SG/SM/10715

KOFI ANNAN, DANS UN DISCOURS AU SOMMET IBÉRO-AMÉRICAIN, INVITE LA CONFÉRENCE À SERVIR DE TRAIT D’UNION POUR LA COOPÉRATION ET LE RAPPROCHEMENT NORD-SUD

2/11/2006
Secrétaire généralSG/SM/10715
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KOFI ANNAN, DANS UN DISCOURS AU SOMMET IBÉRO-AMÉRICAIN, INVITE LA CONFÉRENCE À SERVIR DE TRAIT D’UNION POUR LA COOPÉRATION ET LE RAPPROCHEMENT NORD-SUD


Le discours met en lumière les défis que constituent les inégalités profondément ancrées, le commerce déloyal, les migrations


(Plublié le 22, retardé à la traduction)


On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée aujourd’hui, 3 novembre, par le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, à l’occasion du XVIe Sommet ibéro-américain, tenu à Montevideo:


Je suis flatté d’être parmi vous.  J’aimerais remercier nos hôtes, le Président Vazquez ainsi que le Gouvernement et le peuple de l’Uruguay, de leur accueil chaleureux et leur généreuse hospitalité.


Je voudrais également féliciter Enrique Iglesia –un ami sincère de l’ONU, ainsi qu’un ami personnel– à l’occasion de sa nomination au poste de Secrétaire général de l’organisation ibéro-américaine à un moment critique. 


Je suis particulièrement heureux de me trouver parmi vous à un moment où l’Organisation des Nations Unies s’emploie à forger des partenariats encore plus étroits avec des organisations régionales et d’autres organisations intergouvernementales.  En renforçant le Secrétariat général ibéro-américain vous avez sans nul doute contribué à bâtir des liens plus étroits avec nous. 


Individuellement, un bon nombre de vos pays jouent déjà un rôle capital dans le renforcement et le renouvellement des Nations Unies, en étant membres de la Commission de consolidation de la paix et du Conseil des droits de l’homme récemment constitués, en participant à nos opérations de maintien de la paix dans le monde, y compris en Haïti, l’une des régions les plus critiques des Amériques. 


À l’heure actuelle, en tant qu’organisation, vous vous attaquez à des problèmes que nos institutions devront l’une et l’autre aborder sérieusement dans l’avenir. 


L’un de ces problèmes demeure les inégalités profondément ancrées.  Nous avions tous exprimé l’espoir que la mondialisation nous rapprocherait; or, à certains égards, le fossé qui nous sépare s’est creusé un peu plus.  Le transfert des flux financiers nets se fait toujours depuis les pays pauvres aux pays riches – comme l’eau qui remonte le courant.  Même les pays en développement qui commencent à rattraper leur retard en matière de PIB le font au prix d’un accroissement considérable des disparités de revenus et de ressources. 


Ici, en Amérique latine, les inégalités et la pauvreté posent des problèmes persistants.  Cette région détient le record des inégalités dans la répartition du revenu, avec 220 millions de personnes vivant dans la pauvreté. 


Pourtant, bien que la région continue d’afficher moins de dynamisme que d’autres parties du monde en développement, il y a également des signes réels de progrès.  Selon les chiffres de la CEPALC (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes), la croissance dans cette région sera de l’ordre de 5% en 2006 – c’est la deuxième fois en 25 ans que cette région enregistrera quatre années successives de croissance.  L’accroissement cumulé du PIB régional est supérieur à 17%.  Cette croissance économique a un effet positif sur le marché du travail et les emplois.  Et bien que 18 millions de personnes dans cette région soient sans travail, le taux de chômage à la fin de l’année était le plus bas depuis une décennie.


Mais ne nous y trompons pas: 4 personnes sur 10 dans cette région vivent dans la pauvreté – une pauvreté qui signifie non seulement un revenu insuffisant pour couvrir les besoins essentiels, mais aussi l’exclusion sociale.  Je salue l’énergie et la diligence dont vos gouvernements font preuve face aux problèmes du développement social, en mettant en place des programmes visant à la fois à atténuer la pauvreté et à en attaquer les causes structurelles.  Et je vous remercie d’avoir adopté ici, en mars dernier, la Résolution de Montevideo dans laquelle vous vous êtes engagés à harmoniser les orientations relatives aux droits sociaux de manière à renforcer la protection sociale et la solidarité.  


