En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/10796-SC/8897

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SE FÉLICITE DE L’ADOPTION D’UNE RÉSOLUTION SUR LE DARFOUR PAR LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME

12/12/2006
Secrétaire généralSG/SM/10796
SC/8897
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

PRÉOCCUPÉ PAR LA TENSION CROISSANTE AU MOYEN-ORIENT, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL AFFIRME QU’IL EST TEMPS D’AVANCER SUR LA VOIE DE LA PAIX


On trouvera ci-après le texte intégral du discours prononcé aujourd’hui par le  Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, lors de la séance du Conseil de sécurité sur le Moyen-Orient:


Permettez-moi pour commencer de vous remercier de l’occasion que vous me donnez de vous présenter mon rapport sur le Moyen-Orient.  Je suis heureux de saluer ici le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères [cheikh Hamad bin Jassem bin Jabr Al-Thani].


Comme je le disais en septembre à l’Assemblée générale, le conflit israélo-palestinien n’est pas simplement un conflit régional parmi tous ceux dont le monde est le théâtre, car aucun d’entre eux n’a sa force symbolique ni sa charge affective, même aux yeux d’observateurs qui en sont très éloignés.


Nous avons remporté ces dernières années de grands succès dans notre recherche de la paix, et le règlement final est quand même resté hors d’atteinte de plusieurs générations de dirigeants qui pourtant s’y employaient de leur mieux.  Je quitterai moi-même mes fonctions sans avoir vu le terme de cette tragédie sans fin.


Le Moyen-Orient d’aujourd’hui fait face à de sombres perspectives.  La crise qu’il traverse est profonde.  Sa situation est plus complexe, plus fragile et plus dangereuse qu’elle ne l’a été depuis très longtemps.


C’est dans cet état d’esprit que j’ai pris l’initiative de rédiger le rapport dont vous êtes saisis.  Mon intention était de vous aider à sortir de l’impasse actuelle et de relancer un processus de paix durable répondant au désir de paix de toute la région.


La défiance dans laquelle Israéliens et Palestiniens se tiennent mutuellement est plus profonde que jamais.


La bande de Gaza est devenue le creuset d’une pauvreté et d’une amertume de plus en plus douloureuses malgré le retrait des colonies et des soldats israéliens l’année passée.  En Cisjordanie aussi la situation est grave.  Le travail de colonisation et de construction du mur se poursuit.  Les obstacles israéliens empêchent les Palestiniens de circuler.  L’Autorité palestinienne, paralysée par la crise financière et politique qui l’affaiblit, n’est plus en mesure de garantir la sécurité ni d’assurer les services de base.


De leur côté, les Israéliens continuent de vivre dans la peur du terrorisme.  Ils sont consternés par l’insuffisance des efforts que font les Palestiniens pour mettre fin aux tirs de roquettes dans le sud de leur pays.  Ils sont alarmés par un gouvernement conduit par le Hamas qui, au mieux, est ambivalent quant à la solution des deux États et, au pire, refuse de renoncer à la violence et rejette les aspects fondamentaux de l’approche du conflit que la majorité des Palestiniens préfèrent depuis toujours et que consacrent les accords d’Oslo.


Au Liban, la transformation politique du pays reste inachevée et les dirigeants font face à une campagne d’intimidation et de déstabilisation.  Comme l’ont montré les combats de l’été dernier entre Israël et le Hezbollah, le Liban reste l’otage de sa propre histoire douloureuse et prisonnier de forces qui, de l’intérieur et de l’extérieur, cherchent à exploiter sa vulnérabilité.


Si nos regards se portent ailleurs dans la région, ils rencontrent les hauteurs du Golan syrien toujours occupées par Israël et voient l’inquiétude que font naître les relations de la Syrie avec des groupes de militants en dehors de son territoire.  L’Iraq est enlisé dans d’incessantes violences.  Les activités, et peut-être les ambitions, nucléaires de l’Iran apparaissent comme un nouveau motif d’inquiétude pour beaucoup d’habitants de la région et d’ailleurs.  Tout cela alimente une dangereuse montée de l’extrémisme et s’en nourrit à son tour.


Chacun de ces conflits a sa propre dynamique, ses propres causes.  Chacun appelle sa propre solution et un processus particulier pour parvenir à une solution durable.  Dans chacun d’eux, c’est aux parties en présence qu’incombe la responsabilité première de la paix; personne ne pourra faire la paix à leur place; personne ne peut leur imposer la paix; personne ne devrait la désirer plus qu’eux-mêmes.


