SG/SM/10776-PKO/156

COMMENT INSTAURER UNE CULTURE INSTITUTIONNELLE POUR EMPÊCHER LES ABUS SEXUELS PAR LE PERSONNEL DES NATIONS UNIES ET DES ONG, SE DEMANDE KOFI ANNAN

04/12/2006
Secrétaire généralSG/SM/10776
PKO/156
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

COMMENT INSTAURER UNE CULTURE INSTITUTIONNELLE POUR EMPÊCHER LES ABUS SEXUELS PAR LE PERSONNEL DES NATIONS UNIES ET DES ONG, SE DEMANDE KOFI ANNAN


À l’ouverture de la Conférence de haut niveau, le Secrétaire général insiste sur le rôle des « hauts responsables » pour atteindre ce but


On trouvera ci-après le texte intégral de l’allocution prononcée par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à l’occasion de la Conférence de haut niveau sur l’élimination de l’exploitation et des abus sexuels perpétrés par des membres du personnel du système des Nations Unies et des ONG, tenue à New York, le 4 décembre:


C’est avec grand plaisir que je vous accueille ici à l’occasion de cette conférence et que je vous souhaite la bienvenue.


Nous sommes ici réunis pour traiter d’une question qui a une influence déterminante sur l’image de l’Organisation des Nations Unies et sur son efficacité.  Mais puisque nos travaux porteront essentiellement sur les manquements au code de conduite, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien je suis fier du comportement à la fois honnête et admirable dont fait preuve la vaste majorité des fonctionnaires de l’Organisation et du personnel en tenue qui sert à leurs côtés.  Partout dans le monde, ces femmes et ces hommes, remplis de courage, apportent dans des conditions difficiles et dangereuses, une précieuse contribution à l’action que nous menons pour faire triompher la paix et la dignité humaine.


Il est tragique et inacceptable qu’un petit nombre d’entre eux, en se rendant coupables d’actes d’exploitation et d’abus sexuels, nuisent à cette contribution.  Ils trahissent la confiance et compromettent le respect dont nous jouissons auprès des populations auxquelles nous venons en aide.  Ils portent un grave préjudice aux femmes et aux enfants qui, dans leur vie quotidienne, sont en butte à de très grandes difficultés et sont bafoués dans leurs droits.  Sans compter qu’ils portent ombrage aux yeux du public aux nombreux succès que nous remportons.


Tout cela est absolument immoral, et en complète contradiction avec notre vocation.  Même s’ils ne sont que quelques-uns à abuser du pouvoir tout relatif que nous confère notre position dans les pays où nous intervenons, ils sont encore trop nombreux.  Notre conduite devrait être exemplaire et pouvoir servir de modèle, et, aujourd’hui, nous sommes là pour tracer la voie à suivre pour y parvenir.


Vous n’ignorez pas que j’ai promulgué, il y a trois ans, à l’issue d’une étroite collaboration entre l’Organisation et les organisations non gouvernementales, une circulaire intitulée « Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les abus sexuels ».  Elle indique clairement quels sont les comportements sexuels à proscrire et définit les devoirs de tous les fonctionnaires et de leurs responsables.  Elle s’applique à tous les fonctionnaires de l’ONU, ainsi qu’au personnel en tenue.  Elle est valable quel que soit leur lieu d’affectation, et quel que soit leur travail, car l’exploitation et les abus sexuels se rencontrent partout, et pas seulement dans le cadre d’opérations de maintien de la paix ou d’opérations humanitaires.


Je suis heureux que les États Membres aient récemment adopté les normes énoncées dans cette circulaire afin de les appliquer au personnel en tenue qui sert sous le drapeau de l’ONU.


Le système des Nations Unies a fait des progrès considérables aux fins de la mise en œuvre de la circulaire et du respect des normes qui y sont énoncées.  Notre personnel est aujourd’hui mieux informé de ce qui est attendu de lui.  Les allégations d’exploitation et d’abus sexuels font l’objet d’un suivi plus systématique et professionnel.  Ainsi, les fonctionnaires qui sont reconnus coupables de tels actes sont limogés, tandis que les militaires qui servent dans des opérations de maintien de la paix sont rapatriés et exclus de toute nouvelle mission de la paix des Nations Unies, et ceci dans la perspective qu’ils seront également sanctionnés par leur propre gouvernement.


Les réformes se poursuivent dans l’ensemble du système des Nations Unies afin de prévenir l’exploitation et de rendre chacun comptable de ses actes.  Certaines entités ont pris quelques longueurs d’avance dans la mise en œuvre de la circulaire et leur exemple mérite d’être suivi.  J’attends avec intérêt de les entendre décrire leur expérience pratique et de les voir partager avec nous les leçons tirées.


Nous entendrons également mon Conseiller sur la question, Son Altesse Royale le Prince Zeid, Représentant permanent de la Jordanie.  Le Prince Zeid va quitter New York prochainement et cesser ses fonctions de Conseiller.  Je le remercie de sa précieuse contribution.  Il a aidé le système des Nations Unies à mieux cerner la nature et l’étendue du problème et a engagé les États Membres à agir.  C’est en grande partie grâce à lui que nous savons quel chemin suivre pour réformer les activités de maintien de la paix dans ce domaine.


