En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/10508

LA DIVERSITÉ DE VOS ORIGINES ME CONFORTE DANS L’IDÉE QUE LE CHOC DES CIVILISATIONS N’EXISTE PAS, DÉCLARE KOFI ANNAN AUX DIPLOMÉS DE L’ÉCOLE INTERNATIONALE DE L’ONU

9 juin 2006
Secrétaire généralSG/SM/10508
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

LA DIVERSITÉ DE VOS ORIGINES ME CONFORTE DANS L’IDÉE QUE LE CHOC DES CIVILISATIONS N’EXISTE PAS, D É CLARE KOFI ANNAN AUX DIPLOM É S DE L’ÉCOLE INTERNATIONALE DE L’ONU


On trouvera ci-après l’allocution prononcée par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à la cérémonie de remise des diplômes de l’École internationale des Nations Unies, le 9 juin 2006:


Chers amis de la promotion 2006, c’est un plaisir que d’être parmi vous en ce jour.  Permettez-moi de vous féliciter pour votre ardeur au travail et votre persévérance, sans lesquelles vous ne seriez pas ici aujourd’hui.  Permettez-moi également de féliciter vos amis et votre famille venus partager ce moment de joie, et de les remercier en votre nom pour le soutien et les encouragements qu’ils vous ont prodigués.


Ils sont à juste titre fiers de votre réussite et je suis certain qu’ils misent beaucoup sur vous.


Tout comme moi, d’ailleurs.


Car vous n’êtes pas que des membres de la famille des Nations Unies: vous êtes aussi son avenir.  Votre école est la plus cosmopolite de la plus cosmopolite des villes du monde.  Vous vous exprimez en hongrois et en hindi, en arabe et en allemand, et même, j’imagine, en verlan et en haïkus, soit dans près de 90 langues au total!


En tant qu’ancien Président du Conseil d’administration de l’UNIS, je suis fier d’être associé à une école qui incarne l’idéal des Nations Unies, une école où des élèves de toutes nationalités, religions et origines ethniques vivent et étudient en parfaite harmonie.  Cette harmonie entre les peuples est la raison d’être de l’ONU, et l’ONU, c’est vous.  On pourrait même dire que c’est vous qui être le vrai visage des Nations Unies, et non les pays parfois divisés dont les représentants siègent habituellement dans cette salle.


Je n’irai pas jusque-là.  J’estime en effet que le dialogue et le débat sont essentiels au progrès de l’humanité.  La raison pour laquelle cette salle est si importante, pour ne pas dire sacrée, c’est qu’elle a vocation à réunir des citoyens et des dirigeants du monde entier afin qu’ils examinent les problèmes prioritaires du moment et les règlent non par la violence mais par le dialogue.


C’est à présent votre tour.


Grâce au diplôme que allez recevoir, vous êtes tous fin prêts pour aborder la prochaine étape de votre vie.  Nombre d’entre vous, si ce n’est la majorité, entreront directement à l’université, tandis que certains préféreront peut-être faire une pause, pour voyager, travailler, faire du bénévolat ou trouver leur voie, avant de poursuivre leurs études.  C’est un choix tout aussi respectable! J’ai d’ailleurs entendu dire que le Ghana est un charmant pays pour s’adonner au tourisme…


Quels que soient les choix que vous ferez, dans vos études et dans votre vie, vous voici désormais des citoyens du monde responsables.


Votre cursus, et le diplôme qui le sanctionne, vous ouvriront d’innombrables portes.  Ils vous ont préparés à une vie faite de recherches et de découvertes, de questions et de réponses, d’apprentissage et d’action.  J’espère qu’ils vous ont également préparés à vous acquitter de la responsabilité qui vous incombe à l’égard des autres habitants de cette planète, dont très peu ont, ou ont eu, les mêmes chances et les mêmes privilèges que vous.


Je sais qu’il n’est pas aisé de s’en acquitter.  Il est toujours plus facile de le dire que de le faire.


N’oublions pas cependant que le monde est littéralement un village planétaire.  L’essor des technologies, des voyages et des échanges commerciaux nous a tous rendus plus interdépendants que jamais.  Grâce aux moyens de communication actuels, nous ne sommes plus qu’à quelques nanosecondes des antipodes.


En conséquence, ce qui se produit à un bout de la terre est susceptible d’avoir des effets considérables sur un grand nombre de personnes vivant à l’autre bout.


Bien sûr, je ne parle pas seulement de la stupeur qu’a provoquée dans le monde entier l’élimination de Chris Daughtry, de l’émission American Idol.  Ni même du fait que des milliards d’amoureux du ballon rond ont retenu leur souffle au coup d’envoi de la Coupe du monde de football, donné aujourd’hui.