La communauté internationale ne peut pour autant s’exonérer de l’obligation d’exercer son influence.  Les conflits et les crises multiples que connaît la région sont devenus un tout inextricable.  Bien qu’ils soient profondément distincts, chacun donne forme aux autres et rend plus difficiles le règlement des différends et la gestion des crises.  La communauté internationale doit repenser totalement les incertitudes dans lesquelles le Moyen-Orient s’enfonce, puis assumer pleinement la responsabilité qui lui revient de les dissiper et de stabiliser la région.


C’est pourquoi j’aimerais vous faire part de quelques réflexions sur ce que les parties elles-mêmes et les partenaires de l’extérieur, du Quatuor au Conseil en passant par les autres organes des Nations Unies, pourraient faire pour agir différemment dans la recherche de la paix, en particulier la paix entre les Israéliens et les Palestiniens qui, sans être la panacée, apaiserait considérablement les tensions dans toute la région.


L’un des aspects les plus frustrants du conflit israélo-palestinien est l’incapacité dans laquelle semblent se trouver les deux côtés de comprendre chacun la position de l’autre, et même de vouloir essayer.  En ma qualité d’ami véritable soucieux de soutenir l’une et l’autre, j’aimerais m’adresser franchement à chacune des parties.


Il est tout à fait compréhensible, tout à fait juste, qu’Israël et ceux qui le soutiennent cherchent à assurer sa sécurité en persuadant les Palestiniens, et plus généralement les Arabes et les musulmans, de changer d’attitude et de comportement à son égard.  Mais ils ont peu de chance d’y parvenir s’ils ne comprennent pas et ne reconnaissent pas eux-mêmes la réalité de l’objet fondamental du ressentiment des Palestiniens, c’est-à-dire le fait que la création de l’État d’Israël s’est traduite par l’éviction de centaines de milliers de familles palestiniennes devenues des familles de réfugiés et qu’elle a été suivie, 19 années plus tard, par une occupation militaire qui a placé des centaines de milliers de Palestiniens de plus sous le régime d’Israël.


C’est à juste titre qu’Israël est fier de sa démocratie et des efforts qu’il fait pour édifier une société fondée sur l’état de droit.  Mais cette démocratie ne peut prospérer que si cesse l’occupation d’un autre peuple.  L’ancien Premier Ministre Ariel Sharon le reconnaissait.  Depuis Oslo, Israël a connu une mutation culturelle majeure : tous ses grands partis politiques admettent maintenant qu’il faut mettre un terme à l’occupation, pour le bien d’Israël et pour sa propre sécurité.


Pourtant des milliers d’Israéliens vivent encore dans les territoires occupés en 1967, et cette population grossit de plus d’un millier de colons chaque mois.  Les Palestiniens sont témoins de cette évolution, ils voient le mur que l’on construit à travers leurs terres en contradiction avec l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de Justice, ils constatent que plus de 500 postes de contrôle restreignent leur liberté de circulation, ils sentent le poids de la présence des Forces de défense israéliennes.  Leur détresse s’accroît et leur volonté de résister à l’occupation aussi.  C’est pourquoi certains d’entre eux font plus confiance à ceux qui poursuivent la lutte armée qu’à un processus de paix qui ne semble pas atteindre ce à quoi ils aspirent, un État indépendant.


Je pense comme Israël et ceux qui le soutiennent qu’il y a une différence, morale mais aussi juridique, entre un terroriste qui s’en prend délibérément à des civils et le soldat d’une armée régulière qui, dans le feu d’une opération, tue ou blesse involontairement des civils en dépit des efforts qu’il fait pour éviter de faire ce genre de victimes.  Mais plus grossit le nombre de civils tués ou blessés, plus les précautions prises pour le contenir semblent artificielles et plus la différence dont je parlais s’estompe.  La force militaire utilisée dans un quartier densément peuplé est un instrument imprécis qui ne peut que faire des morts et des dégâts, provoquer des récriminations et des vengeances.  Et nous avons vu qu’elle n’apportait pas grand-chose à la réalisation de l’objectif que constitue la fin des attentats terroristes.  Les Israéliens peuvent répondre qu’ils ne font que se protéger du terrorisme, ils en ont tout à fait le droit.  Mais cet argument n’aura pas son vrai poids tant que se renforceront les rigueurs de l’occupation de la Cisjordanie et que les colonies continueront de grandir.  Israël sera mieux compris si ses actes visent clairement à mettre un terme à l’occupation, et non à s’y enferrer.


