutions sommaires pratiquées dans les campagnes par les forces de l’ordre alors qu’elles étaient censées être un outil de règlement des différends.  Une législation prévoit-elle une répression de la torture?  La législation actuelle en fait seulement un cas d’aggravation de peine, a noté Mme Chanet.  Elle a relevé que le délai de détention après prise de corps était illimité, ce qui ne correspond pas à une application rigoureuse de l’article 9 du Pacte.


M. MAURICE AHANHANZO GLÈLÈ-AHANHANZO, expert du Bénin, a lui aussi demandé des précisions sur la détention arbitraire, en précisant qu’un tel cas a été porté devant la Cour de cassation depuis 1978.  Mme IULIA ANTOANELLA MOTOC, experte de la Roumanie, a demandé des précisions sur les coutumes malgaches et sur les mesures que l’État avait prises en cas de violation de la loi malgache.  Elle a souhaité obtenir davantage de détails sur les réseaux spécialisés dans les enlèvements de personnes, qui sévissent à Madagascar.  Quelle est la situation des minorités au regard de la Constitution? a-t-elle aussi demandé à la délégation malgache.  M. YUJI IWASAWA, expert du Japon, a demandé des précisions sur l’application de la loi coutumière dans les campagnes.  M. EDWIN JOHNSON LOPEZ, expert de l’Équateur, a pour sa part relevé que les travailleurs avaient du mal à faire valoir leurs droits syndicaux, certaines usines interdisant les réunions syndicales.  Une seule usine, sur les 62 qui existent dans la zone franche de Madagascar, a passé un accord avec ses employés, a-t-il relevé.


Répondant à la série de questions posées par les experts, la délégation a expliqué que son pays a lancé des programmes de sensibilisation contre les coutumes qui sont contraires au Pacte, ceci en partenariat notamment avec le PNUD.  Cette année sera consacrée à un dialogue communautaire là où des résistances au Pacte ont été relevées, et dans les villages qui enregistrent de nombreuses naissances d’enfants jumeaux.  Le problème est que débattre de certaines questions est déjà un tabou, a relevé la délégation.  On tentera de créer des relais d’information au niveau local chargés de convaincre les habitants concernés, a cependant promis la délégation.  L’État a lancé des poursuites contre des chefs coutumiers ayant passé des juridictions contraires à la loi d’encadrement, a-t-il indiqué.  Les décisions rendues par les dinas portent sur des litiges de moindre importance, et il est toujours possible de saisir un tribunal de première instance.


Un autre membre de la délégation malgache a indiqué que Madagascar a sa culture et sa tradition, et que les « dinas » ont toujours existé pour réguler la vie dans la société malgache depuis des siècles.  Il ne s’agit pas de juridictions parallèles, mais d’une forme d’organisation sociale, et ce cadre est prévu par la loi de 2001 qui se réfère en premier lieu à la Constitution, et par conséquent aux dispositions du Pacte.  Les dinas sont des conventions collectives qui doivent être conformes aux lois et règlements en vigueur.  Les débats sont contradictoires, ce qui signifie que les droits de la défense y sont respectés.


S’agissant de la situation des jumeaux à Madagascar, un membre de la délégation a précisé que les mentalités ont évolué avec l’accès des femmes et des hommes à l’éducation.  Elle a expliqué que des centres ont été mis en place pour élever les jumeaux abandonnés en vue de leur adoption.  Pour cela, nous avons amendé notre loi afin de l’aligner sur celles régissant les adoptions au niveau international, a dit la représentante.  Une autre représentante de la délégation malgache a expliqué que les traités ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, et que le principe de réciprocité ne s’applique que dans le cas de traités bilatéraux.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.