Malgré nos efforts concertés, nous n’avons encore fait qu’effleurer la surface de ce problème particulièrement choquant.  Des civils et des militaires au service du maintien de la paix continuent de se livrer à des actes d’exploitation sexuelle.  Des violations des normes des Nations Unies et des infractions graves se sont produites, qu’il s’agisse de rapports sexuels avec des prostituées adultes, de viols, d’actes de pédophilie ou de la traite d’êtres humains.  Mon message de tolérance zéro n’est pas encore parvenu aux oreilles de tous ceux qui doivent l’entendre, depuis les cadres jusqu’aux commandants en poste dans les missions, en passant par l’ensemble de notre personnel.


L’une des principales difficultés est l’existence d’un climat généralisé dans lequel il est malaisé de signaler les violations et de les exposer au grand jour.  Cela est inacceptable.  Nous devons instaurer un climat dans lequel chacun se sente suffisamment en confiance pour signaler les violations sans crainte de représailles.  Il faut que l’on puisse avoir foi en la capacité de l’Organisation de réagir rapidement et efficacement lorsque des violations sont commises.  Il faut que l’on ait la certitude que les victimes et les enfants conçus lors d’un viol recevront l’aide dont ils ont besoin. 


À cet effet, j’ai élaboré un projet de déclaration de politique générale et une stratégie globale d’assistance aux victimes d’actes d’exploitation et d’abus sexuels commis par des membres du personnel des Nations Unies.  J’attends avec intérêt les débats que les États Membres tiendront sur la question dans le courant du mois.


Un autre indicateur clef de notre sérieux sera la façon dont nous obligerons les auteurs d’actes d’exploitation et d’abus sexuels à rendre des comptes.  Nul dans le système des Nations Unies n’est au-dessus des lois.  En septembre 2005, j’ai chargé un groupe d’experts juridiques d’examiner comment renforcer les mécanismes de responsabilisation applicables aux membres du personnel des Nations Unies et du personnel associé, tels que le personnel en tenue, qui se livrent à des actes répréhensibles alors qu’ils sont en poste dans une mission de maintien de la paix.  Dans son rapport, le groupe propose que l’on élabore une convention internationale sur la question.  Là aussi, j’attends avec intérêt les débats des États Membres et j’espère que des mesures ne se feront pas attendre.


La circulaire constitue notre cadre d’action général, mais je me réjouis de voir que nombreux sont ceux parmi vous à avoir exprimé leur volonté d’aller encore plus loin en s’associant à l’élaboration d’une déclaration d’engagement en faveur de la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels commis par des membres du personnel des Nations Unies et des intervenants extérieurs.  Les 10 engagements énoncés dans la déclaration constituent un cadre dans lequel inscrire la stratégie de mise en œuvre de la circulaire à l’échelon du système des Nations Unies.  J’engage tous ceux qui ne l’ont pas encore fait à s’associer à la déclaration dès que possible et j’invite chacun d’entre vous à concourir à l’élaboration d’une stratégie d’action crédible et solide.


Ces trois dernières années, nous avons fait des progrès remarquables dans l’ensemble du système des Nations Unies pour prendre la mesure du problème et y remédier sérieusement.  Nous avons franchi une étape importante depuis les années 90 et le début des années 2000, pendant lesquelles, pour être franc, ni les États Membres ni le Secrétariat n’ont su prendre la pleine mesure ni cerner la nature de ces actes abominables.  L’Organisation des Nations Unies aurait dû réagir plus fermement et beaucoup plus tôt, surtout dans le cadre du maintien de la paix.  Heureusement, les mentalités et les priorités ont évolué et nos convictions se sont affermies, ce qui se traduit par des résultats concrets et positifs.  Il nous faut cependant rester vigilants et éviter tout relâchement.


Nous devons également obtenir l’aide des organisations non gouvernementales, des organisations internationales, des représentants des gouvernements et de quiconque est en mesure d’apporter sa pierre à l’édifice.  Les Nations Unies ne peuvent agir seul. 


Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur la conférence elle-même.  Le moment ne saurait être mieux choisi et je vous propose de faire porter vos efforts sur deux questions afin de mieux cibler les débats:


Tout d’abord, comment pouvons-nous instaurer une culture institutionnelle propre à empêcher l’exploitation et les abus sexuels et quel rôle peuvent jouer les hauts responsables pour atteindre ce but?


Deuxièmement, quel rôle peuvent jouer les hauts responsables pour réagir efficacement lorsque des actes d’exploitation et d’abus sexuels se produisent?


Je vous remercie de nouveau de votre participation à cette conférence et surtout de l’engagement que vous manifestez.  Je suis certain que mon successeur prendra cette question très au sérieux et jugera les travaux de cette conférence très utiles.  C’est dans cet esprit que je vous souhaite d’avoir une journée féconde et que j’attends avec intérêt les résultats de votre réflexion.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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