Nous devons tous travailler avec Israël pour sortir du statu quo du malheur et négocier la fin de l’occupation selon le principe de l’échange de terres contre la paix.


Il est tout à fait compréhensible, tout à fait juste, de soutenir le peuple palestinien, qui a déjà tant souffert.  Mais les Palestiniens et ceux qui les soutiennent n’arriveront jamais à rien s’ils se concentrent uniquement sur les transgressions israéliennes sans admettre que les préoccupations d’Israël sont justes ou légitimes et que les opposants d’Israël ont commis eux-mêmes des crimes épouvantables et inexcusables.  Aucune résistance à l’occupation ne justifie le terrorisme.  Nous devrions être tous unis dans le refus total de la terreur au service de la politique.


Je suis également persuadé que les actes de certains organes de l’ONU peuvent aller à l’encontre du but que nous recherchons.  Le Conseil des droits de l’homme, par exemple, a déjà tenu trois sessions extraordinaires sur le conflit arabo-israélien.  J’espère qu’il veillera à l’aborder de façon impartiale et qu’il ne le laissera pas monopoliser l’attention aux dépens d’autres situations marquées par des violations au moins aussi graves, sinon pires.


De même, ceux qui se plaignent que le Conseil de sécurité pratique « deux poids, deux mesures » – en imposant des sanctions aux gouvernements de pays arabes et musulmans mais pas à Israël – devront se garder de pratiquer eux-mêmes deux poids deux mesures, en attendant d’Israël le respect de normes de conduite qu’ils ne souhaitent pas appliquer à d’autres États, aux adversaires d’Israël, voire à eux-mêmes.


Ce peut être une source de satisfaction pour certains d’approuver à l’Assemblée générale, session après session, des résolutions condamnant Israël, ou de tenir des conférences dans le même but.  Mais il faudrait aussi se demander si l’on apporte ainsi quelque secours ou avantage tangible aux Palestiniens.  Des résolutions, il y en a eu décennie après décennie.  Il y a eu prolifération de comités spéciaux, de sessions extraordinaires et de divisions et services du Secrétariat.  Cela a-t-il eu un effet quelconque sur les politiques d’Israël, sinon de renforcer dans ce pays, et chez nombre de ceux qui le soutiennent, la conviction que cette grande organisation est trop partiale pour se voir confier un rôle notable dans le processus de paix au Moyen-Orient?


Pis encore, le discours tenu sur ce problème implique dans certains cas le refus de concéder même la légitimité de l’existence d’Israël, sans parler de la justification de ses inquiétudes en matière de sécurité.  Nous ne devons jamais oublier que les Juifs ont de très bonnes raisons historiques de prendre au sérieux toute menace contre l’existence d’Israël.  Ce que les nazis ont fait aux Juifs et à d’autres restent une tragédie, indéniable, unique dans l’histoire de l’humanité.  Or, à l’heure actuelle, les Juifs se trouvent souvent face à des mots et des actes qui semblent leur donner raison quand ils craignent que le but de leurs adversaires soit d’annihiler leur existence en tant qu’État et en tant que peuple.


Il ne faut donc pas que ceux qui veulent être entendus au sujet de la Palestine nient cette réalité historique ou en fassent bon marché, pas plus que du lien que nombre de Juifs sentent avec leur patrie.  Ils devraient plutôt reconnaître les inquiétudes d’Israël pour sa sécurité, et manifester clairement que leurs critiques ne procèdent ni de la haine ni de l’intolérance, mais d’un désir de justice, d’autodétermination et de coexistence pacifique.


La grande ironie de cette triste histoire est peut-être qu’il n’y a pas vraiment, à parler sérieusement, de question sur les grandes lignes du règlement définitif.  Les parties elles-mêmes, à divers moments et par des voies diplomatiques diverses, ont été près d’éliminer presque toutes les différences entre leurs positions.  Elles ont toutes les raisons de s’y efforcer à nouveau, avec une aide concertée et disciplinée de la communauté internationale.  Il nous faut d’urgence un nouvel effort de paix.