Je veux aussi parler de ces dessins de presse qui, publiés dans un pays, ont provoqué une vague d’indignation à plusieurs milliers de kilomètres de distance, ou de ces attentats terroristes qui ont profondément marqué les émotions et, parfois, les actes des hommes et des femmes qui en ont été les témoins à travers le monde.


Je suppose que tout cela n’est pas vraiment nouveau pour vous.  Vous êtes entrés au lycée au lendemain du 11 septembre 2001.  Les attentats à la bombe commis à Londres le 7 juillet 2005 se sont produits pendant que vous étudiiez à l’UNIS.  Des guerres ont éclaté en Iraq, en Afghanistan et au Soudan.  Des innocents continuent de mourir en Israël et dans les territoires palestiniens.  En Afrique, la pandémie de sida ne semble pas près de s’essouffler, et le virus se propage à une vitesse alarmante en Asie, en Europe de l’Est et dans les Caraïbes.


La nature aussi s’est montrée cruelle.  Le tsunami et le tremblement de terre qui ont fait tant de ravage en Asie ont violé en toute impunité les frontières internationales, et l’ouragan Katrina a manifesté bien peu de respect pour la vie ou la propriété.  Plus récemment, le tremblement de terre qui a frappé l’Indonésie a tué des milliers de personnes et privé de toit des centaines de milliers d’autres.


Dans un monde interdépendant, nul ne peut rester indifférent à de telles souffrances, ou se croire à l’abri.  C’est pourquoi j’espère que vous quitterez l’UNIS non seulement instruits, mais aussi le cœur ouvert, car voilà bien le seul fondement de la véritable érudition et du véritable humanisme.


Je suis convaincu que chacun d’entre vous peut développer cette qualité qu’est l’altruisme, à une condition : vous devez avoir le courage de croire en ce que vous faites pour autrui.  N’attendez pas pour montrer la voie, pour faire changer les choses: vous avez un rôle important à jouer dès maintenant! Vous pouvez être utiles dès aujourd’hui!


D’ailleurs, vous êtes déjà en train de faire bouger les choses, en érigeant le multiculturalisme en mode de vie, en embrassant la diversité et en faisant preuve d’ouverture d’esprit; j’espère que vous ne me donnerez pas tort.  D’aucuns évoquent un choc des civilisations.  La diversité de vos origines me conforte dans l’idée que ce choc n’existe pas.  Si choc il y a, il n’implique que des individus à l’esprit fermé.


J’espère que vous continuerez d’appliquer à l’extérieur les valeurs qui vous ont été inculquées à l’École internationale des Nations Unies, à savoir la compréhension, l’ouverture d’esprit, le civisme, le respect et le dialogue interculturel.  Vous vous rendrez compte que si vous mettez ces valeurs en pratique, les mêmes que celles que défend l’ONU, vous acquerrez naturellement les qualités requises pour devenir de parfaits citoyens du monde.


L’instruction dont vous êtes les dépositaires est exactement ce dont l’humanité a besoin à l’heure actuelle pour échapper à l’apathie et au désespoir.  Souvenez-vous qu’il y a toujours eu et qu’il y aura toujours des gens qui font bouger les choses.


Pensez à Nelson Mandela, dont l’intégrité, le courage et les convictions inébranlables lui ont valu de devenir Président après avoir connu la prison.  Pensez à Aung San Suu Kyi, qui demeure une puissante incarnation des valeurs de la démocratie après des années d’assignation à résidence et d’incarcération au Myanmar.  Pensez au chanteur de rock Bono, qui a usé de sa notoriété pour inciter les gouvernements du monde entier à prendre des mesures pour que la dette africaine soit annulée et que la lutte contre le VIH/sida s’intensifie.


Leurs vies respectives peuvent être pour nous tous une source d’inspiration, une incitation à agir, même très modestement, même s’il y a fort à parier que vos contributions ne seront pas modestes du tout.


Chers amis, il y a un siècle, Woodrow Wilson a déclaré : « Nous sommes des citoyens du monde.  Le drame de notre époque, c’est que nous n’en sommes pas conscients ».


Aujourd’hui, nous sommes conscients de nos responsabilités.  Le drame de notre époque serait de les négliger.


Lauréats de la promotion 2006, je sais que vous ne le ferez pas.  Le monde vous tend les bras, et je sais que vous y entrerez en citoyens engagés.


Je sais que vous saurez vous rendre utiles.


Comment?


C’est à vous et à vous seuls d’en décider.


Félicitations encore, et bonne chance!


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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