Parvenir à un développement équilibré et durable signifie également corriger les inégalités qui existent au plan mondial.  Pour la majorité des pays de cette région, il ne s’agit pas d’aide.  Il s’agit en partie de la dette et des flux de capitaux instables.  Mais, par dessus tout, il s’agit d’une répartition plus équitable des profits du commerce international.  Ce concept recouvre les revenus issus des exportations de produits primaires ainsi que la libre circulation des biens, des personnes et des idées.


Ici, en Uruguay, nous pensons immédiatement au cycle d’Uruguay, qui a débouché sur un accord considéré comme arbitraire par nombre de pays en développement.  Ceci nous amène au Cycle de Doha, qui a accordé une attention prioritaire aux intérêts des pays en développement.  Et pourtant, des revers affligeants ont conduit certains à envisager de s’accommoder d’un cycle de négociations amoindri, voire réduit à néant.  Ceci ne doit pas se produire.  L’Union européenne a un rôle critique à jouer dans la défense du cycle: nous attendons des dirigeants de l’Espagne et du Portugal qu’ils fassent le nécessaire. 


Dans l’ensemble, nous comptons sur la Conférence ibéro-américaine pour qu’elle continue de remplir sa fonction de trait d’union irremplaçable pour la coopération et le rapprochement Nord-Sud, qui correspond en tous points à l’objet de ce Sommet.  Les migrations internationales représentent l’un des plus grands défis de ce siècle.  La mondialisation, grâce aux progrès des communications et des transports, s’est traduite par un accroissement spectaculaire du nombre de personnes qui ont le désir et les moyens pour s’installer dans un autre pays.  Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de mobilité et il est essentiel d’en comprendre les répercussions. 


Et le monde est prêt à entamer un débat sérieux à l’échelle planétaire.  Il y a six semaines, nous avons pu ouvrir la voie avec la tenue du premier Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement. 


La contribution au Dialogue a été impressionnante.  De l’avis général, il a offert une occasion sans précédent d’identifier les moyens de maximiser les effets bénéfiques des migrations internationales sur le développement et d’en atténuer les répercussions préjudiciables.  Les participants ont constaté que les migrations peuvent et doivent être une force d’impulsion pour le développement à la fois dans les pays d’origine et les pays d’accueil, pour autant qu’elles soient soutenues par les mesures appropriées.  Ils ont reconnu que les envois de fonds constituaient un apport tout à fait réel pour les pays d’origine; que les migrations internationales, le développement et les droits de l’homme étaient intrinsèquement liés; que pour recueillir les véritables bienfaits des migrations internationales, les pays devraient respecter les droits et les libertés fondamentales de tous les migrants; et que les groupes vulnérables, tels que les femmes et les enfants, avaient besoin d’une protection spéciale.


Le Dialogue a également montré clairement que les stratégies nationales ne pouvaient réussir qu’étayées par une coopération renforcée bilatérale, régionale et multilatérale qui est le seul moyen de promouvoir la légalité, la sécurité et l’ordre des migrations, de réduire les migrations illégales, et de retirer tous les bénéfices des migrations internationales.  En effet, il y a eu une multitude de processus consultatifs régionaux qui ont débouché sur l’adoption de mesures pratiques relatives aux migrations – ce qui démontre l’efficacité de la coopération régionale.


Sur tous ces points, le monde peut, de toute évidence, tirer des enseignements considérables de votre région.  Enrique, comme vous l’avez dit au Dialogue de haut niveau, les migrations représentent un élément majeur du vécu ibéro-américain.  Au fil de votre histoire, elles ont contribué à former vos sociétés et à façonner vos identités.  Elles continuent de le faire aujourd’hui.


Pour la seule année de 2005, 26 millions de migrants internationaux au total, soit 13% du total mondial, venaient de l’Amérique latine et des Caraïbes.  Bien entendu, les États-Unis demeurent la destination de la vaste majorité des migrants de la région, qui se caractérisent par les liens étroits qu’ils conservent avec leurs pays d’origine.  En même temps, 3 millions de migrants internationaux ont circulé entre des pays d’Amérique latine, ce qui coïncide avec les mesures prises afin de favoriser la mobilité au sein de la CARICOM (Communauté des Caraïbes), du MERCOSUR (Marché commun du Sud) et de la Communauté des nations andines.  Beaucoup aussi se dirigent vers de nouvelles destinations – comme l’Espagne, devenue le deuxième pays de destination pour les migrants de votre région.