Le chemin sera long, et il faudra chemin faisant restaurer la confiance de bien des manières.  Mais n’oublions pas où il faut que cet effort aboutisse.  Deux États, Israël et la Palestine, à l’intérieur de frontières sûres, reconnues et négociées sur la base de celles du 4 juin 1967.  Une paix plus large, englobant les autres voisins d’Israël, c’est-à-dire le Liban et la Syrie.  Des relations diplomatiques et économiques normales.  Des arrangements qui permettent à Israël comme à la Palestine d’établir à Jérusalem leur capitale reconnue au plan international, et garantissent aux hommes et aux femmes de toutes les religions l’accès à leurs lieux saints.  Une solution respectueuse des droits des réfugiés palestiniens, compatible avec la solution des deux États et le caractère des États de la région.


Parcourir ce chemin, parvenir à destination, n’est pas aussi impossible que d’aucuns pourraient l’imaginer.  La plupart des Israéliens croient vraiment à la paix avec les Palestiniens – peut-être pas tout à fait telle que les Palestiniens la voient, mais néanmoins véritable.  La plupart des Palestiniens ne souhaitent pas la destruction d’Israël, ils ne veulent que la fin de l’occupation et leur propre État, peut-être sur un territoire un peu plus grand que ce que les Israéliens voudraient concéder, mais sur un territoire néanmoins limité.


La tâche ardue, pour nous, c’est de convaincre les gens, d’un côté comme de l’autre, que ces majorités existent bel et bien de l’autre côté, tout en montrant que ceux qui mettent des bâtons dans les roues et rejettent toute solution sont très nettement en minorité.


Je crois, pour ma part, que les aspirations fondamentales des deux peuples sont conciliables.  Je crois au droit d’Israël à exister, et à exister en sécurité, pleine et permanente, sans être en butte au terrorisme, sans être attaqué, sans même être menacé d’attaques.  Je crois au droit des Palestiniens à mettre en pratique l’autodétermination.  Ils ont été lamentablement traités et exploités, par Israël, par le monde arabe, parfois par leurs propres chefs et peut-être même, à certains moments, par la communauté internationale.  Ils ont bien mérité de voir réalisée leur simple ambition de vivre en liberté et dans la dignité.


La Feuille de route, approuvée par ce conseil dans sa résolution 1515, reste le point de repère autour duquel toute tentative de relancer une action politique doit être concentrée.  Son auteur, le Quatuor, garde sa validité du fait qu’il présente une combinaison unique de légitimité, de force politique et de poids financier et économique.  Mais il faut que le Quatuor fasse plus pour redonner foi non seulement en son propre sérieux et en son efficacité, mais aussi dans le caractère réalisable de la Feuille de route, afin de créer les conditions permettant la relance d’un processus de paix viable.  Il lui faut trouver le moyen d’institutionnaliser ses consultations avec les partenaires régionaux intéressés.  Il lui faut faire participer directement les parties à ses délibérations.  Le moment est venu pour le Quatuor d’énoncer plus clairement dès le départ les paramètres de ce que sera l’accord final.  Et il lui faudra être ouvert à des idées et des initiatives nouvelles.


Les tensions dans la région sont à leur maximum, ai-je besoin de vous le dire, Monsieur le Président.  L’extrémisme et le populisme réduisent le champ politique des modérés, y compris des États qui sont parvenus à des accords de paix avec Israël.  Des signes d’évolution positive vers la démocratie, tels que des élections, ont en même temps mis devant un dilemme, portant au pouvoir des partis, des personnes et des mouvements opposés aux bases des conceptions actuelles du rétablissement de la paix.  Les chances de négocier une solution des deux États ne dureront pas toujours.  Si nous ne les saisissons pas, les êtres humains qui souffrent le plus de cette calamité seront plongés dans de nouveaux tourments, de nouvelles épreuves, plus graves encore.  D’autres conflits, d’autres problèmes seront d’autant plus difficiles à résoudre.  Et les extrémistes du monde entier verront stimulés leurs efforts de recrutement.


La période qui s’ouvre risque fort d’être cruciale.  Chaque jour apporte son lot de défaites dans la lutte pour la paix, autant de raisons d’abandonner cette lutte.  Mais nous ne devons pas nous laisser abattre par la déception.  Les principes sur lesquels doit reposer la paix nous sont connus à tous.  Même les grands traits de ce que serait une solution sur le terrain sont clairement tracés.  Je crois que nous pouvons sortir de l’impasse actuelle et avancer à nouveau vers la paix.


L’Organisation des Nations Unies et le Moyen-Orient sont étroitement liés.  C’est la région qui a marqué l’Organisation plus qu’aucune autre.  La situation, les gens, la soif de paix me tiennent fortement à cœur.  Je sais qu’il en va de même pour vous.  À ce sentiment doit répondre d’urgence notre action concertée.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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