Votre riche expérience est à la base de pratiques et de stratégies optimales, qui peuvent être utiles comme point de comparaison pour la communauté internationale.  Vous avez acquis d’amples données d’expérience sur la gestion des flux migratoires, sur l’impact des migrations sur les femmes et les familles, sur la nécessité de protéger les droits de l’homme des migrants, et sur la perte en capital humain résultant de la migration des cadre issus de pays à petite économie.  Certains d’entre vous ont adopté des pratiques gouvernementales novatrices, transférant la question des migrations du Ministère de l’intérieur au Ministère du travail, de manière à établir un lien avec le marché du travail.  Et en œuvrant à la légalisation des migrants en situation irrégulière, plusieurs d’entre vous s’assurent qu’ils contribueront au financement des services sociaux. 


Mesdames et Messieurs, votre expérience et vos compétences seront déterminantes alors que nous mettons au point le premier Forum mondial sur les migrations internationales et le développement – une initiative que j’ai proposée afin de donner un caractère permanent aux délibérations qui avaient commencé avec le Dialogue de haut niveau.  Beaucoup d’entre vous ont joué un rôle déterminant en souscrivant à ma proposition de Forum, et en me demandant d’aider à le mettre en place. 


J’espère que le Forum mondial pourra nous aider à progresser sur trois fronts:


Tout d’abord, en aidant les gouvernements à comprendre véritablement comment les migrations internationales contribuent à la réalisation de leurs objectifs de développement.  C’est vrai à la fois des pays d’origine et des pays de destination, puisque les migrations peuvent permettre même aux pays développés de réaliser leurs ambitions économiques, sociales et culturelles.  Une fois qu’ils auront déterminé où se trouvent les possibilités, ils devront s’organiser – politiquement et administrativement – pour en tirer parti. 


Ensuite, en aidant les gouvernements à débattre des migrations internationales d’une manière qui ne soit pas menaçante.  De toute évidence, la plupart des pays jugent inacceptable d’en faire un sujet de négociations formelles et à caractère normatif.  Personne ne voudrait d’une Organisation mondiale pour les migrations.  En lieu de quoi, il me semble préférable d’adopter un processus consultatif facultatif et informel, qui est à caractère non obligatoire et qui se déroulerait dans un climat collégial empreint de confiance.  J’espère que tel sera le Forum mondial.


Enfin, je pense que le Forum peut nous aider à concentrer notre attention sur les moyens pratiques de tirer le maximum des aspects constructifs des migrations internationales, par exemple, en assouplissant les restrictions aux envois de fonds, ou en édifiant des partenariats offrant un enseignement de qualité au monde en développement, ou en apprenant les uns des autres comment mieux communiquer avec nos diasporas et en tirer profit.  La liste de ces éléments constructifs est loin d’être close.  Presque tous les États peuvent convenir qu’ils ont quelque chose à gagner, et très peu à perdre sur ces thèmes. 


Je suis ravi que le premier Forum mondial se tienne l’été prochain à Bruxelles.  Mon Représentant spécial, Peter Sutherland, ainsi que tous les organismes des Nations Unies, coopéreront étroitement avec le Gouvernement de la Belgique pour son succès.  Je sais que vos pays en feront autant. 


En cas de succès, le Forum modifiera radicalement le désir des gouvernements d’aborder de manière réfléchie et positive ce problème complexe et explosif. 


Et il peut jouer un rôle clef en aidant enfin la communauté internationale à répondre à l’attente d’un rapprochement résultant de la mondialisation.


Je remercie chacun d’entre vous du partenariat exceptionnel qui nous a lié au cours des 10 années pendant lesquelles j’ai exercé les fonctions de Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.  Cette tâche aurait été impossible sans le soutien de vos gouvernements et de vos peuples.  Je vous présente tous mes vœux de réussite dans vos entreprises futures. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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